Résumé législatif du Projet de loi C-11

Résumé Législatif
Résumé législatif du projet de loi C-11 : Loi modifiant la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (priorité d’emploi aux anciens combattants blessés)
Jean-Rodrigue Paré, Division des affaires juridiques et sociales
Publication no 41-2-C11-F
PDF 380, (8 Pages) PDF
2014-02-04

1 Contexte

Le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (titre abrégé : « Loi sur la priorité d’emploi aux anciens combattants blessés »), a été déposé à la Chambre des communes le 7 novembre 2013 par le ministre de la Défense nationale, l’honorable Rob Nicholson, au nom du ministre des Anciens Combattants, l’honorable Julian Fantino. Il modifie la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (LEFP) 1 afin d’accorder la priorité de nomination au sein de la fonction publique fédérale aux membres des Forces canadiennes (FC) qui ont été libérés de leur service militaire pour des raisons médicales attribuables à leur service.

La LEFP a été édictée en tant que partie 3 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique le 7 novembre 2003, et elle est entrée en vigueur le 31 décembre 2005. Elle régit le processus de dotation pour la fonction publique fédérale, c’est-à-dire pour le personnel de toutes les institutions énumérées aux annexes I, IV et V de la Loi sur la gestion des finances publiques 2.

La LEFP confie à la Commission de la fonction publique du Canada (CFP) la mission de recruter et de nommer des personnes qualifiées aux postes offerts dans la fonction publique. La CFP peut déléguer ce pouvoir aux administrateurs généraux de chacune des institutions fédérales assujetties à la LEFP, et prévoir les modalités d’exemption. Les administrateurs généraux font rapport de l’usage de leur délégation à la CFP, qui dépose au Parlement son évaluation de la conformité des pratiques de dotation des institutions fédérales à la LEFP.

La LEFP et le Règlement sur l’emploi dans la fonction publique (REFP) 3 prévoient que certaines catégories de personnes répondant à des critères particuliers jouissent d’une priorité absolue de nomination à des postes de la fonction publique fédérale. Sous réserve que les candidats admissibles possèdent les qualifications essentielles du poste et que la préférence est d’abord accordée aux citoyens canadiens 4, les priorités absolues prévues par la LEFP respectent l’ordre de préséance suivant :

  1. le fonctionnaire excédentaire au sein de son organisation, c’est-à-dire auquel on a indiqué qu’il serait « mis en disponibilité 5 » - mais qui ne l’a pas encore été - parce que ses services ne sont plus nécessaires faute de travail, à cause de la suppression d’une fonction ou en raison du transfert du travail ou de la fonction à l’extérieur de la fonction publique (art. 40 de la LEFP);
  2. le fonctionnaire en congé dont le poste est doté pour une durée indéterminée ou le remplaçant d’un fonctionnaire en congé, si ce remplaçant est nommé pour une période indéterminée, les deux jouissant d’une priorité absolue jusqu’à un an après le retour du fonctionnaire en congé (al. 41(1)a) et 41(1)b) de la LEFP);
  3. la personne déjà mise en disponibilité parce que ses services ne sont plus nécessaires pour les raisons énumérées au point 1 (par. 41(4) de la LEFP);
  4. les personnes ou catégories de personnes suivantes désignées par le REFP en application de l’alinéa 22(2)a) de la LEFP, lesquelles jouissent au quatrième rang d’un droit de priorité absolue, mais sans ordre de préséance :
    • le fonctionnaire excédentaire d’une autre organisation fédérale dont les services ne sont plus requis, et ce, avant que sa mise en disponibilité prenne effet (art. 5 du REFP);
    • le fonctionnaire qui devient handicapé et ne peut plus exercer les fonctions du poste qu’il occupe (art. 7 du REFP);
    • le membre des FC ou de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) qui est libéré ou renvoyé pour des raisons médicales (art. 8 du REFP);
    • l’époux ou le conjoint de fait survivant d’un fonctionnaire ou d’un membre des FC ou de la GRC décédé dans l’exercice de ses fonctions (art. 8.1 du REFP);
    • le fonctionnaire en congé suite à la réinstallation de son époux ou conjoint de fait (art. 9 du REFP);
    • le fonctionnaire qui bénéficie d’une priorité et qui a été nommé ou muté à un poste de niveau inférieur dans la fonction publique (art. 10 du REFP).

À l’heure actuelle, la priorité de nomination absolue dont bénéficient les membres des FC libérés pour des raisons médicales - liées au service ou non - figure à égalité avec d’autres au quatrième rang dans l’ordre des priorités prévu par la LEFP.

Le projet de loi C-11 ajoute un droit de priorité absolue de nomination qui aura préséance sur tous les autres. Ce droit sera accordé aux membres des FC libérés pour des raisons médicales, à condition que ces raisons soient attribuables à leur service militaire. Autrement dit, ce droit crée une distinction entre les membres des FC libérés pour des raisons médicales attribuables à leur service et les membres des FC libérés pour des raisons médicales non attribuables à leur service. Ces derniers continueront de bénéficier du droit de priorité prévu au REFP - mais dorénavant pour une période plus longue -, alors que la priorité de ceux dont la libération pour des raisons médicales est attribuable au service aura préséance sur celle de tout autre groupe désigné dans la LEFP ou le REFP.

À l’heure actuelle, le REFP prévoit que les membres des FC libérés pour des raisons médicales ont :

  • jusqu’à cinq ans après leur libération pour faire valoir leur droit à la priorité absolue de nomination, s’il est attesté à l’intérieur de cette période qu’ils sont aptes à retourner au travail;
  • jusqu’à deux ans, à partir de la date à laquelle ils font valoir leur droit, pour jouir de cette priorité et se porter candidats à des postes.

Selon les déclarations du ministre Fantino, le REFP serait modifié pour que la priorité soit valide durant les cinq années suivant la date où le membre des FC fait valoir son droit. La modification au REFP devrait permettre à tous ceux qui ont été libérés pour des raisons médicales - attribuables ou non au service - de bénéficier de ce nouveau délai de cinq ans. En outre, la définition des personnes considérées comme ayant fait partie du personnel des FC inclura désormais les services d’administration et d’instruction des organisations de cadets, ainsi que les Rangers 6.

2 Description et analyse

2.1 Priorité absolue de nomination pour les membres des Forces canadiennes libérés pour des raisons médicales liées au service (art. 5)

L’article 5 est l’article central du projet de loi. Il crée le nouvel article 39.1 de la LEFP, en vertu duquel la plus haute priorité de nomination absolue à un poste de la fonction publique est accordée aux militaires des FC libérés pour raisons médicales attribuables à leur service.

2.2 Rétroactivité au 1er avril 2012 (art. 9)

L’article 9 du projet de loi a pour effet de rendre les dispositions du projet de loi rétroactives au 1er avril 2012. Il permet donc à un militaire des FC qui a été libéré pour des raisons médicales attribuables au service et qui a fait valoir son statut prioritaire en vertu du REFP depuis le 1er avril 2012 de bénéficier de la plus haute priorité de nomination absolue pendant les cinq années qui suivent le début de cette priorité, une fois le projet de loi entré en vigueur, au lieu des deux années que prévoit actuellement le REFP. Bénéficieront également de cette prolongation les vétérans dont l’ancien statut prioritaire de deux ans est venu à échéance après le 1er avril 2012, mais avant l’entrée en vigueur du projet de loi.

2.3 Création d’une nomination en priorité et conséquences (art. 2 à 4)

En vertu de l’alinéa 22(2)a) de la LEFP, la CFP peut déterminer quelles personnes bénéficieront d’un droit de priorité en vertu du REFP. Ces droits réglementaires sont les derniers dans l’ordre de préséance des droits de priorité. L’article 2 du projet de loi fait figurer le nouvel article 39.1 au haut de la liste des droits de priorité qui ont préséance sur ceux prévus dans le REFP.

Selon le Guide sur l’administration des priorités de la Commission de la fonction publique :

Les bénéficiaires de priorité sont tenus de posséder uniquement les qualifications essentielles visées à l’alinéa 30(2)a) de la LEFP et les conditions d’emploi du poste pour y être nommés. Ces personnes ne sont pas tenues de satisfaire aux autres critères de mérite, comme les qualifications constituant un atout, les exigences opérationnelles ou les besoins organisationnels actuels ou futurs 7 [SOULIGNÉ DANS L’ORIGINAL].

L’article 3 du projet de loi étend cette exemption aux militaires des FC libérés pour des raisons médicales attribuables au service qui bénéficient d’un droit de priorité.

Le paragraphe 39(1) de la LEFP énonce la préférence accordée, sous réserve de certaines priorités, aux « citoyens canadiens 8 » lors d’un « processus de nomination externe annoncé », c’est-à-dire lorsque le concours n’est pas limité aux personnes qui sont déjà membres de la fonction publique. L’article 4 du projet de loi ajoute aux priorités mentionnées celle que prévoit le nouvel article 39.1 de la LEFP, à savoir les militaires des FC qui ont été libérés pour des raisons médicales attribuables au service et qui possèdent les qualifications essentielles.

2.4 Exclusion des nominations en priorité (art. 6 et 7)

2.4.1 Création d’une priorité pour une autre personne (art. 6)

L’article 43 de la LEFP prévoit le pouvoir discrétionnaire de la CFP de ne pas appliquer un droit de priorité lorsqu’il aurait comme conséquence, par effet de cascade, de créer un nouveau droit de priorité en obligeant à déclarer un autre fonctionnaire excédentaire. L’article 6 du projet de loi ajoute la mention du nouvel article 39.1, et par conséquent, ajoute à la liste des droits de priorité que la CFP peut choisir de ne pas appliquer celui des militaires des FC libérés pour des raisons médicales attribuables au service.

2.4.2 Mutations (art. 7)

En vertu du paragraphe 53(2) de la LEFP, l’administrateur général d’une institution fédérale peut ne pas tenir compte des droits de priorité dans le cas d’une mutation. L’article 7 du projet de loi ajoute la mention du nouvel article 39.1, ce qui a pour effet d’ajouter le droit de priorité des militaires libérés pour des raisons médicales attribuables au service à ceux dont l’administrateur peut ne pas tenir compte.

2.4.3 Plaintes concernant les nominations internes (art. 8)

Selon l’article 87 de la LEFP, les nominations découlant de l’exercice d’un droit de priorité ne peuvent pas faire l’objet d’un recours auprès du Tribunal de la dotation de la fonction publique. L’article 8 du projet de loi ajoute le droit de priorité des militaires libérés pour des raisons médicales attribuables au service à la liste de ceux en vertu desquels des nominations ne peuvent pas faire l’objet d’un tel recours.

3 Commentaire

Lors du débat en deuxième lecture qui s’est déroulé à la Chambre des communes le 20 novembre 2013, les partis d’opposition se sont déclarés en faveur du projet de loi, tout en soulignant qu’il risquait de n’avoir qu’une incidence limitée sur l’emploi des vétérans dans la fonction publique fédérale 9.

Par ailleurs, l’ombudsman des vétérans, Guy Parent, s’est montré favorable au projet de loi dans son ensemble, mais a formulé des réserves quant à la distinction introduite entre les militaires libérés pour des raisons médicales attribuables au service et les militaires libérés pour des raisons médicales non attribuables au service :

À mon avis, tous les membres des Forces armées canadiennes qui sont libérés pour des raisons médicales doivent être traités de la même manière, puisqu’il existe une relation inhérente au service pour toutes ces personnes, étant donné qu’elles ne peuvent plus continuer à servir en uniforme 10.

Sur le plan administratif, le député Sylvain Chicoine (Châteauguay-Saint-Constant) a soulevé le fait que le projet de loi ne précise pas à qui il incombe de déterminer si les raisons médicales ayant mené à la libération sont attribuables au service militaire ou non et que cette situation peut poser problème dans le contexte du projet de loi 11.

À l’heure actuelle, en effet, la décision de libérer un membre des FC pour des raisons médicales appartient aux FC, alors que le soin de confirmer le lien entre les raisons médicales et le service militaire revient à Anciens Combattants Canada. Le vétéran qui est d’avis que sa libération pour des raisons médicales est attribuable à son service militaire peut, si le Ministère n’est pas du même avis, se faire entendre en appel par le Tribunal des anciens combattants (Révision et appel). Ce processus peut être long et risque d’abréger ou de faire disparaître pour l’intéressé la période de priorité qui lui est accordée par le projet de loi. Il faudra attendre la publication des modifications au REFP pour bien comprendre comment cette question sera traitée.


Notes

*  Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur. Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur.Retour au texte ]

  1. Loi sur l’emploi dans la fonction publique (LEPF), L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13. [ Retour au texte ]
  2. Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. 1985, ch. F-11. [ Retour au texte ]
  3. Règlement sur l’emploi dans la fonction publique, DORS/2005-334. [ Retour au texte ]
  4. En fait, les al. 39(1)a) et 39(1)b) de la LEFP donnent la même préférence aux « pensionnés de guerre », aux « anciens combattants » et à leurs « survivants », mais ne s’appliquent qu’aux vétérans de la Seconde Guerre mondiale. Ils sont donc en pratique caducs, du fait qu’il ne reste vraisemblablement que peu de survivants dont l’âge pourrait encore leur permettre de faire valoir ce droit à une préférence. [ Retour au texte ]
  5. Cette priorité de nomination n’est valable que durant la période précédant la mise en disponibilité, et à l’intérieur d’une même institution fédérale. [ Retour au texte ]
  6. Chambre des communes, Comité permanent des anciens combattants, Témoignages, 2e session, 41e législature, 19 novembre 2013, 1158 (l’honorable Julian Fantino, ministre des Anciens Combattants); Chambre des communes, Débats, 2e session, 41e législature, 20 novembre 2013, 1520 à 1525 (l’honorable Julian Fantino, ministre des Anciens Combattants); voir aussi Anciens Combattants Canada, Le gouvernement du Canada annonce la priorité d’embauche pour les vétérans blessés, communiqué, 7 novembre 2013. [ Retour au texte ]
  7. Commission de la fonction publique du Canada, Guide sur l’administration des priorités de la Commission de la fonction publique, partie I : « Renseignements généraux visant touse les types de priorité », section 1.3 : « Nature des droits de priorité ». [ Retour au texte ]
  8. Voir la note 4. [ Retour au texte ]
  9. Chambre des communes, Débats (20 novembre 2013), 1520 à 1725. [ Retour au texte ]
  10. Guy Parent, ombudsman des vétérans, Changements au recrutement prioritaire des vétérans dans la fonction publique, blogue, 15 novembre 2013. [ Retour au texte ]
  11. Chambre des communes, Débats (20 novembre 2013), 1555 à 1600. [ Retour au texte ]

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