Résumé législatif du Projet de loi C-13

Résumé Législatif
Projet de loi C-13 : Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques et la Loi sur la défense nationale
Robin MacKay, Division du droit et du gouvernement
Publication no 38-1-LS-490-F
PDF 109, (18 Pages) PDF
2004-11-09

Le projet de loi C‑13 : Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques et la Loi sur la défense nationale, a été présenté à la Chambre des communes le 15 octobre 2004(1).  Il a pour objet de modifier les dispositions du Code criminel(2) relatives au prélèvement de substances corporelles pour l’analyse génétique effectuée à des fins médicolégales et à l’inclusion des profils d’identification génétique dans la banque nationale de données génétiques.  Il apporte également des modifications corrélatives à la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques(3) et à la Loi sur la défense nationale(4).

Le projet de loi ajoute des infractions, y compris des infractions sexuelles maintenant abrogées, à la liste des infractions désignées du Code criminel (le Code), prévoit le prononcé d’une ordonnance de prélèvement pour inclusion du profil d’identification génétique dans la banque de données génétiques à l’égard de toute personne qui a commis une infraction désignée et qui a fait l’objet d’un verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux, établit un recours contre l’ordonnance de prélèvement pour inclusion du profil d’identification génétique dans la banque de données génétiques en cas d’irrégularité et prévoit la destruction des substances corporelles prélevées en vertu d’une telle ordonnance, oblige le contrevenant à se présenter aux date, heure et lieu fixés pour se soumettre au prélèvement de substances corporelles, et prévoit le prononcé d’une ordonnance de prélèvement après le prononcé de la peine.

Contexte

   A.  L’utilisation des empreintes génétiques

L’acide désoxyribonucléique (ADN) se retrouve dans les chromosomes des organismes vivants.  On estime que deux personnes, sauf les jumeaux identiques, ne peuvent avoir le même ADN.  À partir de cette donnée, l’ADN qui se trouve dans les substances corporelles présentes sur les lieux d’un crime peut être comparé à celui qu’on prélève sur un suspect, afin de déterminer si les deux échantillons proviennent de la même personne.  Ainsi, l’analyse génétique peut constituer un outil remarquable pour disculper un suspect ou confirmer une culpabilité.

L’analyse génétique est utilisée dans les poursuites criminelles au Canada depuis 1988.  Les décisions rendues par les tribunaux, y compris la Cour suprême du Canada, menaçaient l’admissibilité de cet élément de preuve en cour, en particulier dans les cas où les échantillons biologiques avaient été prélevés sans le consentement de l’accusé(5).  En 1995, des modifications ont été apportées au Code pour établir les critères et la procédure de prélèvement des substances nécessaires à l’analyse génétique(6).  Ces modifications accordaient l’autorisation légale de recueillir des substances corporelles à des fins d’analyse génétique, même si cela devait porter atteinte à « l’intégrité physique ».

Les modifications apportées au Code autorisaient un juge de la cour provinciale à décerner un mandat s’il était convaincu qu’une infraction désignée avait été perpétrée.  Les infractions désignées consistaient de manière générale en des infractions graves entraînant des lésions corporelles dans le cas desquelles l’analyse génétique pourrait s’avérer utile.  Le juge devait être convaincu non seulement qu’il existait des motifs raisonnables de croire que la saisie et l’analyse génétique subséquente permettraient d’obtenir des éléments de preuve, mais aussi que la délivrance du mandat servirait au mieux l’administration de la justice.  L’exécution du mandat n’était pas subordonnée au consentement du suspect, et un agent de la paix était autorisé à détenir une personne contre laquelle un mandat avait été émis dans le but d’obtenir un échantillon.

Les modifications visaient aussi à circonscrire soigneusement l’utilisation des éléments de preuve obtenus en vertu du nouveau régime tout en respectant autant que faire se peut le droit de l’individu à la vie privée.  Ainsi, les substances corporelles ne pourraient être utilisées que dans le cadre d’une enquête relative à l’infraction désignée, et les éléments de preuve obtenus au moyen de l’analyse génétique des substances corporelles, que dans le cadre d’une enquête relative à toute autre infraction désignée.  Des mesures avaient été prévues pour la destruction des échantillons et des résultats de l’analyse s’il s’avérait que la personne dont provenait la substance n’avait pas commis l’infraction : il devait y avoir destruction une fois connus les résultats de l’analyse ou dès la levée des accusations qui pesaient contre le suspect (qu’il ait été acquitté, qu’il ait été libéré au terme de l’enquête préliminaire ou que les procédures aient cessé pour toute autre raison).  Il avait cependant été prévu qu’un juge pourrait ordonner le report de la destruction de la substance corporelle et des résultats pour la période qu’il estimait indiquée s’il était convaincu qu’ils pourraient être nécessaires pour une enquête ou une poursuite relative à une autre infraction désignée.

Une fois les modifications apportées au Code, le solliciteur général du Canada a cherché à obtenir l’avis du public sur la création d’une banque nationale de données génétiques qui faciliterait les enquêtes sur les crimes pour lesquels on n’a pas de suspect ou sur les infractions non résolues dont l’auteur a laissé ses empreintes génétiques(7).  En février 1997, le solliciteur général a publié un Sommaire des consultations, qui donne un aperçu des commentaires présentés(8).

   B.  La Loi sur l’identification par les empreintes génétiques

Après la période de consultation, le 25 septembre 1997, la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques a été présentée au Parlement sous la forme du projet de loi C‑3.  Elle a reçu la sanction royale le 10 décembre 1998 et a été proclamée en vigueur en deux étapes, le 8 mai 2000(9) et le 30 juin 2000(10).  La Loi devait fournir un cadre juridique servant à réglementer la conservation et, dans certains cas, la collecte de données génétiques et des échantillons biologiques dont elles proviennent(11).  Le projet de loi C‑3 a créé une banque nationale de données génétiques et modifié le Code en élargissant le pouvoir qu’ont les tribunaux d’ordonner le prélèvement d’échantillons biologiques pour analyse.  La banque de données est tenue par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et elle aide les organismes chargés de l’application de la loi à mener leurs enquêtes sur les crimes graves.  La Loi sur l’identification par les empreintes génétiques autorise le prélèvement et l’entreposage, pour analyse génétique, de substances corporelles provenant de toute personne reconnue coupable d’une infraction « désignée ».  Les nouvelles dispositions s’appliquaient également aux infractions commises avant l’entrée en vigueur de la Loi.  

La Loi a obligé le solliciteur général (maintenant le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile) à établir une banque nationale de donnés génétiques composée de deux fichiers.  Le « fichier de criminalistique » contient les profils d’identification génétique établis à partir de substances corporelles trouvées sur les lieux d’une « infraction désignée », sur la victime ou à l’intérieur de son corps ou sur toute personne ou chose liée à la perpétration d’une infraction désignée.  Le « fichier des condamnés » contient les profils d’identification génétique obtenus de contrevenants avec leur consentement ou en application d’une ordonnance du tribunal.  Le commissaire de la GRC reçoit les profils d’identification génétique pour dépôt à la banque de données.  Il les compare avec les profils enregistrés pour voir s’ils n’y sont pas déjà et fait part de toute concordance au laboratoire ou à l’organisme d’application de la loi compétent, à qui il communique également des renseignements sur le(s) crime(s) et le(s) contrevenant(s) avec lesquels le nouveau profil a permis d’établir un lien.  Ces renseignements peuvent être transmis aux organismes qui ont accès aux bases de données de casiers judiciaires existantes tenues par la GRC.  Les comparaisons de données et le partage d’information avec des organismes d’application de la loi étrangers sont autorisés, à la condition que soit intervenue une entente selon laquelle l’information peut être utilisée « aux seules fins d’une enquête ou d’une poursuite relative à une infraction criminelle ».

La communication ou l’utilisation d’un profil d’identification génétique est interdite, sauf pour l’application de la Loi.  Ordinairement, tout renseignement contenu dans le fichier des condamnés y est conservé pour une période indéterminée, sous réserve de la Loi sur le casier judiciaire(12).  Cependant, l’accès à cette information est supprimé une fois pour toutes si un condamné finit par être acquitté.  L’accès est également supprimé un an après une absolution inconditionnelle ou trois ans après une absolution sous conditions, à moins que la personne absoute ait été déclarée coupable d’une autre infraction dans l’intervalle.  Ainsi, les profils génétiques d’adultes condamnés demeurent normalement accessibles à moins d’une réhabilitation.  Des dispositions distinctes ont été prévues dans le projet de loi C‑3 pour ce qui est de la suppression de l’information concernant le profil génétique des jeunes contrevenants. 

Le commissaire de la GRC doit entreposer « en lieu sûr » les échantillons de substances corporelles reçus en vertu du Code et jugés nécessaires à l’analyse génétique; tout échantillon excédentaire doit être détruit « sans délai ».  Le commissaire a également le pouvoir d’ordonner de nouvelles analyses génétiques des échantillons entreposés, « en raison des progrès techniques importants intervenus ».  Les profils d’identification génétique établis à partir des substances corporelles entreposées sont transmis au commissaire pour dépôt au fichier des condamnés.  Il est interdit d’utiliser ou de transmettre les substances corporelles entreposées à d’autres fins qu’une analyse génétique médicolégale.  Le commissaire peut donner accès aux substances corporelles, pour assurer leur conservation ou les détruire lorsqu’elles ne sont plus nécessaires pour l’analyse.  Le commissaire est tenu de détruire les substances corporelles lorsqu’une personne est acquittée ou absoute, et les échantillons obtenus de personnes réhabilitées doivent être conservés à part des autres substances corporelles entreposées et ne peuvent servir à de nouvelles analyses.

Des peines sont prévues en cas d’utilisation d’échantillons biologiques ou de communication des résultats d’analyse génétique à des fins non prévues par la Loi.  La peine maximale est un emprisonnement maximal de deux ans en cas de déclaration de culpabilité par mise en accusation, ou une amende maximale de 2 000 $ et un emprisonnement maximal de six mois ou l’une de ces peines en cas de déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

Un Comité consultatif de la banque nationale de données génétiques a été constitué pour surveiller le fonctionnement de la banque de données(13).  Ce comité est composé du Commissaire à la protection de la vie privée du Canada et de représentants des milieux policier, juridique, scientifique et universitaire.  Il conseille le commissaire de la GRC sur toute question concernant l’établissement et le fonctionnement de la banque nationale de données génétiques.  En outre, le commissaire doit présenter un rapport annuel au Parlement sur le fonctionnement de la banque de données génétiques, et la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques doit faire l’objet d’un examen par un comité parlementaire en 2005.

   C.  Modifications au Code criminel

En plus d’établir une banque nationale de données génétiques, le projet de loi C‑3 a apporté de vastes modifications aux dispositions du Code se rapportant à l’analyse génétique effectuée à des fins médicolégales.  Ces modifications avaient pour objet de simplifier le régime de mandat autorisant le prélèvement pour analyse génétique.  Sont ainsi venus s’ajouter au Code les différents formulaires à utiliser pour obtenir ou délivrer des mandats ou ordonnances et faire rapport de leur exécution à un juge ou au tribunal.

L’article 487.04 du Code (définitions) a été modifié pour établir une distinction entre deux types d’infractions désignées – l’« infraction primaire » et l’« infraction secondaire » – et rattacher ainsi des conséquences différentes aux déclarations de culpabilité.  Les infractions primaires consistent essentiellement en des infractions violentes ou à caractère sexuel, dont bon nombre peuvent entraîner la perte ou l’échange de substances corporelles permettant d’identifier le coupable par analyse génétique.  Les infractions secondaires sont moins susceptibles de donner lieu à la perte ou à l’échange de substances corporelles, ce qui fait que, dans ces cas, les profils génétiques des contrevenants risquent d’être moins utiles en cour.

Les articles 487.051 à 487.091 du Code prévoient la création du régime régissant le prélèvement de substances corporelles des contrevenants pour analyse génétique et l’entreposage des résultats dans la banque nationale de données génétiques établie en vertu de la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques.  Ce régime repose sur trois dispositions de fond ajoutées par le projet de loi C‑3 : les articles 487.051, 487.052 et 487.055.

L’article 487.051 confère au tribunal qui déclare un adulte ou un adolescent coupable de certaines infractions le pouvoir d’autoriser le prélèvement de substances corporelles.  Dans le cas d’une infraction primaire, le tribunal est tenu de rendre une ordonnance autorisant le prélèvement pour analyse génétique, à moins que l’intéressé ne l’ait convaincu que l’ordonnance aurait sur sa vie privée et sa sécurité un effet « nettement démesuré » par rapport à l’intérêt public en ce qui touche la protection de la société.  Dans le cas d’une infraction secondaire, le tribunal peut rendre une ordonnance au même effet s’il est convaincu que cela servirait au mieux l’administration de la justice.  Pour décider s’il rend ou non l’ordonnance, le tribunal prend en compte l’impact qu’elle aurait sur la vie privée de l’intéressé et la sécurité de sa personne, son casier judiciaire, la nature de l’infraction et les circonstances de sa perpétration.  Le tribunal doit motiver sa décision, et l’article 487.054 accorde un droit d’appel au contrevenant et au poursuivant.

L’article 487.052 du Code autorise les tribunaux à ordonner le prélèvement d’échantillons pour analyse génétique lorsqu’une personne est déclarée coupable d’une infraction désignée commise avant l’entrée en vigueur de la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques, ce qui confère au projet de loi C‑3 un caractère rétroactif.  Le poursuivant doit en faire la demande et, pour décider s’il rend ou non l’ordonnance en question, le tribunal se fonde sur les critères utilisés dans les cas d’infraction secondaire.  Dans ce cas également, l’article 487.054 reconnaît au contrevenant et au poursuivant le droit d’interjeter appel d’une ordonnance rendue en application de cette disposition.

A aussi un effet rétroactif l’article 487.055 qui permet à un tribunal d’ordonner le prélèvement d’échantillons corporels pour analyse génétique chez certains contrevenants condamnés avant l’entrée en vigueur du projet de loi C‑3.  Sur demande ex parte (sans avis), un juge peut rendre une ordonnance à l’égard de quiconque a été déclaré délinquant dangereux, a été déclaré coupable de plusieurs meurtres commis à différents moments ou a été déclaré coupable de plus d’une des infractions sexuelles indiquées et qui purge une peine d’emprisonnement d’au moins deux ans.  La définition d’« infraction sexuelle » inclut les agressions sexuelles ainsi que la plupart des infractions sexuelles visant des enfants.  Pour décider s’il délivre l’autorisation, le juge prend en compte les mêmes facteurs que dans le cas d’une ordonnance rendue après la perpétration d’une infraction secondaire.  Les contrevenants libérés sous conditions doivent faire l’objet d’une sommation exigeant qu’ils se soumettent au prélèvement de substances corporelles; s’ils ne se présentent pas, un mandat d’arrestation peut être délivré pour l’application de la loi.

L’article 487.056 prévoit que des prélèvements doivent être faits, par un agent de la paix ou toute autre personne agissant sous son autorité, au moment où l’intéressé est déclaré coupable ou absous, selon le cas, ou le plus tôt possible après que l’autorisation a été accordée, même quand un appel a été interjeté.  L’article  487.057 oblige un agent de la paix à déposer un rapport écrit sur le prélèvement de substances corporelles auprès du tribunal qui a autorisé ce prélèvement.  Si un profil d’identification génétique n’a pu être établi à partir des échantillons de substances corporelles obtenus conformément aux articles 487.051, 487.052, ou 487.055, l’article 487.091 prévoit qu’une demande ex parte peut être présentée à un juge de la cour provinciale afin qu’il autorise le prélèvement des échantillons supplémentaires nécessaires.  Selon l’article 487.071, les résultats des analyses génétiques doivent être transmis au commissaire de la GRC pour dépôt au fichier des condamnés.  Tous les échantillons non utilisés doivent aussi être transmis au commissaire dans le cadre de la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques.

L’article 487.08 du Code a été élargi de manière à ce que l’utilisation des substances corporelles et des résultats de leur analyse génétique soit limitée.  Les deux peuvent cependant être utilisés dans le cadre d’une enquête relative à une infraction désignée et peuvent également être transmis au commissaire de la GRC.  Quiconque utilise des substances corporelles et les résultats d’analyse à des fins non autorisées se rend coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de deux ans ou coupable d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et passible d’une amende maximale de 2 000 $ et d’un emprisonnement maximal de six mois, ou de l’une de ces deux peines.

   D.  Dispositions de la Loi sur la défense nationale

Le 29 juin 2000, le projet de loi S‑10 : Loi modifiant la Loi sur la défense nationale, la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques et le Code criminel, a reçu la sanction royale(14). Ce projet de loi a modifié la Loi sur la défense nationale de manière à permettre à un juge militaire de délivrer un mandat permettant de prélever des substances corporelles en vue d’une analyse génétique lorsqu’il y a enquête sur une infraction désignée commise par une personne assujettie au code de discipline militaire.  La liste des « infractions secondaires » a été élargie pour inclure certaines infractions propres à la Loi sur la défense militaire.  Le projet de loi S‑10 a également autorisé un juge militaire à ordonner le prélèvement de substances corporelles sur un militaire reconnu coupable d’une infraction désignée, pour dépôt dans la banque nationale de données génétiques.  L’autorité conférée au juge militaire est comparable à celle qui est conférée à un juge de la cour provinciale au titre du Code.

Le projet de loi S‑10 a aussi apporté des modifications corrélatives à la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques et au Code.  Ces modifications autorisaient le dépôt, dans la banque nationale de données génétiques, des substances corporelles prélevées en vertu d’une ordonnance ou d’une autorisation d’un juge militaire, ainsi que des profils d’identification génétique connexes.  Les modifications au Code avaient pour but d’étendre aux substances corporelles prélevées en application de la Loi sur la défense nationale l’interdiction d’utiliser les résultats des analyses génétiques à des fins autres que celles prévues.

Description et analyse

Le projet de loi C‑13 contient 31 articles.  Dans la description qui suit, nous mettons en lumière certains aspects du projet de loi sans passer en revue chacun des articles.

   A.  Article 1 : Ajout d’infractions

L’article 1 du projet de loi ajoute un certain nombre d’infractions à l’article 487.04 du Code (la section des définitions pour l’analyse génétique effectuée à des fins médicolégales).  Les infractions ajoutées à la liste des infractions primaires sont les suivantes : exploitation à des fins sexuelles d’une personne atteinte d’une déficience, décharger un fusil à vent ou à gaz comprimé dans l’intention de mettre la vie d’une personne en danger ou de la blesser, administrer une substance délétère dans l’intention de mettre la vie d’une personne en danger ou de lui causer des lésions corporelles, vaincre la résistance à la perpétration d’une infraction, vol qualifié (auparavant sur la liste des infractions secondaires), extorsion, introduction par effraction dans une maison d’habitation (auparavant sur la liste des infractions secondaires) et intimidation d’une personne associée au système judiciaire ou d’un journaliste.  Les autres infractions ajoutées à la liste des infractions primaires sont les suivantes : infractions relatives à la pornographie juvénile (auparavant sur la liste des infractions secondaires); séduction d’un enfant, le proxénétisme et infractions qualifiées relatives à des prostitués mineurs et obtention des services sexuels d’une personne de moins de 18 ans.  Les infractions suivantes qui figuraient dans des versions antérieures du Code sont venues s’ajouter à la liste des infractions primaires : attentat à la pudeur contre une personne du sexe féminin, attentat à la pudeur contre une personne du sexe masculin et grossière indécence.  Les personnes ayant commis antérieurement une infraction à caractère sexuel sont ainsi assujetties à la loi.  Dans le cas de chacune de ces nouvelles infractions, le tribunal devra, conformément à l’alinéa 487.051(1)a) du Code, rendre une ordonnance autorisant le prélèvement d’échantillons pour analyse génétique.  Le tribunal ne sera cependant pas tenu de rendre l’ordonnance en question s’il est convaincu que l’intéressé a établi qu’elle aurait, sur sa vie privée et la sécurité de sa personne, un effet nettement démesuré par rapport à l’intérêt public en ce qui touche la protection de la société et la bonne administration de la justice, que visent à assurer la découverte, l’arrestation et la condamnation rapides des contrevenants.

L’article 1 ajoute aussi certaines infractions à la liste des infractions secondaires, dont celles-ci : harcèlement criminel, proférer des menaces, introduction par effraction dans un endroit autre qu’une maison d’habitation, se trouver illégalement dans une maison d’habitation, intimidation, incendie criminel causant des dommages matériels, incendie criminel avec intention frauduleuse, participation aux activités d’une organisation criminelle, commettre une infraction au profit d’une organisation criminelle et charger une personne de commettre une infraction au profit d’une organisation criminelle.  Dans le cas de chacune de ces nouvelles infractions, le tribunal pourra en vertu de l’alinéa 487.051(1)b) du Code rendre une ordonnance autorisant le prélèvement d’échantillons pour analyse génétique.  Avant de rendre une telle ordonnance, le tribunal prendra en compte l’effet qu’elle aurait sur la vie privée de l’intéressé et la sécurité de sa personne, son casier judiciaire, la nature de l’infraction et les circonstances de sa perpétration.

   B.  Articles 3 et 4 : Dispositions relatives aux troubles mentaux

L’article 3 du projet de loi modifie le paragraphe 487.051(1) du Code de telle sorte qu’une ordonnance autorisant le prélèvement, pour analyse génétique, d’un échantillon de substances corporelles pourra être rendue en cas de verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux.  Cela représente un changement par rapport à l’ancienne disposition selon laquelle un échantillon ne pouvait être prélevé que si la personne avait été déclarée coupable, avait fait l’objet d’une absolution, sous conditions ou inconditionnelle, ou, dans le cas d’un adolescent, avait été reconnue coupable d’une infraction désignée.  En outre, pour décider s’il rendra ou non une ordonnance de prélèvement à l’endroit d’une personne ayant commis une infraction secondaire, le tribunal tiendra compte du fait que celle-ci a ou non déjà fait l’objet d’un verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux.  Cela conférera un effet rétroactif aux nouvelles dispositions relatives aux troubles mentaux.

L’article 3 du projet de loi ajoute également une nouvelle disposition qui autorise un tribunal à ordonner à une personne qui doit fournir un échantillon de substances corporelles pour analyse génétique de se présenter aux date, heure et lieu fixés pour se soumettre au prélèvement.  Cette disposition facilitera l’administration des tests dans les cas où les ordonnances de prélèvement n’auront pas été rendues au moment du prononcé de la peine.

L’article 4 du projet de loi étend les nouvelles dispositions relatives aux troubles mentaux à l’article 487.052 du Code, qui se rapporte aux infractions commises avant l’entrée en vigueur de la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques le 30 juin 2000.  Dans le cas de ces infractions antérieures, les personnes qui font l’objet d’un verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux pourraient devoir fournir un échantillon de substances corporelles pour analyse génétique.  L’article 4 remplace aussi l’article 487.053 du Code et prévoit qu’une ordonnance relative à la banque de données génétiques peut être rendue après le prononcé de la peine.  Le tribunal peut fixer la date et l’heure d’une audience en vue de décider s’il y a lieu de rendre l’ordonnance; il reste saisi de l’affaire et peut obliger l’intéressé à assister à l’audience.

   C.  Article 5 : Élargissement de la liste des infractions visées par le dispositif rétroactif

L’article 5 du projet de loi remplace l’article 487.055 du Code,qui porte sur les ordonnances de prélèvement pour inclusion du profil d’identification génétique dans la banque de données génétiques prononcées à l’égard de toute personne reconnue coupable d’une infraction avant l’entrée en vigueur de la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques le 30 juin 2000.  Le nouvel article élargit la liste des infractions sexuelles visées par le dispositif rétroactif en ajoutant les infractions sexuelles antérieures comme l’attentat à la pudeur et la grossière indécence.  Une nouvelle catégorie de contrevenants sera également ajoutée à la liste des contrevenants pouvant être visés par le dispositif rétroactif, soit les personnes qui ont commis un meurtre et une agression sexuelle à différents moments.

   D.  Articles 6 et 7 : Moment de la collecte d’un échantillon d’ADN

L’article 6 du projet de loi remplace le paragraphe 487.056(1) du Code et autorise un tribunal à rendre une ordonnance de prélèvement d’ADN aux date, heure et lieu précisés dans l’ordonnance.  Cela permet de prélever un échantillon à n’importe quel moment, et non uniquement au moment du prononcé de la sentence du contrevenant.  L’article 7 du projet de loi ajoute l’article 487.0561 au Code et autorise un juge de la paix à délivrer un mandat d’arrestation lorsque l’intéressé ne se présente pas aux date, heure et lieu fixés dans l’ordonnance visée au paragraphe 487.056(1), afin de permettre que soit effectué le prélèvement.

   E.  Article 11 : Examen des échantillons en cas d’irrégularité

L’article 11 du projet de loi ajoute l’article 487.0911 au Code.  Cette disposition créera une procédure d’examen des échantillons prélevés en exécution d’une ordonnance relative à la banque de données génétiques auprès de contrevenants qui n’ont pas été reconnus coupables d’une infraction désignée.  Si une ordonnance ou une autorisation de prélèvement d’échantillon semble comporter une erreur, le commissaire de la Gendarmerie royale en avisera le procureur général de la province ou du territoire, qui procédera alors à l’examen de l’ordonnance ou de l’autorisation et du dossier judiciaire.  S’il estime qu’il s’agit d’une erreur d’écriture, le procureur général demandera ex parte au juge qui a rendu l’ordonnance ou donné l’autorisation de corriger celle-ci, puis il transmettra au commissaire de la GRC un double de la version corrigée.  Toutefois, s’il estime que l’infraction mentionnée dans l’ordonnance ou l’autorisation n’est pas une infraction désignée, le procureur général demandera à un juge de la Cour d’appel d’annuler l’ordonnance ou l’autorisation et transmettra copie de l’ordonnance d’annulation au commissaire de la GRC.

  F.  Articles 14 à 22 : Modifications à la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques

La Loi sur l’identification par les empreintes génétiques sera modifiée de manière à ce qu’il soit tenu compte de l’adoption de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents(15).  Ainsi, l’article 14 du projet de loi élargit la définition du terme « adolescent » pour qu’il s’entende au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents ou de la Loi sur les jeunes contrevenants(16), selon celle des deux qui était en vigueur au moment où l’adolescent a commis une infraction désignée.  Les articles 14 à 17 du projet de loi modifient également la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques de manière à ce qu’il soit tenu compte des dispositions de la Loi sur la défense nationale se rapportant à l’analyse génétique effectuée à des fins médicolégales.  Ces mêmes dispositions sont modifiées dans le projet de loi C‑13 (voir ci-dessous) pour que le système de justice militaire demeure conforme au système de justice civile.

L’article 16 du projet de loi modifie la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques de manière à ce qu’il soit tenu compte de l’ajout de l’article 487.0911 au Code.  Comme il est indiqué ci-dessus, ce nouvel article créera une procédure d’examen des échantillons prélevés en exécution d’une ordonnance relative à la banque de données génétiques à l’égard de contrevenants qui n’ont pas été reconnus coupables d’une infraction désignée.  L’article 16 ajoutera les paragraphes 5.1 et 5.2 à la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques de manière à permettre la destruction des substances corporelles prélevées en vertu d’une ordonnance ou d’une autorisation ainsi que des renseignements qui l’accompagnent en cas d’annulation de l’ordonnance ou de l’autorisation.  Des mesures sont également prévues pour la destruction des substances corporelles et des renseignements conservés si le procureur général ne donne pas suite dans un délai de 180 jours à un avis l’informant qu’une ordonnance relative à la banque de données génétiques pourrait être défectueuse.  Ces dispositions permettront donc de purger assez rapidement la banque de données génétiques de toute information douteuse.

L’article 19 du projet de loi remplace l’article 9.1 de la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques par un article qui tient compte de la promulgation de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.  L’article 9.1 précisera dorénavant que tout renseignement contenu dans le fichier des condamnés qui concerne un adolescent déclaré coupable d’une infraction désignée doit être rendu définitivement inaccessible au moment où le dossier de l’adolescent qui a trait à cette infraction doit être détruit, scellé ou transmis à l’archiviste national au titre de la partie 6 de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.  Dans le même ordre d’idées, l’article 21 du projet de loi remplace l’article 10.1 de la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques par une disposition selon laquelle les substances corporelles d’un adolescent déclaré coupable d’une infraction désignée doivent être détruites au moment où le dossier de l’adolescent qui a trait à cette infraction doit être détruit, scellé ou transmis à l’archiviste national au titre de la partie 6 de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.

   G.  Articles 23 à 30 : Modifications à la Loi sur la défense nationale

Les dispositions de la section 6.1 de la Loi sur la défense nationale, « Analyse génétique à des fins médicolégales », sont modifiées en fonction des modifications apportées au Code.  Par conséquent, la définition d’« infraction primaire » est modifiée et des mesures sont prévues pour qu’une ordonnance relative à la banque de données génétiques puisse être rendue s’il y a verdict de non-responsabilité pour cause de troubles mentaux dans le cas d’une infraction désignée.  Des mesures sont également prévues pour le prélèvement de substances corporelles à un moment autre que celui du prononcé de la peine.  Les nouveaux articles du Code et de la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques se rapportant aux échantillons prélevés irrégulièrement ont trouvé leur écho dans l’ajout de l’article 196.241 à la Loi sur la défense nationale, selon lequel le directeur des poursuites militaires doit procéder à l’examen de toute ordonnance ou autorisation relative à la banque de données génétiques qui semble comporter une erreur et la corriger, le cas échéant.

   H.  Article 31 : Entrée en vigueur

Les dispositions du projet de loi C‑13 entrent en vigueur à la date ou aux dates fixées par décret.

Commentaire

Le chef du Service de police de Toronto, Julian Fantino, a déclaré que le Canada devrait suivre l’exemple de l’Angleterre et autoriser la police à prélever un échantillon d’ADN au moment de l’arrestation(17).  Il a fait remarquer que la base de données britannique renferme plus de deux millions de profils génétiques et que chaque semaine, elle fournit 1 700 réponses liant des suspects à des scènes de crime.  Pour sa part, la base de données du Canada renferme 65 406 échantillons de contrevenants reconnus coupables et 16 901 échantillons provenant de crimes non résolus(18).  M. Fantino estime que les modifications proposées dans le projet de loi C-13 ne sont pas adéquates et les a décrites comme étant au mieux des solutions fragmentaires(19).  Ses sentiments sont partagés par l’inspecteur d’état-major Bruce Smollet, chef de l’escouade des crimes sexuels de Toronto, qui a déclaré qu’un prélèvement buccal d’ADN devrait être fait au moment d’une arrestation, car il n’est pas plus invasif que la prise des empreintes digitales.  Une telle procédure permettrait de condamner les coupables et d’acquitter les innocents(20).


*    Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur.  Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur.

(1)   Le projet de loi C-13 est semblable au projet de loi C-35, qui a été présenté au cours de la 3e session de la 37e législature et qui est mort au Feuilleton à la dissolution de la 37e législature en mai 2004.

(2)   L.R.C. 1985, ch. C-46.

(3)    L.C. 1998, ch. 37.

(4)   L.R.C. 1985, ch. N-5.

(5)    Dans les affaires R. c. Borden, [1994] 3 R.C.S. 145, et R. c. Stillman, [1997] 1 R.C.S. 607, la Cour suprême a jugé inadmissibles en preuve les substances corporelles prélevées, parce que la police les avait obtenues sans avoir obtenu le consentement de l’accusé et sans avoir demandé préalablement l’autorisation judiciaire de le faire.  Le prélèvement de substances corporelles ne pouvait se justifier comme fouille accessoire à une arrestation et constituait une violation des art. 7 et 8 de la Charte.

(6)   Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur les jeunes contrevenants (analyse génétique à des fins médicolégales), L.C. 1995, ch. 27.

(7)  Voir le document sur la Banque de données génétiques sur le site Web de Sécurité publique et Protection civile Canada.

(8) Voir le Sommaire des consultations sur le site Web de Sécurité publique et Protection civile Canada.

(9) TR/2000-37.

(10)   TR/2000-60.

(11)  Pour une discussion plus approfondie du projet de loi C‑3, voir le résumé législatif préparé par la Bibliothèque du Parlement.

(12)   L.R.C. 1985, ch. C-47.  En vertu de l’art. 6 de la Loi sur le casier judiciaire, il faut conserver séparément des autres casiers judiciaires ceux pour lesquels un pardon a été accordé et ne pas les dévoiler sans l’autorisation préalable du solliciteur général.  L’art. 25 du projet de loi C‑3 précise clairement que le dossier judiciaire relatif à la condamnation comprend tout renseignement afférent à celle-ci contenu dans le fichier des condamnés de la banque nationale de données génétiques.

(14)   L.C. 2000, ch. 10.

(15)   L.C. 2002, ch. 1.

(16)   L.R.C. 1985, ch. Y-1.

(17)  Toronto Star, 19 octobre 2004, p. B-2.

(18)  Le Devoir, 16 octobre 2004, p. A-6.

(19)  Toronto Star, 19 octobre 2004, p. B-2.

(20)  The Toronto Sun, 19 octobre 2004, p. 22.

 


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