Résumé législatif du projet de loi C-13 : Loi modifiant le Code criminel (paris sur des épreuves sportives)

Résumé Législatif
Résumé législatif du projet de loi C-13 : Loi modifiant le Code criminel (paris sur des épreuves sportives)
Cynthia Kirkby, Division des affaires juridiques et sociales
Publication no 43-2-C13-F
PDF 1879, (8 Pages) PDF
2020-12-21

Table des matières

Dans ce résumé législatif, tout changement d’importance depuis la dernière publication est indiqué en caractères gras.


1 Contexte

Le projet de loi C-13, Loi modifiant le Code criminel (paris sur des épreuves sportives), a été déposé à la Chambre des communes le 26 novembre 2020 par le ministre de la Justice 1. Un énoncé concernant la Charte pour ce projet de loi a été déposé le 9 décembre 2020 2.

Le projet de loi C-13 modifie la définition de « loterie » énoncée à l’alinéa 207(4)b) du Code criminel (le Code3. L’effet de cette modification est décrit comme décriminalisant les paris sur une épreuve sportive au Canada tout en maintenant le rôle de surveillance du gouvernement fédéral à l’égard du pari mutuel sur les courses de chevaux 4.

Plusieurs projets de loi d’initiative parlementaire déposés au cours des dernières années visaient l’abrogation de l’alinéa 207(4)b) du Code dans son intégralité 5. De ces projets de loi, celui qui a franchi le plus grand nombre d’étapes est le projet de loi C-290, Loi modifiant le Code criminel (paris sportifs), déposé au cours de la première session de la 41e législature, qui en était à l’étape de la troisième lecture au Sénat lorsqu’il est mort au Feuilleton.

1.1 Structure législative des dispositions pertinentes, y compris les « loteries »

La structure de base des dispositions du droit pénal fédéral sur le jeu est que « le jeu est interdit, sauf lorsque le Code le permet expressément 6 ». Il convient de souligner que l’article 206 du Code prévoit diverses infractions mixtes, décrites comme des infractions relatives aux « loteries et jeux de hasard », tandis que l’article 207 du Code autorise certaines activités « par dérogation » aux autres dispositions, dont l’article 206. La Commission des alcools et des jeux de l’Ontario résume en termes simples l’article 207 :

[L’article 207 du Code] autorise précisément des « loteries » s’il s’agit :
  • de loteries « mises sur pied et exploitées » par la province en conformité avec la législation de la province (alinéa 207(1)a));
  • de loteries « mises sur pied et exploitées » par un organisme de charité ou un organisme religieux autorisé en vertu d’une licence délivrée par une autorité compétente provinciale si le produit de la loterie est utilisé à des fins charitables ou religieuses (alinéa 207(1)b));
  • de loteries « mises sur pied et exploitées » par le conseil d’une foire ou d’une exposition ou l’exploitant d’une concession louée auprès du conseil (alinéa 207(1)c)) 7.

Chacun de ces exemples dépend de la signification de « loterie », qui est à son tour définie au paragraphe 207(4) du Code :

Pour l’application du présent article, loterie s’entend des jeux, moyens, systèmes, dispositifs ou opérations mentionnés aux alinéas 206(1)a) à g), qu’ils soient ou non associés au pari, à la vente d’une mise collective ou à des paris collectifs, à l’exception de ce qui suit :
  1. un jeu de bonneteau, une planchette à poinçonner ou une table à monnaie;
  2. le bookmaking, la vente d’une mise collective ou l’inscription ou la prise de paris, y compris les paris faits par mise collective ou par un système de paris collectifs ou de pari mutuel sur une course ou un combat, ou une épreuve ou manifestation sportive;
  3. pour l’application des alinéas (1)b) à f), un jeu de dés ou les jeux, moyens, systèmes, dispositifs ou opérations mentionnés aux alinéas 206(1)a) à g) qui sont exploités par un ordinateur, un dispositif électronique de visualisation ou un appareil à sous ou à l’aide de ceux-ci.

Par conséquent, les provinces ne sont actuellement pas autorisées à mettre sur pied et à exploiter les types de « loteries » décrits aux alinéas 207(4)a) à 207(4)c), y compris les paris sur une seule épreuve sportive dont il est question à l’alinéa 207(4)b).

1.2 Paris sur une seule épreuve sportive et pari mutuel

Dans le cadre de l’étude du projet de loi C-290, Michael Lipton, associé principal chez Dickinson Wright LLP, a fourni l’explication suivante au sujet de la différence entre les paris sur une seule épreuve sportive (décriminalisés par le projet de loi C-13) et les paris mutuels sur les courses de chevaux (qui demeurent sous la supervision du gouvernement fédéral en vertu du projet de loi C-13) :

Les paris sur les courses de chevaux au Canada reposent sur le principe de la mutualisation des paris, ce qui présente très peu de risques pour l’exploitant de paris. Tous les paris d’un certain type sont regroupés en une masse commune. On prélève la marge brute, et on calcule le pourcentage de rendement sur les cotes en divisant les gains entre les paris gagnants. Le totalisateur est l’instrument qui sert à calculer et à afficher les mises qui sont déjà placées. Au moyen du totalisateur, le preneur de paris affiche les cotes approximatives qu’il prévoit recevoir […]

Voilà donc pourquoi les parieurs doivent attendre jusqu’au début de la course, lorsque les mises ne seront plus acceptées, pour connaître les cotes réelles qu’ils recevront […]

Le pari sur une seule épreuve sportive […] est un pari à cote fixe, ce qui est très différent. Il s’agit d’une forme spécialisée de pari qui exige un savoir-faire réel et qui doit être géré soigneusement par des experts afin d’être rentable […]

[D]ans le domaine des paris à cote fixe, […] le parieur connaît les cotes exactes qu’il recevra au moment de placer sa mise. Contrairement au pari mutuel, les parieurs qui misent sur le même résultat ne reçoivent pas tous les mêmes cotes parce que celles-ci peuvent varier selon les sommes misées sur chaque résultat. En fait, le preneur de paris est tenu d’évaluer les cotes et de les rajuster activement pour s’assurer qu’il fera un profit, peu importe le résultat 8.

Il est généralement entendu que les paris sur une seule épreuve sportive ont été interdits afin d’éviter la possibilité de trucage des jeux. En lieu et place,

[à] l’heure actuelle, les Canadiens ne sont autorisés à parier sur des événements sportifs qu’au moyen d’un « pari progressif », c’est à dire qu’ils doivent parier sur au moins deux jeux et en prédire correctement le résultat pour gagner 9.

Bien que cette approche soit vue comme un moyen de réduire la possibilité de trucage des jeux – « puisque la probabilité de pouvoir truquer plusieurs jeux sans lien entre eux est très faible 10 » –, elle a également été critiquée du fait qu’elle rend le jeu légal moins attrayant. Lors de l’étude du projet de loi C-290, des témoins ont déclaré qu’en raison des restrictions juridiques imposées – surtout à une époque de mobilité accrue et d’Internet –, les Canadiens sont à même de miser des milliards de dollars en paris illégaux chaque année :

Un examen des rapports annuels du Service canadien de renseignements criminels révèle que les paris illégaux existent dans toutes les régions du Canada, et que, au bout du compte, c’est le crime organisé qui en profite. On ne connaît pas la taille du marché canadien, mais on estime qu’il représente plus de 10 milliards de dollars, voire jusqu’à 40 milliards de dollars, par année.

Il y a eu une hausse importante des paris sportifs sur Internet au cours de la dernière décennie; selon les estimations, les Canadiens parient pour presque 4 milliards de dollars par année auprès des preneurs de paris sportifs étrangers 11.

Un changement important en ce qui concerne les paris sur une seule épreuve sportive s’est opéré en 2018, alors que la Cour suprême des États-Unis a invalidé une loi fédérale qui interdisait à la plupart des États d’autoriser les paris sportifs 12. Par la suite, « au moins 12 États américains, dont New York, le New Jersey et le Michigan, ont adopté une loi autorisant les paris sur une épreuve sportive » et « plusieurs partenariats importants [ont été] établis entre des fournisseurs de paris sportifs américains et la LNH, la NBA, la MLB et la MLS 13 ». Certaines de ces organisations sportives se sont opposées au projet de loi C-290 14.

Comme il a été mentionné précédemment, le projet de loi C-290 aurait abrogé l’alinéa 207(4)b) dans son entièreté, y compris la mention des paris pris sur « une course », tandis que le projet de loi C-13 maintient le rôle de surveillance du gouvernement fédéral à l’égard du pari mutuel sur les courses de chevaux. En ce qui concerne ce rôle, M. Lipton a fait référence à un accord intergouvernemental conclu avec les dix provinces en 1985 et en vertu duquel le gouvernement fédéral s’engageait à « respecter la compétence exclusive des provinces dans le domaine des paris autres que les paris sur les courses hippiques 15 ». Il a en outre expliqué que la structure actuelle des dispositions du Code sur les jeux et les paris a été établie conformément à cet accord.

L’article 204 du Code décrit le rôle du gouvernement fédéral en ce qui concerne les paris mutuels sur les courses de chevaux, y compris la surveillance par le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire. En pratique, les systèmes de pari mutuel sont réglementés par l’Agence canadienne du pari mutuel, « un organisme de service spécial qui relève du ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire 16 ». De plus, le paragraphe 204(4) du Code stipule qu’une fraction du montant total des mises effectuées par l’entremise du système de pari mutuel doit être versée au receveur général 17. Les revenus tirés de ce prélèvement sur les paris mutuels s’élevaient à 9 628 000 $ en 2019 18.

2 Description et analyse

Le projet de loi C-13 comporte deux articles.

L’article 1 du projet de loi modifie la définition de « loterie » énoncée au paragraphe 207(4) du Code. Plus précisément, l’alinéa b) est modifié afin qu’il continue d’exclure seulement les courses de chevaux des types de loteries que les provinces sont autorisées à exploiter. Le « bookmaking, la vente d’une mise collective ou l’inscription ou la prise de paris » sur les autres courses, combats et épreuves ou manifestations sportives ne sont plus exclus. Cette modification semble avoir pour effet de maintenir le statu quo en ce qui concerne le rôle du gouvernement fédéral en matière de paris sur les courses de chevaux, tout en décriminalisant les autres types de paris afin que les provinces puissent établir des loteries à leur égard.

L’article 2 indique que cette modification entre en vigueur à la date fixée par décret.


Notes

*  Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur. Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur.Retour au texte ]

  1. Projet de loi C-13, Loi modifiant le Code criminel (paris sur des épreuves sportives), 43e législature, 2e session. [ Retour au texte ]
  2. Ministère de la Justice Canada, Projet de loi C-13 : Loi modifiant le Code criminel (paris sur des épreuves sportives), énoncé concernant la Charte, 9 décembre 2020. [ Retour au texte ]
  3. Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46. [ Retour au texte ]
  4. Ministère de la Justice Canada, Le gouvernement fédéral dépose un projet de loi visant à décriminaliser les paris sur un seul événement sportif au Canada, soutenant le marché de l’emploi, communiqué, 26 novembre 2020. [ Retour au texte ]
  5. Projet de loi C-627, Loi modifiant le Code criminel (paris sportifs), 40e législature, 3e session; Projet de loi C-290, Loi modifiant le Code criminel (paris sportifs), 41e législature, 1re session (rétabli à la 41e législature, 2e session); Projet de loi C-221, Loi modifiant le Code criminel (paris sportifs), 42e législature, 1re session; et Projet de loi C-218, Loi modifiant le Code criminel (paris sportifs), 43e législature, 1re session (rétabli à la 43e législature, 2e session). [ Retour au texte ]
  6. Hal Pruden, « An Overview of the Gambling Provisions in Canadian Criminal Law and First Nations Gambling pdf (2,05 Mo, 4 pages) », Journal of Aboriginal Economic Development, vol. 2, no 2, 2002, p. 13 [TRADUCTION]. [ Retour au texte ]
  7. Commission des alcools et des jeux de l’Ontario, Code criminel. [ Retour au texte ]
  8. Sénat, Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles (LCJC), Témoignages, 18 octobre 2012 (Michael Lipton, associé principal, Dickinson Wright LLP, à titre personnel). [ Retour au texte ]
  9. Bryson A. Stokes, Mike Maodus et Jennifer Crawford, « Single-Event Sports Betting: Will Bill C-218 Parlay Its Way Through Parliament? Some Would Like to Bet on It », Perspectives Blakes, 2 mars 2020 [TRADUCTION]. [ Retour au texte ]
  10. Ron Segev et Eric Kroshus, « Single Game Sports Betting: Legalization Looming? », blogue de Segev LLP, 5 mars 2020 [TRADUCTION]. [ Retour au texte ]
  11. LCJC, Témoignages, 17 octobre 2012 (Bill Rutsey, président-directeur général, Association canadienne du jeu). [ Retour au texte ]
  12. Ariane de Vogue et Maegan Vazquez, « Supreme Court let states legalize sports gambling », CNNPolitics, 14 mai 2018. [ Retour au texte ]
  13. Bryson A. Stokes, Mike Maodus et Jennifer Crawford, « Single-Event Sports Betting: Will Bill C-218 Parlay Its Way Through Parliament? Some Would Like to Bet on It », Perspectives Blakes, 2 mars 2020 [TRADUCTION]. [ Retour au texte ]
  14. Voir, par exemple, le mémoire de la Ligue nationale de hockey pdf (108 Ko, 3 pages) au LCJC. [ Retour au texte ]
  15. LCJC, Témoignages, 18 octobre 2012 (Michael Lipton, associé principal, Dickinson Wright LLP, à titre personnel). Un exemplaire de l’accord de 1985 figure uniquement en annexe à la version anglaise du mémoire présenté au LCJC par Kevin J. Weber, également de Dickinson Wright LLP. Voir Kevin J. Weber, Dickinson Wright LLP, Standing Senate Committee on Legal and Constitutional Affairs: Bill C-290, An Act to amend the Criminal Code (sports betting) pdf (372 Ko, 16 pages). [ Retour au texte ]
  16. Ministère de la Justice Canada, Modifications proposées au Code criminel du Canada concernant les paris sportifs, document d’information. Voir aussi Gouvernement du Canada, Agence canadienne du pari mutuel. [ Retour au texte ]
  17. Selon le Décret sur les cotisations à payer pour la surveillance du pari mutuel, cette fraction est de « huit dixièmes pour cent ». Décret sur les cotisations à payer pour la surveillance du pari mutuel, TR/83 72, art. 2. [ Retour au texte ]
  18. Gouvernement du Canada, « État des résultats et de l’actif net pour l’exercice clos le 31 mars », Fonds renouvelable de l’Agence canadienne du pari mutuel. [ Retour au texte ]

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