Le 13 novembre 2007, l’honorable Peter Van Loan, alors leader du gouvernement à la Chambre des communes et ministre de la réforme démocratique, a déposé le projet de loi C‑20 : Loi prévoyant la consultation des électeurs en ce qui touche leurs choix concernant la nomination des sénateurs (titre abrégé : Loi sur les consultations concernant la nomination des sénateurs) à la Chambre des communes. Le projet de loi avait d’abord été présenté lors de la première session de la 39e législature sous le numéro C‑43. En date de la prorogation, le projet de loi C‑43 attendait la deuxième lecture à la Chambre des communes.
Comme son titre l’indique, le projet de loi C-20 crée un mécanisme de consultation des électeurs pour connaître leurs préférences au sujet de la nomination des sénateurs qui représenteront leur province.
Il s’agit du deuxième projet de loi ayant trait au Sénat, qui a été déposé par le gouvernement au cours de la 39e législature. En effet, durant la première session, le gouvernement avait présenté le projet de loi S‑4 : Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 (durée du mandat des sénateurs). Le 19 juin 2007, le Sénat a décidé de ne pas procéder à la troisième lecture du projet de loi S‑4 tant que la Cour suprême du Canada n’aurait pas rendu une décision quant à sa constitutionnalité. Le projet de loi S‑4 a été présenté de nouveau à la deuxième session sous le numéro C‑19 à la Chambre des communes.
Lorsqu’il s’est adressé au Comité sénatorial spécial sur la réforme du Sénat le 7 septembre 2006, le premier ministre Stephen Harper a déclaré : « Pour honorer l’engagement qu’il a pris de rendre le Sénat plus efficace et démocratique, le gouvernement présentera, de préférence cet automne, un projet de loi sur les élections sénatoriales. »
Le préambule du projet de loi C-20 décrit expressément le processus de détermination des préférences des électeurs concernant la nomination des sénateurs comme une mesure prise en attendant l’adoption d’une modification constitutionnelle conformément au paragraphe 38(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, pour prévoir un mode d’élection directe des sénateurs.
Le projet de loi énonce les procédures « d’élection » des candidats à des sièges au Sénat et constitue ainsi une Loi électorale du Canada en miniature. Il reprend, directement ou par renvoi, plusieurs dispositions fondamentales de la Loi électorale du Canada. À cet égard, le paragraphe 2(2) du projet de loi prévoit que les termes et expressions employés dans celui-ci « sauf indication contraire […] s’entendent au sens de la Loi électorale du Canada ».
Les sénateurs sont nommés (ou « mandés ») par le gouverneur général en vertu de l’article 24 de la Loi constitutionnelle de 1867(1). Selon une convention constitutionnelle, les nominations effectuées au Sénat par le gouverneur général sont recommandées par le premier ministre, dont c’est une prérogative particulière (2).
L’article 23 de la même loi prévoit les qualités exigées des sénateurs. Un futur sénateur doit être sujet de Sa Majesté, être âgé d’au moins 30 ans, être domicilié dans la province pour laquelle il est nommé et y posséder des biens immobiliers d’une valeur d’au moins 4 000 $ (sauf au Québec, où il doit être domicilié ou posséder des biens immobiliers dans la circonscription électorale où il est nommé).
Depuis la Confédération, le Sénat et, plus particulièrement, le mode de sélection des sénateurs, ont fait l’objet de très nombreux projets de réforme. Déjà en 1874, la Chambre des communes débattait une motion du député David Mills portant que la Constitution doit être modifiée pour conférer à chaque province le pouvoir de choisir ses propres sénateurs(3). À la première Conférence interprovinciale de 1887, les premiers ministres provinciaux ont adopté une résolution portant que la moitié des membres du Sénat seront nommés par le gouvernement fédéral et l’autre moitié, par les gouvernements provinciaux(4).
Par la suite, on s’est peu intéressé à la réforme du Sénat, et ce, jusqu’à la fin des années 1960. En 1969, une proposition du gouvernement fédéral, à l’occasion de la Conférence constitutionnelle a repris la résolution de 1887 et suggéré que les sénateurs soient choisis en partie par le gouvernement fédéral et en partie par les gouvernements provinciaux, et que les sénateurs choisis par les provinces soient nommés par les gouvernements provinciaux, avec ou sans l’approbation des assemblées législatives, selon les dispositions de chaque Constitution provinciale(5). C’est en s’inspirant de cette proposition que le rapport déposé en 1972 par le Comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes sur la Constitution du Canada recommandait que les sénateurs continuent d’être nommés par le gouvernement fédéral, mais que la moitié d’entre eux soient sélectionnés parmi un groupe de candidats choisis par les gouvernements provinciaux et territoriaux(6).
En 1978, la proposition du gouvernement du Canada intitulée Le temps d’agir invitait au renouvellement de la Constitution, avec une Chambre de la fédération qui remplacerait le Sénat et laisserait aux provinces un rôle dans la sélection de ses membres(7). Le projet de loi C‑60 a été déposé et a fait l’objet d’une première lecture à la Chambre des communes le 20 juin 1978. Il prévoyait que la moitié des sénateurs d’une province serait choisie par la Chambre des communes après chaque élection générale et l’autre moitié, par l’assemblée législative de la province après chaque élection générale également(8). En 1979, cependant, la Cour suprême du Canada a statué que le Parlement ne pouvait pas unilatéralement modifier le Sénat si cela devait modifier ses caractéristiques fondamentales ou essentielles, par exemple le mode de sélection des sénateurs(9). La même année, le Groupe de travail Pépin‑Robarts sur l’unité canadienne recommandait l’abolition du Sénat et la création d’un Conseil de la fédération qui serait composé de délégations provinciales dirigées par un responsable de rang ministériel ou, à l’occasion, par le premier ministre de la province(10).
En 1982, la Constitution du Canada était rapatriée. L’alinéa 42(1)b) de la Loi constitutionnelle de 1982 prévoit expressément que le mode de sélection des sénateurs doit être approuvé par le Sénat, la Chambre des communes et au moins les deux tiers des provinces composant au moins 50 p. 100 de la population canadienne.
En 1984, le Comité mixte spécial sur la réforme du Sénat recommandait que les sénateurs soient élus directement(11). La Commission royale sur l’union économique et les perspectives de développement du Canada a également recommandé, en 1985, que les sénateurs soient élus et que les élections à la Chambre des communes et au Sénat aient lieu en même temps(12).
En 1987, les premiers ministres des provinces s’entendaient sur une réforme constitutionnelle, l’Accord du Lac Meech. Aux termes de cet accord, lorsqu’un siège devenait vacant au Sénat, le gouvernement de la province représentée par ce siège pouvait proposer une liste de candidats. L’Accord prévoyait également que cette procédure de nomination s’appliquerait en attendant que les législatures provinciales approuvent l’Accord constitutionnel (13). Quoique ceci n’ait pas été prévu dans l’entente, le 16 octobre 1989, l’Alberta a organisé des élections en vertu de sa récente Senatorial Selection Act(14). C’est Stan Waters, candidat du Parti réformiste, qui a été élu. Il a été nommé au Sénat le 11 juin 1990. Le 23 du même mois, cependant, l’Accord du Lac Meech s’éteignait faute d’avoir reçu l’approbation du Manitoba et de Terre‑Neuve.
L’Accord de Charlottetown de 1992 prévoyait une modification de la Constitution pour que les sénateurs puissent être élus par la population ou par les députés provinciaux et territoriaux. Selon l’Accord, chaque province aurait été dotée de six sénateurs et chaque territoire en aurait eu un, et les Autochtones auraient eux aussi été représentés. L’Accord a été rejeté dans le cadre d’un référendum national tenu le 26 octobre 1992.
Le 19 octobre 1998, les Albertains ont élu Bert Brown et Ted Morton comme candidats au Sénat à l’occasion d’élections tenues dans le cadre des élections municipales de la province. Le 22 novembre 2004, ils ont élu Cliff Breitkreuz, Link Byfield et Betty Unger, et réélu Bert Brown comme candidats au Sénat, dans le cadre des élections générales dans la province. M. Brown a été nommé le 10 juillet 2007.
En 1990, la Colombie‑Britannique a adopté la Senatorial Selection Act(15), très semblable à la loi albertaine, mais aucune élection n’a jamais eu lieu sous son régime. Cette loi comportait une disposition d’extinction et elle est devenue caduque depuis. Par ailleurs, divers projets de loi d’initiative parlementaire fédéraux et provinciaux relatifs à des élections consultatives pour la nomination des sénateurs ont été déposés, mais aucun n’a été adopté (16).
La partie 1 du projet de loi énonce les pouvoirs et attributions relatifs à l’administration du nouveau processus de « consultation ». Le directeur général des élections (DGE) dirige et surveille à titre général le déroulement des consultations et il a le pouvoir d’exercer les fonctions nécessaires à l’application du projet de loi (art. 3).
L’article 4 confère au DGE le pouvoir d’adapter les dispositions du projet de loi dans les cas d’urgence et dans des circonstances exceptionnelles et imprévues (mesure similaire à l’art. 17 de la Loi électorale du Canada (LEC). Le DGE peut aussi mettre en œuvre des programmes d’éducation et d’information populaire pour mieux faire connaître le processus de consultation à la population (art. 5; disposition similaire à l’art. 18 de la LEC).
Le DGE nomme les agents de consultation et les membres du personnel nécessaires à l’application du projet de loi (art. 6). Les agents de consultation jouent un rôle apparemment semblable à celui des directeurs de scrutin en vertu de la LEC. Le projet de loi donne peu de détails sur le mandat de ces agents, et il n’y est pas non plus question du chevauchement ou double emploi qui pourrait exister entre ce rôle et celui des directeurs du scrutin. Les agents sont censés exercer leurs fonctions conformément aux instructions établies par le DGE pour le déroulement d’une consultation (par. 6(3)). Le paragraphe 50(2) dispose que le DGE ou un agent de consultation peut trancher toute question soulevée par l’opposition.
Selon l’article 9, les articles 540 (sauf le par. 540(2)), 543 et 546 à 549 de la LEC s’appliquent, avec les adaptations nécessaires, à toute consultation. Ces articles ont trait aux questions suivantes :
L’article 11 prévoit que les fonds nécessaires à l’application du projet de loi doivent être prélevés sur les fonds non attribués du Trésor.
Le projet de loi dispose que le gouverneur général peut ordonner que la consultation des électeurs d’une province ait lieu dans le cadre d’élections générales soit à la Chambre des communes ou à la législature d’une province (par. 12(1) et 13(1)). Il ne prévoit pas de consultation dans le cadre d’élections générales territoriales, et ne prévoit pas non plus de consultation à d’autres moments qu’à celui d’élections générales fédérales ou provinciales.
Un décret de consultation doit préciser, pour chaque province, le nombre de sièges au Sénat pour lesquels les électeurs doivent être consultés (al. 12(2)a) et 13(4)a)), ce qui pourrait signifier que le décret peut préciser que le nombre de sièges pour lesquels la consultation est menée est plus élevé ou moins élevé que le nombre de sièges vacants.
Le jour du scrutin pour la consultation est le jour des élections générales soit au fédéral ou dans la province (al. 12(2)c) et 13(4)c)), à moins que, dans une circonscription électorale, le bref soit retiré ou l’élection soit reportée ainsi que le prévoient les articles 59(17) et 77(18) de la LEC. Dans ce cas, la consultation dans cette circonscription est reportée au nouveau jour fixé pour l’élection (art. 14).
Lorsque la consultation a lieu au cours des élections générales dans une province, le DGE peut conclure une entente avec toute personne ou tout organisme chargé du déroulement des élections dans la province et il a le pouvoir d’adapter les dispositions du projet de loi pour faciliter le processus (par. 13(2)).
Si la consultation a lieu dans le cadre d’élections générales dans une province, un avis du décret doit être publié dans la Gazette du Canada au moins six mois avant la date de prise du décret (par. 13(3)).
Lorsqu’un décret de consultation est adopté, le DGE doit adresser à tous les directeurs de scrutin de la province concernée un avis de consultation fournissant des renseignements sur les candidatures, le jour du scrutin et le processus de consultation. Ces avis seront distribués et affichés selon les modalités fixées par le DGE (art. 15).
Si, le 23e jour précédant le jour du scrutin, le nombre des candidats confirmés par le DGE est inférieur ou égal au nombre de sièges au Sénat pour lesquels les électeurs sont invités à donner leur avis, la consultation n’a pas lieu (art. 16). Si le nombre de candidats d’une province est supérieur au nombre de sièges au Sénat pour lesquels les électeurs sont consultés, le DGE prend les mesures nécessaires pour organiser la consultation. Les renseignements relatifs aux candidats sont ensuite envoyés aux directeurs de scrutin et affichés dans leurs bureaux (art. 17).
L’article 18 du projet de loi prévoit que, à certaines exceptions près (voir plus loin), tout citoyen du Canada âgé d’au moins 30 ans peut se porter candidat dans une province. L’âge est l’une des qualités exigées des sénateurs à l’article 23 de la Loi constitutionnelle de 1867. Cependant, si la Constitution exige que l’intéressé soit âgé de 30 ans ou plus à la date de sa nomination, il semble que le projet de loi ajoute que le candidat doit avoir 30 ans révolus à la date de sa mise en candidature. Cette condition pourrait exclure de la consultation certains candidats éventuels qui atteindraient l’âge de 30 ans entre la date de la consultation et la date de la nomination et qui, par ailleurs, posséderaient toutes les qualités exigées par la Constitution. Il semble également y avoir une différence entre l’article 18 du projet de loi, qui prévoit qu’un candidat doit être un citoyen canadien, et l’article 23 de la Loi constitutionnelle de 1867, qui dispose que les sénateurs doivent être des sujets de Sa Majesté. Les autres qualités exigées à l’article 23 de la Loi constitutionnelle de 1867 ne sont pas mentionnées dans le projet de loi.
Le DGE, le directeur général adjoint des élections, les agents de consultation, les agents électoraux et les candidats à une consultation dans une autre province ne peuvent pas être candidats (art. 18). Il ne semble pas être interdit d’être à la fois candidat à un siège de sénateur et à un siège de député fédéral ou provincial.
L’acte de candidature d’un candidat éventuel doit indiquer, entre autres, les noms, adresses et signatures attestées d’au moins 100 électeurs de la province où la consultation doit avoir lieu (al. 19(1)e)). Les candidats doivent également verser un cautionnement de 1 000 $ au DGE (al. 21(1)b)).
Dans le cadre d’une consultation dans une province, un parti politique ne peut soutenir un nombre de candidats supérieur au nombre de sièges de sénateur pour lesquels les électeurs sont consultés (par. 20(1)). Une déclaration écrite, signée par le chef du parti indiquant qu’un candidat éventuel est soutenu par le parti doit être remise au DGE (al. 21(1)d)).
La déclaration de candidature doit être remise au DGE avant 14 h le 25e jour précédant le jour du scrutin (« jour de clôture ») (art. 22 et 23).
Les articles 29 à 33 ont trait aux droits des candidats. Les candidats qui sont employés par des organisations sous réglementation fédérale (et, par conséquent, assujetties à la partie III du Code canadien du travail) ont le droit de prendre congé pour présenter leur candidature et jouer leur rôle de candidats pendant la période de consultation (art. 29; mesure similaire à l’art. 80 de la LEC). Les candidats ont le droit d’avoir accès aux immeubles d’appartements ou d’habitation en copropriété, aux autres immeubles à logements multiples et aux ensembles résidentiels protégés (art. 30; mesure similaire à l’art. 81 de la LEC). Les candidats ont le droit de recevoir un exemplaire des listes d’électeurs des circonscriptions électorales de la province où les électeurs doivent être consultés (art. 31). Le DGE regroupera les renseignements relatifs aux candidats dans un « guide à l’intention des électeurs » et distribuera celui-ci aux ménages de la province (art. 33).
Un candidat éventuel doit désigner un agent officiel et un vérificateur avant de remettre sa déclaration de candidature (art. 34 à 38).
Les articles 39 à 43 prévoient les interdictions suivantes :
Ces dispositions reflètent en substance, avec les adaptations nécessaires, les interdictions énoncées aux articles 89 à 92 de la LEC.
Le projet de loi énonce par renvoi les qualités et droits des électeurs en matière de scrutin tels qu’ils sont définis dans la LEC (art. 44). Les électeurs aptes à voter sont citoyens canadiens, âgés de 18 ans ou plus le jour du scrutin (art. 3 de la LEC). Les personnes suivantes n’ont pas le droit de voter dans le cadre d’une consultation : le DGE, le directeur général adjoint des élections et toute personne incarcérée dans un établissement correctionnel et purgeant une peine de deux ans ou plus (art. 4 de la LEC). Cette dernière disposition a cependant été annulée en 2000 par la Cour suprême du Canada pour ce qui est des détenus(19).
Comme les conditions du droit de vote sont parfois différentes selon qu’il s’agit d’élections fédérales ou provinciales (p. ex. concernant la durée minimale de résidence), un même électeur peut avoir le droit de voter seulement dans le cadre de la consultation, mais pas dans le cadre d’élections générales, lorsque la consultation se déroule dans le cadre d’élections générales tenues dans une province.
Les électeurs votent au même bureau de scrutin et en même temps que pour l’élection des députés fédéraux ou provinciaux (art. 44).
Les dispositions des parties 9 (« Scrutin »), 10 (« Vote par anticipation ») et 11 (« Règles électorales spéciales ») de la LEC s’appliquent aux consultations, avec les adaptations nécessaires (art. 46). Cependant, au lieu de marquer un espace circulaire sur le bulletin de vote en face du nom du candidat de son choix, l’électeur indique ses préférences (1er choix, 2e choix, 3e choix, etc.) en inscrivant 1, 2, 3, etc. dans l’espace circulaire se trouvant en regard du nom des candidats.
Le DGE doit publier dans la Gazette du Canada le type de bulletin de vote qui servira à la consultation (par. 47(1)).
La partie 5 du projet de loi énonce les règles de dépouillement du scrutin conformément au mode de scrutin à vote unique transférable. Ce système tient compte du premier choix et des choix suivants indiqués par les électeurs sur leurs bulletins de vote.
Les articles 48 à 50 prévoient des dispositions générales concernant les aspects suivants :
Le DGE dresse une liste des candidats choisis pour chaque province dans laquelle une consultation a lieu (art. 51). Il doit y avoir autant de comptages successifs qu’il est nécessaire afin de pourvoir tous les sièges pour lesquels la consultation a lieu (par. 51(2) et art. 55).
Au cours du premier comptage, seul le premier choix exprimé par les électeurs est pris en considération. Les votes concernant un candidat qui s’est retiré ou pour une autre personne qu’un des candidats sont nuls (par. 26(2) et art. 28). Si un électeur a indiqué la même préférence deux fois ou s’il a omis d’indiquer une préférence, cette préférence et toutes les préférences suivantes ne sont pas prises en considération (par. 49(6)).
Le nom d’un candidat doit paraître sur la liste des candidats choisis si, lors du premier comptage des votes et eu égard seulement au premier choix des électeurs, ce candidat a obtenu un nombre de votes au moins égal au quota prévu au paragraphe 52(2) (al. 53(1)a)). Ce quota sera calculé comme suit :
A / (B + 1) + 1
A étant le nombre total de votes obtenus à titre de premier choix, par l’ensemble des candidats;
B étant le nombre de sièges de sénateur au sujet desquels les électeurs ont été consultés.
Par exemple, si l’on a compté un million de bulletins valides et si la consultation vise à combler quatre sièges au Sénat, tous les candidats ayant obtenu 200 001 votes de premier choix ou plus doivent être inscrits sur la liste des candidats choisis. Si quatre candidats obtiennent plus de 200 001 votes, ils doivent être inscrits sur la liste des candidats choisis, et il n’y aura pas de deuxième comptage.
Au deuxième comptage, les votes obtenus en sus du quota par les candidats choisis sont transférés aux préférences suivantes. Un candidat est le choix subséquent d’un électeur s’il tient le rang suivant dans l’ordre de préférence de l’électeur (par. 52(1)). Avant le transfert des votes, le nombre des préférences suivantes doit être multiplié par la « valeur de transfert », qui est le nombre de votes d’un candidat dépassant le quota, divisé par le nombre total de votes obtenus par ce candidat. Par exemple, si le quota est de 200 000 votes et que le candidat A obtient 300 000 votes, la valeur de transfert sera d’un tiers (100 000 ÷ 300 000). Par conséquent, si les candidats B, C et D sont les choix suivants pour respectivement 150 000, 100 000 et 50 000 électeurs qui ont choisi le candidat A en premier, il leur sera accordé respectivement 50 000, 33 333 et 16 666 votes en plus du nombre de votes qu’ils auront obtenus au premier comptage.
Ainsi, à l’issue de tout comptage après le premier, tout candidat ayant obtenu le quota en ajoutant les votes transférés aux premiers choix des électeurs est inscrit sur la liste des candidats choisis (al. 53(1)b)). Les autres candidats sont également inscrits sur la liste des candidats choisis si leur nombre est égal au nombre de sièges au Sénat pour lesquels les électeurs ont été consultés (par. 51(2) et art. 55).
À l’issue de tout comptage, si aucun candidat n’obtient un nombre de votes au moins égal au quota, celui qui obtient le plus faible nombre de votes est éliminé (par. 54(1)). Ses votes sont transférés aux candidats subséquents (par. 54(2)). Si plusieurs candidats obtiennent le plus faible nombre de votes, celui qui a obtenu le moins de votes au comptage précédent est éliminé (par. 54(4)). Si les candidats ont obtenu le même nombre de votes au comptage précédent, celui qui a obtenu le moins de votes au comptage sans égalité précédent le plus près est éliminé. S’il y a égalité à tous les comptages précédents, un candidat est élimé de manière aléatoire (par. 54(4)).
Le paragraphe 53(4) et l’article 56 ont trait à l’ordre du transfert des votes dépassant le quota dans les cas où plusieurs candidats obtiennent plus que le quota.
Le DGE doit instaurer un processus électronique de traitement des données pour compter les votes (par. 10(1)).
L’article 57 dispose que le DGE doit transmettre la liste des candidats choisis à chacun des candidats de la province. Il doit également la transmettre au premier ministre et publier dans la Gazette du Canada un rapport indiquant, entre autres, les résultats de la consultation (art. 58).
La partie 6 du projet de loi a trait à la publicité et aux sondages. Elle intègre au processus de consultation les dispositions pertinentes de la partie 16 de la LEC (art. 319 à 348). L’article 59 définit les termes « publicité » et « sondage » de la même façon que dans la LEC, mais avec les adaptations nécessaires.
Les articles 60 à 65 réitèrent en substance les articles 320 à 325 de la LEC concernant les aspects suivants de la publicité :
L’article 66 du projet de loi dispose qu’aucune association de circonscription d’un parti enregistré ne peut engager de dépenses publicitaires pour la promotion d’un candidat ou pour l’opposition à un candidat au cours d’une période de consultation.
Les articles 67 à 69 réitèrent en substance les articles 326 à 328 de la LEC concernant les aspects suivants des sondages d’opinion :
Les articles 70 et 71 réitèrent en substance les articles 330 et 331 de la LEC, qui interdisent la radiodiffusion à l’étranger dans le but d’influencer les électeurs et l’ingérence des étrangers.
La partie 7 du projet de loi a trait à la publicité faite par des tiers dans le cadre de consultations. Cette partie du projet de loi introduit dans le processus de consultation les dispositions pertinentes de la partie 17 de la LEC (art. 349 à 362).
Toutefois, la définition de « tiers » englobe plus d’entités dans le projet de loi que dans la LEC. En fait, un parti admissible et un parti enregistré peuvent s’inscrire comme tiers au sens du projet de loi (art. 72). Comme nous l’avons vu, les associations de circonscription de partis enregistrés ne peuvent pas engager de dépenses publicitaires au cours d’une période de consultation (art. 66).
L’article 73 limite les dépenses publicitaires qu’il est possible d’engager à l’égard d’un ou de plusieurs candidats dans une province. Ce plafond est de 5 000 $ ou, s’il est supérieur, le montant obtenu en multipliant 150 000 $ par le quotient obtenu en divisant le nombre total d’électeurs de la province par le nombre total d’électeurs au Canada (par. 73(1)). Le plafond est de 3 000 $ pour les territoires (par. 73(2)).
L’article 74 réitère en substance l’article 351 de la LEC en interdisant à un tiers d’esquiver ou de tenter d’esquiver un plafond en se divisant en plusieurs tiers ou en agissant de concert avec un autre tiers.
L’article 75 précise les renseignements qui doivent paraître sur le message publicitaire d’un tiers. Le message doit indiquer le nom d’un ou plusieurs candidats et la province où ils sont candidats. Il doit également identifier le tiers et indiquer que le message est autorisé. Cette disposition est différente de la disposition correspondante de la LEC(art. 352), puisque l’article 75 prévoit qu’un ou plusieurs candidats doivent être désignés dans un message publicitaire, alors que l’article 352 de la LEC ne l’exige pas.
Les articles 76 à 85 réitèrent en substance les articles 353 à 362 de la LEC concernant les tiers :
Les dispositions de la partie 8 du projet de loi qui ont trait à la gestion financière sont semblables à celles de la LEC, sauf que, selon le projet de loi, les contributions sont versées exclusivement au candidat, alors que la LEC prévoit des règles pour les contributions versées aux partis enregistrés, aux associations enregistrées, aux candidats, aux candidats à la direction et aux candidats à l’investiture :
Quoique les contributions individuelles versées à un candidat ne puissent pas dépasser 1 000 $, le projet de loi n’impose pas de plafond aux dépenses directes de consultation, peut-être à cause de la limite de contribution et des coûts liés à l’organisation d’une campagne provinciale.
La partie 9 du projet de loi a trait au contrôle de son application. Elle reproduit généralement les dispositions de la LEC à cet égard, notamment en ce qui concerne les aspects suivants :
L’article 103 inclut par renvoi les infractions prévues aux articles 489, 490 et 491 de la LEC en contravention des parties 9 (« Scrutin »), 10 (« Vote par anticipation ») et 11 (« Règles électorales spéciales ») de la LEC (voir l’art. 46).
L’article 108 réitère en substance, avec les adaptations nécessaires, l’article 501 de la LEC, qui prévoit d’autres sanctions contre quiconque est déclaré coupable d’une infraction. L’article 109 précise qu’une infraction à la partie 9 du projet de loi n’entraîne pas une sanction prévue aux articles 501 ou 502 (actes illégaux et manœuvres frauduleuses) de la LEC.
L’article 110 inclut par renvoi les articles 504 (cas où un parti admissible, un parti enregistré, un parti politique radié ou une association de circonscription est partie à des procédures judiciaires ou à une transaction), 505 (poursuite de tiers), 508 (preuve produite par un directeur de scrutin) et 510 à 521 (Commissaire aux élections fédérales) de la LEC.
Si un décret de consultation est adopté avant que les dispositions du projet de loi relatives au mode de scrutin à vote unique transférable entrent en vigueur, le projet de loi prévoit un système transitoire de vote en bloc. Selon ce système, tous les candidats feront campagne les uns contre les autres pour le nombre de sièges au Sénat pour lesquels les électeurs sont consultés. Les électeurs voteront pour le ou les candidats de leur choix, mais sans exprimer de préférences parmi eux. Les candidats obtenant le plus grand nombre de votes remporteront la victoire. Les électeurs auront un nombre de votes égal au nombre de sièges au Sénat pour lesquels ils sont consultés, mais ils ne pourront voter pour un candidat qu’une seule fois (art. 111).
Le projet de loi C-20 apporte des modifications corrélatives à la LEC (art. 113 à 121) au sujet des restrictions et interdictions portant sur l’utilisation du registre des électeurs (art. 113, 114 et 118) et des restrictions portant sur la désignation des agents officiels et des vérificateurs (art. 115 à 117), l’enregistrement d’un tiers (art. 119), la désignation des agents financiers et vérificateurs de tiers (art. 120 et 121) et l’interdiction d’ententes pour le paiement de biens et services fournis à un parti enregistré, qui comportent une clause indiquant qu’une contribution doit être versée à un candidat (art. 122), et l’interdiction de payer les dépenses d’un parti enregistré (art. 123).
Le projet de loi apporte également des modifications corrélatives à la Loi de l’impôt sur le revenu (art. 125 à 126) afin de permettre aux contributeurs d’obtenir des crédits d’impôt pour contributions financières et d’exiger que les agents autorisés qui reçoivent des contributions financières en vertu du projet de loi les comptabilisent.
Enfin, il apporte une modification corrélative à la Loi sur le directeur des poursuites pénales de façon à autoriser le directeur des poursuites pénales à mener des poursuites relatives à toute infraction à la Loi (art. 124).
Le projet de loi entrera en vigueur six mois après avoir reçu la sanction royale, exception faite de la partie 2 et des articles 51 à 58, 112, 127 et 128 (par. 126(1)).
La partie 2, dont les dispositions ont trait au déroulement d’une consultation, entrera en vigueur un an après que le projet de loi aura reçu la sanction royale ou plus tôt (mais au moins six mois après la sanction royale) si le DGE publie dans la Gazette du Canada un avis indiquant que les préparatifs nécessaires ont été faits (par. 129(2)).
Les articles 51 à 58, qui ont trait à la liste des candidats et au rapport concernant la consultation, entreront en vigueur deux ans après que le projet de loi aura reçu la sanction royale ou plus tôt (mais au moins six mois après la sanction royale) si le DGE publie dans la Gazette du Canada un avis indiquant que les préparatifs nécessaires ont été faits (par. 129(3)).
Si la partie 2 entre en vigueur avant les articles 51 à 58, les dispositions transitoires ci‑dessus s’appliqueront à une consultation (part. 111(1)).
À l’heure actuelle, les sénateurs sont nommés par le gouverneur général sur la recommandation du premier ministre. L’alinéa 42(1)a) de la Loi constitutionnelle de 1982 dispose qu’on ne peut modifier la Constitution du Canada relativement au mode de sélection des sénateurs que conformément à la procédure normale de modification de la Constitution, c’est‑à‑dire par une proclamation publiée par le gouverneur général et autorisée par résolutions du Sénat, de la Chambre des communes et des assemblées législatives d’au moins les deux tiers des provinces représentant au moins 50 p. 100 de la population canadienne. Le raisonnement sous-jacent au projet de loi C‑20 est qu’il ne modifie pas le mode de sélection des sénateurs et n’exige donc pas de modification à la Constitution. Il permet plutôt de dresser une liste de candidats traduisant les préférences des électeurs. Comme l’indique son préambule, il instaure « un processus permettant aux électeurs de faire connaître leurs préférences quant à la nomination des sénateurs dans le cadre du processus de nomination actuel ». Il se peut que, plus tard, une pratique usuelle de désignation des sénateurs à partir de la liste des candidats choisis se transforme en une convention constitutionnelle qui « obligera » le premier ministre dans son choix de sénateurs(20).
Le professeur Patrick Monahan est d’avis que des élections non exécutoires pour la nomination de sénateurs n’exigeraient pas que l’on modifie officiellement la Constitution : « Rappelons que certains changements sont possibles au sein des institutions fédérales sans que l’on ait à modifier officiellement la Constitution. C’est le cas, par exemple, de la nomination des sénateurs sur la base d’“élections” non exécutoires »(21).
Dans le cadre de son étude du projet de loi S‑4 : Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 (durée du mandat des sénateurs) au cours de la première session de la 39e législature, le Comité sénatorial spécial sur la réforme du Sénat a entendu divers représentants gouvernementaux et spécialistes de la Constitution exprimer des préoccupations quant à la constitutionnalité du projet de loi S‑4 (présenté de nouveau sous le numéro C‑19) et du projet de loi C‑20 (alors numéroté C‑43). Ils craignaient que les modifications proposées altèrent certaines caractéristiques fondamentales du Sénat et qu’elles exigent, par conséquent, une réforme officielle de la Constitution. Le Comité abondait en ce sens et a recommandé de ne pas procéder à la troisième lecture du projet de loi S‑4 tant que la Cour suprême du Canada n’aurait pas statué sur sa constitutionnalité(22). Le Sénat a adopté le rapport du Comité le 19 juin 2007.
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