Résumé législatif du Projet de loi C-25

Résumé Législatif
PROJET DE LOI C-25 : LOI SUR LA MODERNISATION DE LA FONCTION PUBLIQUE
Margaret Smith, Division du droit et du gouvernement
Publication no 37-2-LS-450-F
PDF 228, (27 Pages) PDF
2003-03-13

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION

 CONTEXTE

ANALYSE

   A.  La nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique
      1.  Préambule
      2.  Comités consultatifs et amélioration conjointe
      3.  La Commission des relations de travail dans la fonction publique
      4.  L’élimination de certaines exclusions
      5.  La portée des négociations
      6.  Les négociations à deux niveaux
      7.  La médiation
      8.  Le choix du mode de règlement des différends
      9.  Les services essentiels
     10. Le vote de grève
     11. Les pratiques déloyales
     12. Les griefs
         a.  Les griefs individuels
         b.  Les griefs collectifs
         c.  Les griefs de principe
     13. Le contrôle judiciaire
     14. L’examen septennal

   B.  Les modifications à la Loi sur la gestion des finances publiques

   C.  La nouvelle Loi sur l’emploi dans la fonction publique
      1.  Préambule
      2.  La Commission de la fonction publique
      3.  Les rapports annuels
      4.  La délégation des pouvoirs de la Commission de la fonction publique
      5.  Nomination et mérite
      6.  Les employés occasionnels
      7.  La mutation
      8.  Les fonctionnaires nommés pour une durée déterminée
      9.  La période de stage
     10. La mise en disponibilité
     11. Enquêtes et plaintes
     12. La composition du Tribunal de la dotation de la fonction publique
     13. Les activités politiques
     14. L’examen obligatoire

   D.  Les modifications à la Loi sur le centre canadien de gestion

COMMENTAIRE


PROJET DE LOI C-25 :
LOI SUR LA MODERNISATION DE LA FONCTION PUBLIQUE*

INTRODUCTION

Le projet de loi C-25 : Loi sur la modernisation de la fonction publique(1) a été déposé à la Chambre des communes le 6 février 2003.

Le projet de loi comporte quatre grandes mesures de réforme de la fonction publique :

1.  Il abroge l’actuelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et promulgue une nouvelle loi portant le même nom pour régir les relations de travail dans la fonction publique.

2.  Il abroge l’actuelle Loi sur l’emploi dans la fonction publique et promulgue une nouvelle loi portant le même nom pour régir les nominations à la fonction publique.

3.  Il modifie la Loi sur la gestion des finances publiques pour transférer certains pouvoirs du Conseil du Trésor en matière de gestion des ressources humaines aux administrateurs généraux.

4.  Il modifie la Loi sur le Centre canadien de gestion pour préparer la fusion du Centre canadien de gestion et de Formation et perfectionnement Canada qui donnera naissance à la nouvelle École de la fonction publique du Canada.

Le projet de loi comporte également un certain nombre de dispositions transitoires, de modifications corrélatives et de dispositions de coordination.

CONTEXTE

Le cadre législatif qui régit actuellement la gestion des ressources humaines dans la fonction publique est composé des textes suivants :

  • la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, qui crée la Commission de la fonction publique  et la charge des nominations à et dans la fonction publique et des recours s’y rapportant et qui établit les règles régissant les activités politiques des fonctionnaires;
  • la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, qui crée la Commission des relations de travail dans la fonction publique et régit les relations de travail dans la fonction publique et qui attribue le rôle d’« employeur » au Conseil du Trésor dans la conduite des négociations collectives;
  • certaines parties de la Loi sur la gestion des finances publiques, qui confèrent au Conseil du Trésor le pouvoir général en matière de gestion des ressources humaines pour la fonction publique.

D’autres lois comme la Loi sur les langues officielles, la Loi sur l’équité en matière d’emploi, la Charte canadienne des droits et libertés, la Loi canadienne sur les droits de la personne, la Loi sur la protection des renseignements personnels et la partie II du Code canadien du travail structurent également ce cadre de référence.

La réforme de la fonction publique apparaît depuis longtemps à l’ordre du jour politique du gouvernement fédéral.  Certaines initiatives sont dignes de mention :

  • le rapport Glassco de 1962 (rapport de la Commission royale d’enquête sur l’organisation du gouvernement);
  • les réformes qui, en 1967, ont transformé la Commission du service civil en Commission de la fonction publique, créé des droits de négociation collective et donné naissance à la Commission des relations de travail dans la fonction publique;
  • la création du Centre canadien de gestion en 1991;
  • d’autres réformes de la fonction publique en 1992;
  • la création de nouveaux « employeurs distincts » comme l’Agence des douanes et du revenu du Canada, Parcs Canada et l’Agence canadienne d’inspection des aliments.

Très récemment, dans le discours du Trône de 2001, le gouvernement a déclaré qu’il procéderait aux « réformes nécessaires pour que la fonction publique du Canada continue d’évoluer et de s’adapter.  Innovation et dynamisme, tels seront les attributs d’une fonction publique à l’image de la diversité canadienne.  Elle sera ainsi en mesure d’attirer et de développer les talents nécessaires pour servir les Canadiens et les Canadiennes au XXIe siècle. »

Des études et rapports récents mettent en lumière les enjeux dont doit tenir compte la fonction publique fédérale en matière de recrutement et de dotation, soulignent des préoccupations relatives à la qualité de la gestion des ressources humaines par le gouvernement et indiquent que s’imposent de profondes transformations aux lois régissant les relations de travail(2).

ANALYSE

   A.  La nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

La partie 1 du projet de loi promulgue une nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) qui remplace la loi actuelle du même nom.

      1.  Préambule

Le préambule de la nouvelle LRTFP met l’accent sur l’importance de relations de travail efficaces et harmonieuses et la valeur de la négociation collective dans un contexte où la protection de l’intérêt public est la considération primordiale. 

      2.  Comités consultatifs et amélioration conjointe

La nouvelle LRTFP suppose que chaque administrateur général, de concert avec les syndicats compétents, crée un comité consultatif patronal-syndical pour son ministère afin de discuter des problèmes touchant les fonctionnaires dans leur milieu de travail (art. 8).

L’employeur ou l’administrateur général sera en mesure de procéder à « l’amélioration conjointe du milieu de travail » avec les syndicats, sous l’égide du Conseil national mixte ou de toute autre tribune de son choix.  « “Amélioration conjointe du milieu de travail” s’entend de la consultation entre les parties sur les questions liées au milieu de travail et de leur participation à la formulation des problèmes relatifs à celui-ci, et à l’élaboration et à l’étude de solutions en vue de l’adoption de celles dont elles conviennent » (art. 9 à 11).

      3.  La Commission des relations de travail dans la fonction publique

La nouvelle LRTFP crée une nouvelle Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP), dont le mandat est d’arbitrer, d’offrir des services de médiation et d’offrir des services de recherche et d’analyse en matière de rémunération.  La Commission continuera de fournir des installations et des services de soutien administratif au Conseil national mixte, ainsi que le prévoit l’article 17 de la LRTFP.

La nouvelle LRTFP définit chacun de ces types de services (art. 14 à 16) :

  • les services d’arbitrage comprennent l’audition des demandes et des plaintes concernant les relations de travail et les questions de santé et de sécurité au travail ainsi que le renvoi des griefs à l’arbitrage;
  • les services de médiation comprennent l’appui apporté à la conclusion de négociations collectives et à la gestion des relations de travail ainsi que la médiation relative aux griefs;
  • les services d’analyse et de recherche en matière de rémunération comprennent la compilation et l’analyse de données sur la rémunération, la mise de ces renseignements à la disposition des syndicats, de la gestion et du public, et la conduite de recherches comparatives en matière de rémunération.

La nouvelle CRTFP sera composée d’un président, d’un maximum de trois vice‑présidents et d’autres commissaires désignés par le gouverneur en conseil pour une durée de cinq ans (avec possibilité de renouvellement de mandat) sous réserve de « révocation motivée » (art. 22).

Les commissaires, à l’exception du président et des vice-présidents, sont nommés de façon à ce que, dans la mesure du possible, les personnes dont la nomination a été recommandée par l’employeur et par les syndicats soient en nombre égal (art. 19).

Les affaires dont la Commission est saisie en vertu de la partie I de la nouvelle LRTFP (affaires non reliées à des griefs) doivent être entendues par un comité composé d’au moins trois membres (art. 31).  Les décisions de la Commission sont sans appel et lient les parties et elles ne peuvent faire l’objet d’un contrôle judiciaire, sauf en vertu de certaines dispositions de la Loi sur la Cour fédérale (art. 51).

      4.  L’élimination de certaines exclusions

Les avocats du ministère de la Justice et de l’Agence des douanes et du revenu du Canada et les employés du Secrétariat du Conseil du Trésor ne seront plus automatiquement considérés comme occupant des postes de direction ou confidentiels et donc comme exclus des négociations collectives.  En règle générale, les postes seront exclus au cas par cas par ordonnance de la Commission (art. 59).  Cependant, les syndicats pourront contester la classification d’un poste exclu.  Pour certains types de classifications, le fardeau de la preuve reviendra au syndicat, qui devra prouver que la classification est erronée.  Dans d’autres cas, c’est l’employeur qui assumera le fardeau de la preuve (art. 62). 

      5.  La portée des négociations

La portée des négociations ne changera pas sous le régime de la nouvelle LRTFP.  Les questions qui actuellement ne font pas l’objet de négociations – comme celles qui sont ou pourraient être établies sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique – resteront telles (art. 113).

      6.  Les négociations à deux niveaux

La nouvelle LRTFP prévoit un système de négociations à deux niveaux : les négociations à l’échelle de la fonction publique, qui permettent d’établir les grands paramètres de conditions d’emploi dans une unité de négociation, et les négociations à l’échelle d’un ministère, qui permettent d’adopter des dispositions détaillées.  L’employeur, le syndicat et l’administrateur général compétent doivent convenir d’employer la procédure à deux niveaux pour qu’elle puisse l’être (art. 110). 

L’objet des négociations à deux niveaux est de permettre d’adapter les conventions collectives aux besoins des ministères et des fonctionnaires.

      7.  La médiation

Selon la nouvelle LRTFP, le président de la CRTFP peut désigner un médiateur pour aider les parties à régler un différend dans le cadre d’une négociation collective.  Les techniques dont celui‑ci dispose sont notamment la médiation, l’enquête et la facilitation.  Si on le lui demande, le médiateur peut formuler des recommandations concernant le règlement du différend (art. 108). 

      8.  Le choix du mode de règlement des différends

La nouvelle LRTFP conserve la procédure énoncée dans la version antérieure : les syndicats choisissent le mode de règlement des différends (décision d’arbitrage liant les parties ou conciliation) qu’ils emploieront pour sortir d’une impasse éventuelle dans les négociations (art. 103).  La LRTFP permet également aux parties de régler leurs différends par « décision définitive et sans appel » (art. 182).

Une nouvelle procédure de conciliation sera instaurée.  Des commissions d’intérêt public – organismes provisoires composés d’une à trois personnes nommées par le ministre responsable, sur recommandation du président de la CRTFP, pour aider les parties à régler leurs différends et pour recommander des mesures de règlement – remplaceront les commissions de conciliation et les commissaires à la conciliation (art. 162 à 167).  Une commission d’intérêt public peut être formée dans deux cas : sur réception d’une demande de conciliation, et de la propre initiative du président de la CRTFP. 

      9.  Les services essentiels

La nouvelle LRTFP comporte un certain nombre de nouvelles dispositions relatives aux services essentiels qui doivent être maintenus en cas de grève.  Les services essentiels se définissent comme les services, installations ou activités indispensables à la sécurité de la population (art. 4).  L’employeur a le droit exclusif de déterminer le niveau des services essentiels et notamment la mesure dans laquelle et la fréquence à laquelle ces services doivent être fournis (art. 120).

L’employeur et le syndicat sont tenus de négocier et de faire de leur mieux pour s’entendre sur les services essentiels (art. 122).  S’ils n’arrivent pas à s’entendre, l’un ou l’autre peut demander à la CRTFP de régler la question (art. 123).  Lorsqu’elle règle des questions qui ne sont pas réglées, la CRTFP peut déterminer le nombre de postes dont l’employeur a besoin pour assurer les services essentiels, mais elle ne peut pas exiger de l’employeur qu’il modifie le cours normal de ses opérations.

Une grève ne peut être déclenchée si moins de 30 jours se sont écoulés après qu’une entente sur les services essentiels a été conclue ou modifiée (art. 194).  Les fonctionnaires qui assurent les services essentiels ne peuvent prendre part à une grève (al. 196j)). 

      10.  Le vote de grève

Aux termes de la nouvelle LRTFP, les syndicats seront tenus de procéder à un vote au scrutin secret avant de faire grève (art. 184).

      11.  Les pratiques déloyales

Les dispositions de la LRTFP relatives aux pratiques déloyales sont comparables à celles du Code canadien du travail.  L’article 186 de la LRTFP dispose qu’il n’est pas déloyal de la part de l’employeur de permettre à des fonctionnaires de participer à des réunions syndicales pendant les heures ouvrables.  Par ailleurs, il ne sera pas considéré comme déloyal de la part d’un employeur d’exprimer son opinion pourvu qu’il ne recoure pas à la menace, à la coercition, à l’intimidation, aux promesses ou à des moyens d’influence indus.  Les mesures de réparation en cas de pratiques déloyales prennent, entre autres, la forme de dommages‑intérêts du montant de ce qu’un fonctionnaire aurait reçu en l’absence desdites pratiques déloyales (art. 192).

      12.  Les griefs

La nouvelle LRTFP prévoit un certain nombre de changements au système de règlement des griefs. 

Les administrateurs généraux de l’administration publique centrale seront tenus, de concert avec les représentants syndicaux de leurs ministères ou organismes respectifs, d’instaurer un système de gestion informelle des conflits (art. 207).

La LRTFP prévoit trois types de griefs : les griefs individuels, les griefs collectifs et les griefs de principe.

         a.  Les griefs individuels

Ces griefs ont trait à l’interprétation ou à l’application d’une convention collective ou d’une décision arbitrale ou à toute autre question concernant les conditions d’emploi d’une personne, qu’il s’agisse de mesures disciplinaires, de rétrogradation, de cessation d’emploi, de suspension ou de sanction financière (art. 208). 

Les fonctionnaires pourront désormais déposer des griefs concernant des questions relevant de la Loi canadienne sur les droits de la personne, sauf s’il s’agit d’équité salariale, et ils auront droit aux indemnités pécuniaires prévues par cette loi (art. 208).  La Commission canadienne des droits de la personne a le droit de recevoir notification de ce genre de griefs et elle pourra intervenir pour présenter ses observations à un arbitre.

Si un fonctionnaire dépose un grief pour cessation d’emploi ou rétrogradation en raison d’un rendement insuffisant et qu’il demande l’arbitrage, l’arbitre doit, aux termes de l’article 230 de la LRTFP, conclure que la cessation d’emploi ou la rétrogradation était justifiée s’il établit que l’opinion de l’administrateur général concernant le rendement insatisfaisant du fonctionnaire était raisonnable.

La nouvelle LRTFP autorisera les griefs pour mutation, mais ces griefs ne pourront être réglés par arbitrage que s’ils ont trait à une mutation sans consentement (par. 209(1)). 

Lorsque la politique interne de l’employeur prévoit expressément que les fonctionnaires doivent renoncer à la procédure du grief s’ils demandent réparation en vertu de cette politique, ces fonctionnaires devront choisir entre la procédure du grief et le dépôt d’une plainte en vertu de la politique interne applicable.

         b.  Les griefs collectifs

Un grief collectif regroupe plusieurs fonctionnaires d’une même partie de l’administration publique fédérale qui sont également touchés par l’interprétation ou l’application d’une convention collective ou d’une décision arbitrale (art. 215).  C’est l’agent de l’unité de négociation qui est chargé de présenter le grief collectif, mais les fonctionnaires qui y prennent part peuvent se désister en cours de route s’ils le souhaitent (art. 218).

         c.  Les griefs de principe

Un grief de principe a trait à l’interprétation ou à l’application d’une convention collective ou d’une décision arbitrale (art. 220).  Un grief de principe peut être déposé par l’agent de négociation ou par l’employeur. 

      13.  Le contrôle judiciaire

La nouvelle LRTFP limite la capacité d’appeler des décisions.  Une décision rendue au dernier palier de la procédure de règlement des griefs qui ne peut pas être portée en arbitrage est définitive et elle lie les parties (art. 214).  Aux termes de l’article 233, les décisions des arbitres sont sans appel et elles lient les parties : elles ne peuvent être contestées devant un tribunal.

Par ailleurs, les fonctionnaires n’ont pas le droit d’intenter des poursuites au civil concernant des différends ayant trait à leurs conditions d’emploi (art. 236).

      14.  L’examen septennal

Aux termes de l’article 252, un ministre désigné sera tenu de procéder à un examen de la LRTFP au bout de sept ans.  Le rapport de l’examen doit être présenté à la Chambre des communes et au Sénat.

   B.  Les modifications à la Loi sur la gestion des finances publiques

La partie 2 du projet de loi modifie des parties de la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP).  La LGFP confère la responsabilité de la gestion des ressources humaines de la fonction publique au Conseil du Trésor.

L’objet des modifications proposées est de transférer un certain nombre des pouvoirs du Conseil du Trésor en matière de gestion des ressources humaines aux administrateurs généraux.  Ces changements s’alignent sur la perspective formulée dans le préambule de la nouvelle Loi sur l’emploi dans la fonction publique, à savoir que les décisions en matière de dotation doivent être prises à l’échelon le plus bas possible. 

Le projet de loi C-25 modifie certains des termes et définitions employés dans la LGFP.  L’alinéa 7(1)e) de la LGFP, qui confère le pouvoir de gestion du personnel au Conseil du Trésor, fera désormais état de la « gestion des ressources humaines » et non plus de la « gestion du personnel ».

Certaines définitions seront modifiées :

  • l’expression « administration publique centrale » désignera les principaux ministères énumérés à l’annexe I de la LGFP et les organismes, tribunaux et agences énumérés à l’annexe IV de la LGFP;
  • l’expression « fonction publique » désignera les ministères et organismes énumérés aux annexes I et IV de la LGFP, les organismes distincts énumérés à l’annexe V et toute autre partie de la fonction publique qui pourrait être ainsi désignée par le gouverneur en conseil. 

Le nouveau paragraphe 11.1(1) de la LGFP définit le champ d’application des responsabilités du Conseil du Trésor en matière de gestion des ressources humaines.  Cette disposition est essentiellement la même que la disposition actuelle, sauf pour deux nouveaux éléments.  Il y a d’abord l’attribution de nouvelles responsabilités au Conseil, qui devra élaborer des politiques et des directives ayant trait :

  • à l’exercice des pouvoirs de gestion des ressources humaines attribués aux administrateurs généraux de l’administration publique centrale et aux rapports sur l’exercice de ces pouvoirs (al. 11.1(1)f));
  • à la manière dont ces administrateurs généraux traitent les griefs et en font rapport (al. 11.1(1)g)).

Il y a par ailleurs l’élimination de certaines responsabilités du Conseil du Trésor, qui, en vertu du nouveau paragraphe 12(1) de la LGFP, seront confiées aux administrateurs généraux de l’administration publique centrale, sous réserve des politiques et directives du Conseil.  Les administrateurs généraux auront les pouvoirs suivants :

1.  déterminer les besoins en matière d’apprentissage, de formation et de perfectionnement;

2.  accorder des récompenses au mérite;

3.  élaborer des normes et des sanctions disciplinaires;

4.  renvoyer ou rétrograder les fonctionnaires au rendement insatisfaisant;

5.  renvoyer ou rétrograder des fonctionnaires pour des raisons non disciplinaires;

6.  renvoyer les fonctionnaires dont les tâches sont transférées à l’extérieur de l’administration publique centrale. 

Le nouveau paragraphe 12(2) prévoit que les administrateurs généraux d’organismes distincts peuvent exercer des pouvoirs analogues, sous réserve des conditions fixées par le gouverneur en conseil.

Les administrateurs généraux auront la possibilité de déléguer l’un ou l’autre de leurs pouvoirs en matière de gestion des ressources humaines.

Le nouvel article 12.3 prévoit le maintien de l’application des ententes du Conseil national mixte aux fonctionnaires dont les postes sont transférés de l’administration publique centrale à des organismes distincts.

Le président du Conseil du Trésor sera tenu de rendre compte tous les ans au Parlement de l’application des dispositions de la LGFP en matière de gestion des ressources humaines, et ces comptes rendus intégreront de l’information fournie par les administrateurs généraux sur leurs activités à cet égard (art. 12.4).

   C.  La nouvelle Loi sur l’emploi dans la fonction publique

La partie 3 du projet de loi promulgue une nouvelle Loi sur l’emploi dans la fonction publique (LEFP) (section 1 de la partie 3) et modifie l’actuelle Loi sur l’emploi dans la fonction publique (section 2 de la partie 3).  Les modifications apportées à l’actuelle LEFP ouvrent la voie à la nouvelle LEFP :

  • en créant une Commission de la fonction publique (CFP) restructurée, chargée d’appliquer la LEFP et d’élaborer les cadres stratégique et réglementaire nécessaires à la nouvelle LEFP;
  • en mettant en place de nouvelles règles régissant les activités politiques des fonctionnaires;
  • en créant le nouveau Tribunal de la dotation de la fonction publique.

      1.  Préambule

La nouvelle LEFP a un préambule assez long, composé de quelque huit dispositions établissant le cadre des changements apportés par la nouvelle LEFP.  On y reconnaît l’importance d’une fonction publique fondée sur le mérite, non partisane et représentative de la diversité du Canada, capable de servir la population avec intégrité et dans la langue officielle choisie par les administrés, et visant l’excellence.  On y reconnaît également le pouvoir de la CFP de nommer des fonctionnaires à la fonction publique ou au sein de celle-ci et la possibilité de déléguer ce pouvoir aux administrateurs généraux dans un cadre de reddition de comptes.  Le préambule réoriente par ailleurs la procédure de dotation : les décisions en matière de dotation doivent être prises à l’échelon « le plus bas possible », et les gestionnaires doivent disposer de latitude en matière de dotation.

      2.  La Commission de la fonction publique

L’article 4 de la nouvelle LEFP maintient l’existence de la CFP, composée d’un président à temps plein et de deux commissaires à temps partiel ou plus, tous nommés pour sept ans par le gouverneur en conseil. 

Selon l’article 11 de la nouvelle LEFP, le mandat de la CFP est le suivant :

  • nommer à la fonction publique des personnes y appartenant ou non (art. 29);
  • procéder à des enquêtes (art. 66 à 69);
  • procéder à des vérifications concernant toute question relevant de sa compétence (art. 17 à 19);
  • appliquer les dispositions de la LEFP relatives aux activités politiques des fonctionnaires et des administrateurs généraux (art. 111 à 122).

Sur demande ou si elle l’estime nécessaire, la CFP est tenue de se concerter avec les employeurs et les syndicats de la fonction publique au sujet des principes régissant les mises en disponibilité ou les priorités de nomination (art. 14).

La CFP a également le pouvoir, sous réserve de l’approbation du gouverneur en conseil, d’exclure des postes de l’application de la LEFP.  Le gouverneur en conseil peut prévoir par règlement la façon de traiter ces postes (art. 20 et 21).

Le pouvoir de réglementation de la CFP est institué à l’article 22 de la nouvelle LEFP. 

Aux termes de l’article 26, le Conseil du Trésor, à titre d’employeur, peut adopter des règlements :

  • pour régir les mutations;
  • pour définir le terme « promotion » en matière de mutation;
  • pour instaurer des périodes de stage pour les nouveaux fonctionnaires;
  • concernant tout groupe professionnel, pour prévoir que les dispositions de la LEFP applicables aux postes s’appliqueront, par adjonction ou substitution, aux niveaux.

      3.  Les rapports annuels

La CFP (art. 23) et le Conseil du Trésor (art. 28) sont tenus de produire et de présenter au Parlement des rapports annuels sur leurs activités en application de la LEFP.

      4.  La délégation des pouvoirs de la Commission de la fonction publique

La LEFP permet à la CFP de déléguer aux administrateurs généraux l’un ou l’autre des pouvoirs et fonctions que lui confère la LEFP, sauf ceux de procéder à des vérifications, d’adopter des règlements, de déterminer les exemptions à la LEFP, de faire enquête sur les nominations et d’appliquer les dispositions relatives aux activités politiques (par. 15(1)). La CFP peut déterminer comment et à quelles conditions un administrateur général doit exercer l’un ou l’autre des pouvoirs qui lui sont délégués, notamment les politiques relatives aux nominations et aux révocations dans la fonction publique et aux mesures correctives.  

Tout pouvoir de nommer des personnes parmi les fonctionnaires délégué à un administrateur général comporte le pouvoir de les révoquer et de prendre des mesures correctives si, après enquête, l’administrateur général s’aperçoit qu’une erreur, une omission ou une conduite répréhensible a compromis la nomination d’une personne (par. 15(3)).

La LEFP permet aux administrateurs généraux, sur approbation de la CFP, de déléguer l’un ou l’autre des pouvoirs et fonctions que la LEFP leur confère.  Il n’est cependant pas possible de déléguer le pouvoir de révocation (art. 24).

      5.  Nomination et mérite

La nouvelle LEFP apporte des changements importants à la procédure de nomination à la fonction publique.  Comme nous l’avons vu, la CFP sera en mesure de déléguer le pouvoir de nommer des fonctionnaires aux administrateurs généraux, lesquels pourront eux aussi déléguer ce pouvoir à d’autres.

Selon les dispositions de l’actuelle LEFP, les nominations se fondent sur le mérite.  Le principe du mérite est énoncé à l’article 10 de la LEFP, qui se lit comme suit :

10. (1) Les nominations internes ou externes à des postes de la fonction publique se font sur la base d’une sélection fondée sur le mérite, selon ce que détermine la Commission, et à la demande de l’administrateur général intéressé, soit par concours, soit par tout autre mode de sélection du personnel fondé sur le mérite des candidats que la Commission estime le mieux adapté aux intérêts de la fonction publique.

(2) Pour l’application du paragraphe (1), la sélection au mérite peut, dans les circonstances déterminées par règlement de la Commission, être fondée sur des normes de compétence fixées par celle-ci plutôt que sur un examen comparatif des candidats.

La nouvelle LEFP maintient le concept du mérite, mais le redéfinit.

Le paragraphe 30(1) dispose que les nominations, internes ou externes, à la fonction publique doivent être fondées sur le mérite et exemptes de toute influence politique.  Selon le paragraphe 30(2), une nomination est fondée sur le mérite lorsque « la personne à nommer possède les qualifications essentielles – notamment la compétence dans les langues officielles – établies par l’administrateur général pour le travail à accomplir »; il est également tenu compte :

  • de toute qualification supplémentaire que l’administrateur général considère comme un atout;
  • de toute exigence opérationnelle actuelle ou future de l’administration précisée par l’administrateur général.

Selon cette définition, les administrateurs généraux déterminent les besoins en dotation en précisant :

  • les besoins de leur ministère ou de leur organisme;
  • les exigences opérationnelles;
  • les qualifications indispensables;
  • les qualifications qui seront un atout pour l’emploi, mais qui ne sont pas essentielles. 

La nouvelle LEFP dispose qu’il n’est pas nécessaire qu’il y ait plus d’un candidat pour que la nomination soit fondée sur le mérite (par. 30(4)).  Il est aussi possible de recourir à un processus de nomination annoncé ou à un processus de nomination non annoncé (art. 33). 

L’actuelle LEFP dispose que les postes doivent autant que possible être pourvus par nomination interne (art. 11)(3).  La nouvelle LEFP ne prévoit aucune préférence en ce sens. 

La CFP pourra circonscrire une « zone de sélection » pour les nominations internes ou externes en imposant des restrictions géographiques, des restrictions organisationnelles ou des critères professionnels ou en établissant des critères en matière d’équité (par. 34(1)).  Les employés d’organismes distincts auront le droit de se porter candidats aux postes accessibles seulement aux employés de l’administration publique centrale (par. 35(1)).

La nouvelle LEFP prévoit une structure continue de priorités pour les nominations aux postes de la fonction publique.  Les catégories de personnes suivantes ont priorité selon l’ordre suivant :

  • les fonctionnaires que l’on prévoit de mettre en disponibilité (fonctionnaires excédentaires) (art. 40);
  • les fonctionnaires en congé (par. 41(1));
  • les personnes au service d’un ministre, du chef de l’opposition au Sénat ou du chef de l’opposition à la Chambre des communes qui étaient des employés de la fonction publique avant d’occuper ce poste ou qui possèdent les qualifications indispensables requises pour un poste de la fonction publique annoncé dans un concours externe (par. 41(2));
  • les cadres supérieurs – adjoints exécutifs, assistants spéciaux ou secrétaires privés – qui sont depuis au moins trois ans au service des responsables énumérés ci-dessus ont priorité pour des postes équivalents à celui d’adjoint exécutif d’un administrateur général (par. 41(3));
  • les fonctionnaires mis en disponibilité (par. 41(4));
  • les personnes qui ont priorité en vertu d’un règlement de la CFP (al. 22(2)a)).

Sous réserve des priorités énumérées ci‑dessus, les anciens combattants ont priorité sur tous les autres candidats dans les concours externes (art. 39).

La priorité accordée aux fonctionnaires mis en disponibilité ne s’applique pas s’ils avaient été embauchés pour une durée déterminée (art. 45).  Par ailleurs, les fonctionnaires qui refusent une offre d’emploi raisonnable ou acceptent une offre qui n’est pas raisonnable lorsque leur emploi est transféré à l’extérieur de l’administration publique centrale sont considérés comme mis en disponibilité et, par conséquent, relégués à une position inférieure dans la liste des priorités (art. 46).

      6.  Les employés occasionnels

L’article 50 a trait aux employés occasionnels, c’est‑à‑dire aux employés qui ne travaillent pas plus de 90 jours au cours d’une même année civile.  Les employés occasionnels n’ont pas le droit de se porter candidats à des postes dotés par nomination interne.

      7.  La mutation

La mutation est le transfert d’une personne d’un poste de la fonction publique à un autre.  Les dispositions de la nouvelle LEFP concernant la mutation sont généralement semblables à celles de la LEFP actuelle, mais les nouvelles dispositions relatives au consentement à la mutation sont plus précises.  Le paragraphe 34.2(3) de la LEFP actuelle dispose qu’aucune mutation ne peut être effectuée sans le consentement du fonctionnaire, sauf si l’acceptation d’être muté fait partie des conditions d’emploi de son poste actuel.  La nouvelle LEFP maintient cette disposition et permet à l’administrateur général de muter un fonctionnaire sans son consentement si l’on constate qu’il a harcelé un collègue en cours d’emploi (par. 51(6)). 

Aux termes de l’actuelle LEFP, c’est un enquêteur de la CFP qui s’occupe des plaintes pour mutation.  Aux termes de la nouvelle LEFP, ces plaintes sont assujetties à la procédure de règlement des griefs en vertu de la LRTFP.

      8.  Les fonctionnaires nommés pour une durée déterminée

Les articles 58 et 59 de la nouvelle LEFP ont trait aux fonctionnaires nommés pour une durée déterminée.  Ces fonctionnaires passeront automatiquement au statut de fonctionnaires nommés pour une durée indéterminée à la fin de la période cumulative d’emploi précisée par l’employeur (le Conseil du Trésor ou un organisme distinct) et aux conditions déterminées par l’employeur.  Ces conversions ne seront pas considérées comme de nouvelles nominations et ne pourront motiver de plaintes en vertu de la LEFP.

Par ailleurs, le renouvellement du contrat d’un fonctionnaire nommé pour une durée déterminée ne constituera pas une nomination et ne pourra motiver de plainte.

      9.  La période de stage

Les dispositions de la nouvelle LEFP relatives à la période de stage (art. 61 et 62) sont généralement semblables à celles de la LEFP actuelle (art. 28), excepté que les personnes renvoyées pendant la période de stage peuvent toucher une indemnité de départ qui remplace la période de préavis.  

      10.  La mise en disponibilité

Aux termes de l’article 65 de la nouvelle LEFP, un fonctionnaire mis en disponibilité peut adresser une plainte au Tribunal de la dotation de la fonction publique s’il estime que sa mise en disponibilité constitue un abus de pouvoir, mais il ne peut pas contester la décision de mettre des fonctionnaires en disponibilité, le nombre de fonctionnaires mis en disponibilité ni la partie de l’organisation touchée par cette décision.

      11.  Enquêtes et plaintes

La nouvelle LEFP apporte plusieurs changements importants concernant les procédures prévues dans la LEFP actuelle en matière d’enquêtes et de plaintes. 

Aux termes de l’article 21 de la LEFP actuelle,  les nominations internes peuvent faire l’objet d’un appel devant une commission d’appel de la CFP dans les cas suivants :

  • les candidats non retenus dans le cadre d’un concours interne peuvent faire appel de la nomination du candidat retenu;
  • les personnes qui remplissent les critères de sélection établis peuvent faire appel d’une nomination interne sans concours.

La nouvelle LEFP remplace la procédure d’appel énoncée à l’article 21 et les commissions d’appel par une nouvelle procédure et un nouvel organisme d’arbitrage, le Tribunal de la dotation de la fonction publique (TDFP).

Selon les articles 74, 77 et 83 de la nouvelle LEFP, il est possible d’adresser une plainte au TDFP dans les cas suivants :

  • Toute personne dont la nomination a été révoquée par la CFP ou par un administrateur général après qu’une enquête sur la procédure interne a révélé une erreur, une omission ou une conduite répréhensible compromettant la sélection de cette personne peut adresser une plainte au TDFP en alléguant que cette révocation n’était pas raisonnable (art. 74).
  • Un candidat non retenu se trouvant dans la zone de sélection pour un poste annoncé pourvu par nomination interne ou une personne se trouvant dans la zone de sélection d’un poste non annoncé pourvu par nomination interne peut adresser une plainte au TDFP pour les motifs suivants : 
    1.  abus de pouvoir de la part de la CFP ou de l’administrateur général dans le choix du candidat compte tenu des critères de mérite;
    2.  abus de pouvoir de la part de la CFP dans le choix entre un processus de dotation interne annoncé et un processus non annoncé;
    3.  refus de reconnaître le droit d’être évalué dans la langue officielle choisie par le candidat (art. 77).
  • Lorsqu’une nomination fait suite à l’application de mesures correctives ordonnées par le TDFP, une plainte peut être adressée au Tribunal pour allégation d’abus de pouvoir (art. 83).

Dans la plupart des cas, les plaignants qui s’adressent au TDFP devront faire la preuve qu’il y a eu abus de pouvoir relativement aux faits motivant la plainte.  Dans la cause Tucci c. Procureur général du Canada(4), la Cour fédérale a reconnu cinq types généraux d’abus de pouvoir dans le cadre de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire :

  • une intention non légitime, c’est-à-dire dans un but non autorisé, de mauvaise foi ou en tenant compte de considérations non pertinentes;
  • le fait d’agir en se fondant sur des éléments insuffisants, notamment lorsqu’il ne dispose d’aucun élément de preuve ou qu’il ne tient pas compte d’éléments pertinents;
  • un résultat inéquitable, notamment lorsque des mesures déraisonnables, discriminatoires ou rétroactives ont été prises;
  • une erreur de droit;
  • le refus d’exercer son pouvoir discrétionnaire en adoptant une politique qui entrave sa capacité d’examiner des cas individuels avec un esprit ouvert. 

Les mesures que le TDFP peut prendre lorsqu’il conclut qu’une plainte est fondée sont les suivantes : ordonner la révocation de la nomination ou empêcher la nomination et prendre des mesures correctives (art. 81).  Cependant, le Tribunal ne peut pas ordonner à la CFP de procéder à une nomination ou d’entamer une nouvelle procédure de dotation (art. 82). 

Aux termes de l’article 80 de la nouvelle LEFP, le TDFP peut interpréter et appliquer les dispositions de la Loi canadienne des droits de la personne si une question de discrimination est soulevée et il peut ordonner le versement d’une indemnité conformément à cette loi.  La Commission canadienne des droits de la personne aura le droit d’être informée des questions de discrimination soulevées devant le TDFP et elle aura le droit d’intervenir pour présenter ses observations au Tribunal. 

L’article 87 de la nouvelle LEFP énonce les types de nomination qui ne peuvent donner lieu à une plainte devant le TDFP conformément à l’article 77.  Il s’agit de certains types de nomination à un autre poste et de nominations reliées aux dispositions sur les priorités.

La nouvelle LEFP permettra à la CFP d’enquêter sur les nominations externes et de prendre des mesures correctives, notamment sous la forme de révocations, si elle constate que le principe du mérite n’a pas été appliqué ou qu’une erreur, une omission ou une conduite répréhensible a compromis la procédure de sélection (art. 66).  Elle aura le même pouvoir concernant les nominations internes si le pouvoir de nomination n’a pas été délégué aux administrateurs généraux; dans ce dernier cas, la responsabilité de l’enquête reviendra à ces administrateurs (art. 67).

La CFP aura également le pouvoir de faire enquête pour savoir si une nomination a subi une influence politique (art. 68) ou s’il y a eu fraude (art. 69), et elle peut prendre des mesures correctives, notamment sous la forme de révocations. 

      12.  La composition du Tribunal de la dotation de la fonction publique

Les articles 88 à 110 de la nouvelle LEFP ont trait au TDFP.  Le TDFP sera composé de cinq à sept membres permanents, nommés par le gouverneur en conseil pour une durée maximale de cinq ans, avec possibilité de renouvellement de la nomination.  Il sera également possible de nommer des membres temporaires lorsque la charge de travail l’exige.

Le TDFP arbitre les plaintes relatives aux nominations internes et aux mises en disponibilité et il peut réglementer la procédure de règlement des plaintes.

Les décisions du TDFP sont protégées par une clause privative complète qui limite les droits d’appel.  Le paragraphe 102(1) dispose que toutes les décisions du Tribunal sont « définitive[s] et [ne sont] pas susceptible[s]  d’examen ou de révision devant un autre tribunal ».  Le paragraphe 102(2) se lit comme suit :

Il n’est admis aucun recours ni aucune décision judiciaire – notamment par voie d’injonction, de certiorari, de prohibition ou de quo warranto – visant à contester, réviser, empêcher ou limiter l’action du Tribunal en ce qui touche une plainte.

La présence d’une clause privative ne signifie pas qu’aucun tribunal ne puisse jamais réviser une décision du TDFP, mais le critère à remplir pour convaincre un tribunal de casser une telle décision est très strict.  Dans des arrêts antérieurs, la Cour suprême du Canada a fait savoir qu’elle révisera la décision d’un tribunal protégé par une clause privative « si celui-ci a commis une erreur en interprétant les dispositions attributives de compétence ou s’il a excédé sa compétence en commettant une erreur de droit manifestement déraisonnable dans l’exercice de sa fonction »(5).

La Cour suprême hésite à casser les décisions de tribunaux administratifs et d’autres organismes d’arbitrage spécialisés, faisant remarquer qu’un « tribunal a le droit de commettre des erreurs, même des erreurs graves, pourvu qu’il n’agisse pas de façon déraisonnable au point de ne pouvoir rationnellement s’appuyer sur la législation pertinente et d’exiger une intervention judiciaire »(6).

La Cour rappelle par ailleurs qu’un « simple désaccord avec le résultat atteint par le tribunal administratif ne suffit pas à rendre ce résultat “manifestement déraisonnable”.  Les cours de justice doivent prendre soin de vérifier si la décision du tribunal a un fondement rationnel plutôt que de se demander si elles sont d’accord avec celle-ci.  L’accent devrait être mis non pas sur le résultat auquel est arrivé le tribunal, mais plutôt sur la façon dont le tribunal est arrivé à ce résultat. »(7)

La définition de « manifestement déraisonnable » a été analysée par le juge Cory dans la décision rendue en 1993 par la Cour suprême dans l’affaire Canada (Procureur général du Canada) c. Alliance de la fonction publique du Canada(8) :

Le sens de l’expression « manifestement déraisonnable », fait-on valoir, est difficile à cerner.  Ce qui est manifestement déraisonnable pour un juge peut paraître éminemment raisonnable pour un autre.  Pourtant, pour définir un critère nous ne disposons que de mots, qui forment, eux, les éléments de base de tous les motifs.  Le critère du caractère manifestement déraisonnable représente, de toute évidence, une norme de contrôle sévère.  Dans le Grand Larousse de la langue française, l’adjectif manifeste est ainsi défini : « Se dit d’une chose que l’on ne peut contester, qui est tout à fait évidente ».  On y trouve pour le terme déraisonnable la définition suivante : « Qui n’est pas conforme à la raison; qui est contraire au bon sens ».  Eu égard donc à ces définitions des mots « manifeste » et « déraisonnable », il appert que si la décision qu’a rendue la Commission, agissant dans le cadre de sa compétence, n’est pas clairement irrationnelle, c’est-à-dire, de toute évidence non conforme à la raison, on ne saurait prétendre qu’il y a eu perte de compétence.  Visiblement, il s’agit là d’un critère très strict.

      13.  Les activités politiques

La partie 7 de la nouvelle LEFP a trait aux activités politiques des fonctionnaires, son objet déclaré étant de reconnaître leur droit à s’adonner à des activités politiques tout en adhérant au principe de la neutralité politique dans la fonction publique (art. 112).

L’article 33 de la LEFP actuelle interdit aux fonctionnaires de travailler pour ou contre un parti ou un candidat(9).  Les activités politiques se limitent aux contributions pécuniaires et à la participation à des assemblées politiques.  Cette disposition a été contestée en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés et, en 1991, elle a été annulée par la Cour suprême du Canada dans son application aux fonctionnaires autres que les administrateurs généraux.  Commentant l’article 33, le juge Sopinka fait remarquer ce qui suit :

[…] les restrictions s’appliquent à un grand nombre de fonctionnaires qui, dans une fonction publique moderne, n’ont absolument rien à voir avec l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire susceptible d’être influencé de quelque manière par des considérations d’ordre politique.  La nécessité de l’impartialité et même de l’apparence d’impartialité n’est pas uniforme à tous les échelons de la fonction publique.(10)

Les dispositions de la nouvelle LEFP permettent aux fonctionnaires de s’adonner à des activités politiques pourvu qu’elles n’entravent pas leur capacité à faire leur travail de façon politiquement impartiale (art. 113).  Les activités politiques sont définies comme étant l’appui ou l’opposition à un parti ou un candidat ou le fait d’être candidat ou de tenter de le devenir dans une élection fédérale, provinciale, territoriale ou municipale (art. 111).  Le champ des activités politiques prohibées sera défini de façon plus précise par un règlement pris par le gouverneur en conseil, sur recommandation de la CFP.

La nouvelle LEFP prévoit également certaines règles de base pour les fonctionnaires qui cherchent à se porter candidats à une élection fédérale, provinciale, territoriale ou municipale (art. 114 et 115) ou à être choisis comme tels.  Dans ce genre de cas, l’intéressé doit obtenir l’approbation de la CFP.  La LEFP actuelle exige l’obtention de l’autorisation de la CFP pour être candidat à une élection fédérale, provinciale ou territoriale, mais non municipale. 

Les administrateurs généraux ne peuvent pas s’adonner à des activités politiques en dehors de la participation au vote (art. 117).  Aux termes de l’actuelle LEFP, ils peuvent verser de l’argent à un candidat ou un parti.

La CFP a le pouvoir de faire enquête sur des allégations voulant qu’un fonctionnaire ait porté atteinte au principe de neutralité politique ou n’ait pas demandé l’autorisation de la CFP pour se porter candidat.  Elle a également le pouvoir de faire enquête sur des allégations voulant qu’un administrateur général ait enfreint les dispositions lui interdisant toute activité politique.  Dans ce genre de cas, la CFP ne peut faire enquête que si les allégations sont formulées par une personne qui a été ou qui est candidate à une élection (art. 118 et 119).

      14.  L’examen obligatoire

L’article 136 prévoit l’examen obligatoire de la nouvelle LEFP au bout de sept ans.  L’examen doit être effectué par un ministre désigné par le gouverneur en conseil.  Le ministre doit déposer le rapport de l’examen au Sénat et à la Chambre des communes.

   D.  Les modifications à la Loi sur le centre canadien de gestion

La partie 4 du projet de loi modifie la Loi sur le Centre canadien de gestion  (LCCG)(11).

Entre autres choses, la LCCG portera désormais le titre de Loi concernant l’École de la fonction publique du Canada, et le Centre de gestion du Canada portera le nom d’École de la fonction publique du Canada.  Formation et perfectionnement Canada, qui relève actuellement de la CFP, sera fusionné à la nouvelle École.

La portée des opérations de l’École débordera la gestion du secteur public pour englober des activités de recherche, d’étude et de formation concernant les fonctionnaires en général.  L’École aidera également les administrateurs généraux à répondre aux besoins d’apprentissage de leurs organisations, notamment en offrant des programmes de formation et de perfectionnement (art. 4).  

L’École aura à sa tête non plus un « directeur », mais un « président » (art. 13).

Comme le Centre de gestion, l’École pourra facturer des frais de services et d’utilisation des locaux.  Toutefois, selon une nouvelle disposition, les recettes accumulées au cours d’une même année pourront être reportées et appliquées aux dépenses de l’exercice suivant (par. 18(2)). 

COMMENTAIRE

Le projet de loi C-25 apporte des changements importants à la réglementation de la fonction publique.  Un certain nombre de ces changements sont généralement considérés comme constructifs.  Parmi ceux qui ont suscité des commentaires positifs, signalons la possibilité pour le Tribunal de la dotation de la fonction publique d’appliquer les dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés, la conversion du statut de fonctionnaire nommé pour une durée déterminée à celui de fonctionnaire nommé pour une durée indéterminée après un certain délai, l’obligation pour tous les ministères de créer des comités patronaux-syndicaux pour discuter des problèmes du milieu de travail et la possibilité de déposer des griefs de principe et la création de commissions d’intérêt public pour régler les ruptures de négociation entre les parties patronales et syndicales.  

D’autres changements risquent de susciter des discussions considérables.  La nouvelle définition du terme « mérite » en est un exemple.  Aux termes de l’actuelle Loi sur l’emploi dans la fonction publique, l’embauche au mérite signifie pour l’essentiel que l’on choisit le candidat « le plus qualifié ».  La nouvelle définition (posséder les qualifications essentielles pour exécuter le travail), tout en introduisant une certaine souplesse, risque, de l’avis de certains, d’ouvrir la porte au favoritisme et de donner lieu à une fonction publique moins qualifiée.  

Les nouvelles dispositions relatives aux activités politiques des fonctionnaires pourraient aussi susciter des inquiétudes.  Beaucoup verront sans doute d’un œil favorable cette latitude plus grande accordée aux fonctionnaires à cet égard, mais d’autres s’interrogent sur les effets de ces dispositions sur la capacité à maintenir une fonction publique neutre.  Dans un article paru récemment dans le National Post, Gordon Robertson, ancien greffier du Conseil privé, s’interroge sur ces changements, comme l’avait fait le professeur Donald Savoie, qui estimait que les activités politiques devraient être interdites à tous les cadres supérieurs de la fonction publique(12).


*  Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur.  Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur.

(1)  Le titre complet du projet de loi C-25 est Loi modernisant le régime de l’emploi et des relations de travail dans la fonction publique, modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques et la Loi sur le Centre canadien de gestion et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois.

(2)  Ces rapports sont les suivants : le Rapport du vérificateur général (2000), le rapport annuel de la Commission de la fonction publique au Parlement (octobre 2002) et le rapport final du Comité consultatif tripartite syndical-patronal-universitaire sur les relations de travail dans la fonction publique fédérale (« Rapport Fryer », juin 2001).

(3)  L’article 11 de la LEFP dispose ce qui suit : « Les postes sont pourvus par nomination interne sauf si la Commission en juge autrement dans l’intérêt de la fonction publique. » 

(4)  Tucci c. Procureur général du Canada, (11.2.1997), CF, no T-623-96.       

(5)  CAIMAW c. Paccar of Canada Ltd.,[1989] 2 R.C.S. 983, juge La Forest.     

(6)  Syndicat canadien de la Fonction publique, section locale 963 c. Société des alcools du Nouveau-Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 227, p. 237, cité dans CAIMAW c. Paccar of Canada Ltd

(7)  CAIMAW c. Paccar of Canada Ltd., [1989] 2 R.C.S. 983.

(9)  L’article 33 de la LEFP se lit en partie comme suit :

33. (1) Il est interdit à tout administrateur général et, sauf autorisation par le présent article, à tout fonctionnaire :

a) de travailler pour ou contre un candidat,

b) de travailler pour ou contre un parti politique,

c) d’être candidat.

(2) L’assistance à une réunion politique ou la contribution financière à la caisse d’un candidat ou d’un parti politique ne constituent pas à elles seules des manquements au paragraphe (1). [suite à la page suivante]

[suite]  (3) Le fonctionnaire désireux de se porter ou d’être choisi comme candidat peut demander à la Commission un congé non payé pour une période se terminant le jour de la proclamation des résultats de l’élection ou, à sa demande, à toute date antérieure marquant la fin de sa candidature. Nonobstant toute autre loi, la Commission peut accorder un tel congé si elle estime que la candidature du fonctionnaire ne nuira pas par la suite à son efficacité, pour la fonction publique, dans le poste qu’il occupe alors.

(10)  Osborne c. Canada (Conseil du Trésor), [1991] 2 R.C.S. 69.       

(11)  Lois du Canada (1991), ch. 16.

(12)  Bill Curry, « Letting public servants become politically active a ‘mistake’:  former advisor to PMs », National Post, mars 2003.


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