Résumé législatif du Projet le loi C-25

Résumé Législatif
Projet de loi C-25 : Loi modifiant la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents
Dominique Valiquet, Division du droit et du gouvernement
Publication no 39-2-LS-589-F
PDF 115, (17 Pages) PDF
2007-12-13

Table des matières


Contexte

A.  Objet et principales modifications du projet de loi

Le projet de loi C-25 : Loi modifiant la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents a été déposé par le ministre de la Justice et procureur général du Canada, l’honorable Robert Nicholson, et a franchi l’étape de la première lecture à la Chambre des communes le 19 novembre 2007.

De façon générale, le projet de loi vise à durcir les dispositions de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (LSJPA)(1) relatives à la détention avant le procès et à la détermination de la peine.  Plus particulièrement, le projet de loi :

  • élargit la possibilité de détenir avant le procès l’adolescent qui représente un danger pour le public ou qui a enfreint des conditions de mise en liberté (art. 1);
  • ajoute la dénonciation et la dissuasion aux principes de détermination de la peine (art. 2).

B.  Bref historique de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents

Le 1er avril 2003, la LSJPA a remplacé la Loi sur les jeunes contrevenants(2), qui était en vigueur depuis 1984.

La LSJPA s’inspire du document intitulé Stratégie de renouvellement du système de justice pour les jeunes que le gouvernement a publié en mai 1998 en réponse au rapport intitulé Le renouvellement du système de justice pour les jeunes(3) que le Comité permanent de la justice et des questions juridiques avait publié en avril 1997.

La LSJPA énonce les principes, les règles de procédure et les mesures de protection applicables dans le cadre des poursuites pénales intentées contre les adolescents en vertu des lois fédérales.  L’âge minimum de responsabilité criminelle en vertu de la LSJPA et de la LJC a été fixé à 12 ans.  Ainsi, il ne peut être déposé d’accusation au criminel contre une personne de moins de 12 ans.

La LSJPA met notamment l’accent sur la réadaptation et les besoins des adolescents.  Elle accorde également une plus grande latitude dans la détermination des peines comportant un placement sous garde.

En octobre 2007, le ministre de la Justice a annoncé qu’un examen exhaustif de la LSJPA serait effectué en 2008(4).

En novembre 2007, dans le cadre de la Réunion fédérale-provinciale-territoriale des ministres responsables de la justice à Winnipeg, les ministres provinciaux et territoriaux ont discuté de la nécessité d’apporter des modifications à la LSJPA(5).

C.  Statistiques

1.  Taux de criminalité

Chez les jeunes âgés de 12 à 17 ans inclusivement, le taux de criminalité annuel moyen est de 7,5 infractions pour 100 habitants(6).  En 2006, on notait une augmentation du taux de criminalité de 3 p. 100, la première hausse depuis 2003, année de l’entrée en vigueur de la LSJPA(7).  Si l’on examine le type d’infraction, cette augmentation totale représentait une hausse de 3 p. 100 des crimes de violence (84 adolescents ont été inculpés d’homicide, soit le niveau le plus élevé depuis 1961), une diminution de 3 p. 100 des crimes contre les biens (notamment au chapitre des introductions par effraction et des vols de véhicules à moteur) et une augmentation de 9 p. 100 des autres infractions au Code criminel (comme les méfaits et le fait de troubler la paix)(8).

En 2006, l’ensemble des provinces (sauf le Québec avec une diminution de 4 p. 100) ont déclaré des augmentations du taux de criminalité chez les adolescents. Les hausses les plus importantes ont été enregistrées à l’Île-du-Prince-Édouard, à Terre-Neuve-et-Labrador, en Nouvelle-Écosse et au Manitoba(9).

Bien que l’activité criminelle soit assez répandue chez les jeunes Canadiens, une étude à grande échelle effectuée au Canada par le Centre canadien de la statistique juridique entre 1995 et 2005 a révélé que « le nombre de crimes consignés commis par la plupart des enfants et des adolescents était très faible, et il était concentré dans les types de crimes les moins graves »(10).

De 1995 à 2005, 59 p. 100 des garçons et 76 p. 100 des filles concernés n’avaient commis qu’une seule infraction(11).  Près de la majorité des infractions était imputable à une minorité d’adolescents; en effet, 10 p. 100 de ces jeunes étaient responsables de 46 p. 100 des infractions(12).

Par ailleurs, l’étude du Centre canadien de la statistique juridique a révélé très peu d’indications de spécialisation dans un type de crime particulier(13).  Dans la majorité des cas où il y avait une spécialisation, il s’agissait d’infractions contre les biens, qui représentaient 47,3 p. 100 des infractions totales(14).  Les infractions contre les personnes et celles liées aux drogues représentaient, respectivement, 16,4 p. 100 (dont 9,9 p. 100 étaient des voies de fait simples) et 6,2 p. 100 des cas(15).

Finalement, selon le Centre canadien de la statistique juridique, les résultats de l’étude « vont généralement dans le même sens que les conclusions de recherches semblables effectuées dans d’autres pays »(16).

2.  Taux d’incarcération

Statistique Canada notait, en octobre 2004, que le taux d’incarcération des jeunes âgés de 12 à 17 ans au Canada en 2002-2003 était de 13 pour 10 000 jeunes, soit son point le plus bas en huit ans(17).  Le taux d’incarcération était en baisse de 33 p. 100 par rapport à 1993-1994.  « Dans l’ensemble, le nombre de jeunes condamnés diminue depuis cette période parallèlement avec la baisse du taux de criminalité chez les jeunes »(18).

Le tableau ci-dessous illustre le nombre d’adolescents en placement sous garde, en détention provisoire avant le procès et ceux purgeant une peine dans la collectivité.

Services correctionnels pour adolescents(19)

 

2000
2001
2002
2003
2004
Détention provisoire
15 055
15 359
14 648
12 392
15 312
Placements sous garde en milieu fermé
6 958
7 385
4 814
3 238
2 758
Placements sous garde en milieu ouvert
7 951
7 702
4 527
3 052
3 033
Peines purgées dans la collectivité
36 509
38 261
26 364
22 808
18 403

 

Le temps passé en détention provisoire est généralement court.  Selon les données de 2002-2003, 54 p. 100 des périodes de détention provisoire ont duré une semaine ou moins, 30 p. 100 entre une semaine et un mois, et 15 p. 100 de un à six mois(20).  Les admissions en détention provisoire représentaient toutefois presque les trois quarts (73 p. 100) des admissions totales en détention en 2003-2004(21).

Selon les mêmes données, les jeunes Autochtones sont surreprésentés dans le système de justice pénale pour adolescents.  En effet, alors que les jeunes Autochtones représentaient 8 p. 100 des adolescents en 2002-2003, « ils ont fait l’objet de 44 p. 100 des admissions en détention provisoire, de 46 p. 100 des admissions en détention après condamnation, de 32 p. 100 des admissions en probation et de 21 p. 100 des cas de mesures de rechange qui ont abouti à une entente »(22).

D.  Commission d’enquête Nunn

1.  La Commission d’enquête

Le 14 octobre 2004, Theresa McEvoy, une mère de 52 ans, a été tuée dans un accident d’automobile par AB, un adolescent de 16 ans.  AB, qui se baladait dans une voiture volée au moment de l’incident, avait été mis en liberté le 12 octobre 2004 malgré le fait que 38 accusations criminelles avaient été déposées contre lui.

Le 29 juin 2005, la Nouvelle‑Écosse a demandé une enquête publique pour examiner la façon dont avaient été traitées les accusations contre AB et d’autres questions qui portent sur la raison pour laquelle il avait été libéré.  L’honorable D. Merlin Nunn a été nommé commissaire aux fins de l’enquête.  Le 5 décembre 2006, le commissaire Nunn a présenté son rapport(23), qui comprenait 34 recommandations :

  • 19 recommandations portent sur la nécessité de simplifier l’administration de la justice et d’améliorer la reddition de comptes;
  • six d’entre elles portent sur le renforcement de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (LSJPA);
  • neuf d’entre elles portent sur la prévention de la criminalité chez les jeunes.

 

2.  Les recommandations concernant la protection du public et la détention provisoire

a.  La protection du public

Pour aider à résoudre le problème que pose le petit groupe que constituent les délinquants dangereux et récidivistes, le commissaire Nunn a recommandé d’inclure la protection du public (à court et à long terme) parmi les principes de la LSJPA énoncés à l’article 3(24).  Présentement, seule la protection à long terme est prévue par la LSJPA en tant que principe(25).

b.  Détention provisoire

À l’heure actuelle, il existe une présomption en faveur de la mise en liberté avant le procès si l’adolescent n’a pas commis d’« infraction avec violence »(26).  Selon le commissaire Nunn, la LSJPA a trop limité la détention avant le procès.  Pour trouver un équilibre entre les droits des adolescents et la sécurité publique, il a recommandé d’élargir la définition d’« infraction avec violence » pour inclure l’idée de la mise en danger du public(27).

Il existe également une présomption en faveur de la mise en liberté avant le procès si l’adolescent n’a pas d’antécédents qui indiquent qu’il a « fait l’objet de plusieurs déclarations de culpabilité »(28).  Par conséquent, un adolescent qui n’a pas d’antécédents criminels, mais contre qui des accusations ont été portées, ne sera probablement pas détenu.  En vue de permettre la détention de ces jeunes accusés pour une série de crimes rapides, le commissaire Nunn a recommandé de remplacer l’obligation de démontrer que l’adolescent a fait l’objet de plusieurs déclarations de culpabilité par l’obligation de démontrer qu’il a commis plusieurs infractions(29).

Enfin, le commissaire Nunn a aussi proposé l’adoption de dispositions distinctes qui porteraient uniquement sur la détention provisoire, sans liens avec le Code criminel ou d’autres dispositions de la LSJPA, comme c’est actuellement le cas(30).

E.  Jurisprudence de la Cour suprême du Canada

1. R. c. B.W.P.; R. c. B.V.N.(31) (dissuasion)

La Cour suprême siégeait en appel de la sentence de deux adolescents condamnés pour homicide involontaire (15 mois de placement sous garde et de surveillance pour B.W.P.(32)) et voies de fait graves causant des lésions corporelles (neuf mois de placement sous garde et de surveillance pour B.V.N.(33)).

Dans son évaluation des peines, la Cour a décidé que la dissuasion ne constitue pas un principe de détermination de la peine pour les adolescents sous le régime actuel de la LSJPA(34).

Si la dissuasion devait être considérée dans le cadre de la Loi sur les jeunes contrevenants(35), la Cour a noté que la LSJPA a instauré un régime de détermination de la peine différent et totalement nouveau(36).

2.  R. c. C.D.; R. c. C.D.K.(37) (infraction avec violence)

La LSJPA prévoit actuellement une présomption en faveur de la mise en liberté avant le procès si, entre autres, l’adolescent n’a pas commis une  « infraction avec violence »(38).  De plus, le tribunal peut imposer une peine comportant le placement sous garde si l’adolescent a été reconnu coupable d’une telle infraction(39).

Notant l’absence de définition juridique, la Cour a défini « infraction avec violence » comme : « Toute infraction commise par un adolescent et au cours de la perpétration de laquelle celui‑ci cause des lésions corporelles ou bien tente ou menace d’en causer. »(40)  Sont donc comprises les infractions de meurtre, de tentative de meurtre, d’homicide involontaire coupable et les « infractions graves avec violence »(41).  La définition établie par la Cour exclut toutefois les infractions strictement contre les biens(42).

Par ailleurs, étant donné que l’adoption de la LSJPA visait notamment à réduire le recours trop fréquent au placement sous garde, la Cour a jugé que la définition d’une « infraction avec violence » n’incluait pas les infractions au cours desquelles des lésions corporelles ne sont que raisonnablement prévisibles(43).  Une définition qui comprendrait ce type d’infraction serait trop large.  La Cour a donc préféré adopter une interprétation restrictive.

En l’espèce, la Cour a décidé que la preuve présentée au procès ne permettait pas de conclure que l’incendie criminel ayant causé des dommages matériels, le port d’arme et la conduite dangereuse constituaient des « infractions avec violence »(44).

Description et analyse

Le projet de loi C-25 contient trois articles.  L’article premier élargit les cas donnant ouverture à la détention provisoire tandis que le deuxième article ajoute la dénonciation et la dissuasion aux principes de détermination de la peine.  L’article 3 prévoit enfin que le projet de loi entrera en vigueur à la date fixée par décret du gouvernement.

A.  Détention provisoire (art. 1)

De façon générale, les dispositions du Code criminel traitant de l’enquête sur cautionnement s’appliquent à la mise en liberté et à la détention des adolescents(45). La LSJPA peut néanmoins y déroger en prévoyant des règles spécifiques pour les adolescents(46).

À l’heure actuelle, la LSJPA prévoit ainsi une présomption spécifique en faveur de la mise en liberté de l’adolescent avant le procès.  Toutefois, cette présomption ne s’applique pas, et l’adolescent pourra être détenu jusqu’au prononcé de la sentence, dans trois cas particuliers :

  • L’adolescent est accusé d’avoir commis une infraction avec violence.
  • L’adolescent n’a pas respecté les peines ne comportant pas de placement sous garde qui lui ont déjà été imposées.
  • L’adolescent est accusé d’avoir commis un acte criminel pour lequel un adulte est passible d’une peine d’emprisonnement de plus de deux ans après avoir fait l’objet de plusieurs déclarations de culpabilité(47).

L’article premier du projet de loi prévoit que le juge peut ordonner la détention provisoire d’un adolescent uniquement dans les cas suivants :

  • Les trois cas énoncés ci-dessus prévus par la LSJPA actuelle.
  • L’adolescent est accusé d’avoir commis une infraction qui met en danger le public en créant une probabilité marquée d’infliction de lésions corporelles graves à une autre personne(48).
  • L’adolescent a été déclaré coupable d’avoir enfreint des conditions de mise en liberté(49).
  • Il existe une probabilité marquée que l’adolescent commettra, s’il est mis en liberté, une infraction avec violence ou une autre infraction qui met en danger le public en créant une probabilité marquée d’infliction de lésions corporelles graves à une autre personne(50).

Selon le ministère de la Justice, cette modification à la LSJPA s’inspire du rapport de la Commission Nunn(51).  Par ailleurs, bien que le projet de loi étende la détention provisoire à un éventail plus grand d’adolescents, les nouvelles règles de la LSJPA en la matière demeureront plus restreintes que celles prévues au Code criminel.

Dans tous les cas, la détention provisoire ne doit pas servir de mesure punitive(52).  Notons aussi que la LSJPA prévoit expressément que le tribunal qui détermine la peine à imposer doit tenir compte du temps passé en détention provisoire(53).  Le tribunal a alors la discrétion de décider du crédit à octroyer dans le calcul de la période de placement sous garde(54).

B.  Dénonciation et dissuasion (art. 2)

L’objectif général de l’imposition d’une peine en vertu de la LSJPA est de faire répondre l’adolescent de l’infraction qu’il a commise par l’imposition de sanctions justes assorties de perspectives positives favorisant sa réadaptation et sa réinsertion sociale, en vue de favoriser la protection durable du public(55).

Actuellement, la LSJPA prévoit des principes qui doivent guider le tribunal pour adolescents dans la détermination de la peine appropriée.  Ces principes comprennent :

  • Les principes énoncés à l’article 3, notamment :
    • la suppression des causes sous-jacentes à la criminalité chez les adolescents;
    • la protection durable du public;
    • la réadaptation et la réinsertion sociale;
    • une responsabilité juste et proportionnelle, compatible avec l’état de dépendance et le degré de maturité de l’adolescent;
    • la réparation des dommages causés à la victime et à la collectivité;
    • la prise en compte des différences ethniques, culturelles, linguistiques et entre les sexes.
  • Les principes énoncés au paragraphe 38(2), qui prévoient que l’imposition de la peine doit :
    • en aucun cas, être plus grave que celle d’un adulte;
    • être semblable à celle qui serait imposée dans la région à d’autres adolescents (harmonisation des peines);
    • être proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité de l’adolescent à l’égard de l’infraction (principe de proportionnalité);
    • comprendre un examen préalable de toutes les sanctions applicables, à l’exception du placement sous garde, qui sont justifiées dans les circonstances, plus particulièrement en ce qui concerne les adolescents autochtones;
    • être la moins contraignante possible pour atteindre l’objectif général de la détermination de la peine;
    • offrir les meilleures chances de réadaptation et de réinsertion sociale;
    • susciter le sens et la conscience des responsabilités.

L’article 2 du projet de loi, en modifiant le paragraphe 38(2) de la LSJPA, ajoute aux principes de détermination de la peine ci-dessus les deux principes suivant lesquels la peine peut viser à :

  • dénoncer le comportement illégal;
  • dissuader l’adolescent, et tout autre adolescent, de commettre des infractions.

Ces deux principes sont déjà prévus dans le cadre de la détermination de la peine chez les adultes(56).  Le projet de loi rend toutefois ces deux principes sujets à l’application du principe fondamental de la proportionnalité.  La Cour suprême du Canada s’est penchée, dans R. c. B.W.P, sur la dissuasion en tant que principe de détermination de la peine :

[L]a dissuasion consiste à imposer une sanction dans le but de décourager le délinquant, et quiconque, de se livrer à des activités criminelles.  Lorsque la dissuasion vise le délinquant traduit devant le tribunal, on parle de « dissuasion spécifique », lorsqu’elle vise d’autres personnes, on parle de « dissuasion générale ».  Les présents pourvois portent sur la dissuasion générale, qui est censée opérer ainsi : des criminels potentiels éviteront de se livrer à des activités criminelles en raison de l’exemple donné par la punition infligée au délinquant.  Quand la dissuasion générale est prise en compte dans la détermination de la peine, le délinquant est puni plus sévèrement, non seulement parce qu’il le mérite, mais également parce que le tribunal décide de transmettre un message à quiconque pourrait être tenté de se livrer à des activités criminelles similaires.

Bien que la dissuasion générale soit dans l’ensemble bien comprise en tant qu’objectif de la détermination de la peine, son degré d’efficacité suscite beaucoup de controverse.  Ceux qui préconisent son abolition comme principe de détermination de la peine, particulièrement dans le cas des adolescents, soutiennent avec vigueur que rien ne démontre qu’elle contribue réellement à la prévention du crime.  Ceux qui préconisent son maintien défendent tout aussi fermement leur position; ils invoquent l’utilisation par la société d’une forme de dissuasion générale pour inciter les adolescents à faire des choix responsables sur différentes questions, notamment en matière de tabagisme, de consommation d’alcool et de drogues et de conduite de véhicules à moteur. (57)

Commentaire

Les avis sont partagés quant à l’utilité et l’efficacité éventuelle du projet de loi C‑25.  Si certains invoquent l’augmentation en 2006 de la criminalité juvénile dans certains coins du pays, comme Halifax, Toronto ou Winnipeg, pour justifier le besoin de peines plus sévères(58), d’autres soutiennent qu’il ne s’agit que d’une hausse ponctuelle et qu’il faut continuer à réduire le recours à  l’incarcération(59).

Selon les détracteurs du projet de loi, les mesures proposées représentent un retour en arrière(60).  On fait remarquer qu’avant l’entrée en vigueur de la LSJPA, le Canada connaissait le taux d’incarcération d’adolescents le plus élevé au monde, devançant même les États-Unis(61).  Il faudrait donc continuer à mettre l’accent sur la réhabilitation et la réinsertion sociale en évitant d’incorporer à la LSJPA des notions applicables aux adultes(62).  Selon des intervenants en milieu communautaire, le projet de loi aurait pour effet d’accroître le nombre de détenus reconnus coupables d’infractions mineures(63).  Les ressources du système de justice seraient ainsi mal réparties.

Les études auraient démontré que l’approche punitive serait inefficace pour lutter contre la délinquance juvénile, car les adolescents agissent souvent impulsivement et sans prendre conscience des conséquences possibles(64).  De l’avis de plusieurs, dont l’ancien procureur général et juge en chef de la Cour de l’Ontario, la prévention serait donc la clé, et non pas la dissuasion par l’imposition de peines plus sévères(65).  En particulier, le gouvernement devrait se pencher sur le problème inquiétant des nombreux détenus souffrant de troubles mentaux(66).

Par ailleurs, en élargissant les règles relatives à la détention provisoire, le projet de loi C-25 irait à l’encontre du principe fondamental de l’article 29(1) de la LSJPA selon lequel la détention provisoire ne doit pas se substituer à des services de protection de la jeunesse ou de santé mentale, ou à d’autres mesures sociales plus appropriées(67).  Selon Martha Mackinnon, intervenante auprès de l’organisme pour les jeunes défavorisés Justice for Children and Youth, le projet de loi confère trop de pouvoir aux policiers, car ces derniers seront encouragés à « gonfler » le nombre d’accusations pour réussir à détenir provisoirement les adolescents(68).

D’autres prétendent que le projet de loi cible uniquement un petit groupe d’adolescents qui représentent un véritable danger pour la société(69).  Le projet de loi viendrait ainsi combler une lacune importante du système de justice pour adolescents et prendrait plus en compte les besoins des victimes et de la société(70).  Le ministre de la Justice de la Nouvelle-Écosse, tout comme le gouvernement de la province, a donné son appui au projet de loi en le qualifiant « d’étape positive » dans la lutte contre la criminalité(71).

Le commissaire Nunn est d’avis que le projet de loi ne modifie pas en profondeur le système actuel(72).  Il s’estime tout de même satisfait que le projet de loi ouvre la porte à des modifications à la LSJPA.  D’autres, comme le chef de police adjoint d’Halifax, Chris McNeil, soutiennent que le projet de loi ne met pas en œuvre la plupart des recommandations de la Commission d’enquête Nunn(73).  Ils auraient voulu que des modifications en profondeur soient apportées à la LSJPA, d’autant plus que certains affirment que la LSJPA actuelle est particulièrement complexe et mal comprise par les avocats et les juges(74).

Bien que le projet de loi ne comprenne pas l’imposition automatique de peines adultes pour les adolescents reconnus coupables de graves crimes de violence et les adolescents récidivistes (le gouvernement préférant attendre la décision de la Cour suprême dans R. c. D.B.(75)), le ministre de la Justice a annoncé une révision complète de la LSJPA en 2008(76).  Le projet de loi C-25 ne représenterait donc qu’une première étape dans la modification du système de justice pénale pour les adolescents.


Notes

* Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur.  Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur.
  1. L.C. 2002, ch. 1.
  2. L.R., 1985, ch. Y-1 (abrogée).
  3. Pour plus d’informations sur les modifications apportées par la LSJPA à l’ancienne législation applicables aux adolescents, voir David Goetz, Projet de loi C-7 : Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, LS-385F, Service d’information et de recherche parlementaires, Bibliothèque du Parlement, 12 février 2001.
  4. Ministère de la Justice du Canada, « Modifications proposées à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents », fiche d’information, novembre 2007.
  5. Voir le communiqué du Secrétariat des conférences intergouvernementales canadiennes, 16 novembre 2007.
  6. Centre canadien de la statistique juridique, Statistique Canada, « L’évolution de la délinquance déclarée par la police chez les jeunes Canadiens nés en 1987 et en 1990 », no 85-561-MIF au catalogue – no 009, novembre 2007, p. 10.
  7. Centre canadien de la statistique juridique, Statistique Canada, « Statistiques de la criminalité au Canada », no 85-002-XIF au catalogue – vol. 27, no 5, juillet 2007, p. 6.
  8. Ibid., p. 6 et 7.
  9. Ibid., p. 7.
  10. Centre canadien de la statistique juridique, Statistique Canada, « L’évolution de la délinquance déclarée par la police chez les jeunes Canadiens nés en 1987 et en 1990 », novembre 2007, p. 60.
  11. Ibid.
  12. Ibid.
  13. Ibid., p. 61.
  14. Ibid., p. 11.
  15. Ibid.
  16. Ibid., p. 6.
  17. Statistique Canada, « Services communautaires et placement sous garde des jeunes », Le Quotidien, 13 octobre 2004.
  18. Ibid.
  19. Statistique Canada, « Services correctionnels pour jeunes, admissions à des programmes provinciaux et territoriaux ».
  20. Centre canadien de la Statistique juridique, Statistique Canada, Juristat, « Les services communautaires et le placement sous garde des jeunes au Canada, 2002-2003 », no 85-002-XPF, vol. 24, no 9, octobre 2004, p. 7 et 8.
  21. Lee Tustin et Robert E. Lutes, A Guide to the Youth Criminal Justice Act 2007/2008, LexisNexis, Markham, juin 2007, p. 53.  Par comparaison, cette proportion était de 60 p. 100 en 1997-1998 sous l’ancien régime de la Loi sur les jeunes contrevenants (Statistique Canada, « La détention provisoire », Le Quotidien, 25 novembre 1999.
  22. Centre canadien de la Statistique juridique, Statistique Canada, Juristat, « Les services communautaires et le placement sous garde des jeunes au Canada, 2002-2003 », no 85-002-XPF, vol. 24, no 9, octobre 2004, p. 6 et 7.
  23. Report of the Nunn Commission of Inquiry, « Spiralling Out of Control:  Lessons Learned from a Boy in Trouble », décembre 2006, p. 227 (Rapport de la Commission Nunn).
  24. Voir la recommandation 20.
  25. Sous-al. 3(1)a)(iii) et art. 38.
  26. Par. 29(2) et al. 39(1)a) de la LSJPA.
  27. Voir la recommandation 21.
  28. Par. 29(2) et al. 39(1)c) de la LSJPA.
  29. Voir la recommandation 22.
  30. Voir la recommandation 23.
  31. [2006] 1 R.C.S. 941.
  32. Le juge du procès a ordonné que B.W.P. purge une journée sous garde en milieu ouvert et qu’il passe le reste des 15 mois en liberté sous condition au sein de la collectivité.
  33. Le placement sous garde a été ordonné d’être purgé en milieu fermé.
  34. Par. 4.
  35. Dans une moindre importance toutefois que dans le cas des contrevenants adultes (R. c. M. (J.J.), [1993] 2 R.C.S. 421, 434).
  36. Par. 4 et 21.
  37. [2005] 3 R.C.S. 668.
  38. Par. 29(2).
  39. Al. 39(1)a) de la LSJPA.
  40. Par. 17.
  41. Par. 65.  Le par. 2(1) de la LSJPA définit ainsi « infraction grave avec violence » : Toute infraction commise par un adolescent et au cours de la perpétration de laquelle celui-ci cause des lésions corporelles graves ou tente d’en causer.
  42. Par. 51 et 52.
  43. Par. 49, 76 et 77.
  44. Par. 88 à 92.
  45. Art. 28 de la LSJPA.
  46. Pour une analyse détaillée du régime de mise en liberté provisoire, voir Nicholas Bala, Youth Criminal Youth Law, Toronto, Irwin Law, 2003, p. 248 et suiv.
  47. Par. 29(2) et al. 39(1)a) à c) de la LSJPA.
  48. Nouvel al. 29(2)a) de la LSJPA.
  49. Nouvel al. 29(2)b) de la LSJPA.  Voir aussi, à titre indicatif seulement, le sous-al. 515(6)a)(i) et l’al. 515(10)a) du Code criminel.
  50. Nouveau par. 29(3) de la LSJPA.  Comparer avec l’al. 515(10) du Code criminel.
  51. Ministère de la Justice du Canada (2007).  Voir spécialement les recommandations 21 et 23.  Signalons que le projet de loi n’a pas suivi la recommandation 22 qui suggérait de remplacer l’obligation de démontrer que l’adolescent a fait l’objet de plusieurs déclarations de culpabilité par l’obligation de démontrer qu’il a commis plusieurs infractions.
  52. Voir le par. 29(1) de la LSJPA et Bala (2003), p. 412.
  53. Al. 38(3)d).
  54. À ce sujet, voir R. c. B. (T.), (2006) 206 C.C.C. (3d) 405 (C.A. Ont.).
  55. Par. 38(1).
  56. Al. 718a) et b) du Code criminel.
  57. R. c. B.W.P.; R. c. B.V.N, [2006] 1 R.C.S. 941, par. 2 et 3.
  58. Mindelle Jacobs, « Youth Violence is a National Pastime », The Whitehorse Star, 26 novembre 2007, p. 8; Iain Hunter, « Tough Talk on Youth Crime Good Politics, Bad Policy », Times Colonist [Victoria], 28 novembre 2007, p. A12.
  59. Tonda MacCharles, « Youth Crime Bill Pushed Deterrence », The Toronto Star, 20 novembre 2007, p. A01; La Presse Canadienne, « Incarceration Rate Rises for the First Time in a Decade; But StatsCan Report Shows Number of Youth Behind Bars Drops, Continuing Decline that Began with Youth Justice Act », Times & Transcript [Moncton], 22 novembre 2007, p. C1.
  60. Barbara Benoliel et Terance Brouse, « ‘Tough-on-Crime’ Policies Actually Make Us Less Safe », The Toronto Star, 6 décembre 2007, p. AA08.
  61. Bernard Richard, « ‘Young Offenders’ aren’t Adults »,New Brunswick Telegraph-Journal, 26 novembre 2007, p. A7.
  62. Benoliel et Brouse (2007); Richard (2007).
  63. Benoliel et Brouse (2007).
  64. Iain Hunter (2007); Jim Kelly, « Tough Not Enough; Former Attorney General Says Prevention is Key to Fighting Youth Violence », The Thunder Bay Chronicle-Journal, 27 novembre 2007, City News; Tonda MacCharles (2007).
  65. Kelly (2007); James Bradshaw, « Review on Violence:  Youth Crime Panel Pushes Prevention over Enforcement », Globe and Mail [Toronto], 24 novembre 2007, p. A21.
  66. Richard (2007).
  67. Ibid.
  68. MacCharles (2007).
  69. Jacobs (2007).
  70. La Presse canadienne, « Les jeunes délinquants écoperont », Le Droit, 20 novembre 2007, p. 14; Hunter (2007).  Lorrie Goldstein, « No Quick Fix for Youth Crime Act », The Ottawa Sun, 26 novembre 2007, p. 14.
  71. Michael Tutton, « Youth Crime Bill Fixes ‘Do Nothing’; Protection of Public must be Primary Principle of the Act, says Halifax Deputy Police Chief », The Chronicle-Herald, 4 décembre 2007, p. A1; Brian Flinn, « Youth Justice Act Proposed Changes Effective:  Minister », The Daily News [Halifax], 5 décembre 2007, p. 10.
  72. Flinn (2007).
  73. Flinn (2007); « Ottawa veut faciliter l’emprisonnement des jeunes contrevenants », Le Journal de Montréal, 20 décembre 2007, p. 18.
  74. « Crime Bill:  When Youths Reach the Courts », éditorial, The Globe and Mail, 21 novembre 2007, p. A22.
  75. Ministère de la Justice du Canada (2007).
  76. « Parliamentary Agenda:  Tories Hope Youth Crime Legislation will Shift Focus from Schreiber Saga », The Globe and Mail, 20 novembre 2007, p. A4.

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