Résumé législatif du Projet de loi C-27

Résumé Législatif
Projet de loi C-27 : Loi modifiant le Code Criminel (vol d'identité et inconduites connexes)
Nancy Holmes, Division du droit et du gouvernement
Dominique Valiquet, Division du droit et du gouvernement
Publication no 39-2-LS-593-F
PDF 127, (17 Pages) PDF
2008-02-08

Table des matières


Introduction

Le 21 novembre 2007, le projet de loi C-27 : Loi modifiant le Code criminel (vol d’identité et inconduites connexes) a été déposé à la Chambre des communes par le ministre de la Justice, Rob Nicholson. Il crée plusieurs nouvelles infractions au Code criminel qui visent expressément les aspects du vol d’identité non prévus par les dispositions existantes. Avant tout, il cible les étapes préparatoires au vol d’identité en rendant illégal le fait d’obtenir, d’avoir en sa possession, de transférer ou de vendre des pièces d’identité d’une autre personne.

Contexte

Le vol d’identité est appelé le crime du XXIe siècle. La prolifération de renseignements personnels et financiers due à l’Internet et aux autres technologies électroniques a redonné un souffle nouveau à un crime ancien. Il n’y a pas si longtemps, l’usurpation de l’identité d’autrui était une action menée à échelle réduite qui demandait du temps et des efforts (p. ex. vol d’un sac à main, introduction par effraction, écoute d’une conversation privée). Cependant, de nos jours, les auteurs de vol d’identité peuvent s’exécuter loin de leurs victimes, accéder à des bases de données qui renferment une foule de renseignements personnels et transmettre les données volées rapidement et facilement à l’autre bout de la planète.

L’ampleur et la portée du vol d’identité font qu’il est difficile non seulement de définir le terme, mais aussi de mesurer l’étendue du problème. Au sujet de la définition de « vol d’identité », certains qualifient de « fraude à l’identité » l’utilisation frauduleuse de renseignements personnels et de « vol d’identité » l’obtention non autorisée de renseignements. C’est l’approche adoptée dans le projet de loi. D’autres, cependant, donnent au terme « vol d’identité » un sens général qui englobe à la fois l’étape préparatoire consistant à acquérir, à réunir et à transférer les renseignements personnels et l’utilisation comme telle des renseignements pour essayer de commettre, ou pour commettre, un acte criminel.

Les techniques de vol d’identité sont très diverses, allant de moyens relativement simples comme la fouille de poubelles, le vol de courrier et le faux semblant (se faire passer pour quelqu’un qui est autorisé à obtenir les renseignements recherchés) à des activités plus complexes, telles que l’écrémage(1), l’hameçonnage(2), le détournement de domaine(3), l’hameçonnage vocal(4) et le piratage de grandes bases de données. Comme les technologies évoluent sans cesse, les voleurs d’identité mettent constamment au point de nouvelles techniques pour recueillir des données personnelles. Il y a même des opérateurs en ligne et des réseaux clandestins qui se spécialisent dans la vente de renseignements personnels volés. Par conséquent, le vol d’identité consiste aussi bien à voler des données relatives à une carte de crédit qu’à usurper complètement une identité.

Une fois obtenus, les renseignements personnels peuvent servir à ouvrir un compte bancaire, à contracter un emprunt, à se procurer une carte de crédit, à obtenir un emploi ou à transférer des titres de propriété foncière au nom de la victime. Des pièces d’identité volées ou reproduites peuvent être utilisées pour obtenir des prestations de l’État ou des documents émis par le gouvernement. On observe aussi une tendance croissante à se servir du vol d’identité pour faciliter les agissements du crime organisé ou de groupes terroristes (pour tromper les autorités ou éviter de se faire repérer par la police).

Les victimes de vol d’identité peuvent subir d’importantes pertes financières et voir entacher leur réputation ou leur cote de crédit. Elles encourent également des pertes de temps et d’argent et du stress émotif en essayant de rétablir leur réputation et de récupérer ce qui a été volé. Les gouvernements et les entreprises peuvent eux aussi perdre de l’argent et entacher leur réputation; dans la mesure où le vol d’identité a servi à des activités terroristes, il peut y avoir des répercussions sur la sécurité nationale.

Étant donné qu’il faut des mois, voire des années, pour découvrir un vol d’identité et que la plupart des cas ne sont pas signalés, il est difficile de se fier aux statistiques à ce sujet. PhoneBusters, centre national d’appel antifraude géré conjointement par la Police provinciale de l’Ontario et la Gendarmerie royale du Canada, est la principale source de données sur les vols d’identité au pays; toutefois, ses données statistiques, parce qu’elles reposent sur les plaintes reçues, ne sont révélatrices que d’une partie du problème. Selon PhoneBusters, pour l’année civile qui s’est terminée en décembre 2006, on a signalé des pertes totalisant 16 millions de dollars, ce qui représente entre 7 000 et 8 000 plaintes(5). Il est à noter que, par rapport à l’année précédente, les pertes financières ont doublé, mais le nombre de victimes a diminué de moitié, ce qui peut donner à penser que le vol d’identité devient plus lucratif et que les moyens de mettre chaque fraude à profit se multiplient. Le Conseil canadien des bureaux d’éthique commerciale évalue à plus de deux milliards de dollars par année le coût des vols d’identité pour les consommateurs, les banques, les sociétés émettrices de cartes de crédit, les commerces et les autres entreprises au Canada.

Récemment, des comités parlementaires et des députés ont demandé que le Code criminel soit modifié pour faciliter la lutte contre le vol d’identité. Par exemple, dans son quinzième rapport de la 1re session de la 39e législature, le Comité permanent des finances a recommandé que le ministre de la Justice prenne les mesures nécessaires pour incorporer au Code criminel l’infraction désignée communément sous le nom de « vol d’identité ». De plus, en mai 2006, M. James Rajotte a déposé le projet de loi C-299 : Loi modifiant le Code criminel (obtention de renseignements identificateurs par fraude ou par un faux semblant). Le projet de loi vise à modifier le Code criminel pour affronter le problème du « faux semblant », qui consiste à obtenir frauduleusement des renseignements personnels d’un tiers en se faisant passer pour cette personne ou pour quelqu’un autorisé à avoir les renseignements en question. Il est actuellement à l’étape de la première lecture au Sénat.

Dans sa version actuelle, le Code criminel ne prévoit pas expressément l’infraction de vol d’identité. Exception faite d’un petit nombre de nouvelles infractions relatives aux ordinateurs (art. 342.1) et aux cartes de crédit et de débit (art. 342), la plupart des infractions contre les biens que renferme le Code datent d’avant l’arrivée des ordinateurs et d’Internet. En 2004, le ministère de la Justice a publié un document de consultation afin de solliciter des avis au sujet des mesures législatives qui pourraient être prises pour remédier aux lacunes du Code dans ce domaine(6). Il faisait observer que le Code, s’il vise la plupart des utilisations frauduleuses de renseignements personnels par les voleurs d’identité, ne s’applique pas en revanche à la collecte, à la possession et au trafic illicites de renseignements personnels (sauf en ce qui concerne les cartes de crédit et les mots de passe des ordinateurs) pour un futur usage criminel.

Cette lacune dans le Code s’explique largement par le fait que les infractions contre les biens (p. ex. le vol) ont trait à des choses tangibles dont le propriétaire est privé. Il est donc difficile de désigner comme des biens des renseignements non matériels ou virtuels, à moins qu’ils aient une valeur commerciale en soi, par exemple des secrets commerciaux. De plus, les tribunaux statuent en général que les éléments du vol et de la fraude ne sont pas présents si seule la confidentialité des renseignements personnels a été violée. Autrement dit, la reproduction de renseignements personnels, même pour un futur usage criminel, n’est pas une infraction au Code. Enfin, le document de consultation du ministère de la Justice signale qu’avant l’avènement de l’ordinateur et d’Internet, la fraude à l’identité supposait normalement qu’une personne vole l’identité et l’utilise ensuite en vue d’en tirer profit. La technologie d’aujourd’hui facilite l’implication de nombreuses personnes dans toute la filière de l’activité criminelle, de sorte que les éléments de la fraude ne sont pas tous commis par la même personne.

Description et analyse

Le projet de loi C-27 contient 13 articles. Nous étudierons chaque article, sauf l’article 2 (qui précise la définition de « passeport »(7) au sens des infractions relatives à ce document officiel canadien, comme la fabrication ou l’utilisation d’un faux passeport(8)) et l’article 13 (qui prévoit que le projet de loi entrera en vigueur à la date fixée par décret).

A. Infractions générales

1. Possession ou trafic illégal de documents gouvernementaux (art. 1)

L’article premier du projet de loi crée une nouvelle infraction mixte(9) relative aux pièces d’identité délivrées par un ministère, un organisme public fédéral ou provincial, ou un gouvernement étranger.

Ainsi, une personne qui, sans excuse légitime, fait fabriquer, a en sa possession, transmet, vend ou offre en vente une telle pièce d’identité concernant une autre personne est passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans (art. 1 du projet de loi ajoutant les nouveaux par. 56.1(1) et 56.1(4) au Code).

Le nouveau paragraphe 56.1(3) du Code fournit une liste des pièces d’identité visées par la nouvelle infraction. Il s’agit des documents officiels suivants :

  • carte d’assurance sociale;
  • permis de conduire;
  • carte d’assurance maladie;
  • certificat de naissance;
  • passeport;
  • un document simplifiant les formalités d’entrée au Canada;
  • certificat de citoyenneté;
  • un document indiquant un statut d’immigration au Canada;
  • certificat du statut d’Indien;
  • tout autre document semblable délivré par un gouvernement étranger.

En ce qui concerne les documents officiels délivrés par les différents ordres de gouvernement au Canada, il semble que cette liste soit exhaustive. Une future pièce d’identité gouvernementale ne serait donc pas couverte par l’infraction de possession ou de trafic illégal de documents gouvernementaux prévue par le projet de loi.

Par ailleurs, cette nouvelle infraction n’exige pas que le poursuivant fasse la preuve de l’intention d’utiliser les pièces d’identité de façon trompeuse, malhonnête ou frauduleuse dans la perpétration d’un crime (comme c’est le cas par exemple pour la nouvelle infraction de vol d’identité à l’art. 10 du projet de loi).

Toutefois, le projet de loi prévoit qu’une personne peut avoir une excuse légitime pour faire fabriquer, avoir en sa possession, vendre ou offrir en vente une pièce d’identité gouvernementale concernant une autre personne (art. 1 du projet de loi ajoutant le nouveau par. 56.1(1) au Code). Par exemple, une personne ne sera pas déclarée coupable de l’infraction si elle a agi :

  • de bonne foi dans le cours normal de ses affaires, de son emploi ou de ses fonctions;
  • à des fins généalogiques;
  • avec le consentement de la personne visée par la pièce d’identité ou de la personne autorisée à donner son consentement en son nom ou avec celui de l’administration qui l’a délivrée;
  • dans un but légitime lié à l’administration de la justice.

2. Faux et infractions similaires (art. 8 et 9)

L’article 8 du projet de loi ajoute à l’infraction actuelle d’employer un document contrefait(10) le trafic de documents contrefaits (nouvel al. 368(1)c) du Code) et la possession d’un document contrefait dans l’intention de l’utiliser (nouvel al. 368(1)d) du Code). Toutes ces infractions sont punissables d’un emprisonnement maximal de dix ans.

L’article 9 du projet de loi précise que l’infraction de fabriquer, de vendre ou d’avoir en sa possession un instrument destiné à fabriquer un faux document(11) comprend également le fait de réparer, d’acheter, d’exporter ou d’importer un tel instrument (nouvel art. 368.1 du Code). Cette infraction est punissable d’un emprisonnement maximal de 14 ans.

a. Exemptions (art. 7 et 9)

Les articles 7 et 9 du projet de loi prévoient toutefois des exemptions pour le travail d’informateur effectué par les organismes d’application de la loi.

L’article 7 met à l’abri de poursuites pour fabrication d’un faux document(12) les personnes qui fabriquent de faux documents à la demande des forces policières, des Forces canadiennes ou d’un ministère ou organisme public fédéral ou provincial (nouveau par. 366(5) du Code).

L’article 9 permet aux fonctionnaires publics de créer et d’utiliser des identités cachées dans l’exercice légitime de leurs fonctions ou de leur emploi. Ils ne pourront donc être reconnus coupables de faire un faux document(13), d’employer un document contrefait(14), de faire le trafic de documents contrefaits(15), de posséder un document contrefait dans l’intention de l’utiliser(16), ou de l’infraction relative aux instruments destinés à fabriquer un faux document(17) (nouvel art. 368.2 du Code).

3. Vol d’identité (art. 10)

L’article 10 du projet de loi ajoute une nouvelle section au Code criminel intitulée « Vol d’identité et fraude à l’identité ». En vertu du projet de loi, le vol d’identité représente les étapes préliminaires (comme la collecte et la possession de renseignements relatifs à l’identité) et la fraude à l’identité constitue l’usage trompeur subséquent des renseignements relatifs à l’identité d’une autre personne dans le cadre de diverses infractions comme la supposition de personne, la fraude ou l’usage abusif des données de cartes de crédit(18).

L’article 10 du projet de loi crée ainsi une nouvelle infraction mixte visant l’obtention ou la possession de renseignements relatifs à l’identité : le vol d’identité (nouveau par. 402.2(1) du Code). Cette nouvelle infraction est punissable d’un emprisonnement maximal de cinq ans (nouveau par. 402.2(5) du Code).

a. Renseignements identificateurs

Pour qu’une personne soit reconnue coupable de vol d’identité, le poursuivant doit, premièrement, prouver qu’elle a, en toute connaissance de cause, obtenu ou possédé des « renseignements identificateurs » sur une autre personne.

Le projet de loi définit un « renseignement identificateur » comme « […] tout renseignement – y compris un renseignement biologique ou physiologique – d’un type qui est ordinairement utilisé, seul ou avec d’autres renseignements, pour identifier ou pour viser à identifier une personne physique […] » (art. 10 du projet de loi ajoutant le nouvel art. 402.1 au Code).

Cette définition est différente de la définition de « renseignement personnel » prévue par la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE)(19). La définition de la LPRPDE vise « tout renseignement concernant un individu identifiable » et peut donc comprendre des renseignements qui ne permettent pas d’identifier une personne comme telle, mais qui se rapporte à une personne identifiable, comme les préférences d’achat d’un individu(20). La définition de « renseignement identificateur » prévue par le projet de loi est plus restreinte, car le renseignement doit identifier ou viser à identifier une personne.

Par ailleurs, en vertu de la définition du projet de loi, un renseignement qui est utilisé seul peut ne pas identifier une personne comme telle (par exemple, une adresse) et quand même être considéré comme un « renseignement identificateur », s’il peut être jumelé avec d’autres renseignements (par exemple, une date de naissance) pour servir d’identification.

Le nouvel article 402.1 du Code donne des exemples de « renseignements identificateurs » :

  • nom;
  • adresse;
  • date de naissance;
  • signature manuscrite, électronique ou numérique;
  • numéro d’assurance sociale, d’assurance maladie ou de permis de conduire;
  • numéro de carte de crédit ou de débit;
  • numéro de compte d’une institution financière;
  • numéro de passeport;
  • code d’usager;
  • mot de passe;
  • empreinte digitale ou vocale;
  • image de la rétine ou de l’iris;
  • profil d’ADN.

Certains renseignements, comme le numéro d’assurance sociale, l’empreinte digitale ou le profil d’ADN, sont uniques, c’est-à-dire qu’à eux seuls ils servent à identifier une personne.

b. Actes criminels comprenant la fraude, la supercherie ou le mensonge

Deuxièmement, pour obtenir une condamnation pour vol d’identité, le poursuivant devra également prouver que l’accusé a obtenu ou possédé des « renseignements identificateurs » sur une autre personne dans des circonstances qui permettent raisonnablement de conclure qu’ils seront utilisés dans l’intention de commettre un acte criminel dont l’un des éléments constitutifs est la fraude, la supercherie ou le mensonge. En vertu du nouveau par. 402.2(3) du Code, il s’agit notamment des actes criminels suivants :

  • faux ou usage de faux en matière de passeport;
  • emploi frauduleux d’un certificat de citoyenneté;
  • prétendre faussement être un agent de la paix;
  • parjure;
  • vols, etc. de cartes de crédit;
  • escroquerie : faux semblant ou fausse déclaration;
  • faux;
  • emploi, possession, trafic d’un document contrefait;
  • fraude;
  • fraude à l’identité.

4. Trafic de renseignements identificateurs (art. 10)

L’article 10 du projet de loi crée une autre nouvelle infraction mixte visant cette fois la transmission, la mise à la disposition, la distribution, la vente, l’offre de vente et la possession à ces fins de « renseignements identificateurs » concernant une autre personne : le trafic de renseignements identificateurs (nouveau par. 402.2(2) du Code). La définition de « renseignements identificateurs » prévue au nouvel article 402.1 du Code s’applique également à cette nouvelle infraction.

En vue d’obtenir une condamnation pour trafic de renseignements identificateurs, le poursuivant devra prouver que l’accusé a fait le trafic de renseignements identificateurs concernant une autre personne sachant ou croyant qu’ils seront utilisés pour commettre un acte criminel dont l’un des éléments constitutifs est la fraude, la supercherie ou le mensonge ou ne se souciant pas de savoir si tel est le cas. Les exemples d’actes criminels prévus au nouveau paragraphe 402.2(3) du Code s’appliquent à l’infraction de trafic de renseignements identificateurs.

Cette nouvelle infraction, à l’instar du vol d’identité, est punissable d’un emprisonnement maximal de cinq ans (nouveau par. 402.2(5) du Code).

5. Fraude à l’identité (art. 10)

Le projet de loi remplace la désignation de l’infraction actuelle de « supposition intentionnelle de personne »(21) (soit le fait de se faire passer pour une autre personne avec l’intention d’obtenir un avantage, un bien ou de causer un désavantage à une personne) par la qualification de « fraude à l’identité » (art. 10 du projet de loi modifiant l’art. 403 du Code).

L’article 10 du projet de loi ajoute également à l’infraction actuelle le fait de se faire passer pour une autre personne avec l’intention d’éviter une arrestation ou une poursuite, ou d’entraver le cours de la justice (nouvel al. 403(1)d) du Code).

De plus, l’article 10 du projet de loi précise que l’expression « se faire passer pour une autre personne » comprend le fait que l’accusé prétende être celle-ci ou qu’il utilise, comme s’il se rapportait à lui, tout renseignement identificateur ayant trait à l’autre personne (nouveau par. 403(2) du Code). La définition de « renseignements identificateurs » prévue au nouvel article 402.1 du Code s’applique également à l’infraction de fraude à l’identité.

La peine maximale prévue pour la fraude à l’identité est la même que celle prévue actuellement pour la supposition de personne, soit un emprisonnement de dix ans (nouveau par. 403(3) du Code).

B. Infractions spécifiques

1. Prétendre faussement être un agent de la paix (art. 3)

Actuellement, l’infraction de prétendre faussement être un agent de la paix est uniquement punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire(22). La peine maximale est donc une amende de 2 000 $ et un emprisonnement de six mois, ou l’une de ces peines(23).

L’article 3 du projet de loi fait de cette infraction, une infraction mixte et augmente la peine en prévoyant un emprisonnement maximal de cinq ans (nouveau par. 130(2) du Code).

2. Utilisation et copie de données relatives à une carte de crédit (art. 4 et 5)

Le paragraphe actuel 342(3) du Code traite de l’infraction de posséder frauduleusement ou d’utiliser frauduleusement des données relatives à une carte de crédit ou d’en faire le trafic(24). L’article 4 du projet de loi précise que les données relatives à une carte de crédit comprennent notamment le numéro d’identification personnel (NIP). La définition de « carte de crédit » comprenait déjà les cartes de débit(25).

Le paragraphe actuel 342.01(1) du Code prévoit l’infraction de fabriquer, de vendre, d’exporter, d’importer ou de posséder un instrument pour falsifier des cartes de crédit ou en fabriquer des fausses. L’article 5 du projet de loi ajoute une infraction semblable pour les instruments qui servent à reproduire les données relatives à une carte de crédit (nouvel al. 342.01(1) du Code).

La peine maximale pour toutes ces infractions est un emprisonnement de 10 ans.

3. Infractions relatives au courrier (art. 6)

Le courrier représente une véritable mine d’or de renseignements personnels. Pensons aux relevés bancaires ou de carte de crédit, aux divers documents gouvernementaux ou encore aux demandes de crédit préapprouvées. Le vol de courrier devient donc une activité de choix pour obtenir illégalement des renseignements identificateurs.

À l’heure actuelle, le sous-alinéa 356(1)a)(i) du Code traite du vol d’une chose envoyée par la poste, après son dépôt à un bureau de poste et avant sa livraison. En vertu du paragraphe 6(1) du projet de loi, une personne commet également un vol de courrier si elle vole une chose envoyée par la poste après sa livraison, mais avant que son destinataire l’ait en sa possession (nouveau sous-al. 356(1)a)(i) du Code).

En plus de voler le courrier, certains criminels vont détourner illégalement le courrier d’une autre personne. Ils peuvent y arriver en effectuant un faux changement d’adresse auprès de l’organisation même qui expédie un état de compte (par exemple, une banque ou une compagnie de crédit) ou en utilisant le service général de changement d’adresse (réexpédition) de Postes Canada. En plus de mettre la main sur une foule de renseignements personnels, ces criminels pourront ainsi gagner du temps pour poursuivre leurs activités frauduleuses à l’insu des victimes. Le paragraphe 6(1) du projet de loi s’attaque à ce problème en créant une nouvelle infraction de détournement de courrier (nouvel al. 356(1)d) du Code).

Ce même paragraphe du projet de loi crée également une nouvelle infraction de fabriquer, d’utiliser ou d’avoir en sa possession une copie d’une clé à courrier de Postes Canada dans l’intention de commettre une infraction relative au courrier (nouvel al. 356(1)b) du Code). Le Code traitait déjà de l’infraction de voler une telle clé(26).

Par ailleurs, les infractions relatives au courrier prévues actuellement au Code sont considérées comme des actes criminels. Le paragraphe 6(2) du projet de loi prévoit que les infractions relatives au courrier sont des infractions mixtes. La peine maximale demeure un emprisonnement de dix ans.

C. Ordonnance de dédommagement (art. 11)

Lorsque le délinquant sera reconnu coupable de vol d’identité, de trafic de renseignements identificateurs ou de fraude à l’identité, le tribunal pourra lui ordonner de dédommager la victime. Le délinquant devra alors rembourser à la victime les dépenses raisonnables qu’elle aura engagées pour rétablir son identité, notamment pour corriger son dossier et sa cote de crédit et remplacer ses pièces d’identité. Il s’agit d’une ordonnance discrétionnaire qui pourra s’ajouter à toute autre peine.

D. Remplacement du projet de loi C-299 (art. 12)

Le projet de loi d’initiative parlementaire C-299 : Loi modifiant le Code Criminel (obtention de renseignements identificateurs par fraude ou par un faux semblant) ajoute deux nouvelles infractions au Code, punissables d’un emprisonnement maximal de deux ans :

  • obtenir des renseignements identificateurs d’une autre personne par fraude ou faux semblant(27) dans l’intention de les utiliser pour commettre une fraude ou une supposition de personne (cet acte est également couvert par l’infraction de vol d’identité du projet de loi C-27);
  • vendre ou communiquer des renseignements identificateurs d’une autre personne, sachant qu’ils sont destinés à commettre une fraude ou une supposition de personne (ces actes sont également couverts par l’infraction de trafic de renseignements identificateurs du projet de loi C-27).

Le projet de loi C-299 définit « renseignements identificateurs » comme étant « des renseignements concernant une personne, vivante ou morte, pouvant être utilisés, seuls ou avec d’autres renseignements, pour l’identifier ». Cette définition est également comprise par la définition de « renseignements identificateurs » prévue par le projet de loi C-27.

L’article 12 du projet de loi C-27 dispose qu’en cas de sanction du projet de loi C-299, l’entrée en vigueur du projet de loi C-27 fera en sorte d’abroger le projet de loi C-299. Le projet de loi C-299 est actuellement en 1re lecture au Sénat.

Commentaire

En général, les associations de police, les entreprises, les services d’évaluation du crédit et les défenseurs des droits à la vie privée se réjouissent du dépôt du projet de loi C-27 parce qu’il vise à démasquer les voleurs d’identité, à les poursuivre en justice et à les condamner. L’Association canadienne des chefs de police et l’Association des banquiers canadiens demandent depuis un certain temps que le Code criminel soit modifié pour reconnaître le vol d’identité comme un crime.

Cependant, les défenseurs des droits à la vie privée et les groupes de consommateurs se sont empressés de signaler que le projet de loi n’est qu’un élément d’un vaste train de mesures sur le vol d’identité. Il reste encore à établir un cadre d’action général qui mettrait à contribution les organismes responsables de l’application de la loi, les groupes de consommateurs, les entreprises et les institutions financières et qui s’attaquerait aux grandes questions touchant le vol d’identité (p. ex. renforcement et application des lois sur la protection des renseignements, protection des consommateurs, dédommagement des victimes et éducation du public). Des arguments en faveur de ce cadre d’action général ont été présentés par les témoins qui ont comparu devant le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique de la Chambre des communes au printemps 2006. Le Comité a tenu plusieurs audiences préliminaires sur la question du vol d’identité avant la prorogation du Parlement le 14 septembre 2007(28).


Notes

* Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur. Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur.
  1. L’écrémage (ou clonage) consiste à enregistrer les renseignements personnels qui se trouvent sur la bande magnétique d’une carte de débit ou de crédit au moyen d’un petit lecteur électronique, appelé glaneuse, en vue de créer d’autres cartes, souvent à des fins frauduleuses.
  2. L’hameçonnage consiste à envoyer un courriel qui semble provenir d’une organisation digne de confiance (comme une banque) pour amener la victime à fournir des données sur son compte et d’autres renseignements personnels.
  3. Le détournement de domaine est une variante de l’hameçonnage qui consiste à créer un faux site Web en utilisant l’adresse du vrai site et à amener la victime à fournir des renseignements personnels sur ce faux site.
  4. L’hameçonnage vocal s’apparente à l’hameçonnage sauf qu’il utilise le téléphone pour amener la victime à appeler ce qu’elle croit être à tort une banque ou une société de crédit.
  5. PhoneBusters, « Statistiques : Vol d’identité plaintes », 2006.
  6. Ministère de la Justice du Canada, Document de consultation sur le vol d’identité, octobre 2004.
  7. L’actuel par. 57(5) du Code définit « passeport » comme un document émis par le ministre des Affaires étrangères, ou sous son autorité, en vue d’en identifier le titulaire. Le projet de loi précise qu’il s’agit « d’un document officiel canadien qui établit l’identité et la nationalité d’une personne afin de faciliter ses déplacements hors du Canada » (italique ajouté).
  8. Art. 57 du Code.
  9. Une infraction mixte s’entend d’une infraction où le poursuivant a le choix du mode de poursuite : par mise en accusation ou par voie sommaire.
  10. Al. 368(1)a) et b) du Code.
  11. Al. 369b) du Code.
  12. Art. 366 du Code.
  13. Ibid.
  14. Al. 368(1)a) et b) du Code.
  15. Nouvel al. 368(1)c) du Code.
  16. Nouvel al. 368(1)d) du Code.
  17. Nouvel art. 368.1 du Code.
  18. Ministère de la Justice du Canada, Vol d’identité, Fiche d'information, novembre 2007.
  19. En vertu de la LPRPDE, « renseignement personnel » s’entend de « tout renseignement concernant un individu identifiable, à l’exclusion du nom et du titre d’un employé d’une organisation et des adresses et numéro de téléphone de son lieu de travail » (L.C. 2000, ch. 5, par. 2(1)).
  20. Voir Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 39e législature, 22 février 2007, 0910 (Me William Bartlett (avocat-conseil, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice du Canada)).
  21. Art. 403 du Code.
  22. Art. 130 du Code.
  23. Par. 787(1) du Code.
  24. En vertu du par. 342(4) du Code, « “trafic” s’entend […] de la vente, de l’exportation du Canada, de l’importation au Canada ou de la distribution, ou de tout autre mode de disposition ».
  25. Art. 321 du Code.
  26. Sous-al. 356(1)a)(iii).
  27. « L’expression “faux semblant” […] désigne une représentation d’un fait présent ou passé, par des mots ou autrement, que celui qui la fait sait être fausse, et qui est faite avec l’intention frauduleuse d’induire la personne à qui on l’adresse à agir d’après cette représentation » (par. 361(1) du Code).
  28. Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique de la Chambre des communes, 1re session, 39e législature.


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