Dans ce résumé législatif, tout changement d’importance depuis la dernière publication est indiqué en caractères gras.
Le projet de loi C-30, Loi modifiant la Loi sur les grains du Canada et la Loi sur les transports au Canada et prévoyant d’autres mesures (titre abrégé : « Loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grain ») a été présenté à la Chambre des communes par le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire et adopté en première lecture le 26 mars 2014.
En modifiant la Loi sur les grains du Canada 1 et la Loi sur les transports au Canada 2, le gouvernement du Canada cherche à accélérer l’expédition des grains 3 vers leurs marchés de destination. Il cherche aussi à accroître la transparence de la chaîne d’approvisionnement et à renforcer les contrats conclus entre les producteurs et les expéditeurs 4.
Le projet de loi établit des exigences relatives à la quantité minimum de grain transporté par certaines compagnies de chemin. Il fixe aussi des pénalités maximales de 100 000 $ par jour pour les compagnies ferroviaires qui ne se conforment pas à ces exigences. Ces mesures sont en vigueur jusqu’au 1er août 2016, ou jusqu’à une date ultérieure sur résolution adoptée par les deux Chambres du Parlement.
Selon un communiqué d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, les changements à la législation permettront aussi de :
Conférer des pouvoirs réglementaires pour permettre à l’Office des transports du Canada de rallonger à 160 km les distances d’interconnexion en Saskatchewan, en Alberta et au Manitoba, et ce pour toutes les denrées, afin d’accroître la concurrence entre les compagnies de chemin de fer […].
Conférer des pouvoirs réglementaires pour permettre d’augmenter la spécificité des exigences opérationnelles établies dans les Accords sur les niveaux de service.
Établir des pouvoirs réglementaires dans la Loi sur les grains au Canada pour permettre d’intervenir lorsque des entreprises céréalières ne respectent pas les dispositions en matière de rendement prévues dans leurs contrats avec les producteurs 5.
La majorité de la production de grains du Canada est exportée, soit en vrac ou sous la forme de produits transformés. Elle doit donc être expédiée sur de grandes distances pour parvenir au consommateur, et les chemins de fer ont toujours occupé une place prépondérante dans le transport du grain à l’intérieur du Canada, jusqu’aux ports d’où il sera exporté.
Le système ferroviaire canadien est dominé par deux sociétés, la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (le CN) et la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique (le CP), qui exploitent les grandes lignes est-ouest permettant l’expédition du grain des Prairies vers les ports du Pacifique ou vers les Grands Lacs et la voie maritime du Saint-Laurent. Le gros des infrastructures d’entreposage et de manutention est bâti autour de ce réseau.
En janvier 2014, des groupes agricoles ont rapporté qu’en raison de la congestion dans les installations terminales et de transbordement (où le grain est confié au système ferroviaire), les producteurs de grains doivent attendre de trois à six mois pour acheminer leurs récoltes sur les marchés internationaux. Le 10 février 2014, Pulse Canada, l’association nationale qui représente les producteurs et transformateurs de légumineuses au Canada, signalait au Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire de la Chambre des communes (le « Comité ») que le manque de wagons à cette date se chiffrait à 51 000, et que, par conséquent, 4,5 millions de tonnes de grains n’avaient pu être commercialisées comme prévu 6.
Les audiences du Comité dans le cadre de son étude sur le système de manutention des grains au Canada ont également mis en lumière les conséquences de ces retards en termes de pertes de revenu dans l’Ouest canadien ainsi que pour la réputation du Canada à titre de fournisseur fiable de grains sur les marchés internationaux.
Une récolte exceptionnelle en 2013 et un hiver 2013-2014 particulièrement rigoureux expliquent, au moins en partie, cette mauvaise performance du système canadien de manutention et de transport du grain.
Ensemble, ces deux événements ont créé un goulot d’étranglement au niveau du transport ferroviaire, ce qui a entraîné des retards dans les livraisons de grains.
Durant les témoignages reçus par le Comité, des intervenants du secteur agricole ont toutefois indiqué qu’une récolte et des températures exceptionnelles n’expliquaient pas entièrement la mauvaise performance du système de transport du grain. Selon certains, le manque de concurrence dans le secteur des transports ne permettrait pas au système de fonctionner de façon optimale, ce qui se traduirait par un manque de capacité d’appoint pour répondre à des pics de demande, et une mauvaise planification des besoins en wagon. D’autres ont indiqué que l’absence de pénalités réciproques pour toutes les parties tout au long de la chaîne d’approvisionnement ne permet pas de responsabiliser les expéditeurs de grains à l’égard de leur rendement.
Depuis 2012, le gouvernement du Canada a lancé un certain nombre d’initiatives qui visent l’amélioration du système de manutention et de transport du grain.
La Loi sur les grains du Canada (LGC) crée la Commission canadienne des grains (la « Commission ») et établit le cadre réglementaire pour la manutention, la certification de la qualité, la salubrité et les exportations de grain canadien. Le projet de loi étend les pouvoirs de la Commission afin qu’elle puisse intervenir lorsque les entreprises céréalières (les « titulaires de licence » dans la LGC) ne respectent pas leurs contrats avec les producteurs céréaliers 12.
Ainsi, le projet de loi accorde à la Commission le nouveau pouvoir de prescrire, par règlement, les dispositions que doivent comprendre les contrats entre un producteur céréalier et une entreprise céréalière, notamment concernant les pénalités à payer en cas de non-respect du contrat (art. 5 du projet de loi). La Commission peut agir, ou nommer quelqu’un qui agira en son nom, comme arbitre dans un litige concernant une disposition que doivent comprendre les contrats entre un producteur et une entreprise céréalière (art. 2 du projet de loi). Si une entreprise céréalière ne se conforme pas à la décision arbitrale, la Commission peut suspendre la licence de l’entreprise pendant 30 jours (art. 3 du projet de loi) ou même la révoquer (art. 4 du projet de loi).
La Loi sur les transports au Canada (LTC) s’applique aux questions de transport relevant de la compétence législative du Parlement, afin de favoriser un système de transport compétitif, rentable et bien adapté au Canada. La LTC établit l’Office des transports du Canada (OTC), qui constitue l’organisme de réglementation économique des industries du transport aérien et du transport ferroviaire.
L’article 5.1 du projet de loi a été ajouté par le Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire pendant son étude du projet de loi 13. Il édicte le nouvel alinéa 116(4)c.1), lequel donne à l’OTC le pouvoir d’ordonner à une compagnie de chemin de fer :
L’article 6 du projet de loi édicte les nouveaux articles 116.1 à 116.3 de la LTC pour imposer de nouvelles obligations de service au CN et au CP relativement au transport du grain. Sous réserve de la demande et de la capacité des corridors ferroviaires, ces compagnies devront transporter chacune au moins 500 000 tonnes métriques de grains par semaine jusqu’au 3 août 2014 (nouveau par. 116.2(1)). Par décret, le gouverneur en conseil peut fixer la quantité minimum de grains que le CN et le CP devront transporter au cours des campagnes agricoles - période qui s’étend du 1er août d’une année au 31 juillet de l’année suivante (nouvel art. 116.1) - subséquentes (nouveaux par. 116.2(2) et (4)). Par décret, il peut aussi, modifier cette quantité minimum pendant une campagne agricole (nouveaux par. 116.2(3) et (4)).
L’OTC est chargé de donner son avis au ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire quant à la quantité minimum de grains que le CN et le CP doivent transporter pendant une campagne agricole. Avant de donner son avis, l’OTC doit consulter ces compagnies ainsi que les entreprises de manutention de grain (nouveaux par. 116.2 (5), (6) et (7)). Sur demande du Ministre, l’OTC est aussi chargé de vérifier si le CN et le CP se conforment aux nouvelles exigences en matière de transport du grain (nouvel art. 116.3).
Les articles 9 à 12 du projet de loi prévoient l’imposition d’une amende maximale de 100 000 $ par jour pour tout manquement par le CN ou le CP pour ce qui est de transporter la quantité minimum de grain requise.
L’article 7 du projet de loi ajoute à l’article 128 de la LTC un nouveau paragraphe qui concerne les modalités d’interconnexion. L’interconnexion permet aux expéditeurs d’expédier des marchandises sur le réseau d’un chemin de fer en passant par celui d’un autre. Généralement, l’interconnexion ne peut être réclamée par l’expéditeur lorsque le point de chargement ou le point de déchargement se situe à plus de 30 kilomètres du point d’interconnexion. Le nouveau paragraphe 128(1.1) précise que l’OTC peut prévoir des distances d’interconnexion différentes selon les régions et les marchandises transportées.
L’article 8 du projet de loi ajoute à l’article 169.31 de la LTC un nouveau paragraphe concernant l’arbitrage sur les conditions d’exploitation dans le cadre d’un contrat confidentiel. Ce type de contrat permet aux expéditeurs et aux compagnies de chemin de fer de fixer entre eux des conditions d’expédition de marchandises qui diffèrent des prix publiés par la compagnie de chemin de fer. Le nouveau paragraphe 169.31(1.1) précise que l’OTC peut, par règlement, déterminer ce que constituent les conditions d’exploitation pouvant être soumise à l’arbitrage.
L’article 13 du projet de loi déclare valide le décret pris le 7 mars 2014 pour exiger que le CN et le CP augmentent sur une période de quatre semaines leur capacité de transport, afin d’être en mesure de transporter chacune un volume minimal de 500 000 tonnes métriques de grain par semaine dès le 7 avril 2014.
La mesure annoncée par le gouvernement concernant la quantité minimum de grain que doivent transporter le CN et le CP sera temporaire. Ainsi, les paragraphes 5.1(2), 6(2), 7(2), 8(2), 9(2), 10(2), 11(2) et 12(2) abrogent les modifications à la LTC relatives à cette mesure. Ces paragraphes entreront en vigueur le 1er août 2016, ou à une date ultérieure si une résolution adoptée par les deux Chambres du Parlement proroge leur entrée en vigueur.
Les autres dispositions du projet de loi entreront en vigueur au moment où celui-ci recevra la proclamation royale.
Le projet de loi contient des dispositions de coordination avec la Loi modifiant la Loi sur les grains du Canada et la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire et abrogeant la Loi sur les marchés de grain à terme (ch. 22 des Lois du Canada (1998)).
Étant donné l’urgence de la situation pour les producteurs de grain de l’Ouest canadien et la nature des modifications apportées, les réactions aux mesures proposées dans le projet de loi ne se sont pas fait attendre.
Les compagnies de chemin de fer ont qualifié le projet de loi de lourde intrusion dans le transport ferroviaire. Le CN a indiqué entre autres que :
le projet de loi ne porte pas sur les causes profondes de la situation actuelle dans le secteur céréalier et ne contribuera pas vraiment à acheminer plus de céréales, que ce soit maintenant ou plus tard. Nous nous inquiétons aussi vivement au sujet des conséquences possibles des nouvelles règles de manœuvres inter-réseaux proposées par le gouvernement 14.
Si certains groupes agricoles ont réagi positivement au dépôt du projet de loi, d’autres estiment qu’il ne va pas assez loin. L’Association canadienne des cultures spéciales s’est félicitée de la réponse rapide du gouvernement au problème d’engorgement du système de transport du grain 15. Par contre, pour la Western Canadian Wheat Growers Association, les exigences en matière de volume de grain à transporter ne réduiront pas suffisamment les stocks de grains, qui pourraient atteindre 20 millions de tonnes en fin de campagne, soit plus du double des deux dernières années. L’Association estime aussi que les pénalités ne sont pas suffisantes 16. Le président de l’Alberta Barley a qualifié le projet de loi de solution temporaire et déclaré que pour avoir un système de transport fiable et transparent, le gouvernement doit chercher des solutions à plus long terme 17.
* Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur. Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur. [ Retour au texte ]
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