Résumé législatif du Projet de loi C-32

Résumé Législatif
Projet de loi C-32 : Loi modifiant le Code criminel (conduite avec facultés affaiblies)
Laura Barnett, Division du droit et du gouvernement
Publication no 39-1-LS-543-F
PDF 139, (20 Pages) PDF
2006-12-20
Révisée le : 2007-09-25

Table des matières


Déposé à la Chambre des communes le 21 novembre 2006, et ayant fait l’objet d’un rapport accompagné d’amendements de la part du Comité permanent de la justice et des droits de la personne le 20 juin 2007, le projet de loi C‑32 apporte des modifications au Code criminel (le Code)(1) et à d’autres lois afin d’assurer la mise en œuvre d’un système plus rigoureux d’infractions relatives à la conduite avec facultés affaiblies par des drogues.  Pour l’instant, l’alinéa 253a) du Code dispose que la conduite d’un véhicule avec des facultés affaiblies par l’alcool ou une drogue, ou une combinaison d’alcool et de drogue, constitue une infraction.  L’alinéa 253b) dispose que le fait de conduire quand l’alcoolémie dépasse la limite prescrite par la loi constitue une infraction, mais aucune limite de ce genre n’existe pour les drogues.  Par conséquent, bien que la conduite avec facultés affaiblies par des drogues constitue un acte criminel, les policiers disposent de peu de moyens prévus par la loi pour déterminer qu’un tel acte a été commis.  À l’heure actuelle, ils se fient à des symptômes non quantifiables, tels qu’un comportement erratique au volant et des témoignages.  Les tests de dépistage de drogue ne sont admis en cour que si le conducteur s’y est soumis de son plein gré.

Le projet de loi renforce l’application des dispositions de la loi relatives à la drogue en donnant aux policiers le pouvoir d’imposer des tests physiques de sobriété et le prélèvement d’échantillons de substances corporelles pour les enquêtes en application de l’alinéa 253a).  De tels tests permettraient d’évaluer l’affaiblissement des facultés par les drogues illicites et les médicaments en vente libre et délivrés sur ordonnance.  En premier lieu, les policiers seront autorisés à administrer des tests de sobriété normalisés (TSN) le long de la route s’ils ont des motifs raisonnables de croire que le conducteur est sous l’effet d’une drogue.  Ces tests incluent des évaluations physiques de la sobriété, notamment à l’aide de tests de division de l’attention qui servent à vérifier la capacité du conducteur d’effectuer des tâches multiples.  Si le conducteur échoue, le policier a alors des motifs raisonnables de croire qu’il s’est rendu coupable de conduite avec facultés affaiblies et peut l’accompagner à un poste de police pour lui faire subir une évaluation par un expert en reconnaissance de drogues (ERD), qui inclut une combinaison d’entrevues et d’observations de l’état physique du conducteur.  Si l’ERD détermine qu’une catégorie particulière de drogues cause l’affaiblissement des facultés, le projet de loi permet aux policiers d’obtenir des échantillons de salive, d’urine ou de sang. Aucune accusation ne peut être portée sans la confirmation, par des épreuves toxicologiques, des résultats préliminaires de l’évaluation de l’ERD, mais ces résultats peuvent être produits comme preuve en cas de poursuites pour conduite avec facultés affaiblies.  Enfin, le refus d’un conducteur de se soumettre à une évaluation physique de la sobriété ou au prélèvement d’un échantillon de substances corporelles constitue un acte criminel punissable en vertu des mêmes dispositions qui s’appliquent actuellement au refus de subir un alcootest ou un test de dépistage sanguin.

Le projet de loi alourdit aussi les peines liées à la conduite avec facultés affaiblies par l’alcool et les drogues aux termes du paragraphe 255(1) du Code, et crée de nouvelles infractions liées à la conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort ou des lésions corporelles : conduite avec une alcoolémie supérieure à 80 milligrammes d’alcool par 100 millilitres de sang et ayant causé la mort (prison à perpétuité) ou des lésions corporelles (dix ans d’emprisonnement); et refus de se soumettre à un prélèvement d’haleine, de salive, d’urine ou de sang lorsque l’accusé savait ou aurait dû savoir que sa conduite avait causé un accident ayant entraîné la mort (prison à perpétuité) ou des lésions corporelles (dix ans d’emprisonnement).

Enfin, en ce qui concerne la conduite avec facultés affaiblies par l’alcool, le projet de loi limite les contestations en cour du résultat du test d’alcoolémie.  Alors que le défendeur pouvait auparavant demander à des témoins d’attester qu’il avait bu seulement de petites quantités d’alcool, ou qu’il avait bu à un rythme auquel l’alcool consommé aurait été absorbé et éliminé par le corps de l’accusé, le projet de loi limite le recours à « toute preuve contraire » aux preuves tendant à démontrer le mauvais fonctionnement ou l’utilisation incorrecte de l’alcootest approuvé et le fait que l’alcoolémie de l’accusé ne dépassait pas 80 milligrammes d’alcool par 100 millilitres de sang au moment où l’infraction alléguée aurait été commise.

Contexte

A.  Études parlementaires et gouvernementales

Le Parlement s’est penché sur la conduite avec facultés affaiblies par des drogues en mai 1999, quand le Comité permanent de la justice et des droits de la personne a déposé le rapport Vers l’élimination de la conduite avec facultés affaiblies.  Le Comité y soulignait le fait que les drogues jouent un rôle dans certains accidents de la route mortels et que l’incidence de la conduite avec facultés affaiblies par les drogues est sous-estimée, car les lois actuelles n’accordent aux policiers aucun moyen facile de dépister les drogues.  Le Comité a souligné le besoin d’adopter de meilleures mesures pour dépister les cas de conduite avec facultés affaiblies par des drogues et obtenir les preuves nécessaires pour faire condamner les contrevenants.

Toutefois, le Comité a signalé plusieurs obstacles à cet objectif.  Ainsi, le Code exige que le policier ait des « motifs raisonnables » de croire qu’une personne a les facultés affaiblies avant d’administrer des tests; le Comité a souligné que le Parlement devrait définir clairement la nature des « motifs raisonnables », si le refus de se soumettre à des tests devenait un acte criminel.  En outre, il semble n’exister aucun test non invasif unique permettant de déceler la présence de drogues susceptibles d’affaiblir les facultés du conducteur.  En fin de compte, il faudrait probablement obtenir un échantillon de sang.  Le Comité a approuvé l’évaluation par un ERD, mais a ajouté que les provinces avaient le dernier mot en matière de formation dans ce domaine.  De plus, le Comité a insisté sur le besoin de tenir compte des conséquences du dépistage de drogues dans le contexte de la Charte, puisque les tests proposés peuvent être plus invasifs et prendre plus de temps que ceux utilisés pour mesurer l’alcoolémie.

Le Comité a fait deux recommandations sur la conduite avec facultés affaiblies par des drogues.  Il a d’abord recommandé que l’article 256 du Code soit modifié pour permettre aux juges d’autoriser le prélèvement d’un échantillon de sang pour le dépistage d’alcool ou de drogues, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un délit de conduite avec facultés affaiblies a été commis.  Il a aussi recommandé que le ministre de la Justice consulte les provinces et territoires afin de proposer des mesures législatives pour recueillir de meilleures preuves contre les conducteurs soupçonnés d’avoir les facultés affaiblies par des drogues.

En septembre 2002, le Comité spécial du Sénat sur les drogues illicites a déposé un rapport intitulé Le cannabis : Positions pour un régime de politique publique pour le Canada, selon lequel entre 5 et 12 p. 100 des conducteurs pourraient conduire sous l’influence du cannabis et ce pourcentage monterait à plus de 20 p. 100 lorsqu’on considère seulement les jeunes hommes de moins de 25 ans.  Selon le Comité, le cannabis seul, surtout à faible dose, a peu d’effet sur les capacités mises en jeu par la conduite d’un véhicule et, par conséquent, ne présente pas de risque pour la circulation routière.  Toutefois, bien que le cannabis mène à un style de conduite plus prudent, il a tout de même un effet négatif sur le temps de décision et le maintien de la trajectoire, et le conducteur a plus de mal à rester dans sa voie.  En outre, selon les tests de dépistage, une proportion importante de conducteurs avec facultés affaiblies ont consommé à la fois du cannabis et de l’alcool, et les effets du cannabis alliés à ceux de l’alcool sont plus importants que ceux de l’alcool seul.

Le Comité du Sénat a également souligné qu’il n’existait aucune méthode fiable, non invasive et rapide de dépistage des drogues le long de la route.  L’analyse sanguine reste le meilleur moyen de dépister le cannabis.  Il est impossible de conclure à un usage récent à partir d’un échantillon d’urine.  La salive pourrait être une méthode, mais il n’existe dans le commerce aucun test rapide assez fiable.  Toutefois, la méthode de reconnaissance visuelle employée par les policiers a donné des résultats satisfaisants par le passé.  Le Comité a souligné qu’il était essentiel de mener d’autres études, afin de mettre au point un outil de dépistage rapide et d’en savoir plus sur les habitudes de conduite automobile des consommateurs de cannabis.

À titre de recommandation finale à propos de la nécessité d’interdire la conduite avec facultés affaiblies, le Comité a proposé deux modifications au Code : réduire l’alcoolémie permise à 40 milligrammes d’alcool par 100 millilitres de sang quand l’alcool a été consommé en combinaison avec des drogues, particulièrement le cannabis, et accueillir comme preuve le témoignage de policiers formés à reconnaître les personnes qui conduisent des véhicules sous l’influence de drogues.

En réponse aux recommandations de 1999 du Comité permanent de la justice et des droits de la personne, le Groupe de travail du ministère de la Justice sur la conduite avec facultés affaiblies a procédé à des consultations poussées auprès des provinces et des territoires sur la question et, en octobre 2003, il a publié Conduite avec facultés affaiblies par les drogues : Document de consultation.  Compte tenu des préoccupations soulevées par le fait que beaucoup de conducteurs aux facultés affaiblies par des drogues ne se plient pas de plein gré au dépistage en vertu du régime actuel, le Groupe de travail a souligné le besoin d’instaurer par voie législative un régime qui permettrait aux policiers d’obliger les conducteurs soupçonnés d’avoir les facultés affaiblies à se soumettre au dépistage.

Le Groupe de travail a décrit deux grandes solutions.  La première était d’établir une limite légale de drogue dans l’organisme.  Toutefois, il a admis qu’une limite de zéro ne serait peut-être pas indiquée, car certains conducteurs pourraient avoir du cannabis dans leur organisme sans avoir les facultés affaiblies, parce qu’ils en auraient consommé plusieurs semaines auparavant.

La deuxième solution était de légiférer au sujet de la capacité des policiers d’exiger des tests de dépistage des drogues.  En décrivant, à quelques exceptions près, un régime analogue à celui proposé dans le projet de loi C‑32, le Groupe de travail a proposé qu’un policier expert agréé en TSN puisse exiger un test physique de sobriété ou prélève un échantillon de salive ou de sueur le long de la route, s’il a des motifs raisonnables de croire qu’un conducteur a les facultés affaiblies par des drogues.  Des résultats positifs constitueraient un motif raisonnable pour faire une évaluation par un ERD à un poste de police.  Un policier pourrait alors exiger un échantillon de substance corporelle (sang, urine, salive) à des fins de confirmation, s’il a un motif raisonnable de croire que le conducteur a commis une infraction au sens de l’alinéa 253a) en ayant consommé une drogue ou une combinaison de drogues et d’alcool au cours des trois heures précédentes.  Le témoignage de l’ERD et les résultats des tests de dépistage seraient tous admissibles comme preuves, et le refus de se soumettre à de tels tests constituerait une infraction aux termes du Code.

Toutefois, le Groupe de travail a également souligné que, dans le contexte de la Charte, le législateur devra étudier à fond les dispositions actuelles du Code qui permettent d’exiger des échantillons d’haleine ou d’ADN à utiliser comme preuves et qui ont déjà résisté à des contestations judiciaires.  Le législateur devra aussi tenir compte du moment, au cours du processus, où le suspect doit être informé de son droit de consulter un avocat.

Le dernier rapport parlementaire sur la conduite avec facultés affaiblies par des drogues, celui publié par le Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou de médicaments (projet de loi C‑38) de la Chambre des communes, remonte à l’automne 2003(2).  Les auteurs recommandaient au Parlement d’élaborer une stratégie relative à la conduite avec facultés affaiblies par des drogues après avoir examiné un projet de loi qui proposait de décriminaliser la possession de petites quantités de marijuana.  Le 26 avril 2004, un projet de loi – qui portait lui aussi le numéro C-32 – a été déposé à la Chambre des communs et devait apporter au Code des modifications relatives à la conduite avec les facultés affaiblies.  Il a ensuite été renvoyé au Comité pour étude avant la deuxième lecture, mais est mort au Feuilleton en mai 2004 avec le déclenchement des élections.  Le gouvernement suivant a déposé le projet de loi C‑16, essentiellement semblable, à la Chambre des communes le 1er novembre 2004.  Le Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile a renvoyé ce projet de loi amendé (qui était à bien des égards semblable à l’actuel projet de loi C‑32) à la Chambre des communes avant la deuxième lecture le 14 novembre 2005, mais le projet de loi est lui aussi mort au Feuilleton quand des élections ont été déclenchées à la fin de novembre 2005.

B.  Mesures nationales et internationales

Bien que l’évaluation par un ERD ne soit pas encore prévue au Code, cette forme de dépistage est déjà répandue dans la plupart des États américains, en Australie, en Nouvelle‑Zélande, en Allemagne, en Norvège et en Suède.  Même au Canada, les services de police recourent déjà au dépistage par des ERD au Québec, en Colombie-Britannique, en Alberta, en Ontario, en Nouvelle-Écosse et au Manitoba, mais seulement dans les cas où le conducteur y consent.  Ces tests ont résisté à des contestations judiciaires qui ont été portées jusque devant la Cour suprême des États-Unis(3).  Un coordonnateur national des ERD collabore actuellement avec les organismes d’application de la loi du pays et élabore un cadre opérationnel des ERD au Canada.  En novembre 2004, on comptait 1 794 policiers formés pour administrer sur place les tests de sobriété normalisés (TSN) et 106 policiers étaient des ERD agréés(4).

Description et analyse

A.  Précision et définitions – Conduite avec facultés affaiblies par la drogue

Si on regarde la portée première des dispositions législatives proposées, les articles premier et 3 du projet de loi fournissent certaines précisions préliminaires pour étayer les nouvelles dispositions du Code sur la conduite avec facultés affaiblies par des drogues.  L’article premier attribue un nouveau numéro à l’article 253 du Code, la principale disposition sur la conduite avec facultés affaiblies, qui devient le paragraphe 253(1), et ajoute le paragraphe 253(2), qui précise que l’expression « affaiblie par l’effet de l’alcool ou d’une drogue » inclut l’affaiblissement par l’effet combiné de l’alcool et d’une drogue.

Les paragraphes 3(1) et (2) du projet de loi modifient les définitions du paragraphe 254(1) du Code en étendant leur application aux nouvelles dispositions du projet de loi, et pour ajouter la définition de l’« agent évaluateur », c’est‑à‑dire un agent de la paix qui possède les qualités prévues par règlement pour effectuer des évaluations d’ERD.

B.  Nouvel article 254 du Code – Dispositions sur le dépistage de drogues

Les fondements du nouveau régime de dépistage en cas de conduite avec facultés affaiblies sont énoncés au paragraphe 3(3) du projet de loi, qui précise la terminologie employée aux paragraphes 254(2) à (6) du Code et en élargit la portée.

Le paragraphe 254(2) décrit maintenant la première étape du dépistage en cas de conduite avec facultés affaiblies (c.‑à‑d. le TSN) et dispose qu’un agent de la paix qui, le long de la route, a des raisons de soupçonner qu’une personne a dans son organisme de l’alcool ou de la drogue et que, dans les trois heures précédentes, elle a conduit un véhicule, peut ordonner à cette personne a) de se soumette immédiatement à un TSN prévu par règlement pour déterminer si des tests de dépistage plus poussés de l’alcool et des drogues doivent être administrés, et b) dans le cas de l’alcool, de fournir immédiatement un échantillon d’haleine.  Pour plus de sûreté, l’agent de la paix peut filmer le TSN sur vidéo.

La nouvelle version du paragraphe 254(3) reprend les termes de la version actuelle en disposant qu’un agent de la paix peut exiger un échantillon d’haleine ou de sang, s’il a des motifs raisonnables de croire qu’une personne a été au volant en état d’ébriété au cours des trois heures précédentes.

Les paragraphes 254(3.1) à (3.3) sont nouveaux.  Le paragraphe 254(3.1) décrit la seconde étape du dépistage de l’affaiblissement des facultés par des drogues (c.-à-d. l’évaluation par un ERD), à laquelle on passe généralement quand un suspect échoue au TSN.  Un agent de la paix qui a des motifs raisonnables de croire qu’une personne a, au cours des trois dernières heures, conduit un véhicule alors que ses facultés étaient affaiblies par une drogue ou par une combinaison d’alcool et de drogue, peut exiger, dans les meilleurs délais, que cette personne subisse une évaluation d’ERD(5) à un poste de police.  L’agent de la paix peut enregistrer cette évaluation sur vidéo.

Complétant ces dispositions, le paragraphe 254(3.2) dispose que l’ERD peut, dans les meilleurs délais, exiger un échantillon d’haleine, s’il a des motifs raisonnables de soupçonner la présence d’alcool dans l’organisme de l’individu et si l’agent de la paix qui a effectué l’arrestation n’a pas demandé de test le long de la route en vertu des paragraphes 254(2) ou (3).

Le paragraphe 254(3.3) décrit la dernière étape du dépistage en cas de conduite avec facultés affaiblies : le prélèvement d’un échantillon de substances corporelles.  Dans les meilleurs délais suivant la fin de l’évaluation par l’ERD, si ce dernier a des motifs raisonnables de croire que la capacité de la personne de conduire un véhicule est affaiblie par l’effet d’une drogue ou par l’effet combiné de l’alcool et d’une drogue, il peut lui ordonner de fournir un échantillon de salive, d’urine ou de sang.

Enfin, les paragraphes 254(4) à (6) ne sont que réitérés ou clarifiés à la lumière des nouvelles dispositions.  Plus particulièrement, le paragraphe 254(4) dispose que des échantillons de sang ne peuvent être prélevés que par un médecin ou un technicien qui est convaincu que ces prélèvements ne risquent pas de mettre en danger la vie ou la santé de l’individu.  L’article 7 du projet de loi met à jour l’ancien paragraphe 257(2) pour faire en sorte que ni le médecin ni le technicien ne soient coupables d’un acte criminel ou passibles de poursuites au civil pour avoir prélevé ou fait prélever un échantillon de sang en vertu des paragraphes 254(3) ou (3.3), et pour tout geste nécessaire posé avec des soins et une habilité raisonnables.

Puisque les modalités précises des tests prévus par l’article 254 ne sont pas décrites dans le Code, l’article 4 du projet de loi crée l’article 254.1, qui permet au gouverneur en conseil de réglementer les compétences et la formation des ERD et de prescrire des épreuves de coordination des mouvements (c.-à-d. le TSN), ainsi que les tests et les méthodes d’évaluation par des ERD.

C.  Peines

Comme le prévoit déjà le paragraphe 254(5) du Code au sujet du « refus d’obtempérer » relatif à l’alcootest, le refus par un conducteur de se soumettre à des tests de dépistage de drogue sera dorénavant considéré comme un acte criminel.  Le paragraphe 255(4) dispose qu’une personne déclarée coupable d’une infraction prévue à l’article 253 ou au paragraphe 254(5) est réputée être déclarée coupable d’une infraction subséquente, si elle a déjà été déclarée coupable d’une infraction prévue à l’une de ces dispositions.

Les paragraphes 5(1) et (2) du projet de loi augmentent les peines prévues pour les infractions de conduite avec facultés affaiblies par l’alcool ou une drogue figurant au paragraphe 255(1).  Pour une première infraction, l’amende minimale passe de 600 $ à 1 000 $; pour une deuxième infraction, la peine de prison minimale passe de 14 à 30 jours; et pour chaque peine subséquente, la peine de prison minimale passe de 90 à 120 jours.  Lorsque l’infraction est punissable par procédure sommaire, la peine de prison maximale passe de six à 18 mois.

Le paragraphe 5(3) du projet de loi précise le libellé relatif aux peines prévues à l’article 255, en tenant compte des nouvelles dispositions sur la conduite avec facultés affaiblies par les drogues.  Les paragraphes 255(2) et (3) prévoient toujours que la conduite avec facultés affaiblies par l’alcool ou des drogues, une infraction prévue à l’alinéa 253(1)a), peut entraîner un emprisonnement maximal de dix ans lorsqu’elle cause des lésions corporelles, et l’emprisonnement à perpétuité lorsqu’elle cause la mort.  Deux nouvelles infractions de conduite avec facultés affaiblies causant des lésions corporelles ou la mort sont ajoutées avec les mêmes peines : conduire avec une alcoolémie de plus de 80 milligrammes d’alcool par 100 millilitres de sang aux termes de l’alinéa 253(1)b) et causer la mort (emprisonnement à vie) ou des lésions corporelles (dix ans d’emprisonnement); et refuser de fournir un échantillon d’haleine, de salive, d’urine ou de sang alors que l’accusé savait ou aurait dû savoir que sa conduite a causé un accident ayant entraîné la mort (prison à perpétuité) ou des lésions corporelles (dix ans d’emprisonnement).

D.  Exigences techniques et éléments de preuve requis

Les articles 6 et 8 du projet de loi précisent le libellé du paragraphe 256(5) et de l’article 258 du Code en y intégrant les nouvelles dispositions relatives à la conduite avec facultés affaiblies par des drogues.  L’article 6 met à jour le paragraphe 256(5), qui prévoit toujours que, lorsqu’est exécuté un mandat prévu au paragraphe 256(1) en vue d’obtenir un prélèvement sanguin, l’agent de paix doit donner copie du document à la personne qui fait l’objet du prélèvement.

Les articles 8 et 9 du projet de loi portent sur la capacité qu’ont les procureurs d’utiliser les résultats des examens comme preuve dans le cadre de poursuites.  Aucune accusation ne sera portée à moins que le rapport d’analyse toxicologique confirme l’évaluation préliminaire de l’ERD.  Les paragraphes 8(2) à (9) du projet de loi, qui précisent le libellé concernant la procédure et la preuve, mettent à jour le paragraphe 258(1) en y intégrant les nouvelles dispositions relatives aux examens de dépistage de drogues et font en sorte que les résultats de ces analyses puissent servir de preuve dans des poursuites pour conduite avec facultés affaiblies par des drogues, comme c’est actuellement le cas pour la conduite avec facultés affaiblies par l’alcool.  Essentiellement, les résultats des analyses d’haleine, de sang, d’urine ou d’autres substances corporelles peuvent être admis comme preuve, même si l’accusé n’a pas été averti avant le prélèvement de l’échantillon qu’il n’est pas obligé de consentir au prélèvement ou que les résultats de l’examen peuvent servir de preuve.

Les paragraphes 8(3), (5), (6) et (7) du projet de loi actualisent le paragraphe 258(1) pour limiter au résultat du test d’alcoolémie les contestations devant le tribunal.  Alors qu’avant le défendeur pouvait demander à des témoins d’attester qu’il avait bu seulement de petites quantités d’alcool, ou qu’il avait bu à un rythme auquel l’alcool consommé aurait été absorbé et éliminé par le corps de l’accusé, le projet de loi limite le recours à « toute preuve du contraire » aux preuves tendant à démontrer que l’ivressomètre fonctionnait mal ou a été mal utilisé, qu’à cause de cela l’alcoolémie de l’accusé a été établie à plus de 80 milligrammes d’alcool par 100 millilitres de sang et qu’elle ne dépassait pas 80 milligrammes d’alcool par 100 millilitres de sang au moment de l’infraction.  Le paragraphe 8(7) fait en sorte que la signature du technicien qui atteste le relevé de l’ivressomètre soit une preuve suffisante des faits allégués dans le relevé et qu’il ne soit pas nécessaire de prouver l’authenticité de la signature ou la qualité officielle du signataire.  Essentiellement, le relevé d’alcootest imprimé par l’ivressomètre qui confirme son bon état de fonctionnement est admis comme preuve.

Le paragraphe 8(10) du projet de loi, qui précise le libellé des paragraphes 258(2) à (6) en y intégrant les nouvelles dispositions, prévoit qu’à moins que la personne ne soit tenue de fournir un échantillon aux termes de l’alinéa 254(2)b) ou des paragraphes 254(3), (3.2) ou (3.3), le refus d’obtempérer n’est pas admissible au procès, pas plus qu’il ne peut y faire l’objet d’un commentaire.  Le fait de refuser d’obtempérer à la demande de fournir un échantillon faite en vertu de l’article 254 est admissible en preuve lors d’un procès en ce qui concerne une infraction prévue à l’alinéa 253(1)a), et le tribunal pourrait en tirer une conclusion défavorable.  Si, au moment où un échantillon est prélevé, un autre échantillon est pris et conservé, le juge peut permettre l’examen d’un échantillon à la demande de l’accusé, sous réserve de toutes les conditions voulues pour faire en sorte que l’échantillon soit conservé aux fins de la procédure dans le cadre de laquelle il a été pris.  L’échantillon de sang de l’accusé qui est prélevé pour mesurer l’alcoolémie aux termes du paragraphe 254(3) ou de l’article 256, ou autrement avec le consentement de l’accusé, peut être soumis à des examens pour détecter la présence de drogues dans le sang.  Enfin, l’accusé peut exiger, pour contre-interrogatoire, la présence du médecin, de l’analyste ou du technicien qui a signé un certificat décrit au paragraphe 258(1).

L’article 9 du projet de loi ajoute une nouvelle disposition au Code concernant l’utilisation non autorisée des échantillons.  Le nouveau paragraphe 258.1(1) dispose qu’il est interdit d’utiliser les échantillons prélevés aux termes de l’alinéa 254(2)b), des paragraphes 254(3), (3.2) ou (3.3) ou de l’article 256, ou prélevés avec le consentement de l’accusé et à la demande d’un agent de la paix, ou les échantillons médicaux prélevés avec son consentement et subséquemment saisis en vertu d’un mandat, à d’autres fins que les analyses qui y sont prévues.  Le paragraphe 258.1(2) prévoit que les résultats des examens et l’analyse de l’échantillon prélevé aux termes des paragraphes 254(2) à (3.3) ou de l’article 256, ou prélevé avec le consentement de l’accusé à la demande d’un agent de la paix, ou les échantillons médicaux prélevés avec son consentement et subséquemment saisis en vertu d’un mandat, ne peuvent être communiqués ou utilisés que dans le cadre d’une enquête relative à une infraction prévue soit à un des articles 220, 221, 236 et 249 à 255, soit dans la Loi sur l’aéronautique, soit dans la Loi sur la sécurité ferroviaire en matière de consommation de drogues ou d’alcool,soit dans une loi provinciale. Toutefois, les résultats des épreuves de coordination physique, des évaluations effectuées par un ERD ou des analyses mentionnées au paragraphe 258.1(2) peuvent être communiqués à la personne en cause et, s’ils sont dépersonnalisés, à toute autre personne à des fins de recherche ou de statistique.  Enfin, les restrictions ci-dessus ne s’appliquent pas aux personnes qui, à des fins médicales, se servent d’échantillons qui sont subséquemment saisis en vertu d’un mandat (nouveau par. 258.1(3)) Aux termes du nouveau paragraphe 258.1(4), quiconque contrevient aux paragraphes 258.1(1) et (2) commet une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

E.  Ordonnances d’interdiction

L’article 10 du projet de loi modifie l’article 259 du Code pour que toute personne conduisant un véhicule à moteur au Canada lorsque cela lui est interdit en vertu de l’article 259 se rende coupable d’une infraction pour laquelle un juge est tenu d’imposer une ordonnance interdisant à l’accusé de conduire un véhicule, un bateau, un aéronef ou du matériel ferroviaire.  En plus de la période pendant laquelle l’accusé pourrait être incarcéré, dans le cas d’une première infraction, l’ordonnance est de un à trois ans; dans le cas d’une deuxième infraction, elle est de deux à cinq ans; et pour toute infraction subséquente, elle est d’au moins trois ans.  Cet article fait en sorte que les nouvelles infractions pour conduite avec facultés affaiblies causant la mort ou des lésions corporelles (par. 255(2.1) à (3.2)) puissent aussi faire l’objet d’une telle ordonnance.

L’article 11 du projet de loi ajoute un nouveau paragraphe 261(1.1) au Code pour faire en sorte qu’en cas d’appel à la Cour suprême du Canada, seul un juge de la cour dont le jugement est porté en appel puisse suspendre une ordonnance rendue aux termes des paragraphes 259(1) ou (2).

F.  Examen par le Parlement

L’article 11.1 prévoit la tenue, par un comité du Parlement, d’un examen des dispositions du Code et de ses règlements relatives à la conduite avec facultés affaiblies au plus tard cinq ans après l’entrée en vigueur du projet de loi, et la présentation par ce même comité d’un rapport au Parlement contenant, s’il y a lieu, ses recommandations quant aux modifications qu’il serait souhaitable d’apporter.

G.  Modifications corrélatives

Les changements apportés au Code dans le projet de loi exigent aussi des modifications corrélatives à d’autres lois afin d’y inclure les nouvelles dispositions relatives au dépistage de drogues.

Ainsi, l’article 12 du projet de loi modifie la Loi sur l’aéronautique, dont l’article 8.6 disposera dorénavant qu’un échantillon dénotant la présence d’alcool ou de drogue dans l’organisme et prélevé sous le régime du Code est admissible en preuve dans les poursuites intentées au titre de la Loi sur l’aéronautique.  L’article 258 du Code, à l’exception de l’alinéa 258(1)a), s’applique, compte tenu des adaptations nécessaires.

L’article 14 du projet de loi modifie la Loi sur la sécurité ferroviaire, dont le paragraphe 41(7) est modifié de manière à prévoir que l’échantillon relatif à la présence d’alcool ou de drogue dans l’organisme prélevé sous le régime du Code est admissible en preuve dans toute poursuite intentée au titre de la Loi sur la sécurité ferroviaire pour violation des règles ou règlements concernant la consommation d’alcool ou de drogue.  L’article 258 du Code s’applique, compte tenu des modifications nécessaires.

L’article 13 du projet de loi modifie la Loi sur les douanes.  Le paragraphe 163.5(2) de cette loi est en effet modifié de manière à conférer à l’agent des douanes les pouvoirs d’un agent de la paix prévus aux articles 254 et 256 du Code.  Si le prélèvement d’un échantillon d’haleine ou de sang ou l’évaluation par un ERD s’impose, la personne peut être tenue d’accompagner à cette fin un agent de la paix.

H.  Modifications de coordination

Les articles 15 et 16 du projet de loi visent à coordonner les amendements apportés par le projet de loi C-32 avec ceux des projets de loi C‑19 : Loi modifiant leCode criminel(courses de rue) et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition en conséquence, et C‑23 : Loi modifiant leCode criminel(procédure pénale, langue de l’accusé, détermination de la peine et autres modifications).

Commentaire

Les faits semblent militer en faveur du projet de loi C‑32, puisqu’il semble clair que la drogue intervient fréquemment dans les accidents mortels.  Selon les études réalisées, 3,4 p. 100 des décès et 1,7 p. 100 des blessures liées à un accident de la route résultent de facultés affaiblies par la drogue; la proportion fait plus que doubler quand les facultés sont affaiblies par une combinaison d’alcool et de drogue(6).  Une étude a révélé que plus de 30 p. 100 des accidents mortels survenus sur les routes du Québec mettent en cause l’alcool, et une autre, que les drogues ou une combinaison de drogues et d’alcool interviennent dans 20 p. 100 des accidents mortels de la route en Colombie-Britannique(7).  Un pourcentage élevé de Canadiens a aussi admis avoir conduit quelques heures après avoir consommé de la drogue.  En effet, les sondages révèlent que 4,8 p. 100 des chauffeurs canadiens ont déjà pris le volant dans les deux heures après avoir consommé du cannabis, et que près de 20 p. 100 des automobilistes canadiens ont déjà pris le volant dans les deux heures suivant la prise d’une substance pouvant affaiblir leurs facultés – que ce soit un médicament en vente libre, sous ordonnance ou une drogue illicite(8).  Le Centre de toxicomanie et de santé mentale a rendu publique une étude selon laquelle, en Ontario, environ 20 p. 100 des élèves du secondaire déclarent avoir conduit après avoir consommé du cannabis au moins une fois durant l’année précédente(9).  Le sondage réalisé en 2002 auprès des étudiants de la Nouvelle-Écosse au sujet de leur consommation de drogue a également révélé qu’environ 26 p. 100 de ceux qui possédaient un permis de conduire  avaient conduit dans l’heure qui avait suivi la consommation de cannabis au cours de l’année précédente(10).

Une des difficultés fondamentales que pose l’adoption de mesures de lutte contre la conduite sous l’emprise de drogues est le manque d’entente des chercheurs sur un seuil au-delà duquel la concentration de drogues affaiblit les facultés, rendant la conduite dangereuse.  Il n’existe aucun moyen objectif de mesurer l’effet des drogues qui soit comparable à l’alcootest.  En fin de compte, il n’existe pas de rapport mesurable entre la conduite avec facultés affaiblies et la quantité de drogue consommée.  Le problème se complique parce que les drogues demeurent présentes dans l’organisme pendant des semaines, ce qui fait qu’il est difficile d’évaluer l’affaiblissement des facultés ou même la consommation récente.  Par exemple, on peut détecter la présence de tétrahydrocannabinol (composant actif du cannabis) dans l’organisme jusqu’à quatre semaines après la consommation, bien que son effet sur les facultés ne soit pas de longue durée.  Comme il n’existe pas de seuil établi scientifiquement, le projet de loi ne fixe pas de « limite légale », comme le fait l’alinéa 253b) du Code pour la conduite sous l’emprise de l’alcool.  Certains croient que l’absence de seuil aura pour conséquence que les tribunaux rejetteront les poursuites intentées pour conduite avec facultés affaiblies par les drogues.  D’autres affirment, cependant, que c’est justement en raison de cette absence que s’impose l’évaluation par un ERD(11).

Les recherches effectuées révèlent que les évaluations des ERD sont valides de 75 à 90 p. 100 du temps.  D’après le ministère de la Justice, le taux d’exactitude des policiers entraînés comme ERD est supérieur à 90 p. 100 pour ce qui est de déterminer l’état de conduite avec facultés affaiblies et le type de drogue consommée.  De plus, l’évaluation par un ERD permet d’écarter une éventuelle consommation de drogue comme cause chez les automobilistes qui ont des troubles médicaux et de faire soigner ces personnes(12).  Enfin, on soutient que le projet de loi aidera à obtenir plus de déclarations de culpabilité à l’égard des automobilistes qui conduisent sous l’influence de drogues.  Actuellement, de telles déclarations sont rares, et la Colombie-Britannique, le Manitoba, l’Alberta et la Saskatchewan sont les seules provinces où elles ont été obtenues.  Les évaluations faites par un ERD sous le régime du projet de loi devraient aussi aider à réduire au minimum les arrestations injustifiées(13).

Certains craignent que les nouvelles dispositions du Code proposées dans le projet de loi comportent des tests invasifs et confèrent trop de pouvoirs aux policiers, menant ainsi à la possibilité d’atteintes à la vie privée et aux droits relatifs à la sécurité personnelle.  D’après certaines critiques, ces mesures d’exécution renforcées multiplieront les contestations judiciaires pour perquisition et saisie illégales, détention arbitraire, protection contre l’auto-incrimination et droit aux conseils d’un avocat.  Selon le ministère de la Justice, le projet de loi donne aux policiers les mêmes pouvoirs qu’ils ont déjà à l’égard des automobilistes en état d’ébriété.  Ces dispositions ont résisté à des contestations fondées sur la Charte, en partie à cause de l’exigence normale qui consiste en la présence d’un « motif raisonnable » de croire que la personne est en état d’ébriété avant d’exiger un examen et en partie à cause de l’article premier de la Charte, qui impose une limite raisonnable au droit de ne pas faire l’objet de perquisitions et de saisies(14).

Enfin, les critiques soulignent le fardeau imposé aux provinces si la loi est adoptée.  Si ces nouvelles mesures entrent en vigueur, il faudra que les provinces paient la formation donnée à leurs policiers, alors que les ressources policières sont déjà limitées(15).  Les compressions budgétaires annoncées en septembre 2006 ont éliminé le budget de formation de 4,6 millions de dollars du programme de la GRC portant sur la conduite avec facultés affaiblies.  Le premier ministre a affirmé que selon le gouvernement, le programme de formation n’était pas efficace et qu’il n’est pas prévu de le rétablir(16).  Toutefois, on lit dans les médias que le gouvernement fédéral a l’intention de verser environ deux millions de dollars par an pour la formation ou pour effectuer les tests(17).

Outre les contestations reposant sur les tests proprement dits des ERD, d’autres analystes signalent que les nouvelles infractions liées au refus de fournir un échantillon d’haleine, de salive, d’urine ou de sang alors que l’accusé savait ou devait savoir que l’accident d’automobile qu’il avait causé avait entraîné un décès (passible de la prison à perpétuité) ou des lésions corporelles (dix ans d’emprisonnement) sont inconstitutionnelles.  Ils estiment qu’il n’y a pas de lien entre le fait de refuser de donner une substance corporelle et l’accident proprement dit.  Le refus de donner un échantillon peut dans les faits éliminer tout moyen de défense de l’accusé(18).

En ce qui concerne les restrictions proposées dans le projet de loi au sujet des éléments de preuve, bien que l’on estime qu’elles élimineront une échappatoire dans la loi, on a aussi fait observer que le fait de limiter les contestations judiciaires au résultat du test d’alcoolémie éliminait une soupape de sécurité valable, qui donne actuellement aux tribunaux une marge de manœuvre au lieu de baser automatiquement leurs décisions sur les résultats de l’alcootest.  On craint que cette restriction puisse affaiblir la présomption d’innocence(19).


Notes

* Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur. Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur.
  1. L.R.C. 1985, ch. C‑46, modifiée.
  2. Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments (Projet de loi C-38) de la Chambre des communes, Premier rapport, projet de loi C-38, Loi modifiant la Loi sur les contraventions et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, 2003.
  3. Ministère de la Justice, Le gouvernement du Canada présente des mesures pour renforcer le processus d’enquête sur la conduite avec facultés affaiblies par les drogues, communiqué, 26 avril 2004; Ken Pole, « Future of Proposed Drug Statutes Vulnerable to Political Pressure », Medical Post, 8 juin 2004, p. 10; Mark Asbridge, « Drugs and Driving:  When Science and Policy Don’t Mix », Revue canadienne de santé publique, vol. 97, no 4, juillet‑août 2006, p. 283 à 285.
  4. Anita Neville, Débats de la Chambre des communes, 2 novembre 2004 (partie A), p. 1109.
  5. Puisque les évaluations d’ERD relèvent des règlements, leurs particularités ne sont pas décrites dans le projet de loi.  L’évaluation est un procédé normalisé effectué par des agents agréés comme ERD, qui permet de déterminer si les facultés sont affaiblies par des drogues ou par une combinaison de drogues et d’alcool, sans toutefois pouvoir établir s’il s’agit de drogues illicites ou de médicaments en vente libre ou délivrés sur ordonnance.  Ces tests peuvent permettre de reconnaître les neurodépresseurs, les inhalants, la PCP, le cannabis, les stimulants, les hallucinogènes et les narcotiques.  L’évaluation comporte un alcootest pour écarter la possibilité de l’alcool, un entretien avec l’agent qui a procédé à l’arrestation, un examen des yeux, une série de tests de division de l’attention, l’examen des signes vitaux et des zones habituelles d’injection, et un entretien avec l’individu.  Les normes régissant les ERD sont établies par l’Association internationale des chefs de police. Pour obtenir la certification ERD, l’agent doit subir huit examens et deux tests pratiques, dont 12 évaluations ERD applicables à quatre catégories différentes de drogues, lesquelles évaluations sont ensuite confirmées par les résultats de toxicologie.  Pour en savoir davantage, consulter Ministère de la Justice, Évaluation par un expert en reconnaissance de drogues, document d’information, 26 avril 2004.
  6. M. Marshall et G. Mercer, « Estimating the Presence of Alcohol and Drug Impairment in Traffic Crashes and their Costs to Canadians:  A Discussion Paper », Applied Research and Evaluation Services, University of British Columbia, 2002; Benedikt Fischer et al., « Toking and Driving:  Characteristics of Canadian University Students who Drive after Cannabis Use – An Exploratory Pilot Study », Drugs:  Education, Prevention and Policy, vol. 13, no 2, avril 2006, p. 180.
  7. C. Dussault et al., « Le rôle de l’alcool et des autres drogues dans les accidents mortels de la route au Québec : Résultats finaux », préparé pour la 17e Conférence internationale sur l’alcool, les drogues et la sécurité routière, Société de l’assurance automobile du Québec); Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies, « FAQ sur le cannabis au volant », septembre 2003; Marshall et Mercer (2002); Douglas J. Beirness, « Conduite sous l’influence de stupéfiants »,dans Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies, Toxicomanie au Canada : Enjeux et options actuels, 2005, p. 18; Pole (2004).
  8. Beirness (2005), p. 18 et 19, D.J. Beirness, H.M. Simpson et K. Desmond,The Road Safety Monitor 2002:  Drugs and Driving, Fondation de recherches sur les blessures de la route au Canada, Ottawa, 2003; Douglas Beirness et Christopher Davis, Le cannabis et la conduite automobile, Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies, décembre 2006.
  9. Edward M. Adlaf et Angela Paglia-Boak, Drug Use Among Ontario Students 1977-2005:  OSDUS Highlights, Centre de toxicomanie et de santé mentale, Toronto, 2005, p. 13; Edward M. Adlaf, Robert E. Mann, et Angela Paglia, « Drinking, cannabis use and driving among Ontario students », Journal de l’Association médicale nationale, vol. 168, no  5, mars 2003, p. 565 et 566; Conseil canadien de la sécurité, « Les automobilistes et la mari – les enjeux et les options », 24 juillet 2003; Pole (2004).  Voir aussi Beirness et Davis (2006).
  10. Ministère de la Santé de la Nouvelle-Écosse, Nova Scotia Student Drug Use 2002:  Highlights Report, 2002, p. 11); Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies(2003).
  11. Ministère de la Justice, Drug-Impaired Driving:  Consultation Document (2003); Émile Thérien, « Don’t Criminalize Drug-Driving », The Globe and Mail [Toronto], 28 avril 2004; Tonda MacCharles, « Drugged Drivers Targeted », Toronto Star, 27 avril 2004, p. A1; Linda Lisle, « High Time for Change in Impaired Attitudes », Ottawa Sun, 2 mai 2004, p. 14; Mindelle Jacobs, « Drugged Drivers Highway Hazard », The London Free Press, 4 mai 2004, p. A7; Shane Holladay, « Critics Blast Proposed Impaired Driving Law », Edmonton Sun, 3 novembre 2004, p. 5; Janice Tibbetts, « Tories Consider Another Push at Roadside Drug Testing:  Two Previous Government Attempts Failed », Edmonton Journal, 13 juin 2006, p. F9; Asbridge (2006); Alex Dobrota, « Ottawa Faces Heat on Impaired Driving Legislation », The Globe and Mail [Toronto], 22 novembre 2006, p. A5; Janice Tibbetts, « Tories Plan Crackdown on Drugged Driving:  Lack of Scientific Standards, Need for Intrusive Tests Leave Rules Open to Challenge », Ottawa Citizen, 22 novembre 2006, p. A8; « New Brunswick MP Helping ‘Sell’ Tougher Impaired Driving Laws », New Brunswick Telegraph-Journal, 22 novembre 2006, p. A1.
  12. Ministère de la Justice, « Renforcer le processus d’enquête sur la conduite avec facultés affaiblies par les drogues », document d’information, novembre 2004); Pole (2004).  Voir aussi Leo Kadehjian, « Legal Issues in Oral Fluid Testing », Forensic Science International, vol. 150, nos 2 et 3, 10 juin 2005, p. 151.
  13. Lisle (2004).
  14. MacCharles (2004); Kim Lunman, « Ottawa Moves Let Police Test Drivers for Drug Impairment », The Globe and Mail [Toronto], 27 avril 2004, p. A4; Jacobs (2004); Tibbetts, Edmonton Journal (2006); « Driving While Drugged:  Canada’s Parliament Should Protect Us From Drivers Whose Judgment Is Impaired.  It Must Also Protect Us From Bad Laws », Ottawa Citizen, 13 novembre 2006, p. A12; Dobrota (2006); Tibbetts, Ottawa Citizen (2006).
  15. MacCharles (2004); Association canadienne de la police professionnelle, New Drug-Impaired Driving Bill – A First Step in the Right Direction, communiqué, 28 avril 2004; Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes (1999).
  16. Gloria Galloway, « MADD Applauds Efforts to Fight Drugged Driving », Toronto Star, 11 novembre 2006, p. A4.  Voir aussi Campbell Morrison, « N.B. MP Tackles ‘Drug-Impaired Driving’ Bill », Times & Transcript [Moncton], 22 novembre 2006, p. A11.
  17. Tibbetts, Ottawa Citizen (2006); New Brunswick Telegraph-Journal (2006).  Voir aussi Morrison (2006); Carly Weeks, « Medical‑Pot Users Angry Over Drug-Driving Bill:  Group Accuses Tories of Discrimination », Edmonton Journal, 23 novembre 2006, p. A9.
  18. Dobrota (2006).
  19. « Driving While Drugged:  Canada’s Parliament Should Protect Us From Drivers Whose Judgment Is Impaired.  It Must Also Protect Us From Bad Laws », Ottawa Citizen (2006).

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