Dans ce résumé législatif, tout changement d’importance depuis la dernière publication est indiqué en caractères gras.
Le projet de loi C-42 : Loi modifiant la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois (titre abrégé : « Loi visant à accroître la responsabilité de la Gendarmerie royale du Canada ») a été déposé le 20 juin 2012 à la Chambre des communes par le ministre de la Sécurité publique (le Ministre), l’honorable Vic Toews.
Le projet de loi C-42 reprend pour l’essentiel les dispositions de l’ancien projet de loi C-38 1 en modifiant la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (LGRC) 2 afin d’établir une nouvelle commission civile indépendante pour remplacer l’actuelle Commission des plaintes du public contre la GRC par la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la Gendarmerie royale du Canada (la « Commission »). Par ailleurs, il donne force de loi à une politique provisoire de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) portant sur les enquêtes liées à des incidents graves qui mettent en cause des membres de la GRC. En plus de traiter de ces deux sujets prévus par l’ancien projet de loi C-38, le projet de loi C-42 modifie l’application des mesures disciplinaires, le traitement des griefs et le cadre de gestion des ressources humaines afin d’accélérer notamment le traitement des cas d’inconduite grave impliquant des membres de la GRC et d’améliorer le rendement de l’organisation. Les réformes présentées visent à accroître la responsabilisation de la GRC à la fois envers ses membres et le public.
Le projet de loi prévoit notamment l’inclusion des éléments suivants dans la LGRC :
Le 19 septembre 2012, après avoir franchi l’étape de la deuxième lecture à la Chambre des communes, le projet de loi C-42 a été renvoyé au Comité permanent de la sécurité publique et nationale, qui en a fait l’étude article par article. Le 5 novembre 2012, le Comité a fait rapport du projet de loi à la Chambre avec des amendements visant notamment à clarifier la version française du projet de loi, mais également à apporter deux modifications de fond.
Le premier amendement de fond précise que l’immunité conférée à la Commission au nouvel article 45.5 de la LGRC s’étend aussi au président de la Commission. Devant le Comité de la sécurité publique et nationale, le président par intérim de l’actuelle Commission des plaintes du public contre la GRC, Ian McPhail, a déclaré le 17 octobre 2012 : « Le projet de loi C-42 assure une certaine immunité aux membres de la nouvelle commission, dans l’exercice de leurs pouvoirs et de leurs responsabilités, mais pas à la présidence de la commission3. » L’amendement clarifie ce point.
Le deuxième amendement de fond crée une exception au pouvoir du commissaire de la GRC d’ordonner à la GRC de refuser d’enquêter sur une plainte dans les cas mentionnés au nouveau paragraphe 45.61(1) de la LGRC. Par exemple, le commissaire de la GRC peut rejeter une plainte si le plaignant n’est pas visé par la conduite du membre de la GRC ou si la plainte est futile ou vexatoire. L’amendement prévoit toutefois que le commissaire de la GRC ne pourra rejeter une plainte déposée par le président de la Commission.
Le préambule du projet de loi C-42 commence avec ces mots : « Attendu […] que la population canadienne devrait pouvoir faire confiance à sa force de police nationale. » Au cours des dernières années, la confiance du public à l’égard de la GRC a été ébranlée à plusieurs reprises par des événements largement publicisés (notamment la diffusion d’une vidéo amateur montrant les derniers moments de Robert Dziekanski, décédé à l’aéroport international de Vancouver après avoir reçu des décharges de pistolet à impulsions électriques de la part d’agents de la GRC) 4 et des enquêtes d’envergure qui ont mis en lumière des manquements dans la gestion de dossiers en matière de sécurité nationale et de gouvernance au sein de l’organisation (notamment la Commission d’enquête sur les actions des responsables canadiens relativement à Maher Arar5, l’Enquête interne sur les actions des responsables canadiens relativement à Abdullah Almalki, Ahmad Abou-Elmaati et Muayyed Nureddin6 et la Commission d’enquête relative aux mesures d’investigation prises à la suite de l’attentat à la bombe commis contre le vol 182 d’Air India)7.
Plus récemment, ce lien de confiance a de nouveau été ébranlé par des allégations publiques de harcèlement et de harcèlement sexuel au sein de l’organisation.
En novembre 2011, au moment où les allégations de harcèlement battaient leur plein, le gouvernement a nommé l’actuel commissaire de la GRC, Robert Paulson. Lors de sa nomination, il a déclaré ceci :
D’abord, je commencerai par m’attaquer au problème du harcèlement et du harcèlement sexuel au travail.
Comme tous mes collègues à la GRC et comme tous les Canadiens, je suis très préoccupé par les récentes allégations.
Ce n’est pas la GRC à laquelle je me suis joint et cela ne peut pas durer. J’ai l’intention de régler ce problème pour que la GRC retrouve la confiance et la loyauté des Canadiens et Canadiennes, et plus encore, que les employés de la GRC puissent travailler dans un environnement sain, productif et exempt de harcèlement 8.
Dans diverses tribunes publiques, le commissaire Paulson a également défendu la nécessité de procéder à des modifications législatives afin de donner au commissaire de la GRC les pouvoirs nécessaires pour résoudre, avec justesse et célérité, les conflits qui entachent la réputation de l’organisation 9. Une partie du projet de loi C-42 est censée répondre à cette demande par l’élargissement des pouvoir du commissaire en ce qui a trait notamment au congédiement de membres de la GRC pour des raisons administratives non disciplinaires et à l’élaboration d’un processus pour mener les enquêtes et régler les différends en matière de harcèlement en milieu de travail. Le détail des modifications proposées en matière de relations de travail à la GRC sont discutées dans la partie « Description et analyse » du présent résumé législatif.
Au cours des dernières années, la nécessité de renforcer l’examen civil des activités de la GRC a été soulevée à maintes reprises par différents intervenants, dont les présidents de la Commission des plaintes du public contre la GRC 10, le juge Dennis O’Connor (chargé en 2004 de présider la Commission d’enquête sur les actions des responsables canadiens relativement à Maher Arar), David Brown (mandaté en 2007 pour enquêter sur des allégations concernant la gestion des régimes de retraite et d’assurance de la GRC) 11, la commissaire à la protection de la vie privée du Canada 12 de même que des comités parlementaires du Sénat et de la Chambre des communes 13.
Deux des rapports d’enquêtes déposés par suite d’incidents impliquant la GRC, ceux du juge O’Connor et de David Brown, ont recommandé la création d’un nouvel organe d’examen civil des activités de la GRC. Nous examinons ces recommandations dans la partie « Description et analyse » du présent résumé législatif, afin de faire ressortir les similarités et les différences entre l’approche privilégiée dans le projet de loi C-42 et celle prônée dans les deux rapports.
Depuis la publication des deux rapports, plusieurs intervenants, y compris des comités parlementaires du Sénat et de la Chambre des communes, ont appuyé les recommandations qui émanent de l’enquête réalisée par le juge O’Connor. De façon générale, ce dernier recommande la création d’un organe d’examen civil des activités de la GRC qui soit doté de pouvoirs semblables à ceux de l’organe chargé de l’examen civil des opérations du Service canadien de renseignement de sécurité (SCRS) - le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité (CSARS). Reconnaissant l’intégration de plus en plus fréquente des enquêtes dans le domaine de la sécurité nationale, le juge O’Connor estime par ailleurs que le nouvel organe d’examen de la GRC devrait être en mesure de partager des informations et de mener des enquêtes conjointes avec d’autres organismes d’examen des activités relatives à la sécurité nationale, y compris avec le CSARS et le Bureau du commissaire du Centre de la sécurité des télécommunications14.
Nous présentons dans la prochaine section, les caractéristiques de la Commission des plaintes du public contre la GRC, l’organe d’examen que le projet de loi C-42 veut remplacer, celles du CSARS et les éléments qui les différencient.
La Commission des plaintes du public contre la GRC (CPP) a été créée par le Parlement en 1988 en tant qu’organe d’examen et de traitement des plaintes du public contre la GRC. Il s’agit d’un organisme indépendant qui fait rapport publiquement au Parlement par l’intermédiaire du ministre de la Sécurité publique.
La CPP enquête principalement sur les plaintes du public à l’égard de la conduite des membres de la GRC lorsque les plaignants sont insatisfaits de la façon dont cette dernière a traité leur plainte. En somme, la CPP fait en sorte que les plaintes déposées par le public soient examinées de façon équitable par la GRC.
Le président de la CPP possède également, dans un nombre restreint de cas, le pouvoir de déposer des plaintes et de mener des enquêtes de sa propre initiative ou de tenir des audiences d’intérêt public à l’égard de la conduite d’un ou de plusieurs membres de la GRC. Pour traiter les plaintes, la CPP a accès aux « documents pertinents » détenus par la GRC.
Enfin, il faut mentionner que le commissaire de la GRC n’est pas tenu de se conformer aux recommandations formulées dans les rapports de la CPP.
La Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité 15 porte le fondement législatif du SCRS et de son organe de surveillance : le CSARS. Jusqu’à tout récemment, la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité portait également le fondement législatif du Bureau de l’inspecteur général. Nommé par le gouverneur en conseil, l’inspecteur général était chargé d’examiner les activités du SCRS pour le ministre de la Sécurité publique afin de l’appuyer dans son rôle de responsable du SCRS. Ce poste a été aboli par le projet de loi C-38 : Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable 16, qui a reçu la sanction royale le 29 juin 2012.
Le CSARS est l’organe indépendant externe qui est chargé d’examiner les activités du SCRS afin d’en faire rapport au Parlement par l’intermédiaire du ministre de la Sécurité publique. Il a le pouvoir d’enquêter sur les plaintes déposées par toute personne contre les agissements du SCRS et d’examiner la façon dont l’organisme s’acquitte de son mandat. Il a pour cela accès à toute l’information détenue par le SCRS, à l’exception des documents du Cabinet 17. Il peut aussi mener des enquêtes de sa propre initiative.
Enfin, il faut mentionner que, comme celles de la CPP, ses recommandations ne sont pas exécutoires.
Si le CSARS et la CPP ont en commun d’être indépendants, de recevoir les plaintes du public et de disposer du pouvoir d’entreprendre et de mener leurs propres enquêtes, des différences importantes demeurent entre les deux organismes.
Premièrement, le mandat du CSARS est beaucoup plus large que celui de la CPP. Cette dernière n’a généralement pour mission que de recevoir les plaintes au sujet des écarts de conduite des membres de la GRC et d’enquêter à leur sujet, alors que le CSARS a aussi pour mission d’examiner la façon dont le SCRS s’acquitte de son mandat et de ses fonctions. Autrement dit, la GRC - contrairement au SCRS - n’est pas actuellement assujettie à un examen visant à déterminer systématiquement si ses opérations sont conformes aux lois et aux directives ministérielles. Cette différence est importante puisque le pouvoir de recevoir des plaintes et d’enquêter sur ces dernières, s’il est important, ne constitue qu’un des aspects d’un mandat d’examen civil beaucoup plus large.
Deuxièmement, le CSARS dispose de pouvoirs beaucoup plus étendus pour s’acquitter de son mandat. Le plus important est son droit d’accès à l’information. La CPP n’a accès qu’aux « documents pertinents » pour le traitement d’une plainte donnée, ce qui a été la source de bien des désaccords entre elle et la GRC. À titre comparatif, le CSARS a accès à toute l’information détenue par le SCRS, à l’exception des documents du Cabinet.
Il existe donc actuellement un grand décalage entre les pouvoirs de la CPP et ceux du CSARS. Ce décalage se justifie difficilement puisque les deux organismes qui font l’objet de leur examen - la GRC et le SCRS - ont des pouvoirs d’intrusion très étendus.
Le projet de loi C-42 tente de supprimer ce décalage. Nous verrons cependant dans les prochaines sections que le mandat et les pouvoirs d’accès à l’information octroyés à la Commission créée par le projet de loi - quoique plus importants que ceux de l’actuelle CPP - semblent toujours plus limités que ceux dont dispose le CSARS.
Cette section du projet de loi C-42 modifie les parties I à V de la LGRC. Le sommaire du projet de loi prévoit qu’il :
modernise l’application des mesures disciplinaires, le traitement des griefs et la gestion des ressources humaines pour les membres, dans le but de prévenir, de régler et de corriger de manière rapide et équitable les problèmes de rendement et de conduite […] En particulier, il donne au commissaire [de la GRC] des pouvoirs quant à la dotation, à la gestion du rendement, au règlement des différends en matière de harcèlement et à la gestion des ressources humaines en général.
Le projet de loi prévoit nombre de détails concernant les nouveaux pouvoirs du commissaire, comme le pouvoir de révoquer la nomination ou la promotion d’un membre de la GRC :
Le pouvoir du commissaire de nommer une personne à titre de membre ou de nommer un membre par voie de promotion à un grade ou échelon supérieur lui confère le pouvoir de révoquer la nomination et de prendre des mesures correctives dans le cas où il est convaincu qu’une erreur, une omission ou une conduite irrégulière a influé sur le choix de la personne ou du membre nommé. [ART. 10 DU PROJET DE LOI, TEXTE SOULIGNÉ PAR LES AUTEURS.]
Le terme « conduite irrégulière » n’est toutefois défini nulle part dans la LGRC 18. Actuellement, un pouvoir semblable appartient au comité d’arbitrage ou à la commission de licenciement et de rétrogradation 19.
De plus, le projet de loi permet au commissaire de recommander au gouverneur en conseil le licenciement de tout sous-commissaire de la GRC, par exemple « par mesure d’économie ou d’efficacité à la Gendarmerie » (art. 13 et 25 du projet de loi; nouvel al. 20.2(1)j) de la LGRC).
D’autres bons exemples des nouveaux pouvoirs attribués au commissaire de la GRC sont la possibilité d’élaborer des procédures concernant les enquêtes sur le harcèlement en milieu de travail (nouvel al. 20.2(1)l) de la LGRC) 20 ainsi que l’obligation d’établir un système de gestion informelle des conflits (art. 20 du projet de loi; nouvel art. 30.2 de la LGRC).
L’article 26 du projet de loi prévoit l’objet de la partie IV de la LGRC, dont « l’établissement d’un code de déontologie qui met l’accent sur l’importance de maintenir la confiance du public et renforce les normes de conduite élevées que les membres sont censés observer » (nouvel al. 36.2b) de la LGRC).
Les dispositions du code de déontologie applicables aux membres de la GRC sont prévues à la partie III du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada 21. Le projet de loi n’apporte pas de changement de fond à ces dispositions du code, mais plutôt des modifications procédurales qui ont pour but d’accélérer et de rendre plus flexible le processus de traitement des contraventions au code, par exemple en conférant plus de discrétion à « l’autorité disciplinaire » (c.-à-d. soit un commandant ou un gestionnaire) et en ne requérant plus une audience officielle dans tous les cas (nouvel art. 42 de la LGRC). Cette nouvelle procédure plus souple remplacera celle devant un comité d’arbitrage ou une commission de licenciement et de rétrogradation, qui se déroule sur une période de cinq ans en moyenne 22.
Le nouvel alinéa 39.1a) de la LGRC dispose que le commissaire de la GRC sera chargé d’établir les mesures disciplinaires (autre que le congédiement) que pourront imposer les commandants ou gestionnaires 23. Lorsque la nature de la contravention pourrait entraîner un congédiement, le gestionnaire ou le commandant aura l’obligation de renvoyer le cas devant le comité de déontologie, qui pourra tenir une audience publique (nouveaux art. 41, 43 et 45.1 de la LGRC). Un droit d’appel devant le commissaire de la GRC est prévu (nouvel art. 45.11 de la LGRC).
Par ailleurs, une autre des modifications apportées par le projet de loi consiste à élargir les pouvoirs d’enquêter sur une violation alléguée du code de déontologie, notamment en ayant recours à des mandats de perquisition et à des ordonnances de communication (art. 29 du projet de loi; nouveaux art. 40.2 et 40.3 de la LGRC).
Dans le but de rendre la procédure de grief plus efficace, l’article 17 du projet de loi oblige le Comité externe d’examen de la GRC à établir et à rendre publiques des normes de service concernant les délais pour le traitement des griefs et des dossiers d’appels et prévoyant les circonstances dans lesquelles ces délais ne s’appliqueront pas ou pourront être prolongés. Enfin, le Comité est tenu de présenter au ministre de la Sécurité publique un rapport annuel qui contient des renseignements concernant le rendement du Comité concernant les normes de service ainsi établies (art. 19 du projet de loi).
Le préambule du projet de loi prévoit que la création d’un nouvel organisme d’examen civil de la GRC a pour but de faire en sorte que la population fasse confiance à la GRC, de promouvoir la reddition de compte et la transparence des forces de l’ordre et d’accroître la responsabilité de la GRC envers les gouvernements des provinces.
Le projet de loi remplace l’actuelle CPP par une nouvelle commission aux pouvoirs élargis : la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la Gendarmerie royale du Canada (art. 2(3) du projet de loi). Il crée la Commission en s’inspirant de la CPP et en apportant les modifications voulues pour que la Commission soit plus efficace. Actuellement, la CPP ne s’occupe que d’un seul aspect de l’activité d’examen civil - les plaintes. Le projet de loi donnera à la Commission le pouvoir d’effectuer, de sa propre initiative, des examens d’activités précises de la GRC.
Le projet de loi ne met pas en œuvre la recommandation du groupe de travail Brown selon laquelle la nouvelle commission devrait englober la CPP et le Comité d’examen externe de la GRC, qui s’occupe d’examiner les griefs, les affaires relatives à la discipline, les rétrogradations et les congédiements des membres de la GRC 24. M. Brown était d’avis que le regroupement de ces deux organes sous la tutelle de la nouvelle « Commission indépendante d’examen des plaintes et de surveillance des activités de la GRC » permettrait à cette nouvelle commission de mieux cibler et traiter les problèmes qui se répètent, ainsi que les tendances et les lacunes dans les politiques et les procédures de la GRC, puisqu’elle aurait une vue d’ensemble des plaintes impliquant la GRC, qu’elles proviennent du public ou de membres de la GRC.
Conformément à la recommandation du groupe de travail Brown, le projet de loi prévoit que la Commission sera composée d’un maximum de cinq membres - dont un président - nommés par le gouverneur en conseil pour un mandat renouvelable d’au plus cinq ans. Les nouveaux membres devront être citoyens canadiens ou résidents permanents et ne pas être ou avoir été membres de la GRC (nouveaux art. 45.29 et 45.3 de la LGRC). La LGRC actuelle n’interdit pas expressément la nomination d’un ancien membre de la GRC 25.
Le président, les autres membres et le personnel de la Commission ainsi que les personnes agissant pour le compte de celle-ci - par exemple les experts engagés pour l’assister - bénéficieront de l’immunité en matière civile, administrative et pénale (nouvel art. 45.5 de la LGRC). Ils seront également astreints, en vertu de la Loi sur la protection de l’information, à garder secrets pour toujours certains renseignements (nouvel art. 45.45 de la LGRC).
Avant la nomination d’un membre de la Commission, le gouverneur en conseil devra tenir compte de la nécessité d’assurer la représentation des régions. Selon sa structure actuelle, la CPP peut compter jusqu’à 29 membres et doit être composée d’un représentant de chacune des provinces auxquelles la GRC fournit des services de police (les « provinces contractantes ») 26.
Enfin, le groupe de travail Brown avait recommandé que la loi établissant la nouvelle commission prévoie l’examen de cette dernière par un comité spécial indépendant créé par le Ministre, cinq ans après l’adoption de la loi et tous les cinq ans par la suite. Ce comité aurait pour tâche de vérifier si la nouvelle commission est efficace et de faire des recommandations concernant son mandat, sa composition ou son mode de fonctionnement pour en améliorer l’efficacité 27. Le projet de loi ne prévoit pas d’examen périodique de la Commission.
Le projet de loi semble s’éloigner de la formulation des recommandations des rapports Brown et O’Connor pour ce qui est du mandat de la Commission.
Selon la recommandation du juge O’Connor, la nouvelle commission - appelée dans son rapport « Commission indépendante d’examen des plaintes contre la GRC et des activités en matière de sécurité nationale » - devait avoir le pouvoir de mener de sa propre initiative, ou à la demande du Ministre, des examens systématiques des activités de la GRC relatives à la sécurité nationale, en plus de traiter des plaintes du public 28.
Pour sa part, le groupe de travail Brown recommandait que la nouvelle commission soit investie du pouvoir d’étudier n’importe quel « incident ou aspect des activités de la GRC 29 ».
Le projet de loi octroie à la Commission le pouvoir d’effectuer, de sa propre initiative ou à la demande du Ministre, un examen « d’activités précises » de la GRC. Il faudra voir si l’expression « activités précises » de la GRC utilisée dans le projet de loi et prévue au nouveau par. 45.34(1) de la LGRC est aussi large que le recommandaient M. Brown et le juge O’Connor, puisque le projet de loi ne la définit pas. Cette absence de définition pourrait donner lieu à des interprétations qui limiteront les pouvoirs de la Commission. On peut se demander, par exemple, si elle pourra examiner les activités de partage d’information, les relations de la GRC avec d’autres organismes canadiens et étrangers, et la formation des membres de la GRC, comme le suggérait le juge O’Connor dans son rapport 30.
À titre comparatif, le libellé de la Loi sur le service canadien du renseignement de sécurité semble conférer au CSARS un mandat plus large permettant un examen civil plus rigoureux du SCRS 31. Aux termes de cette loi, le CSARS peut notamment examiner les instructions que donne le Ministre au SCRS, les règlements et les ententes conclues par le SCRS avec d’autres entités gouvernementales, réunir et analyser des statistiques sur les activités opérationnelles du SCRS et faire enquête sur les plaintes publiques qu’il reçoit.
Le nouveau pouvoir octroyé à la Commission servira à veiller à ce que la GRC exerce ses activités conformément à la LGRC, à la Loi sur le programme de protection des témoins, aux règlements pris en application de ces lois, à toute directive donnée par le Ministre en vertu de ces règlements ou aux politiques, procédures ou lignes directrices régissant les opérations de la GRC. Cela dit, le projet de loi ne met pas en œuvre trois des recommandations présentées par le juge O’Connor, à savoir que la nouvelle commission :
Reconnaissant l’intégration de plus en plus fréquente des enquêtes dans le domaine de la sécurité nationale, le juge O’Connor a recommandé en particulier la création de « passerelles législatives » entre la nouvelle commission, le CSARS et le Bureau du commissaire du Centre de la sécurité des télécommunications (CST). Ces passerelles législatives permettraient « le partage d’information entre ces organismes, le transfert d’enquêtes, la conduite d’enquêtes conjointes, la coordination et la préparation de rapports conjoints 35 ».
Enfin, notons que l’intégration de l’examen des questions de sécurité nationale aurait aussi été assurée, selon le modèle présenté par le juge O’Connor, par la création d’un comité de coordination pour l’examen intégré des activités de sécurité nationale composé des présidents de la nouvelle commission et du CSARS, du commissaire du CST et d’une personne indépendante qui agirait à titre de président du comité.
Le nouveau paragraphe 45.34(2) de la LGRC impose par ailleurs des exigences préalables à l’exercice du pouvoir d’examen de la Commission qui limiteront la portée de l’examen civil dont pourra faire l’objet la GRC 36.
Avant de commencer son examen, la Commission devra envoyer un avis au Ministre indiquant qu’elle estime s’être acquittée de ces trois exigences et donnant les motifs à l’appui de son examen (nouveau par. 45.34(3) de la LGRC). Contrairement à l’ancien projet de loi C-38, le projet de loi C-42 donne clairement à la Commission le pouvoir de convoquer des audiences publiques pour réaliser son examen d’une activité précise de la GRC (nouvel art. 45.36 de la LGRC).
Après l’examen d’une activité précise de la GRC, la Commission pourra présenter au Ministre, au commissaire de la GRC et au ministre responsable des forces de police d’une province contractante un rapport qui inclut ses conclusions et recommandations concernant la conformité des activités de la GRC ainsi que le bien-fondé, la pertinence, l’adéquation ou la clarté des politiques et procédures de la GRC (nouveaux par. 45.34(1), 45.34(4) et 45.34(5) de la LGRC).
Enfin, le nouvel article 45.35 de la LGRC permet également au ministre responsable des forces de police d’une province contractante d’intervenir auprès du Ministre pour que celui-ci demande à la Commission d’effectuer un examen des activités de la GRC exercées dans sa province. La Commission fournira alors au Ministre et au ministre provincial un rapport qui inclut ses conclusions et recommandations concernant les mêmes éléments que le rapport prévu au nouvel article 45.34 de la LGRC.
Conformément aux recommandations de la commission d’enquête O’Connor, la Commission pourra effectuer des recherches et mettre en œuvre des programmes d’information et d’éducation du public afin de faire connaître son rôle et ses activités 37 (nouvel art. 45.38 de la LGRC). Les règles de procédure de la Commission seront publiées dans la Gazette du Canada et les intéressés pourront présenter des observations à leur sujet (nouvel art. 45.49 de la LGRC).
La commission d’enquête O’Connor note que « [g]énéralement parlant, la plus grave lacune est [que la CPP] ne peut avoir accès à toute l’information pertinente pour s’acquitter de son mandat 38 ». Il existe essentiellement deux façons pour la CPP d’avoir accès à l’information.
Le projet de loi accorde à la Commission un « droit d’accès aux renseignements qui relèvent de la GRC ou qui sont en sa possession et qu’elle considère comme pertinents à l’égard de l’exercice des pouvoirs et fonctions que lui attribuent les parties VI et VII [de la LGRC] » (nouveau par. 45.39(1) de la LGRC). Il apporte donc des précisions en prévoyant que c’est la Commission, comme le recommandait le juge O’Connor 42, et non la GRC, qui décidera quels renseignements sont pertinents.
Quoique le droit d’accès à l’information de la Commission soit plus grand que celui de l’actuelle CPP, le projet de loi prévoit des types de renseignements auxquels l’accès de la Commission est soit restreint (les « renseignements protégés », nouvel art. 45.4 de la LGRC) soit interdit (nouvel art. 45.42 de la LGRC).
En conséquence, le pouvoir d’accès à l’information prévu par le projet de loi n’est pas aussi large que celui que recommandait le juge O’Connor et qui aurait comporté seulement deux exceptions au droit d’accès :
Le juge O’Connor était d’avis qu’on ne devrait pas refuser de fournir à la nouvelle commission de l’information au motif qu’elle est secrète ou sensible. Il a fait remarquer que « l’accès complet à toute l’information a bien fonctionné dans le cas du CSARS et du commissaire du CST 45 ».
Dans le cadre de ses fonctions, la Commission a un droit d’accès aux renseignements protégés (nouveau par. 45.4(2) de la LGRC) 46.
Le nouveau paragraphe 45.4(1) de la LGRC définit « renseignement protégé » comme « tout renseignement à l’égard duquel un privilège ou la confidentialité peut être invoqué ». Il fournit également une liste non exhaustive de renseignements qui sont considérés comme privilégiés :
Le projet de loi comprend néanmoins, advenant que le commissaire de la GRC refuse à la Commission l’accès à ces renseignements, un mécanisme de conciliation (nouvel art. 45.41 de la LGRC). À la demande de la Commission, le Ministre nommera un ancien juge de la cour supérieure d’une province ou de la Cour fédérale ou un autre particulier appartenant à une catégorie prévue par règlement 47. Après avoir examiné les renseignements en question et tenu compte de certains critères 48, le conciliateur formulera ses observations quant à la nature protégée des renseignements et à la pertinence et la nécessité des renseignements concernant l’examen de la Commission.
Suivant la réception des observations, le président de la Commission et le commissaire de la GRC devront réviser leur décision respective de demander l’accès ou de refuser la communication des renseignements. Si aucune entente ne peut toujours être conclue quant à l’accès aux renseignements, les parties pourront alors faire appel aux tribunaux au moyen d’une demande de contrôle judiciaire, mais uniquement après que l’ancien juge ou l’autre particulier aura fait ses observations.
En vertu du projet de loi, lorsque la Commission obtiendra l’accès à des renseignements protégés dans le cadre de l’une de ses fonctions (p. ex. la révision d’une plainte), elle ne pourra les utiliser à d’autres fins (nouvel art. 45.43 de la LGRC). Elle ne pourra également communiquer ces renseignements à quiconque, sauf à certaines personnes énumérées au nouveau paragraphe 45.47(2) de la LGRC - comme le Ministre ou le procureur général, si les renseignements sont nécessaires pour une poursuite criminelle 49. La contravention à cette obligation constituera une infraction punissable d’une peine maximale de cinq ans d’emprisonnement (nouvel al. 50.3a) de la LGRC). Le responsable d’une institution fédérale sera aussi tenu, en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, de refuser la communication de documents contenant des renseignements protégés (art. 44 du projet de loi).
Lorsque la Commission préparera un document ou un rapport à des fins de distribution, elle devra préalablement consulter et obtenir l’approbation du commissaire de la GRC afin de s’assurer qu’il ne contient pas de renseignements protégés (nouveau par. 45.44(2) de la LGRC). La contravention à cette obligation constituera une infraction punissable d’une amende maximale de 5 000 $ et d’un emprisonnement maximal de six mois, ou de l’une de ces peines (nouvel art. 50.2 de la LGRC). Enfin, les membres et le personnel de la Commission devront posséder une habilitation de sécurité appropriée délivrée par le gouvernement fédéral (nouvel art. 45.45 de la LGRC).
Le nouvel article 45.42 de la LGRC énumère six types de renseignements auxquels la Commission ne pourra en aucun temps avoir accès. Il s’agit :
Comme le président de la CPP actuelle, le président de la Commission devra présenter annuellement au Ministre un rapport d’activité de la Commission et y joindre ses recommandations. De plus, le projet de loi prévoit que la Commission devra présenter un rapport annuel à chaque ministre responsable des forces de police d’une province contractante. Ce rapport devra indiquer le nombre et le sujet des plaintes sur toute conduite survenue dans la province, la manière dont les plaintes ont été traitées et toute tendance qui se dégage (nouveau par. 45.52(2) de la LGRC).
Le projet de loi prévoit également que la Commission pourra, de sa propre initiative ou à la demande du Ministre fédéral, présenter un rapport spécial sur toute question relevant de ses pouvoirs et fonctions (nouvel art. 45.51 de la LGRC). Il est à noter que, comme pour le CSARS, seuls les rapports annuels seront déposés au Parlement par l’entremise du Ministre.
De l’avis de la commission d’enquête O’Connor, l’actuel processus de traitement des plaintes contre la GRC offre « un cadre solide et flexible d’enquête et de règlement des plaintes 52 ». La commission O’Connor recommande donc de maintenir le système actuel en y apportant des améliorations 53. C’est ce à quoi tendent également les dispositions du projet de loi, qui conservent la structure actuelle du processus de règlement des plaintes. C’est donc toujours la GRC qui enquêtera en premier lieu sur la plainte, sous réserve du pouvoir de la Commission de le faire elle-même, si elle l’estime nécessaire ou dans l’intérêt public.
Le nouveau paragraphe 45.53(1) de la LGRC permet à « tout particulier » - ce qui inclut donc tout membre ou employé de la GRC - de déposer une plainte concernant la conduite, dans l’exercice de ses fonctions, d’un membre de la GRC ou d’une autre personne nommée ou employée en vertu de la LGRC. Comme le recommandait le groupe de travail Brown 54, le particulier pourra déposer une plainte à l’égard d’anciens membres de la GRC qui ont pris leur retraite, ont remis leur démission ou sont devenus membres d’un autre service de police, s’ils étaient membres de la GRC « au moment de la conduite alléguée ». Par ailleurs, le projet de loi, à l’instar du processus actuel, permet au président de la Commission de déposer lui-même une plainte 55.
Actuellement, le commissaire de la GRC a le droit de refuser une plainte, notamment s’il est préférable de recourir à une autre procédure ou si la plainte est futile ou vexatoire ou a été portée de mauvaise foi 56. Le nouveau paragraphe 45.53(2) de la LGRC accorde un pouvoir semblable à la Commission 57. De plus, la Commission pourra - tout comme le commissaire de la GRC - refuser une plainte si le plaignant n’est pas visé par la conduite du membre de la GRC, n’est pas le tuteur ou une autre personne autorisée à agir pour le compte du particulier visé par la conduite, n’était pas présent au moment où la conduite ou ses effets sont survenus, n’a pas obtenu le consentement écrit du particulier visé par la conduite, ou n’a subi aucun dommage ou inconvénient du fait de la conduite en question. L’actuel paragraphe 45.35(1) de la LGRC permet à tout membre du public de déposer une plainte « qu’il […] ait ou non subi un préjudice ».
Enfin, comparativement à l’ancien projet de loi C-38, le projet de loi C-42 prévoit clairement que la Commission et le commissaire de la GRC doivent refuser d’examiner une plainte concernant la conduite d’un membre qui constitue une contravention au code de déontologie de la GRC. Le processus déontologique a donc préséance sur l’examen civil des plaintes 58.
Le projet de loi assujettit le processus d’examen des plaintes à certains délais. Ainsi, la plainte devra être déposée dans l’année suivant les faits allégués, ou dans un délai plus long si la Commission juge les raisons de ce délai justifiées et favorables à l’intérêt public (nouveaux par. 45.53(5) et 45.53(6) de la LGRC). Comme à l’heure actuelle, les plaintes pourront être déposées auprès de la Commission, de la GRC ou de l’organisme d’examen des services de police dans la province d’origine de la plainte. Toutefois, contrairement à la situation actuelle, où seul le commissaire de la GRC doit, en vertu de la LGRC, être informé de toutes les plaintes 59, le projet de loi prévoit que les trois entités mentionnées ci-dessus seront informées des plaintes reçues, peu importe laquelle les a effectivement reçues (nouveaux par. 45.53(8) et 45.53(10) de la LGRC). À l’instar du processus de traitement des griefs, le projet de loi C-42 oblige la Commission à établir et rendre publiques des normes de service concernant les délais pour le traitement des plaintes (nouveaux art. 45.37 et 45.52 de la LGRC).
Le plaignant pourra à tout moment retirer sa plainte en envoyant un avis écrit à la Commission (nouvel art. 45.55 de la LGRC). La Commission en avisera alors le commissaire de la GRC et l’organisme d’examen des services de police dans la province d’origine de la plainte. Malgré son retrait, une plainte pourra être le sujet d’une révision, d’une enquête ou d’une audience par la GRC ou la Commission.
Comme dans le système actuel, le commissaire de la GRC devra, avec le consentement du plaignant et du membre de la GRC ou de l’autre personne en cause, tenter de régler la plainte à l’amiable (nouvel art. 45.56 de la LGRC) 60. Les déclarations faites dans le cadre d’un tel règlement seront inadmissibles devant les tribunaux, sauf dans le cas de poursuites pour parjure, témoignages contradictoires ou déclarations fausses ou trompeuses. La Commission devra être avisée du règlement à l’amiable, qui devra être consigné par écrit. Par ailleurs, le gouverneur en conseil pourra, par règlement, désigner certaines catégories de plaintes qui ne pourront être réglées à l’amiable.
La commission d’enquête O’Connor a recommandé de maintenir un processus de règlement à l’amiable, mais également qu’on puisse reporter ce processus ou ne pas l’utiliser si les circonstances d’une enquête relative à la sécurité nationale l’exigent 61. Étant donné qu’en matière de sécurité nationale les plaignants n’ont souvent pas toute l’information nécessaire sur la conduite des services de police lorsqu’ils déposent leur plainte, le juge O’Connor suggérait de retarder l’emploi de ce mode alternatif jusqu’à ce que l’enquête sur l’action policière ait eu lieu. Les plaignants disposeraient alors de toute l’information nécessaire avant la conclusion du règlement.
Dans les cas où une plainte ne peut être réglée à l’amiable, le plaignant (ou le tuteur, l’autre personne autorisée à agir pour le particulier visé par la conduite ou la personne qui a obtenu le consentement de celui-ci) pourra présenter des observations relativement aux conséquences qu’il a subies par suite de la conduite du membre ou de l’employé de la GRC. Les observations pourront servir à l’application de mesures disciplinaires. La GRC devra tenir la personne qui a présenté des observations au courant de l’avancement et des conclusions de l’enquête. Cette personne sera avisée de la décision et de toute mesure disciplinaire prise à l’égard du membre de la GRC (nouvel art. 45.172 de la LGRC).
Le nouvel article 45.6 de la LGRC prévoit que la GRC doit généralement enquêter sur toute plainte. Le commissaire de la GRC peut toutefois rejeter une plainte pour certains motifs énumérés au nouveau paragraphe 45.61(1) de la LGRC. Un amendement de la Chambre de communes a créé une exception à ce pouvoir. Ainsi, le commissaire de la GRC ne pourra rejeter une plainte déposée par le président de la Commission.
Par ailleurs, une enquête ou une audience de la Commission aura toujours préséance sur l’enquête de la GRC. En effet, si la Commission décide d’enquêter ou de convoquer elle-même une audience sur la plainte, la GRC ne pourra tenir une enquête sur la plainte.
Comme à l’heure actuelle, le commissaire de la GRC devra, s’il est d’avis qu’une telle mesure ne risque pas de nuire à toute autre enquête, tenir le plaignant et la personne visée par la plainte au courant de l’état d’avancement de l’enquête (nouvel art. 45.63 de la LGRC).
Après l’enquête, le commissaire devra transmettre au plaignant, à la Commission et à la personne visée par la plainte un rapport qui comporte un résumé de la plainte, les conclusions de l’enquête et les mesures prises ou projetées pour régler la plainte (nouvel art. 45.64 de la LGRC).
Le plaignant qui n’est pas satisfait soit de la décision qu’aura prise le commissaire de la GRC de refuser sa plainte, soit du rapport d’enquête du commissaire pourra renvoyer sa plainte pour révision à la Commission. Le projet de loi précise que le plaignant aura 60 jours pour présenter sa demande de révision par écrit (nouveau par. 45.7(1) de la LGRC).
Comme à l’heure actuelle, la Commission pourra, après révision de la plainte, demander que la GRC entreprenne une enquête plus approfondie, enquêter elle-même ou convoquer une audience, ou présenter au Ministre et au commissaire de la GRC un rapport écrit énonçant ses conclusions et recommandations (nouveau par. 45.71(3) de la LGRC). Le projet de loi prévoit, comme l’actuel article 45.46 de la LGRC, qu’une fois qu’il aura reçu ce rapport, le commissaire de la GRC sera tenu de fournir une réponse par écrit au Ministre et au président de la Commission. Cette réponse devra mentionner toute mesure additionnelle qui aura été ou sera prise relativement à la plainte. Si le commissaire choisit de s’écarter des conclusions ou des recommandations énoncées dans le rapport, il devra motiver sa décision (nouvel art. 45.72 de la LGRC).
Après l’examen de la réponse du commissaire, la Commission devra préparer un rapport final sur ses conclusions et recommandations et le transmettre au Ministre, au commissaire, au plaignant, à la personne visée par la plainte et au ministre responsable des forces de police de la province contractante dans laquelle la conduite est survenue, le cas échéant. À part la mention « dans les meilleurs délais », le projet de loi ne prévoit aucune limite de temps précise pour l’envoi de la réponse du commissaire de la GRC au Ministre et au président de la Commission, ce qui pourrait entraîner des retards importants dans le traitement des plaintes du public.
Les dispositions du projet de loi correspondent, comme les dispositions actuelles d’ailleurs, à la recommandation de la commission d’enquête O’Connor selon laquelle les rapports de la nouvelle commission ne devraient pas avoir force exécutoire, mais que le commissaire de la GRC devrait toujours être obligé d’y répondre 62. Toutefois, le juge O’Connor était d’avis que, à des fins de transparence, les rapports sur les plaintes devraient être publiés après l’extraction des renseignements personnels et des renseignements confidentiels en matière de sécurité nationale.
Notons enfin que le groupe de travail Brown a recommandé que les conclusions de la nouvelle commission concernant les griefs et les mesures disciplinaires soient exécutoires pour le commissaire de la GRC.
Le projet de loi, à l’instar de la LGRC actuelle, permet à la Commission d’ouvrir sa propre enquête ou de convoquer une audience à l’égard d’une plainte, soit lors de la révision d’une plainte (nouvel al. 45.71(3)c) de la LGRC), soit lorsque le président de la Commission est d’avis qu’agir de la sorte serait dans l’intérêt public (nouvel art. 45.66 de la LGRC). Le projet de loi précise que la Commission pourra réunir plusieurs plaintes pour son enquête ou l’audience (nouvel art. 45.68 de la LGRC).
Les audiences seront généralement publiques (nouveau par. 45.73(6) de la LGRC). À l’heure actuelle, la CPP peut toutefois ordonner le huis clos pendant tout ou partie d’une audience si elle estime que certains renseignements sensibles seront probablement révélés. Il s’agit :
Le projet de loi reprend essentiellement ces trois motifs actuels pour ordonner le huis clos et y ajoute deux autres motifs qui confèrent à la Commission un large pouvoir discrétionnaire :
De plus, le projet de loi permet à la Commission d’ordonner que tout ou partie d’une audience se déroule en l’absence d’une partie. Le huis clos ou l’audience ex parte pourra être ordonné à l’initiative de la Commission ou sur demande de toute partie ou de tout témoin.
Le projet de loi accroît ainsi le nombre de circonstances dans lesquelles les audiences pourront se dérouler en secret. On pourrait se demander si l’équilibre privilégié dans le projet de loi entre les principes de confidentialité et de transparence dans les instances judiciaires est approprié 64. Bien que le juge O’Connor ait recommandé que la nouvelle commission puisse ordonner le huis clos afin de protéger la confidentialité liée à la sécurité nationale, aux enquêtes policières en cours et à l’identité des sources policières 65, il a également recommandé que la nouvelle commission ait le pouvoir de nommer des avocats indépendants pour vérifier le besoin de préserver la confidentialité de certaines informations 66. L’avocat aurait pu vérifier l’information qui ne peut être divulguée au plaignant ou au public et faire des représentations au nom des parties exclues. Cette dernière recommandation n’a pas été mise en œuvre par le projet de loi.
Au terme de l’enquête ou de l’audience, la Commission devra présenter au Ministre et au commissaire de la GRC un rapport écrit énonçant ses conclusions et recommandations. Comme dans le cas d’une plainte renvoyée à la Commission, le commissaire devra alors fournir une réponse par écrit au Ministre et au président de la Commission et, par la suite, celle-ci devra établir son rapport final (nouvel art. 45.76 de la LGRC). Les conclusions et recommandations énoncées dans ce rapport final ainsi que dans le rapport final de la Commission au terme de la révision d’une plainte ne seront pas susceptibles d’appel ou de révision (nouvel art. 45.77 de la LGRC). Contrairement à l’ancien projet de loi C-38, le projet de loi C-42 ne mentionne pas expressément le droit de demander un contrôle judiciaire prévu par la Loi sur les Cours fédérales.
À l’heure actuelle, seuls les pouvoirs de la CPP relativement au traitement des plaintes qui font l’objet d’une audience publique sont précisés dans la LGRC. Dans de tels cas, l’actuel article 45.45(4) de la LGRC prévoit que la CPP peut, par exemple, assigner des témoins et ordonner la production de documents.
Le projet de loi C-42 clarifie les pouvoirs de la Commission pour toutes les fonctions relatives aux plaintes - c’est-à-dire lorsqu’elle révise une plainte, ouvre sa propre enquête ou convoque une audience publique (nouveau par. 45.65(1) de la LGRC) 67. Pour le traitement des plaintes, la Commission pourra notamment faire prêter serment, assigner des témoins et contraindre la production de documents au même titre qu’une cour supérieure d’archives 68, et recevoir des éléments de preuve, qu’ils soient ou non recevables devant un tribunal. M. Brown et le juge O’Connor ont souligné dans leur rapport respectif que les pouvoirs de contraindre les organismes ou individus à produire des documents et à témoigner sont importants pour l’examen civil des activités d’application de la loi.
Aux termes du projet de loi, une personne ne pourra refuser de répondre à une question de la Commission ou de produire un document ou une chose au motif qu’elle peut s’incriminer. Toutefois, comme dans le cas du processus de règlement à l’amiable d’une plainte, les réponses et les choses produites seront inadmissibles devant les tribunaux, sauf dans le cas de poursuites pour parjure, témoignages contradictoires ou déclarations fausses ou trompeuses (nouveaux par. 45.65(2) et 45.65(3) de la LGRC).
Le fait de ne pas se présenter comme témoin ou de ne pas produire les documents demandés par la Commission constituera une infraction punissable d’une amende maximale de 5 000 $ et d’un emprisonnement maximal de six mois, ou de l’une de ces peines (nouvel art. 50 de la LGRC). Une personne qui fera des menaces, gênera une autre personne dans l’exercice de ses pouvoirs et fonctions, fera une déclaration fausse ou trompeuse, ou détruira ou falsifiera un document sera passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans (nouvel art. 50.1 de la LGRC). Notons, de façon générale, que le projet de loi augmente les peines maximales actuellement prévues pour certaines de ces infractions 69.
Afin de respecter le principe d’indépendance de la police et de ne pas perturber ou influencer indûment les enquêtes ou les poursuites criminelles en cours, la commission d’enquête O’Connor a recommandé que la nouvelle commission ait le pouvoir de surseoir à ses activités s’il y avait un risque de préjudice à l’égard de ces enquêtes ou poursuites 70. Le projet de loi met en œuvre cette recommandation en prévoyant que la Commission devra, de sa propre initiative ou à la demande du commissaire de la GRC, suspendre la révision, l’enquête ou l’audience portant sur une plainte si elle est d’avis que le fait de continuer compromettrait une enquête ou une procédure en matière pénale, ou y nuirait sérieusement (nouvel art. 45.74 de la LGRC). Le projet de loi attribue également un tel pouvoir à la Commission dans le cas d’une procédure civile ou administrative en cours.
De plus, comme le recommandait le groupe de travail Brown 71, le projet de loi permet à la Commission de tenir une révision, une enquête ou une audience conjointement avec une autre entité d’examen civil qui lui est semblable - par exemple un organisme provincial d’examen des services de police - si la plainte porte à la fois sur la conduite d’un membre de la GRC (ou de toute autre personne nommée ou employée au titre de la LGRC) et sur celle d’un agent responsable du contrôle d’application de la loi de toute autre entité publique au Canada ou à l’étranger (nouveau par. 45.75 de la LGRC).
Cette disposition pourra s’avérer utile, car la GRC participe à de nombreuses opérations intégrées avec d’autres corps de police. Par contre, il ne semble pas qu’elle puisse s’appliquer à l’examen civil d’opérations intégrées auxquelles la GRC participe avec des organismes responsables de la sécurité nationale qui n’ont pas le mandat d’appliquer la loi, mais celui de colliger et d’analyser des renseignements de sécurité (p. ex. le SCRS).
La commission d’enquête O’Connor avait plutôt recommandé que la nouvelle commission ait « le pouvoir d’effectuer de concert avec le CSARS et le commissaire du CST [chargés de l’examen civil du SCRS et du CST respectivement] des examens ou des enquêtes sur des opérations intégrées de sécurité nationale auxquelles participe la GRC 72 ». Pour assurer un examen civil rigoureux des activités intégrées de sécurité nationale, le juge O’Connor recommandait par ailleurs que la nouvelle commission soit également responsable d’examiner les activités de l’Agence des services frontaliers du Canada - un organisme fédéral qui n’est actuellement assujetti à aucun mécanisme d’examen civil permanent 73.
Selon la LGRC actuelle, la GRC peut mener elle-même des enquêtes sur ses membres impliqués dans des incidents graves, tout en pouvant, de façon discrétionnaire, confier ces enquêtes à des corps policiers externes. En février 2010, la GRC a toutefois adopté une politique provisoire qui s’applique à ces cas : la Politique relative aux enquêtes et aux examens externes. Le projet de loi donne force de loi à cette politique.
Dans son rapport d’août 2009, la CPP a recommandé de modifier la LGRC pour permettre à la nouvelle commission « d’affecter l’enquête à un corps policier autre que la GRC ou à un autre organisme d’enquête criminelle au Canada 74 ». Le groupe de travail Brown avait également recommandé que ce pouvoir soit accordé à la nouvelle commission 75. Le projet de loi prévoit que ce pouvoir de renvoyer l’enquête à un organisme indépendant sera plutôt exercé par une « autorité désignée » par le gouvernement de la province où est survenu l’« incident grave » (nouvel art. 45.81 de la LGRC).
Le nouveau paragraphe 45.79(1) de la LGRC donne la définition d’« incident grave ». Il s’agit de tout incident qui met en cause un membre de la GRC, toute autre personne qui assiste la GRC dans l’exercice de ses fonctions en vertu de la LGRC ou toute autre personne nommée ou employée sous le régime de la LGRC et au cours duquel les actes de l’une de ces personnes :
Le projet de loi précise que si les actes d’un membre de la GRC ont donné lieu à la mort d’une personne ou à des « blessures graves », un autre organisme que la GRC devra enquêter. Il faudra attendre la définition de « blessure grave » que le gouverneur en conseil utilisera dans le futur règlement pour mieux comprendre l’impact de cette disposition. De plus, le fait de ne pas avoir défini « blessures graves » de façon plus précise dans le projet de loi pourrait occasionner des retards dans l’application de cette nouvelle disposition. Pour tous les autres « incidents graves » (c.-à-d. autres que la mort et que ceux répondant à la future définition de « blessures graves »), c’est le Ministre, le commissaire de la GRC ou le ministre provincial qui déterminera, dans l’intérêt public, si un autre organisme que la GRC devra enquêter.
Lorsqu’un incident grave met en cause un membre de la GRC (ou toute autre personne qui assiste la GRC ou toute autre personne nommée ou employée sous le régime de la LGRC), l’autorité désignée pourra nommer un organisme d’enquête indépendant provincial. L’Alberta et l’Ontario ont établi un organisme indépendant chargé des enquêtes sur les incidents graves impliquant des agents de police 76. S’il n’y a pas d’organisme d’enquête dans la province où est survenu l’incident grave, l’autorité désignée pourra nommer une autre force de police pour faire enquête. La GRC devra alors, dans les meilleurs délais, renvoyer l’enquête à l’organisme d’enquête ou à l’autre force de police, selon le cas (nouvel art. 45.81 de la LGRC).
Si pour quelque raison l’autorité désignée ne nomme pas un organisme d’enquête ou une force de police, la GRC devra demander à tout autre organisme d’enquête provincial ou force de police d’enquêter sur l’incident grave. Toutefois, il n’est pas toujours possible pour une telle entité d’enquêter à cause de sa charge de travail ou d’un manque de ressources. Ainsi, si l’organisme d’enquête ou la force de police refuse d’enquêter et que la GRC considère qu’il n’y a pas d’autre organisme d’enquête ou force de police indiqué pour le faire, la GRC devra enquêter elle-même. Dans ce cas, la GRC devra aviser la Commission de son intention d’enquêter elle-même et lui fournir un rapport sur toutes les mesures raisonnables qu’elle a prises pour trouver un organisme d’enquête ou une autre force de police (nouvel art. 45.82 de la LGRC).
En mars 2007, la CPP a mis en place un projet pilote consistant à affecter des membres de son personnel pour observer et évaluer l’impartialité des enquêtes sur les incidents graves menées par la division de la GRC en Colombie-Britannique. En septembre 2008, la CPP et la GRC ont officialisé ce programme. Le projet de loi prévoit la possibilité de nommer de tels observateurs.
En effet, l’autorité désignée ou la Commission pourra nommer un observateur si l’enquête sur l’incident grave est menée par la GRC elle-même ou par une autre force de police (nouvel art. 45.83 de la LGRC). Le projet de loi ne prévoit pas qui peut être nommé observateur ni les critères que celui-ci devra prendre en compte pour évaluer l’impartialité de l’enquête 77. Toutefois, le gouverneur en conseil pourra déterminer, par règlement, les critères de nomination, la portée du rôle et les obligations des observateurs (nouvel art. 45.87 de la LGRC). Par ailleurs, l’observateur n’aura pas de droit d’accès aux « renseignements protégés » (nouvel art. 45.86 de la LGRC).
L’observateur devra faire un rapport concernant l’impartialité de l’enquête et le transmettre au président de la Commission, au commissaire de la GRC et au chef de l’autre force de police qui a mené l’enquête, le cas échéant (nouvel art. 45.85 de la LGRC). Si le rapport soulève des préoccupations quant à l’impartialité de l’enquête, le commissaire ou le chef de la force de police, selon le cas, devra fournir - dans un délai qui sera déterminé par règlement - au président de la Commission une réponse écrite comportant un énoncé des mesures qui ont été prises ou qui seront prises par la GRC ou l’autre force de police pour répondre aux préoccupations.
Si le président de la Commission n’est pas satisfait de ces mesures, il devra présenter un rapport à ce sujet au Ministre, au ministre provincial responsable des services policiers et au procureur général de la province où est survenu l’incident grave. L’observateur pourra être contraint à témoigner dans toute enquête, procédure ou action pénale, civile ou administrative (nouveau par. 45.83(6) de la LGRC). Enfin, si l’enquête est menée par la GRC et qu’aucun observateur n’a été nommé, le commissaire de la GRC devra présenter au président de la Commission un rapport sur les mesures prises pour veiller à ce que l’enquête se déroule avec impartialité (nouveau par. 45.83(4) de la LGRC).
* Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur. Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur. [ Retour au texte ]
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