Dans ce résumé législatif, tout changement d’importance depuis la dernière publication est indiqué en caractères gras.
Le projet de loi C-5, Loi abrogeant la section 20 de la partie 3 de la Loi no 1 sur le plan d’action économique de 2015, a été déposé à la Chambre des communes le 5 février 2016 par l’honorable Scott Brison, président du Conseil du Trésor du Canada1.
Comme l’indique son titre, le projet de loi C-5 abroge la section 20 de la partie 3 (art. 253 à 273) de la Loi no 1 sur le plan d’action économique de 20152, qui autorise le Conseil du Trésor à établir et à modifier les conditions d’emploi des fonctionnaires de l’administration publique fédérale centrale en ce qui touche le système d’invalidité et de maladie, malgré les dispositions de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP)3.
Les dispositions de la section 20 de la partie 3 faisaient initialement partie du projet de loi C-59, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 avril 2015 et mettant en œuvre d’autres mesures (titre abrégé : « Loi no 1 sur le plan d’action économique de 2015 »). Parrainé par l’honorable Joe Oliver, l’ancien ministre des Finances, le projet de loi C-59 a été déposé à la Chambre des communes le 7 mai 2015. Édicté sous le nom Loi no 1 sur le plan d’action économique de 2015, il a reçu la sanction royale le 23 juin 20154.
La LRTFP est la loi fédérale qui régit les relations de travail des fonctionnaires de l’administration publique fédérale centrale, y compris les négociations collectives. Les négociations collectives sont le processus par lequel l’employeur et l’agent négociateur négocient une convention écrite qui renferme, en règle générale, des dispositions relatives aux conditions d’emploi et à des questions connexes5.
Conformément aux dispositions de la LRTFP, le Conseil du Trésor négocie des conventions collectives avec les agents négociateurs qui représentent les 27 unités de négociation de l’administration publique fédérale centrale. Une nouvelle ronde de négociations s’est amorcée en 2014 entre le Conseil du Trésor et les agents négociateurs de la fonction publique fédérale (voir l’annexe). Il a notamment été question des dispositions des conventions collectives portant sur le système de gestion des congés d’invalidité et de maladie des fonctionnaires de l’administration publique fédérale centrale6.
Le système actuel d’accumulation des congés de maladie vise à permettre aux employés malades ou invalides pour une longue période de toucher leur salaire - en l’absence d’un régime d’invalidité de courte durée - pendant le minimum de 13 semaines qu’ils doivent attendre avant d’avoir accès au programme des prestations d’assurance invalidité de longue durée. À l’heure actuelle, un employé à temps plein accumule les congés de maladie au taux de 9,375 heures par mois, soit 15 jours par année7. Pendant la ronde de négociations amorcée en 2014, le Conseil du Trésor a proposé un certain nombre de changements au système actuel de gestion des congés d’invalidité et de maladie qui devaient être mis en œuvre à compter du 1er septembre 2016. Toutefois, cette proposition a changé avec le temps. Selon certaines des sources disponibles les plus récentes, la proposition du Conseil du Trésor comportait les éléments suivants :
Lorsque le projet de loi C-59 a été édicté, les agents négociateurs et le Conseil du Trésor n’étaient arrivés à aucune entente concernant le système de gestion des congés d’invalidité et de maladie9.
Avant l’entrée en vigueur de la Loi no 1 sur le plan d’action économique de 2015, le gouvernement fédéral avait annoncé dans le budget de 2015 qu’il contribuerait « à rendre la fonction publique plus saine et plus productive en collaborant avec les agents de négociation en vue de mettre en œuvre, pour les fonctionnaires fédéraux, un système de gestion des congés d’invalidité et de maladie qui est moderne et exhaustif et qui répond aux besoins des employés10».
Le nouveau système de gestion des congés d’invalidité et de maladie proposé dans le budget de 2015 devait permettre, par exemple, de relier les congés de maladie aux prestations d’invalidité et aux mesures de soutien par l’instauration d’un régime officiel d’invalidité à court terme qui remplacerait le système actuel d’accumulation des congés de maladie. Il devait en outre mettre l’accent sur une gestion diligente des dossiers, y compris la réadaptation et les mesures de soutien au retour au travail11. Selon les prévisions du budget, les modifications apportées au système de gestion des congés d’invalidité et de maladie auraient permis d’économiser 900 millions de dollars pour l’exercice 2015-2016 et 600 millions de dollars au total pour les quatre exercices suivants12.
Le gouvernement fédéral a aussi fait savoir qu’il prendrait, dans l’éventualité où il ne pourrait parvenir à un accord avec les agents négociateurs, « les mesures nécessaires pour mettre en œuvre, dans un délai raisonnable, un système modernisé de gestion des congés d’invalidité et de maladie13». Cette mesure est la section 20 de la Loi no 1 sur le plan d’action économique de 2015, qui confère au Conseil du Trésor le pouvoir d’imposer des changements au système de gestion des congés d’invalidité et de maladie de la fonction publique. Avant l’entrée en vigueur de cette loi, de tels changements auraient habituellement été négociés entre le Conseil du Trésor et les agents négociateurs en conformité avec la LRTFP.
Après la 42e élection générale, le 21 janvier 2016, le nouveau président du Conseil du Trésor, l’honorable Scott Brison, a informé les agents négociateurs de la fonction publique que le gouvernement fédéral n’aurait pas recours aux pouvoirs que lui confère la section 20 de la Loi no 1 sur le plan d’action économique de 2015 et que des mesures seraient prises pendant la 1re session de la 42e législature afin d’abroger les dispositions en cause de cette loi14. Le 22 février 2016, le ministère des Finances a inscrit l’« [a]nnulation des économies liées aux congés de maladie » dans un document d’information sur les perspectives de l’économie canadienne15.
L’abrogation de la section 20 de la Loi no 1 sur le plan d’action économique de 2015 n’est pas nécessairement synonyme de statu quo, car les syndicats de la fonction publique fédérale et le Conseil du Trésor doivent toujours négocier une nouvelle convention collective, qui pourrait modifier ou non le régime de congé d’invalidité et de maladie. Les négociations entre le Conseil du Trésor et les agents négociateurs de la fonction publique devraient reprendre au début de 201616.
Le projet de loi C-5 ne comporte qu’un seul article, qui abroge la section 20 de la partie 3 de la Loi no 1 sur le plan d’action économique de 2015. Le texte actuel de la section 20, qui est reproduit dans les notes explicatives du projet de loi C-5, est résumé dans la présente partie du document.
L’article 254 de la Loi no 1 sur le plan d’action économique de 2015 permet au Conseil du Trésor d’établir et de modifier, malgré la LRTFP, les conditions d’emploi en ce qui touche les congés de maladie. Les conditions d’emploi peuvent notamment viser ce qui suit :
Par application des articles 255 et 256, les conditions d’emploi adéquatement libellées qui sont établies ou modifiées par le Conseil du Trésor en vertu de l’article 254 sont réputées être incorporées à toute convention collective ou décision arbitrale liant les fonctionnaires qui est en vigueur à la date de mise en œuvre du programme d’invalidité de courte durée, et ce, malgré toute disposition contraire de la convention collective ou de la décision arbitrale. L’article 257 prévoit que ces conditions remplacent en outre toute condition incompatible qui est maintenue en vigueur après le moment où l’avis de négocier collectivement a été donné.
Enfin, les articles 258 et 259 disposent que sont inopérantes pendant la période d’application (soit la période de quatre ans débutant à la date de mise en œuvre du programme d’invalidité de courte durée) les dispositions des décisions arbitrales qui sont rendues pendant la période d’application, ou qui s’appliquent rétroactivement à l’égard de cette période, et qui sont incompatibles avec les conditions d’emploi relatives aux congés de maladie établies ou modifiées en vertu de l’article 254.
L’article 260 de la Loi no 1 sur le plan d’action économique de 2015 permet au Conseil du Trésor d’établir et de modifier, malgré la LRTFP, un programme d’invalidité de courte durée. Selon l’article 261, le programme doit prévoir :
En outre, le programme d’invalidité de courte durée peut prévoir une période d’inadmissibilité aux prestations prévues par le programme et pourvoir à toute autre question que le Conseil du Trésor estime indiquée.
Selon l’article 262, le programme d’invalidité de courte durée s’applique malgré toute disposition contraire de toute convention collective ou décision arbitrale liant les fonctionnaires qui est en vigueur à la date de mise en œuvre du programme d’invalidité de courte durée, et malgré les conditions d’emplois qui sont maintenues en vigueur après le moment où l’avis de négocier collectivement a été donné. En outre, les dispositions de toute convention collective conclue ou décision arbitrale rendue à la date de mise en œuvre du programme d’invalidité de courte durée, ou après cette date, et qui sont incompatibles avec le programme, sont inopérantes au cours de la période d’application.
Selon l’article 265, le Conseil du Trésor est tenu de constituer un comité formé de représentants de l’employeur et des employés qui a pour mission de formuler des recommandations conjointes concernant la modification du programme d’invalidité de courte durée. Aux termes de l’article 263, de telles modifications apportées après l’expiration de la période d’application ne peuvent toutefois pas avoir d’effet rétroactif sur le programme à l’égard de la période d’application.
Enfin, l’article 266 permet au Conseil du Trésor de fixer la date de la mise en œuvre du programme d’invalidité de courte durée.
L’article 267 de la Loi no 1 sur le plan d’action économique de 2015 permet au Conseil du Trésor de modifier, pendant la période d’application, tout programme d’invalidité de longue durée de la fonction publique en ce qui touche la période d’inadmissibilité des fonctionnaires aux prestations prévues par ce programme. Ces modifications peuvent être apportées malgré la LRTFP.
Selon l’article 268, les modifications s’appliquent malgré toute disposition contraire de toute convention collective ou décision arbitrale liant les fonctionnaires qui est en vigueur à la date de mise en œuvre du programme d’invalidité de courte durée, et malgré les conditions d’emplois qui sont maintenues en vigueur après le moment où l’avis de négocier collectivement a été donné. De la même manière, les dispositions de toute convention collective conclue ou décision arbitrale rendue à la date de mise en œuvre du programme d’invalidité de courte durée, ou après cette date, et qui sont incompatibles avec les modifications apportées en vertu de l’article 267, sont inopérantes au cours de la période d’application.
L’article 269 prévoit que les modifications apportées au programme d’invalidité de longue durée par le Conseil du Trésor après l’expiration de la période d’application ne peuvent toutefois pas avoir d’effet rétroactif à l’égard de la période d’application sur les dispositions de ce programme qui ont été modifiées en vertu de l’article 267.
Selon l’article 270 de la Loi no 1 sur le plan d’action économique de 2015, le droit de négocier collectivement sous le régime de la LRTFP est maintenu, sous réserve des autres dispositions de la section 20.
En outre, l’article 271 prévoit qu’il n’est pas porté atteinte au droit de grève qui s’exerce sous le régime de la LRTFP.
Enfin, en vertu de l’article 272, les agents négociateurs et l’employeur peuvent modifier les dispositions d’une convention collective ou d’une décision arbitrale dans la mesure où la modification n’est pas incompatible avec la section 20.
Selon leurs déclarations initiales, les syndicats de la fonction publique appuient de façon générale la réforme législative proposée. Cependant, certains syndicats, notamment l’Association canadienne des employés professionnels et l’Alliance de la Fonction publique du Canada, ont affirmé avoir des réserves quant au fait que certaines dispositions du projet de loi C-4, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 mars 2013 et mettant en œuvre d’autres mesures, ne soient pas abrogées du même coup17. Les réformes instaurées par le projet de loi C-4 concernant la LRTFP et la section 20 de la Loi no 1 sur le plan d’action économique de 2015 sont considérées comme ayant « modifié injustement le processus de négociation collective dans le secteur public fédéral18».
Les syndicats de la fonction publique fédérale se sont à maintes reprises prononcés contre la section 20 de la Loi no 1 sur le plan d’action économique de 2015. Au cours de l’été 2015, l’opposition à l’adoption du projet de loi C-59 s’est traduite par des contestations constitutionnelles et des requêtes en injonction présentées à la Cour supérieure de justice de l’Ontario par plus de dix agents négociateurs de la fonction publique fédérale, notamment l’Alliance de la Fonction publique du Canada, l’Association canadienne des employés professionnels et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada. Les syndicats ont soutenu en particulier que la section 20 du projet de loi violait leur droit à la liberté d’association (protégé par l’alinéa 2d) de la Charte canadienne des droits et libertés), car elle portait atteinte aux droits des employés de participer à un véritable processus de négociations collectives et empêchait les employés de faire la grève pour protester contre la réforme des congés d’invalidité et de maladie19.
En outre, le 9 septembre 2015, le Congrès du Travail du Canada et l’Internationale des Services Publics ont déposé conjointement une plainte auprès de l’Organisation internationale du Travail, au nom de 18 agents fédéraux négociateurs de la fonction publique. Rédigé par l’Association canadienne des agents financiers, le document affirme que les dispositions du projet de loi C-59 accorderaient au gouvernement fédéral l’autorité voulue pour modifier « unilatéralement » les dispositions relatives aux congés de maladie des conventions collectives, violant ainsi les conventions et les principes de l’Organisation internationale du Travail, y compris la Convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 194820 .
* Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur. Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur. [ Retour au texte ]
Unité de négociations de la fonction publique fédérale (sigle de l’unité de négociation) |
Date de signature de la dernière convention a | Date d’expiration de la dernière convention | Date de l’avis de négocier |
---|---|---|---|
Architecture, génie et arpentage (NR) | 25 janvier 2012 | 30 sept. 2014 | 2 juin 2014 |
Chefs d’équipe de la réparation des navires (SR (C)) | 3 avril 2013 | 31 mars 2014 | 4 déc. 2014 |
Contrôle de la circulation aérienne (AI) | 31 mars 2011 | 30 juin 2014 | 29 sept. 2014 |
Droit (LP) | 12 mars 2013 | 9 mai 2014 | 9 janvier 2014 |
Économique et services de sciences sociales (EC) | 15 octobre 2012 | 21 juin 2014 | 24 février 2014 |
Électronique (EL) | 26 octobre 2012 | 31 août 2014 | 1er mai 2014 |
Enseignement et bibliothéconomie (EB) | 1er mars 2011 | 30 juin 2014 | 28 février 2014 |
Enseignement universitaire (UT) | 11 mars 2011 | 30 juin 2014 | 28 février 2014 |
Gestion financière (FI) | 30 sept. 2013 | 6 nov. 2014 | 9 juillet 2014 |
Navigation aérienne (AO) | 21 nov. 2013 | 25 janvier 2015 | 25 sept. 2014 |
Officiers de navire (SO) | 6 août 2013 | 31 mars 2014 | 4 février 2014 |
Radiotélégraphie (RO) | 25 mai 2012 | 30 avril 2014 | 17 janvier 2014 |
Recherche (RE) | 12 février 2013 | 30 sept. 2014 | 2 juin 2014 |
Réparation des navires - Est (SR (E)) | 2 avril 2014 | 31 déc. 2014 | 2 sept. 2014 |
Réparation des navires - Ouest (SR (W)) | 7 déc. 2012 | 30 janvier 2015 | 30 sept. 2014 |
Science appliquée et examen des brevets (SP) | 31 juillet 2013 | 30 sept. 2014 | 2 juin 2014 |
Service extérieur (FS) | 4 déc. 2013 | 30 juin 2014 | 28 février 2014 |
Services correctionnels (CX) | 5 nov. 2013 | 31 mai 2014 | 17 février 2014 |
Services de l’exploitation (SV) | 6 avril 2011 | 4 août 2014 | 4 avril 2014 |
Services de santé (SH) | 12 juin 2012 | 30 sept. 2014 | 2 juin 2014 |
Services d’imprimerie (non-surveillantes et non-surveillants) (PR (NS)) | 14 février 2012 | 30 sept. 2014 | 10 juin 2014 |
Services des programmes et de l’administration (PA) | 1er mars 2011 | 20 juin 2014 | 24 février 2014 |
Services frontaliers (FB) | 17 mars 2014 | 20 juin 2014 | 16 avril 2014 |
Services techniques (TC) | 18 octobre 2013 | 21 juin 2014 | 24 février 2014 |
Systèmes d’ordinateurs (CS) | 14 déc. 2012 | 21 déc. 2014 | 21 août 2014 |
Traduction (TR) | 25 octobre 2012 | 18 avril 2014 | 7 mars 2014 |
Vérification, commerce et achat (AV) | 14 déc. 2012 | 21 juin 2014 | 24 février 2014 |
Note : a. Il est prévu dans presque toutes ces conventions collectives que la convention entre en vigueur le jour de la signature, à moins d’indication contraire précise.
Source : Tableau préparé par Dominique Fleury, Service d’information et de recherche parlementaires, Bibliothèque du Parlement, à partir de renseignements tirés de Gouvernement du Canada, Mise à jour sur les négociations collectives et Conventions collectives.
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