Résumé législatif du Projet de loi C-53

Résumé Législatif
Projet de loi C‑53 : Loi modifiant le Code criminel (produits de la criminalité) et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et modifiant une autre loi en conséquence
Robin MacKay, Division du droit et du gouvernement
Publication no 38-1-LS-511-F
PDF 84, (17 Pages) PDF
2005-09-19

Table des matières


Contexte

   A.  Généralités

Le projet de loi C‑53 : Loi modifiant le Code criminel (produits de la criminalité) et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et modifiant une autre loi en conséquence) a été déposé à la Chambre des communes le 30 mai 2005.  Il a pour objet de renverser le  fardeau de la preuve dans les cas de demandes de confiscation relatives aux produits de la criminalité et visant un accusé déclaré coupable d’une infraction d’organisation criminelle ou d’une infraction à certaines dispositions de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances(1), et modifie une autre loi en conséquence.  Le projet de loi dispose que le tribunal est tenu d’ordonner la confiscation des biens de l’accusé précisés dans la demande s’il est convaincu soit que celui-ci s’est livré à des activités criminelles répétées, soit que son revenu de sources non liées à des infractions désignées ne peut justifier de façon raisonnable la valeur de son patrimoine.  Toutefois, il ne peut rendre une telle ordonnance à l’égard de ceux de ces biens dont le contrevenant démontre, selon la prépondérance des probabilités, qu’ils ne constituent pas des produits de la criminalité et peut refuser, si l’intérêt de la justice l’exige, de rendre une telle ordonnance à l’égard de tout bien.

Le projet de loi modifie également le Code criminel(2) pour préciser le pouvoir du procureur général du Canada à l’égard des produits de la criminalité et clarifier la définition de la notion d’« infraction désignée » pour ce qui est des infractions pouvant donner lieu à des poursuites par mise en accusation ou par déclaration sommaire de culpabilité.  Il modifie également la Loi réglementant certaines drogues et autres substances pour préciser le pouvoir des juges de délivrer, en vertu de cette loi, des mandats relativement à des enquêtes sur le blanchiment de l’argent lié à la drogue et la possession de biens obtenus au moyen de crimes liés à la drogue.

   B.  Les dispositions relatives aux produits de la criminalité au Canada

      1.  Le Code criminel

Les dispositions actuelles du Code criminel concernant les produits de la criminalité (partie XII.2, art. 462.3 à 462.5) existent depuis 1989.  Elles prévoient que, pour obtenir une ordonnance de confiscation, la Couronne doit faire la preuve, selon la prépondérance des probabilités, que les biens en question sont des produits de la criminalité et qu’ils sont associés à l’infraction dont l’accusé a été reconnu coupable.  S’il n’est pas possible de prouver le lien entre les infractions et les biens, le tribunal peut néanmoins rendre une ordonnance de confiscation s’il est convaincu, au‑delà de tout doute raisonnable, que les biens sont des produits de la criminalité.

La portée des dispositions relatives aux produits de la criminalité a été élargie pour qu’elles soient applicables à la plupart des actes criminels prévus par les lois fédérales, dans le cadre des décisions législatives entrées en vigueur en 2002 en matière de crime organisé et d’exécution de la loi.  Les demandes de confiscation de produits de la criminalité ne se limitent pas aux situations liées au crime organisé, mais elles sont particulièrement utiles dans la lutte contre cette forme de criminalité.

      2.  Le Programme des produits de la criminalité

C’est la Gendarmerie royale du Canada (GRC) qui est chargée du Programme des produits de la criminalité (PPC).  Le Programme a pour objet de repérer, d’évaluer, de bloquer et de confisquer des biens illicites ou non déclarés obtenus par des moyens criminels.  Il s’appuie sur diverses dispositions du Code criminel, de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, de la Loi sur les douanes(3), de la Loi sur l’accise(4), de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes(5) et de la Loi sur l’administration des biens saisis(6).

Les objectifs du PPC sont les suivants : éliminer les facteurs incitant au crime; trouver, évaluer, bloquer et saisir les gains illicites ou non déclarés provenant d’activités criminelles; poursuivre les contrevenants; bloquer et saisir des biens en attendant la confiscation judiciaire; indiquer aux tribunaux les biens qui ne pouvaient être saisis afin de justifier des sanctions judiciaires, par exemple des amendes.  Pour réaliser ces objectifs, les agents du PPC procèdent à des enquêtes sur le recyclage des produits des infractions désignées.  Le Programme compte actuellement 12 unités intégrées et deux  unités non intégrées.  Ses ressources sont en majorité consacrées aux enquêtes à long terme sur le crime organisé.  Les agents du Programme procèdent à des enquêtes indépendantes sur le blanchiment de l’argent, mais la plupart des projets sont réalisés en partenariat avec une équipe d’enquêteurs chargés d’examiner les infractions substantielles.

Le Programme intégré de contrôle des produits de la criminalité (PICP) est une mesure nationale prise en 1996‑1997, après les modifications législatives adoptées en 1989 et la création de trois unités antidrogue spéciales mixtes à Montréal, à Toronto et à Vancouver en 1982(7).  Les unités du PICP réunissent des membres de la GRC et des organismes d’exécution de la loi locaux, du ministère de la Justice, ainsi que des juricomptables et des gestionnaires immobiliers de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, de l’Agence du revenu du Canada et de l’Agence des services frontaliers du Canada.  Cette intégration vise à faciliter la coordination des mesures destinées à éliminer, par la confiscation des profits tirés de ce genre d’activité, les facteurs incitant au crime.

      3.  Le blanchiment de l’argent

Le principal instrument du Canada pour lutter contre le blanchiment de l’argent est la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.  Elle fait obligation aux institutions financières et à d’autres intermédiaires de remplir certaines exigences concernant l’identification de leurs clients, la diligence raisonnable, la tenue de livres et le signalement des transactions suspectes et d’autres transactions financières ayant trait à l’identification de mesures de blanchiment de l’argent.  Par ailleurs, la Loi dispose que l’importation et l’exportation d’argent et d’instruments monétaires doivent être déclarées.  Les sanctions prévues par la Loi pour non‑déclaration de transactions suspectes prennent la forme d’amendes pouvant aller jusqu’à deux millions de dollars, un emprisonnement maximum de cinq ans ou les deux peines.

Le service du renseignement financier du Canada – le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE) – a été créé en juillet 2000 et chargé de recueillir, d’analyser et de communiquer des données et des renseignements d’ordre financier sur les activités suspectes en matière de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme.  Il a commencé ses activés en octobre 2001.  Ses fonctions principales sont de recevoir les rapports produits en vertu de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes par divers organismes (les banques, les compagnies d’assurance, les services d’opérations de change, les casinos, les comptables et les agents immobiliers), d’y chercher des renseignements concernant le blanchiment de l’argent et le financement du terrorisme et de fournir aux organismes d’exécution de la loi et du renseignement des données permettant d’identifier des coupables.  Le CANAFE est indépendant de la police et des autres ministères et organismes du gouvernement.

En juillet 2006, le Canada assumera la présidence du Groupe d’action financière (GAFI) pour un an.  Le GAFI a été créé par le G7 en 1989 en réponse à des préoccupations de plus en plus pressantes concernant l’expansion du blanchiment de l’argent.  En 2001, son mandat a été élargi pour inclure le financement du terrorisme.  Le GAFI s’intéresse aux techniques et aux tendances en matière de blanchiment de l’argent et de financement du terrorisme, il examine les stratégies nationales et internationales de lutte contre ces activités et il recommande des mesures supplémentaires à cet égard.  Le Groupe est composé de représentants de 31 pays et territoires et de deux organisations régionales représentant les pays de l’Union européenne et ceux du golfe Persique.

En 1990, le GAFI a publié une série de 40 recommandations qui ont été révisées en 2003.  Ces recommandations proposent une série de mesures contre le blanchiment de l’argent.  Chaque membre du GAFI fait périodiquement l’objet d’un examen par ses pairs, qui évaluent l’efficacité de la mise en œuvre de ses mesures de lutte contre le blanchiment de l’argent et le financement du terrorisme et qui signalent les secteurs où il y a lieu d’apporter des améliorations.  Le Canada a été évalué le plus récemment en 1997 et il le sera de nouveau au début de 2007.

      4.  Les lois provinciales sur la confiscation

L’Ontario a adopté la Loi de 2001 sur les recours pour crime organisé et autres activités illégales(8), qui prévoit des réparations au civil pour faciliter l’indemnisation des personnes ayant subi des pertes en raison d’activités illicites.  Cette loi vise également à empêcher des personnes se livrant à des activités illicites de conserver des biens acquis grâce à ces activités et à empêcher que des biens soient employés dans le cadre de certaines activités illicites.  La Loidispose que, dans le cadre d’une poursuite intentée par le procureur général, la Cour supérieure de justice est tenue de rendre une ordonnance de confiscation si elle conclut que les biens en question sont le produit d’activités illicites.  Il y a exception lorsque la confiscation n’est manifestement pas dans l’intérêt de la justice et s’il existe un propriétaire légitime.  Les conclusions de fait obtenues dans le cadre d’une poursuite en vertu de la Loi le sont selon la prépondérance des probabilités, et il est possible de conclure qu’il y a eu infraction même si personne n’en est accusé ou quelqu’un a été accusé, mais que l’accusation a été retirée ou suspendue ou que la personne a été acquittée.

Le fonctionnement de la Loi a été examiné dans l’affaire Ontario (Attorney General) c. Chow(9).  En l’espèce, la Couronne demandait la confiscation de fonds en vertu de la Loi, alléguant qu’ils servaient à acheter et à vendre des substances contrôlées.  La demande a été accueillie.  Le tribunal a conclu que, si l’argent en question représentait un paiement en contrepartie de substances contrôlées ou devait servir à acheter des substances contrôlées, il était sujet à confiscation en vertu de la Loi.  Celle‑ci n’exige pas que l’on incrimine une personne au civil ou au criminel.  Elle prévoit que les « propriétaires légitimes » peuvent, à titre de partie à une procédure, réclamer les biens sur présentation d’une preuve que, nonobstant la nature des biens comme produits d’une activité illicite, ils en sont légitimement propriétaires et que leur intérêt doit être protégé.  La Loi est muette quant au fardeau de la preuve, mais il serait impossible à la Couronne, comme requérante, de prouver qu’un intimé n’est pas le propriétaire des biens en question.  Dans l’affaire Chow, selon la prépondérance des probabilités, l’intimé n’a pas fait la preuve de son intérêt légitime dans la propriété de l’argent, qui a donc été confisqué.

L’arrêt Chow offre un intéressant élément de comparaison avec les dispositions relatives aux produits de la criminalité énoncées dans la partie XII.2 du Code criminel et les modifications proposées dans le projet de loi C‑53.  Selon le Code, il faut une condamnation au criminel ou un acquittement avant que les biens puissent faire l’objet d’une demande de confiscation, alors que, selon la Loi de l’Ontario, on peut déclarer qu’il y a eu infraction même si personne n’en est accusé.  Par ailleurs, le Code criminel exige la production d’une preuve au‑delà de tout doute raisonnable que les biens dont on demande la confiscation sont le produit d’activités illicites lorsqu’on n’a pas fait la preuve du lien entre l’infraction désignée et les biens en question.  La Loi de l’Ontario exige seulement la preuve, selon la prépondérance des probabilités (norme civile), que les biens en question sont le produit d’activités illicites.  Enfin, le projet de loi C‑53 inverse le fardeau de la preuve (voir plus loin l’analyse de l’art. 6) dans certains cas, pour que la Couronne n’ait pas besoin de prouver que certains biens sont le produit d’activités criminelles.  Autrement dit, il y aura présomption réfutable que certains biens sont le produit d’activités criminelles.  Selon la Loi de l’Ontario, par contre, le tribunal doit toujours arriver à la conclusion que, selon la prépondérance des probabilités, les biens en question sont le produit d’activités illicites.

Dans l’affaire Ontario (Attorney General) c. $29,020 in Canada Currency(10), un intimé faisant face à une demande de confiscation adressée par la Couronne a fait valoir que la Loi de l’Ontario sur la confiscation était ultra viresparce qu’il s’agissait d’une ingérence dans la sphère de compétence sur le droit pénal conféré au fédéral au point 27 de l’article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867.  Cet argument a été rejeté.  Le tribunal a estimé que, si les dispositions fédérales sur la confiscation sont assujetties à une reconnaissance de culpabilité et font partie de la procédure de détermination de la peine, la Loi ontarienne fonctionne indépendamment des procédures pénales.  L’objet effectif de la Loi ontarienne est de libérer des gains financiers illicites pour indemniser des victimes et d’éliminer les conditions propices aux activités illicites en supprimant les facteurs incitatifs.  Ce sont là des objectifs provinciaux légitimes.  Les deux lois sont donc complémentaires et non incompatibles.

L’autre argument constitutionnel soulevé dans l’affaire $29,020 in Canada Currency était que la Loi ontarienne enfreignait diverses dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés, notamment le droit d’être protégé contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives garanti par l’article 8.  La Couronne a cependant fait valoir que l’article 8 de la Charte ne protège que les attentes raisonnables concernant la vie privée et non le droit de propriété.  Cet argument a été accepté par le tribunal.  L’autre allégation importante formulée en vertu de la Charte était que la Loi ontarienne enfreignait le droit de chacun d’être présumé innocent jusqu’à ce qu’il soit trouvé coupable garanti par l’alinéa 11d).  Cette disposition de la Charte prévoit que l’État doit prouver la culpabilité au‑delà de tout doute raisonnable, alors que la Loi ontarienne exige seulement une preuve selon la prépondérance des probabilités.  La Couronne a soutenu que, pour que la disposition soit applicable, il fallait qu’une personne soit accusée d’une infraction.  Le tribunal a accepté cet argument et a conclu qu’une confiscation au civil ne représentait pas une infraction.  La question demeure de savoir si les dispositions du Code criminel assujetties à une déclaration de culpabilité pourraient être contestées en vertu de l’alinéa 11d) de la Charte, bien que, au stade de la confiscation, l’accusé soit déjà reconnu coupable en vertu d’une preuve au‑delà de tout doute raisonnable après avoir été présumé innocent.

Le Manitoba a adopté sa propre loi à cet égard, la Loi sur la confiscation de biens obtenus ou utilisés criminellement(11), qui dispose que, lorsqu’un chef de police est convaincu que des biens sont le produit ou l’instrument d’activités illicites, il peut demander à un tribunal de rendre une ordonnance de confiscation au profit du gouvernement.  La preuve que les biens en question appartiennent à un membre du crime organisé est la preuve, faute de preuve du contraire, qu’ils sont le produit d’activités illicites.  À moins que cela soit manifestement contraire à l’intérêt de la justice, le tribunal doit rendre une ordonnance de confiscation au profit du gouvernement s’il conclut que les biens en question sont le produit ou l’instrument d’activités illicites.

Le 7 mars 2005, la Colombie‑Britannique a déposé le projet de la Civil Forfeiture Act(12), dont le texte est semblable à celui de la loi manitobaine : la preuve qu’une personne a participé à des activités illicites est la preuve, faute de preuve du contraire, que les biens faisant l’objet de la demande de confiscation sont le produit d’activités illicites.

Description et analyse

Le projet de loi C‑53 compte 16 articles.  Nous analyserons certains aspects du projet de loi sans examiner toutes ses dispositions.

   A.  Article premier : Définitions

Le paragraphe 462.3(1) du Code criminel définit actuellement la notion d’« infraction désignée » entre autres comme un « acte criminel ».  L’article premier du projet de loi modifie cette définition pour remplacer « acte criminel » par « toute infraction […] pouvant être poursuivie par mise en accusation ».  Cette formulation précise que toute infraction mixte (une infraction pouvant donner lieu à une poursuite par mise en accusation ou par déclaration sommaire de culpabilité) sera considérée comme une « infraction désignée » pour l’application de la partie du Coderelative aux produits de la criminalité.  Cela permettra d’éliminer l’idée que seules les infractions qui sont purement des actes criminels ou qui donnent lieu seulement à une mise en accusation peuvent être considérées comme des « infractions désignées ».

Le paragraphe 1(2) réitère le fait que le procureur général du Canada a tous les pouvoirs du procureur général de n’importe quelle province relativement aux produits de la criminalité si l’infraction alléguée renvoie à une disposition d’une loi fédérale autre que le Code criminel.  Un supplément au paragraphe 462.3(3) précise que le procureur général du Canada peut intenter des poursuites relativement à une infraction mentionnée à l’article 354 (possession de biens obtenus par des moyens criminels) ou à l’article 462.31 (recyclage des produits de la criminalité) du Code criminel si l’infraction alléguée fait suite à un comportement lié à une infraction alléguée à une loi fédérale autre que le Code criminel.  Par exemple, si de l’argent obtenu par des moyens contraires à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances est blanchi, le procureur général du Canada peut entamer une procédure de confiscation.  Cette capacité sera utile lorsque les infractions alléguées dépassent les frontières provinciales, voire nationales.

   B.  Article 2 : Concordance des dispositions relatives au recyclage des produits de la criminalité

L’article 2 modifie la version française de l’article 462.31 du Code pour lui donner un libellé plus conforme au libellé moins restrictif de la version anglaise.  Celle‑ci, traite d’une infraction commise, entre autres, lorsqu’une personne « disposes of or otherwise deals with, in any manner and by any means, any property », sachant que les biens en question ont été obtenus à la suite de la perpétration au Canada d’une infraction désignée.  La version française actuelle emploie des formulations au sens plus étroit telles que « aliène » et « en transfère la possession ».  La modification élargit la version française par l’usage de formules telles que « en dispose » et « prend part à toute autre forme d’opération à leur égard ».  Le nouveau libellé  signifie que toute espèce de traitement des produits de la criminalité, et non seulement leur vente ou leur transfert de propriété, peut donner lieu à des poursuites en vertu de l’article 462.31.

   C.  Articles 3, 4 et 5 : Mandats de perquisition spéciaux, ordonnances de blocage et ordonnances de restitution

L’article 462.32 actuel du Code criminel prévoit la délivrance de mandats de perquisition spéciaux visant les biens qui sont le produit d’activités criminelles et sujets à confiscation en vertu de la partie XII.2.  L’article 462.33 prévoit la délivrance d’ordonnances de blocage pour les biens qui sont le produit d’activités criminelles et sujets à confiscation en vertu de la partie XII.2.  L’article 462.34 prévoit la possibilité de demander à un juge de rendre une ordonnance de restitution de biens saisis en vertu de l’article 462.32, de révocation d’une ordonnance de blocage rendue en vertu de l’article 462.33 ou d’examen des biens saisis ou bloqués, sous réserve des modalités établies par le juge.  L’article 462.341 prévoit que les demandes d’examen présentées en vertu de l’article 462.34 s’appliquent à une personne ayant un intérêt à l’égard de sommes d’argent ou d’instruments monétaires frappés de saisie en vertu du Code criminel ou de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et pouvant faire l’objet de mesures de confiscation.

Les articles 3, 4 et 5 du projet de loi C-53 modifient les articles 462.32, 462.33 et 462.341 pour y ajouter un renvoi au nouveau paragraphe 462.37(2.01).  Celui-ci, ajouté par l’article 6 du projet de loi, prévoit la délivrance d’une ordonnance de confiscation dans certaines circonstances (voir ci-après les changements proposés par l’art. 6).

   D.  Article 6 : Ordonnance de confiscation dans certaines circonstances

L’article 462.37 du Code criminel a trait à la confiscation de biens qui sont le produit d’activités criminelles après qu’un accusé a été reconnu coupable ou acquitté d’une infraction désignée.  Le paragraphe 462.37(1) prévoit la délivrance d’une ordonnance de confiscation des biens par le juge chargé de la détermination de la peine lorsqu’un accusé est jugé coupable d’une infraction désignée.  Si le juge est convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que les biens sont le produit d’activités criminelles et que l’infraction désignée a été commise relativement à ces biens, le tribunal peut ordonner la confiscation des biens au profit de Sa Majesté.  Le paragraphe 462.37(2) prévoit que, si, au cours de la procédure décrite au paragraphe 462.37(1), il n’est pas possible de prouver le lien entre l’infraction et les biens, mais que le juge est convaincu au‑delà de tout doute raisonnable que les biens sont effectivement le produit d’activités criminelles, il peut en ordonner la confiscation.  Le paragraphe 462.37(3) prévoit que, si une ordonnance est rendue en vertu du paragraphe 462.37(1), mais que les biens sont introuvables malgré l’exercice d’une diligence raisonnable, ont été remis à un tiers, se trouvent à l’étranger, ont subi une diminution importante de valeur ou ont fait l’objet d’une fusion avec un autre bien, le tribunal peut, au lieu d’ordonner la confiscation, imposer au contrevenant une amende de valeur égale à ces biens.  Le paragraphe 462.37(4) fournit une échelle mobile de peines d’emprisonnement en remplacement du paiement d’amendes.

L’article 6 du projet de loi ajoute les paragraphes 2.01 à 2.07 à l’article 462.37.  Le premier prévoit la délivrance d’ordonnances de confiscation lorsqu’un tribunal impose une peine à un accusé reconnu coupable d’une infraction en vertu du paragraphe 462.37(2.02).  Celui-ci décrit ces infractions comme des infractions d’organisation criminelle punissables par au moins cinq ans d’emprisonnement ou des infractions en vertu des articles 5, 6 ou 7 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, y compris le complot ou la tentative de commettre ces infractions, la complicité après le fait ou le fait de conseiller de les commettre, donnant lieu à une mise en accusation.  L’article 5 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances interdit le trafic de certaines substances; l’article 6 interdit l’importation et l’exportation de certaines substances; et l’article 7 interdit la production de certaines substances.

Lorsqu’il impose une peine à un accusé reconnu coupable d’une infraction prévue par le paragraphe 462.37(2.02), le tribunal est tenu d’ordonner la confiscation au profit de Sa Majesté des biens du contrevenant énumérés par le procureur général dans sa demande de confiscation.  Avant de rendre une ordonnance en ce sens, le tribunal doit être convaincu, selon la prépondérance des probabilités, de l’un ou l’autre des faits suivants :

  • l’accusé s’est livré, dans les dix ans précédant l’inculpation relative à l’infraction en cause, à des activités criminelles répétées visant à lui procurer, directement ou indirectement, un avantage matériel, notamment pécuniaire;
  • le revenu de l’accusé de sources non liées à des infractions désignées ne peut justifier de façon raisonnable la valeur de son patrimoine.

Ainsi, le paragraphe 462.37(2.01) prévoit que les biens d’un accusé reconnu coupable de certaines infractions liées au crime organisé ou au trafic de drogue doivent être confisqués au profit de Sa Majesté si l’on ne peut prouver qu’ils proviennent de sources légitimes ou si l’accusé s’est livré à des activités criminelles répétées.  Cependant, le paragraphe 462.37(2.03) permet à l’accusé de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que les biens ne sont pas le produit d’activités criminelles.  S’il le peut, il n’y aura pas confiscation en vertu du paragraphe 462.37(2.01).

Les paragraphes 462.37(2.04) et 462.37(2.05) précisent la façon dont le tribunal peut déterminer si l’accusé s’est livré à des activités criminelles répétées.  Le tribunal doit tenir compte des circonstances de l’infraction dont l’accusé est reconnu coupable et d’autres facteurs qu’il juge utiles.  Il ne doit cependant pas conclure qu’un accusé s’est livré à des activités criminelles répétées s’il n’est pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que l’accusé a effectivement commis, dans les dix ans précédant l’inculpation relative à l’infraction en cause :

  • des actes ou omissions, autres que l’infraction en cause, constituant au moins deux infractions graves ou une infraction d’organisation criminelle;
  • des actes ou omissions constituant des infractions dans le lieu où ils ont été commis et qui, commis au Canada, constitueraient au moins deux infractions graves ou une infraction d’organisation criminelle;
  • un acte ou une omission décrit dans la première catégorie constituant une infraction grave et un acte ou une omission décrit dans la deuxième catégorie constituant, s’il était commis au Canada, une infraction grave.

Le paragraphe 467.1(1) du Code criminel définit les notions d’« infraction grave » et d’« organisation criminelle ».  Une « infraction grave » est un acte criminel, prévu par le Code ou une autre loi fédérale, punissable par un emprisonnement maximal de cinq ans ou plus.  « Organisation criminelle » s’entend de tout groupe, quel qu’en soit le mode d’organisation, composé d’au moins trois personnes se trouvant au Canada ou à l’étranger, dont un des objets principaux ou une des activités principales est de commettre ou de faciliter une ou plusieurs infractions graves qui, si elles étaient commises, pourraient lui procurer, ou procurer à une personne qui en fait partie, directement ou indirectement, un avantage matériel, notamment financier.  Un groupe de personnes formé aléatoirement pour la perpétration immédiate d’un seul crime n’est pas une « organisation criminelle ».

La notion d’« infraction d’organisation criminelle » est définie à l’article 2 du Code criminel : une infraction commise en vertu de l’article 467.11, 467.12 ou 467.13 (participation aux activités d’une organisationcriminelle, perpétration d’infractions pour son compte ou acte de conseiller la perpétration d’une infraction pour le compte d’une organisation criminelle) ou une infraction grave commise pour le compte ou sous la direction d’une organisation criminelle ou en association avec elle.

Le paragraphe 462.37(2.07) permet à un tribunal de ne pas rendre d’ordonnance de confiscation à l’égard de biens par ailleurs sujets à confiscation conformément au paragraphe 462.37(2.01), s’il est convaincu que l’intérêt de la justice l’exige.  Dans ce cas, le tribunal doit préciser les motifs de sa décision.

   E.  Article 9 : Demandes des tiers intéressés

L’article 462.42 du Code criminel prévoit que des parties innocentes peuvent présenter des demandes écrites pour être soustraites à une mesure de confiscation en vertu de la partie XII.2 dans les 30 jours suivant l’ordonnance de confiscation.  L’article 9 du projet de loi modifie cette disposition pour que ce genre de demande puisse être accueillie relativement à n’importe quels biens saisis en vertu du nouveau paragraphe 462.37(2.01).  Par ailleurs, le vocabulaire de cet article est modifié pour préciser qu’une demande en ce sens ne peut pas être présentée par une personne accusée ou reconnue coupable d’une infraction désignée ayant donné lieu à la confiscation.  Le libellé actuel mentionne simplement une personne accusée ou reconnue coupable d’une infraction désignée commise relativement aux biens confisqués.

   F.  Article 13 : La Loi réglementant certaines drogues et autres substances

L’article 11 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances précise les renseignements dont un juge doit être saisi avant qu’il puisse délivrer un mandat de perquisition.  L’alinéa 11(1)d) dispose que le juge doit être convaincu qu’il existe des motifs valables de croire qu’il y a dans un certain endroit quelque chose qui servira de preuve relativement à une infraction à cette loi.  L’article 13 du projet de loi modifie cette disposition pour y ajouter une chose qui servira de preuve relativement à une infraction – dans les cas où elle découle en tout ou en partie d’une contravention à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances – aux articles 354 ou 462.31 du Code criminel.  L’article 354 du Code décrit l’infraction de possession de biens obtenus par des moyens criminels, tandis que l’article 462.31 décrit l’infraction de recyclage des produits de la criminalité.  Si la perpétration de l’une ou l’autre de ces infractions est alléguée relativement à une contravention à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, l’article 11 de cette loiautorise la saisie des biens.

   G.  Articles 14 à 16 : Modifications consécutives

La Loi sur l’administration des biens saisis concerne la gestion des biens saisis ou bloqués en raison de certaines infractions, leur aliénation à la suite de leur confiscation et le partage du produit de leur aliénation.  Les articles 10 et 11 de la Loi ont trait au partage du produit de l’aliénation de biens confisqués.  L’article 14 du projet de loi modifie l’alinéa 10(1)a) de la Loi pour que les organismes d’exécution de la loi qui ont participé à l’enquête sur l’infraction ayant donné lieu à la confiscation de biens au profit de Sa Majesté en vertu du nouveau paragraphe 462.37(2.01) du Code criminel puissent avoir leur part du produit de l’aliénation.  Dans le même ordre d’idées, l’article 15 du projet de loi modifie le sous‑alinéa 11a)(i) de la Loi sur l’administration des biens saisis pour y ajouter la mention des biens confisqués en vertu du nouveau paragraphe 462.37(2.01).  L’article 11 permet au procureur général du Canada de conclure une entente avec le gouvernement d’un pays étranger concernant le partage du produit de l’aliénation de biens confisqués au projet de Sa Majesté.

L’article 12 de la Loi sur l’administration des biens saisis crée le « fonds de roulement des biens saisis », qui sert à payer les dépenses engagées à l’égard des biens saisis et confisqués.  L’article 13 de la Loicrée le « compte du produit de l’aliénation des biens saisis », où est versé le produit de l’aliénation des biens confisqués au profit de Sa Majesté et aliénés par le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux.  L’article 16 du projet de loi modifie l’article 14 de la Loi sur l’administration des biens saisis, qui a trait à la situation où le produit de l’aliénation des biens confisqués au profit de Sa Majesté n’est pas suffisant pour couvrir les dépenses imputées au fonds de roulement.  Dans ce cas, un montant égal au montant manquant sera porté au débit du fonds de roulement.  L’article 16 ajoute à cette disposition la mention du produit de l’aliénation des biens confisqués en vertu du nouveau paragraphe 462.37(2.01).

Commentaire

Un certain nombre de pays ont déjà procédé à l’inversion du fardeau de la preuve pour combattre plus efficacement le crime organisé :  la France, la Grande-Bretagne, la Suisse et l’Australie.  Par ailleurs, le groupe d’action sur le blanchiment de l’argent de l’Organisation de coopération et de développement économiques recommande cette mesure pour empêcher les organisations criminelles de jouir du fruit de leurs activités illicites(13).

Au Canada, l’Association canadienne de la police professionnelle demande depuis plusieurs années que le Code criminel soit modifié en ce sens pour faciliter la lutte contre le crime organisé et les trafiquants de drogue(14).  Certains avocats critiquent cependant le projet de loi C-53, estimant qu’il inverse le fardeau de la preuve d’une façon excessive et qui pourrait être jugée contraire à la Constitution, pour le faire peser sur la défense et non plus sur le procureur(15).


*        Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur.  Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur.

(1)     L.C. 1996, ch. 19.

(2)     L.R. 1985, ch. C-46.

(3)     L.R. 1985, ch. 1.

(4)     L.R. 1985, ch. E‑14.

(5)     L.C. 2000, ch. 17.

(6)     L.C. 1993, ch. 37.

(7)     Surintendant Jacques Désilets, « Le contrôle des produits de la criminalité », Gazette de la GRC, vol. 67, no 2, 2005.

(8)    L.O. 2001, ch. 28.

(9)    [2003] O.J. no 5387.

(10)    [2005] O.J. no 2820.

(11)    L.M. 2004, ch. 1, entrée en vigueur le 11 décembre 2004.

(12)    Projet de loi 5 (2005).

(13)    Alec Castonguay, « Nouvelle arme légale contre le crime organisé », Le Devoir [Montréal], 31 mai 2005, p. A1.

(14)    Joël-Denis Bellavance, « Lutte contre le gangstérisme et le trafic de drogue », La Presse [Montréal], 1er juin 2005, p. A7.

(15)    Cristin Schmitz, « Proceeds of crime bill tabled », National Post, 31 mai 2005, p. A8.

 


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