Résumé législatif du Projet de loi C-55

Résumé Législatif
Projet de loi C-55 : Loi de mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange Canada-AELÉ
Robert Dufresne, Division du droit et du gouvernement
Publication no 39-2-LS-606-F
PDF 77, (10 Pages) PDF
2008-05-28

Table des matières


Contexte

Le projet de loi C-55 : Loi portant mise en œuvre de l’accord de libre-échange entre le Canada et les États de l’Association européenne de libre-échange (Islande, Liechtenstein, Norvège et Suisse), de l’Accord sur l’agriculture entre le Canada et la République d’Islande, de l’Accord sur l’agriculture entre le Canada et le Royaume de Norvège et de l’Accord sur l’agriculture entre le Canada et la Confédération suisse, a été déposé à la Chambre des communes par l’honorable David Emerson, c.r., député et ministre du Commerce international, et a franchi l’étape de la première lecture le 5 mai 2008.

Le projet de loi met en œuvre quatre traités, et leurs annexes respectives, qui ont été signés par le Canada. Le premier traité consiste en un accord de libre-échange multilatéral entre le Canada et les États membres de l’Association européenne de libre-échange (AELÉ), à savoir l’Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse. Les autres traités, qui sont bilatéraux, portent spécifiquement sur les échanges commerciaux dans le domaine de l’agriculture. Ces traités concernent le Canada et les mêmes États de l’AELÉ, à l’exception du Liechtenstein.

L’Accord de libre-échange Canada-AELÉ (ALÉCA) et les accords bilatéraux portent exclusivement sur la libéralisation du commerce des biens. Ils ne visent aucune autre forme d’échanges économiques comme le commerce de services ou les investissements à l’étranger.

La mise en œuvre par une loi du Parlement d’un accord de libre-échange (ALE) conclu et signé par le Canada est une pratique courante. À l’heure actuelle, le Canada est partie à cinq ALE, qui ont tous été mis en œuvre par des mesures législatives. Ce sont l’Accord de libre échange entre le Canada et les États-Unis, l’Accord de libre-échange nord-américain, l’Accord de libre-échange Canada-Chili, l’Accord de libre-échange Canada-Israël et l’Accord de libre-échange Canada-Costa Rica. L’ALÉCA est le premier ALE conclu par le Canada depuis la signature en 2002 de l’Accord de libre-échange avec le Costa Rica.

Description et analyse

Le projet de loi met en œuvre les quatre traités susmentionnés grâce à un ensemble de dispositions qui formeront l’essentiel d’une mesure législative distincte, la Loi de mise en œuvre de l’Accord de libre-échange Canada-AELÉ. Il modifie également trois lois existantes, soit la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur(1), la Loi sur les douanes(2) et le Tarif des douanes(3).

A. Définitions, objet et dispositions générales

L’article 2 énonce les définitions des éléments et paramètres principaux du projet de loi. Aux fins du présent résumé, il convient d’en souligner trois : l’ALÉCA est appelé « Accord », tandis que les trois autres traités sur l’agriculture sont désignés par le terme « accord bilatéral »; « ministre » désigne le ministre du Commerce international; et enfin, le « comité mixte » mentionné dans le projet de loi fait référence au comité constitué aux termes de l’article 26 de l’Accord.

L’article 3 prévoit que ce projet de loi, les dispositions législatives qu’il modifie et tout autre texte législatif de mise en œuvre futur s’interprètent d’une manière compatible avec l’Accord ou les accords bilatéraux.

Les objectifs de la loi sont précisés à l’article 4 :

  1. établir une zone de libre échange;
  2. favoriser le développement harmonieux des relations économiques entre le Canada et les États de l’AELÉ;
  3. prévoir des conditions équitables de concurrence dans les échanges commerciaux;
  4. établir un cadre pour favoriser la coopération, « particulièrement dans le but de libéraliser le commerce dans le domaine des services et d’accroître les possibilités d’investissement »; et
  5. contribuer à l’essor du commerce mondial en éliminant les obstacles aux échanges commerciaux.

L’article 5 précise que le projet de loi « lie Sa Majesté du chef du Canada ».

L’article 6 restreint l’étendue des causes d’action et le droit d’intenter une poursuite fondée sur celles-ci. Premièrement, cet article prévoit que le droit de poursuite au sens des dispositions générales de la Loi de mise en œuvre de l’Accord de libre-échange Canada-AELÉ ou d’un règlement adopté en vertu de cette dernière ne peut être exercé qu’avec le consentement du procureur général du Canada. Toutefois, cette limitation ne s’applique pas à la Partie 2 du projet de loi, qui renferme des dispositions modifiant d’autres lois. Deuxièmement, l’article propose une limitation semblable (c.-à-d. un droit de poursuite ne pouvant être exercé qu’avec le consentement du procureur général) pour l’application ou la détermination des droits et obligations fondés sur l’Accord ou les accords bilatéraux.

L’article 7 précise que ni le projet de loi, ni l’Accord, ni les accords bilatéraux ne s’appliquent « aux eaux de surface ou souterraines naturelles, à l’état liquide, gazeux ou solide ».

B. Dispositions générales de mise en œuvre

La partie I du projet de loi, qui concerne la mise en œuvre générale, est composée de six articles.

L’article 9 propose l’« approbation » de l’Accord et des accords bilatéraux, une pratique courante dans les lois portant mise en œuvre d’accords commerciaux.

Les articles 10 à 14 traitent de questions institutionnelles et administratives. Ainsi, un comité mixte, formé de représentants de toutes les parties à l’Accord, est établi aux termes de l’article 26 de l’ALÉCA. L’article 10 souligne que le Canada y est représenté par le ministre du Commercial international, et l’article 11 propose que le gouvernement du Canada paie sa quote part des frais supportés par le comité mixte. L’article 12 prévoit la désignation, par le ministre, d’un organisme ou d’un service de l’administration fédérale pour faciliter la mise en œuvre du chapitre VIII de l’Accord et assurer le soutien administratif des tribunaux arbitraux constitués en vertu de ce chapitre. Le chapitre VIII de l’ALÉCA renferme des dispositions relatives aux mécanismes de règlement des différends, qui incluent comme options, en plus de la mise sur pied d’un groupe spécial arbitral, le recours à l’Organe de règlement des différends de l’Organisation mondiale du commerce.

L’article 13 confère au ministre le pouvoir de nommer un représentant du Canada au sous-comité sur les règles d’origine et le commerce des marchandises constitué en vertu de l’article 9 de l’ALÉCA, et aux sous-comités et groupes de travail établis par le comité mixte en vertu de l’article 26 de l’ALÉCA.

Enfin, l’article 15 confère au gouverneur en conseil le pouvoir de prendre une série de décrets en vue de suspendre des avantages ou des obligations, conformément à l’article 31 de l’Accord. En plus d’un pouvoir résiduel qui l’autorise à prendre toute autre mesure nécessaire à cette fin, trois mesures précises figurent aux aliénas (1)a) à c) : la suspension des droits ou privilèges que le Canada a accordés à un État de l’AELÉ ou à des marchandises d’un État de l’AELÉ en vertu de l’Accord ou des accords bilatéraux; la modification ou la suspension de l’application d’un texte législatif fédéral édicté par la Partie 2 (c.-à-d., les modifications apportées à la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, à la Loi sur les douanes et au Tarif des douanes); et l’extension de l’application d’un texte législatif fédéral à un État de l’AELÉ ou à des marchandises d’un État de l’AELÉ.

C. Modifications de certaines lois

Outre les dispositions générales de mise en œuvre de la Partie I du projet de loi, ce dernier contient à la Partie II des dispositions qui modifient certaines lois fédérales existantes.

D. Modifications à la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur

Les articles 16 à 22 du projet de loi C-55 visent à modifier certaines dispositions de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur (LTCCE). Tout d’abord, des définitions sont ajoutées à la LTCCE pour désigner les tarifs applicables aux quatre États de l’AELÉ. Ensuite, l’article 17 ajoute trois dispositions (19.014 à 19.016) à la LTCCE afin d’habiliter le Tribunal canadien du commerce extérieur (« le Tribunal ») à enquêter et à faire rapport pour déterminer si des réductions de tarifs applicables aux marchandises provenant d’un des quatre pays de l’AELÉ entraînent une augmentation des quantités importées à un point tel qu’elles constituent une cause principale de dommage grave ou de menace de dommage grave. Le Tribunal, saisi par le gouverneur en conseil sur recommandation du ministre, fait rapport au gouverneur en conseil.

En vertu de la LTCCE, les producteurs nationaux de marchandises similaires ou directement concurrentes à celles importées au Canada et bénéficiant d’un tarif en vertu d’un ALE disposent d’un mécanisme pour porter plainte. Le motif de plainte est le même que pour les renvois au tribunal, c’est-à-dire que l’augmentation des quantités importées de marchandises bénéficiant d’un tarif constitue à elle seule une cause principale de dommage grave ou de menace de dommage grave aux producteurs nationaux. Les modifications à la LTCCE énoncées dans les articles 18 à 22 visent à élargir ces mécanismes relatifs aux marchandises importées qui bénéficient des tarifs d’un des États de l’AELÉ.

E. Modifications à la Loi sur les douanes

Les articles 23 à 29 proposent de modifier la Loi sur les douanes (LSD) en en modifiant d’abord les définitions pour inclure des références aux États de l’AELÉ, à l’ALÉCA et à la notion de traitement préférentiel de l’ALÉCA.

Ensuite, l’article 24 prévoit des modifications à l’article 42.1 de la LSD, qui concerne la méthode de vérification de l’origine des marchandises, en vue d’assurer la bonne classification tarifaire des marchandises importées. Pour la plupart des accords commerciaux que le Canada a signés et mis en œuvre, la vérification est effectuée conformément au paragraphe 42.1(1), et le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) désigne des agents capables d’entreprendre les vérifications nécessaires. Toutefois, le projet de loi n’applique pas ce système de vérification aux marchandises importées d’un État de l’AELÉ. Le paragraphe 24(1) du projet de loi exclut plutôt les marchandises importées d’un État de l’AELÉ des pouvoirs de vérification généralement applicables aux États avec lesquels le Canada a signé un ALE. Le projet de loi C-55 énonce une méthode de vérification légèrement différente qui respecte les termes de l’ALÉCA. Selon cette méthode, pour vérifier l’origine des marchandises importées d’un État de l’AELÉ, un agent au Canada doit demander par écrit à l’administration douanière de l’État de l’AELÉ en question qu’elle effectue une vérification et fournisse un avis indiquant « si les marchandises sont originaires au sens de l’annexe C de l’ALÉCA » (par. 24(2) du projet de loi). Le nouveau paragraphe 42.1(3) de la LSD prévoit trois cas où le traitement tarifaire préférentiel de l’ALÉCA peut être refusé : si l’État de l’AELÉ omet d’effectuer la vérification nécessaire ou de fournir un avis indiquant si les marchandises sont originaires de cet État; si l’agent au Canada n’est pas en mesure d’établir si les marchandises sont originaires; et dans tout autre cas prévu par le règlement.

Certaines autres mesures de la LSD qui s’appliquent aux marchandises importées d’un État avec lequel le Canada a conclu un ALE sont plus simplement étendues aux marchandises importées d’un État de l’AELÉ. Par exemple, dans le cas d’un exportateur de marchandises d’un État de l’AELÉ qui s’est fondé de bonne foi sur une décision de l’ASFC ou de l’administration douanière d’un État de l’AELÉ pour bénéficier d’un tarif préférentiel, la révision de l’origine des marchandises ne s’appliquera qu’aux prochaines exportations (art. 25). Selon des modifications apportées à une autre disposition, une personne qui a payé inutilement des droits sur des marchandises importées d’un État de l’AELÉ peut faire une demande de remboursement (art. 27).

L’article 28 ajoute l’article 97.201 à la LSD. Cette nouvelle disposition reprend en quelque sorte celle adoptée aux termes de l’article 24 du projet de loi. Elle a pour effet de permettre à l’administration douanière d’un État de l’AELÉ de demander à l’ASFC qu’elle effectue une vérification et fournisse un avis sur l’origine des marchandises.

Pour terminer, l’article 29 crée un pouvoir de réglementation « en vue de l’interprétation, de l’application et de l’exécution uniformes » du chapitre intitulé « Commerce des marchandises » (ch. II, art. 3 à 11) de l’ALÉCA et de l’annexe C de l’ALÉCA, qui énonce les règles régissant l’origine des marchandises et les conditions de coopération administrative à cet égard.

F. Modifications au Tarif des douanes

Le Tarif des douanes est un texte très complexe, tout comme les modifications qui y sont apportées par le projet de loi. Pour l’essentiel, ces modifications introduisent dans le Tarif des douanes les taux tarifaires convenus et figurant dans les annexes de l’ALÉCA. Les modifications tarifaires seront éliminées progressivement, sur plusieurs années, de 2012 à jusqu’aussi tard que 2024 dans certains cas. Les annexes du Tarif des douanes sont modifiées.

Le Tarif des douanes est également harmonisé avec les changements apportés à la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur pour prévoir une suspension temporaire des taux tarifaires ou d’autres mesures tarifaires lorsque le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine qu’une augmentation des marchandises importées résultant d’une réduction tarifaire constitue une cause principale de dommage grave ou une menace de dommage grave.

Commentaires

Le projet de loi a peu intéressé les médias. La conclusion de l’ALÉCA a elle-même fait les manchettes, étant donné qu’il s’agit du premier accord de libre-échange signé par le Canada au cours des dernières années(4). Si le projet de loi lui-même a provoqué peu de controverse ou de débats au sein de la population, on a par contre souligné et déploré l’absence d’évaluation de l’impact de l’ALÉCA sur l’économie canadienne(5).

Trois facteurs peuvent expliquer cette absence générale de controverse(6). Premièrement, il ne s’agit pas du premier ALE à être conclu. L’ALÉCA est un accord de libre échange assez classique qui vise la libéralisation du commerce des marchandises par l’élimination des droits de douane. Autrement dit, ce type d’accord n’est pas nouveau, sauf peut être en ce qui concerne ses mécanismes pour déterminer l’origine des marchandises et l’élimination progressive de certains droits de douane sur une très longue période de temps. Deuxièmement, les partenaires avec lesquels le Canada a signé l’ALÉCA ne risquent pas de poser de sérieux problèmes. Aucun d’entre eux n’est confronté à une situation nationale, notamment en matière des droits de la personne, qui pourrait autrement nous pousser à nous demander s’il s’agit d’un partenaire approprié pour conclure un ALE. Enfin, la valeur des échanges commerciaux entre le Canada et les États de l’AELÉ s’élève à 10,7 milliards de dollars, exportations et importations combinées. Bien que le commerce entre le Canada et ces États ne soit pas négligeable, il n’est toutefois pas du même ordre que les échanges commerciaux réalisés avec des partenaires cruciaux comme les États-Unis et le Mexique.


Notes

* Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur. Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur.
  1. 1985, ch. 47 (4e suppl.).
  2. 1985, ch. 1 (2e suppl.).
  3. 1997, ch. 36.
  4. Voir « Canada in the World – Free Trade, the Sequel », The Globe and Mail [Toronto], 18 juin 2007.
  5. Voir « Take a Long, Clear-eyed Look at Trade Deals », Embassy, 7 mai 2008, p. 6.
  6. Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, Le Canada et l’Association européenne de libre-échange.


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