Dans ce résumé législatif, tout changement d’importance depuis la dernière publication est indiqué en caractères gras.
Le projet de loi C-62, Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral et d'autres lois 1, a été déposé à la Chambre des communes le 17 octobre 2017 par le président du Conseil du Trésor du Canada. Il rétablit le régime de relations de travail qui était en place dans le secteur public avant l'entrée en vigueur de certaines lois d'exécution du budget, notamment le projet de loi C-4, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 mars 2013 et mettant en œuvre d'autres mesures (titre abrégé : « Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013 ») 2 et le projet de loi C-59, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 avril 2015 et mettant en œuvre d'autres mesures (titre abrégé : « Loi no 1 sur le plan d'action économique de 2015 ») 3.
Le projet de loi C-62 rétablit notamment les éléments du régime de relations de travail dans le secteur public qui portaient sur les services essentiels et le règlement des différends relatifs aux négociations collectives, ainsi que le droit pour les agents négociateurs de négocier les conditions d'emploi en ce qui concerne les congés de maladie et d'invalidité. De plus, les dispositions sur les mécanismes de recours de la fonction publique, qui ne sont pas encore entrées en vigueur, sont abrogées.
La Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (LRTSPF) est la loi fédérale qui régit les relations de travail dans la fonction publique fédérale 4. Elle est appliquée par la Commission des relations de travail et de l'emploi dans le secteur public fédéral (CRTESPF) 5 et vise quelque 200 000 employés de 100 unités de négociation 6.
La fonction publique fédérale du Canada est constituée des ministères et organismes fédéraux de l'administration publique centrale, dont le Conseil du Trésor est l'employeur et qui sont énumérés aux annexes I et IV de la Loi sur la gestion des finances publiques 7. Elle comprend également les organismes distincts énumérés à l'annexe V de cette loi. Selon la LRTSPF, le Conseil du Trésor peut conclure une convention collective avec l'agent négociateur d'une unité de négociation dans l'administration publique centrale, tandis que les organismes distincts mènent leurs propres négociations et leurs conventions collectives sont soumises à l'agrément du gouverneur en conseil 8.
La LRTSPF avait déjà été modifiée à plusieurs reprises, mais les modifications apportées par la section 17 de la partie 3 du projet de loi C-4 sont importantes puisqu'elles ont changé divers aspects du régime de relations de travail dans la fonction publique, surtout en ce qui concerne les services essentiels et le règlement des différends relatifs aux négociations collectives. Le projet de loi C-4 a été déposé et lu en première lecture à la Chambre des communes le 22 octobre 2013, et a été promulgué sous le nom de Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013 après avoir reçu la sanction royale le 12 décembre 2013 9. Si la plupart des dispositions pertinentes du projet de loi C-4 sont entrées en vigueur au moment où le projet de loi a reçu la sanction royale, certaines ne sont pas encore entrées en vigueur 10.
Avant l'entrée en vigueur des dispositions du projet de loi C-4 concernant les services essentiels, l'employeur et l'agent négociateur devaient conclure une entente sur les services essentiels définissant les services qui seraient considérés comme « essentiels » advenant une grève et dans laquelle l'employeur pouvait fixer le niveau des services essentiels à fournir. Les parties pouvaient aussi s'entendre sur les postes précis dans l'unité de négociation qui seraient nécessaires pour fournir ces services essentiels. À la demande de l'une ou de l'autre des parties, la CRTESPF tranchait toute question non réglée à inclure dans l'entente sur les services essentiels.
Le projet de loi C-4 a considérablement changé ce processus, par exemple, en abrogeant la définition d'« entente sur les services essentiels » qui figurait dans la LRTSPF et en accordant à l'employeur le droit exclusif de déterminer quels services sont essentiels et de désigner les postes de l'unité de négociation considérés comme nécessaires pour fournir ces services. En outre, l'employeur n'était dorénavant tenu de consulter l'agent négociateur qu'après avoir pris ces décisions, et seulement pour une période donnée. Par ailleurs, le projet de loi C-4 qui a créé la CRTESPF a également privé ce nouvel organisme des pouvoirs de son prédécesseur quant au règlement des différends sur les services essentiels.
Avant l'entrée en vigueur des dispositions du projet de loi C-4 concernant le règlement des différends, l'agent négociateur pouvait choisir entre l'arbitrage et la conciliation comme processus de règlement des différends relatifs aux conventions collectives. Si l'arbitrage aboutit à une décision arbitrale exécutoire sur le plan juridique pour les deux parties et qui écarte la possibilité d'une grève ultérieure, la conciliation mène à la production d'un rapport par une commission de l'intérêt public établie en vertu de la LRTSPF. Cette commission aide les parties à signer une convention collective en formulant des recommandations sur la façon de régler les différends, mais son rapport n'est pas exécutoire pour les parties – à moins que celles-ci n'acceptent d'être liées par ces recommandations avant la publication du rapport – et la grève demeure une possibilité, à certaines conditions. De plus, pendant la grève, les parties peuvent poursuivre les négociations 11.
Les modifications apportées à la LRTSPF par le projet de loi C-4 ont abrogé le choix du mode de règlement des différends pour l'administration publique centrale et ont fait de la conciliation le mécanisme principal de règlement des différends, sauf dans les cas où au moins 80 % des postes de l'unité de négociation sont désignés par l'employeur comme étant essentiels ou selon le consentement mutuel du Conseil du Trésor et de l'agent négociateur. Les organismes distincts, pour lesquels le Conseil du Trésor n'est pas l'employeur, doivent tout de même recevoir l'aval du président du Conseil du Trésor pour choisir l'arbitrage au lieu de la conciliation.
Le projet de loi C-4 a également modifié les facteurs dont le conseil d'arbitrage et la commission de l'intérêt public doivent tenir compte dans leur décision ou leur rapport, respectivement, en accordant la « prépondérance » à certains facteurs, comme la nécessité d'attirer et de maintenir au sein de la fonction publique des personnes compétentes ainsi que la situation fiscale du Canada par rapport à ses politiques budgétaires énoncées. Les procédures de sélection de certains membres d'une commission de l'intérêt public ont aussi été modifiées. Par exemple, le ministre ne choisit plus le membre unique d'une commission constituée d'un seul membre ou le président et troisième membre d'une commission composée de trois membres dans une liste de noms préparée par la présidence de la CRTESPF, en consultation avec les parties, mais nomme une personne recommandée conjointement par les parties concernées dans chaque cas.
Conformément à la LRTSPF, un employé ou un groupe d'employés peut déposer un grief portant sur l'interprétation ou l'application d'une convention collective ou d'une décision arbitrale, ou de toute question ayant trait aux conditions d'emploi (grief individuel ou grief collectif). Si, après avoir été porté jusqu'au dernier palier de la procédure de règlement des griefs du ministère ou de l'organisme concerné, le grief n'a pas été réglé, il peut dans certains cas être renvoyé à l'arbitrage devant la CRTESPF. Les griefs de principe, qui portent sur une infraction présumée touchant les employés en général, peuvent aussi être renvoyés à l'arbitrage 12.
La LRTSPF permet aussi aux employés, aux agents négociateurs et aux employeurs de présenter une plainte à la CRTESPF dans certaines circonstances, notamment pour déterminer si l'employeur ou l'agent négociateur a manqué à son devoir de négocier collectivement de bonne foi. De plus, depuis la fusion entre la Commission des relations de travail dans la fonction publique et le Tribunal de la dotation de la fonction publique qui a créé la CRTESPF, cette dernière est aussi compétente pour traiter les plaintes relatives à la dotation en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (LEFP) en ce qui concerne les mises en disponibilité et les nominations internes dans la fonction publique fédérale 13.
Bien qu'il soit actuellement possible de renvoyer devant la CRTESPF des griefs portant sur des questions pour lesquelles un recours est prévu sous le régime de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP), sauf en ce qui concerne l'équité salariale, la Commission canadienne des droits de la personne a le droit d'être avisée de ces griefs et peut présenter des observations à l'arbitre de grief 14. Il en va de même pour les plaintes relatives à la dotation pour motif de discrimination en vertu de la LEFP 15. Les fonctionnaires peuvent également déposer des plaintes de discrimination liée à l'emploi devant la Commission canadienne des droits de la personne 16.
Le projet de loi C-4 prévoyait de modifier divers aspects des processus de recours de la fonction publique établis en vertu de la LRTSPF, de la LEFP et de la LCDP. Entre autres choses, ces modifications, qui ne sont pas encore entrées en vigueur, visaient à modifier certains aspects du processus relatif aux griefs, à changer les processus de plainte pour les mises en disponibilité et les nominations internes ainsi qu'à éliminer la compétence de la Commission canadienne des droits de la personne d'examiner les plaintes de discrimination liées à l'emploi présentées par les fonctionnaires.
Au cours de la ronde de négociations collectives entamées en 2014, le Conseil du Trésor a proposé d'apporter une série de changements aux programmes en vigueur de congés de maladie et d'invalidité des employés de l'administration publique fédérale centrale. Ces modifications proposées, qui devaient entrer en vigueur le 1er septembre 2016, comptaient notamment les éléments suivants :
Au cours du processus de négociations collectives, le gouvernement fédéral avait annoncé dans le budget 2015 qu'il avait l'intention de mettre en œuvre un nouveau régime de congés de maladie et d'invalidité si les parties n'étaient pas en mesure de s'entendre :
Dans l'éventualité où l'on ne pourrait pas parvenir à un accord [avec les agents négociateurs], le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour mettre en œuvre, dans un délai raisonnable, un système modernisé de gestion des congés d'invalidité et de maladie 18.
Les parties n'étant pas parvenues à s'entendre sur les changements à apporter aux programmes, le gouvernement a décidé d'instaurer un nouveau régime de congés de maladie et d'invalidité qu'il a intégré à la section 20 de la partie 3 du projet de loi C‑59, la loi de mise en œuvre du budget 2015. Les dispositions du projet de loi autorisaient le Conseil du Trésor à établir et à modifier les conditions d'emploi liées au régime de congés de maladie et d'invalidité des employés de l'administration publique fédérale centrale, et ce, malgré les dispositions existantes de la LRTSPF. En effet, conformément à celles-ci, de tels changements auraient normalement été négociés entre le Conseil du Trésor et les agents négociateurs. Le projet de loi C-59 a été déposé et lu en première lecture à la Chambre des communes le 7 mai 2015, et a été promulgué sous le nom de Loi no 1 sur le plan économique de 2015 après avoir reçu la sanction royale le 23 juin 2015 19. Les dispositions pertinentes du projet de loi C-59 sont entrées en vigueur à la sanction royale, mais n'ont pas été mises en œuvre 20.
Si le Conseil du Trésor avait exercé ses nouveaux pouvoirs législatifs, le régime de congés de maladie et d'invalidité des employés de l'administration publique fédérale centrale aurait été modifié considérablement. Le système de la banque de congés de maladie non utilisés vise, en l'absence d'un programme d'invalidité à court terme, à permettre aux employés qui sont malades ou invalides pour une longue période de recevoir leur salaire normal pendant la période de carence de 13 semaines nécessaire pour avoir accès au programme d'invalidité de longue durée. Un fonctionnaire à temps plein accumule les congés de maladie à raison de 9,375 heures par mois civil, ce qui équivaut à 15 jours par année 21.
À la suite des 42es élections générales, le 21 janvier 2016, le nouveau président du Conseil du Trésor a avisé les agents négociateurs de l'administration publique fédérale centrale que le gouvernement fédéral n'exercerait pas les pouvoirs conférés par la section 20 de la partie 3 du projet de loi C-59 et que des mesures seraient prises au cours de la session parlementaire actuelle pour abroger les dispositions pertinentes 22. Par la suite, le ministère des Finances a annoncé l'« [a]nnulation des économies liées aux congés de maladie » dans un document d'information sur les perspectives de l'économie canadienne 23.
Par ailleurs, en juin 2016, le président du Conseil du Trésor a confirmé dans une lettre adressée aux chefs des agents négociateurs l'intention du gouvernement fédéral d'abroger la majorité des mesures introduites par la section 17 de la partie 3 du projet de loi C-4. Parmi les principales mesures temporaires alors annoncées pour le besoin des négociations collectives en cours, citons les suivantes :
En 2015, la Cour suprême du Canada a invalidé une loi de la Saskatchewan sur les services essentiels, qui contenait des dispositions semblables à celles de la section 17 de la partie 3 du projet de loi C-4 25. Dans l'arrêt Saskatchewan Federation of Labour c. Saskatchewan 26, la Cour suprême a conclu que l'alinéa 2d) de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte) 27, qui garantit la liberté d'association, protège également le droit de grève. À cet égard, la Cour suprême a expliqué que le droit de grève est un élément essentiel d'un processus véritable de négociation collective et que, par conséquent, la loi contrevenait au droit de grève protégé par l'alinéa 2d) de la Charte puisqu'elle « entrave substantiellement » les négociations collectives.
La Cour suprême a donc conclu que la Public Service Essential Services Act 28 de la Saskatchewan, qui permettait aux employeurs de déterminer unilatéralement les services jugés essentiels et la façon de les maintenir en cas de grève, sans mécanisme adéquat de révision de cette détermination, et qui ne prévoyait aucun mode valable de règlement des différends pour régler les impasses dans les négociations, était inconstitutionnelle.
À l'échelle fédérale, les agents négociateurs de la fonction publique ont aussi contesté la constitutionnalité des mesures fédérales prévues à la section 17 de la partie 3 du projet de loi C-4, surtout à la suite de l'arrêt susmentionné 29. De même, la constitutionnalité des dispositions de la section 20 de la partie 3 du projet de loi C-59 a également été contestée en raison des protections garanties aux employés par l'alinéa 2d) de la Charte 30.
L'article 1 du projet de loi C-62 rétablit la définition du terme « services essentiels » au paragraphe 4(1) de la LRTSPF en supprimant la mention du paragraphe 119(1), qui établit actuellement le droit exclusif de l'employeur de déterminer ce que sont les services essentiels. Selon la définition modifiée, des services, des installations ou des activités du gouvernement fédéral sont jugés « essentiels » s'ils sont ou seront « nécessaires à la sécurité de tout ou partie du public ».
L'article 1 du projet de loi rétablit également l'expression « entente sur les services essentiels » dans la liste des définitions qui figurent au paragraphe 4(1) de la LRTSPF. Une « entente sur les services essentiels » est définie comme une entente conclue par l'employeur et l'agent négociateur qui précise ce qui suit :
À cet égard, l'article 1 du projet de loi ajoute aussi à la LRTSPF le paragraphe 4(2) qui prévoit que, pour les besoins de l'entente, un poste est nécessaire pour permettre à l'employeur de fournir les services essentiels si son titulaire est tenu d'accomplir des fonctions qui sont liées à la prestation de services essentiels, ou d'être disponible, pendant ses heures libres si l'employeur lui demande de se présenter au travail pour accomplir ces fonctions.
Par conséquent, l'article 9 du projet de loi modifie les articles 119 à 125 de la LRTSPF, qui énoncent actuellement le droit exclusif de l'employeur de déterminer les services essentiels et de désigner les postes dans l'unité de négociation qui sont nécessaires pour fournir ces services, et traitent de questions administratives connexes. De plus, il rétablit les articles 126 à 134 de la LRTSPF, qui avaient été abrogés par le projet de loi C-4.
Plus précisément, selon les dispositions modifiées, la section 8 de la partie 1 de la LRTSPF, intitulée « Services essentiels », s'applique aux parties dans le cas où le mode de règlement des différends applicable à l'unité de négociation est la conciliation (art. 119 modifié). Comme il a été mentionné plus tôt, avec la conciliation, la grève demeure une possibilité.
Par ailleurs, le droit de l'employeur de déterminer les services essentiels et de désigner les postes comme essentiels dans l'unité de négociation est éliminé et remplacé par le droit de déterminer le niveau auquel un service essentiel doit être fourni, notamment dans quelle mesure et selon quelle fréquence (art. 120 modifié). Qui plus est, le nombre de postes nécessaires pour que l'employeur puisse fournir un service essentiel est déterminé sans tenir compte de la disponibilité éventuelle d'autres personnes pour fournir ce service durant une grève, et en respectant le fait que l'employeur n'est pas obligé de changer le cours normal de ses opérations afin de fournir ce service essentiel pendant une grève. Ainsi, l'employeur et l'agent négociateur peuvent convenir que certains employés de l'unité de négociation seront tenus d'exécuter un plus grand nombre de tâches liées aux services essentiels pendant une grève (art. 121 modifié).
Lorsque l'employeur avise par écrit l'agent négociateur qu'il estime que des fonctionnaires de l'unité de négociation occupent des postes nécessaires pour lui permettre de fournir des services essentiels, les parties sont alors tenues de négocier une entente sur les services essentiels (art. 122 modifié). Cette obligation remplace l'obligation actuelle de l'employeur de consulter l'agent négociateur uniquement après avoir désigné les postes nécessaires pour fournir les services essentiels, et seulement pour une période donnée.
Selon l'article 9 du projet de loi, si les parties ne parviennent pas à conclure une entente sur les services essentiels, l'une ou l'autre peut demander à la CRTESPF de statuer sur toute question non réglée, dans un délai précis. Cette dernière donne suite à la demande lorsqu'elle est convaincue que les parties ont fait « tous les efforts raisonnables » pour conclure une entente sur les services essentiels. Après avoir examiné la demande, la CRTESPF peut ordonner que sa décision soit réputée faire partie de l'entente, et que les parties soient réputées avoir conclu une entente sur les services essentiels. Toutefois, elle ne peut obliger l'employeur à changer le niveau auquel un service essentiel doit être fourni, notamment dans quelle mesure et selon quelle fréquence.
La CRTESPF doit aussi respecter les critères mentionnés précédemment pour déterminer le nombre de postes nécessaires pour fournir les services essentiels. De plus, si la demande présentée à la CRTESPF porte sur un poste en particulier à nommer dans l'entente, cette dernière doit respecter la proposition de l'employeur à cet égard, sauf si elle conclut que le poste en question n'est pas du type de ceux qui sont nécessaires pour permettre à l'employeur de fournir les services essentiels (art. 123 modifié) 32.
De la même manière, lorsque les parties ne parviennent pas à s'entendre pour modifier une entente sur les services essentiels, et ce, même après avoir déployé des efforts raisonnables en ce sens, l'une ou l'autre peut demander à la CRTESPF de la modifier. Celle-ci peut, par ordonnance, modifier l'entente si elle l'estime nécessaire pour permettre à l'employeur de fournir les services essentiels. Pour ce faire, elle doit respecter des critères précis semblables à ceux présentés plus haut (nouveaux art. 126 et 127).
De plus, si l'une des parties estime qu'il est nécessaire de modifier ou de suspendre l'entente temporairement en raison d'une situation d'urgence, mais qu'il est impossible aux parties de s'entendre à ce sujet, l'une ou l'autre peut demander à la CRTESPF de modifier ou de suspendre temporairement par ordonnance l'entente sur les services essentiels (nouvel art. 131).
L'article 9 du projet de loi précise également que l'entente sur les services essentiels entre en vigueur à la date de sa signature par les parties ou à la date de l'ordonnance en vertu de laquelle l'entente est réputée avoir été conclue (art. 124 modifié). La modification de l'entente sur les services essentiels entre en vigueur à la date de la signature par les parties de l'entente comportant la modification ou à la date de l'ordonnance modifiant l'entente (nouvel art. 128).
Pendant la période de validité de l'entente sur les services essentiels, l'employeur peut remplacer un poste nommé dans l'entente qui devient vacant, à condition que le nouveau poste soit du même type que celui qu'il remplace (nouvel art. 129).
L'entente sur les services essentiels demeure en vigueur jusqu'à ce que les parties décident conjointement qu'aucun des fonctionnaires de l'unité de négociation n'occupe un poste nécessaire pour permettre à l'employeur de fournir les services essentiels (art. 125 modifié). Selon les articles 3 et 5 du projet de loi, la révocation de l'accréditation d'une organisation syndicale qui est partie à l'entente sur les services essentiels (puisqu'elle est l'organisation accréditée comme agent négociateur pour l'unité de négociation) entraîne également la cessation d'effet de l'entente (nouveaux al. 67e) et 101(1)c)).
Enfin, l'article 9 du projet de loi prévoit divers échéanciers et d'autres éléments administratifs concernant les ententes sur les services essentiels. Par exemple, la CRTESPF se réserve le pouvoir de proroger tout délai prévu à la section 8 de la partie 1 de la LRTSPF, sur demande de l'une ou de l'autre des parties (nouvel art. 133). Il faut aussi souligner que l'employeur est tenu d'avertir tout employé qui, aux termes d'une entente sur les services essentiels, occupe un poste désigné comme nécessaire pour fournir ces services (nouvel art. 130) 33.
L'article 6 du projet de loi modifie les articles 103 et 104 de la LRTSPF, qui définissent actuellement la conciliation comme principal mode de règlement des différends, sous réserve de certaines exceptions, afin de permettre à l'agent négociateur de choisir entre l'arbitrage et la conciliation pour régler les différends relatifs aux négociations collectives. Ces modifications permettent aussi à l'agent négociateur de changer de mécanisme ultérieurement. Le choix d'un mode de règlement des différends vaut à compter du jour où l'avis de négocier collectivement est donné (à condition que ce soit après que le choix a été fait), jusqu'à la modification éventuelle de ce choix 34.
De plus, l'article 20 du projet de loi modifie l'article 182 de la LRTSPF, qui permet aux parties, à toute étape des négociations collectives, de renvoyer toute question concernant les conditions d'emploi à toute personne admissible pour « décision définitive et sans appel » conformément au mode de règlement convenu, en éliminant l'obligation pour les organismes distincts de demander l'agrément du président du Conseil du Trésor pour faire de même.
L'article 10 du projet de loi modifie l'article 148 de la LRTSPF en éliminant l'obligation pour le conseil d'arbitrage de se fonder sur des « facteurs prépondérants » avant de prendre en considération d'autres facteurs, aussi énoncés dans la Loi, dans la conduite de ses séances et la prise de ses décisions arbitrales. Selon la disposition modifiée, le conseil d'arbitrage prend en considération les facteurs qui, à son avis, sont pertinents et notamment :
L'article 11 du projet de loi modifie l'article 149 de la LRTSPF en éliminant les obligations supplémentaires pour le conseil d'arbitrage de prendre en considération dans sa décision toutes les conditions d'emploi des fonctionnaires de l'unité de négociation en cause de même que les avantages dont ils bénéficient, et d'énoncer dans la décision ses motifs pour chacune des questions en litige. Seule l'obligation de rendre sa décision sur les questions en litige « dès que possible » demeure.
Par ailleurs, l'article 12 du projet de loi abroge l'article 158.1 de la LRTSPF, qui autorise le président de la CRTESPF à ordonner au conseil d'arbitrage de réexaminer sa décision arbitrale, de son propre chef ou à la demande de l'une ou l'autre des parties à la décision, si le président est d'avis que la décision ne représente pas une « application raisonnable » des facteurs prépondérants et autres facteurs mentionnés plus tôt. L'article 158.1 prévoit également que le conseil d'arbitrage confirme ou modifie sa décision arbitrale dans un délai précis en exposant ses motifs par écrit au président.
Les articles 13 à 16 du projet de loi modifient les articles 164, 165, 167 et 170 de la LRTSPF concernant la mise sur pied d'une commission de l'intérêt public pour les besoins de la conciliation. L'article 166 de la LRTSPF, abrogé par le projet de loi C-4, est aussi rétabli. Ainsi, le président de la CRTESPF est de nouveau tenu de préparer, en consultation avec les parties, une liste de noms à partir de laquelle seront choisis certains membres de la commission de l'intérêt public, y compris le seul membre de la commission formée d'un membre unique ou le président et troisième membre de la commission composée de trois membres.
Le président de la CRTESPF se voit également accorder une plus grande discrétion pour recommander des personnes admissibles, notamment en cas de décès, d'empêchement ou de démission du membre unique formant la commission d'intérêt public. Comme il a été mentionné plus tôt, la Loi actuelle ne prévoit aucune obligation de préparer une telle liste de noms.
L'article 17 du projet de loi modifie l'article 175 de la LRTSPF en éliminant l'obligation pour la commission de l'intérêt public de se fonder sur des facteurs prépondérants avant de tenir compte d'autres facteurs, aussi énoncés dans la Loi, dans la conduite de ses séances et la présentation de son rapport au président de la CRTESPF. La commission de l'intérêt public prend en considération des facteurs similaires à ceux énoncés à l'article 10 du projet de loi relativement au processus d'arbitrage, ainsi que tout autre facteur qu'elle juge pertinent 36.
Les articles 18 et 19 du projet de loi modifient les articles 176 et 179 de la LRTSPF afin que, comme pour le conseil d'arbitrage, la commission de l'intérêt public ne soit plus tenue de prendre en considération toutes les conditions d'emploi avant de présenter son rapport, d'exposer dans son rapport les motifs de chacune de ses recommandations, ni de se voir ordonner par le président de la CRTESPF de réexaminer son rapport pour ne pas avoir appliqué adéquatement les facteurs prépondérants et autres facteurs mentionnés plus tôt.
L'article 7 du projet de loi apporte des modifications corrélatives à l'article 105 de la LRTSPF afin d'ajouter une obligation concernant le moment où l'avis de négocier collectivement peut être envoyé. Plus précisément, il ne suffit plus que l'organisation syndicale soit accréditée comme agent négociateur de l'unité de négociation pour qu'une partie soit autorisée à donner l'avis de négocier collectivement. Il faut également que le choix du mode de règlement des différends ait été enregistré par la CRTESPF. L'article 7 rétablit également le délai qui existait auparavant concernant l'avis de négocier collectivement.
De plus, l'article 9 rétablit l'article 132 qui prévoyait que les conditions d'emploi à l'égard desquelles un avis de négocier collectivement a été donné continuent de s'appliquer aux fonctionnaires qui occupent les postes nommés dans une entente sur les services essentiels jusqu'à la conclusion d'une nouvelle convention collective, sauf si les parties s'entendent pour que cela ne soit pas le cas. Cette disposition en remplace une semblable visant les postes désignés comme essentiels par l'employeur, actuellement énoncée au paragraphe 125(1) de la LRTSPF 37.
L'article 27 du projet de loi énonce les dispositions transitoires qui s'appliquent au règlement des différends relatifs aux négociations collectives, pour les cas où un avis de négocier collectivement aura été donné avant que le projet de loi C-62 ne reçoive la sanction royale.
Plus précisément, il prévoit que les dispositions de la LRTSPF, dans leurs versions modifiées à la date où le projet de loi reçoit la sanction royale ou postérieurement, s'appliquent si les parties n'ont pas encore choisi l'arbitrage ou la conciliation, ou dans les cas où le choix a été fait, mais que les procédures pertinentes n'ont pas encore débuté.
Si, toutefois, l'une des parties a demandé l'arbitrage ou la conciliation et que les procédures ont débuté, les dispositions de la LRTSPF en vigueur la veille de la date où le projet de loi reçoit la sanction royale s'appliquent. Dans le cas de la conciliation, le texte modifié du paragraphe 194(2), qui interdit une grève qui aurait pour effet d'y faire participer tout fonctionnaire qui occupe un poste nécessaire aux termes de l'entente sur les services essentiels, s'applique également.
L'article 32 du projet de loi abroge plusieurs dispositions concernant les griefs, qui avaient été introduites par le projet de loi C-4, mais qui ne sont pas encore entrées en vigueur. Entre autres choses, ces dispositions auraient modifié la LRTSPF pour obliger l'employé d'une unité de négociation qui présente ou renvoie à l'arbitrage un grief individuel à obtenir l'approbation de l'agent négociateur et à être représenté par lui. L'unique exception aurait été les griefs portant sur des questions de discrimination en milieu de travail. À l'heure actuelle, un fonctionnaire peut déposer un grief personnel de lui‑même, ou le renvoyer à l'arbitrage, à condition notamment que le grief ne porte pas sur l'interprétation ou l'application d'une convention collective ou d'une décision arbitrale qui le concerne.
En ce qui concerne les griefs de principe, le rôle de l'arbitre aurait été modifié de façon à ce que les redressements à cet égard ne puissent plus avoir d'effet rétroactif. Autrement dit, l'arbitre n'aurait plus été en mesure d'exiger que l'employeur ou l'agent négociateur interprète la convention collective ou la décision arbitrale d'une façon précise, qui aurait pu avoir un effet rétroactif.
Enfin, le projet de loi C-4 aurait également modifié et étendu le partage des frais d'arbitrage de griefs en vertu de la LRTSPF de sorte que, par exemple, les frais auraient été, à parts égales, à la charge de l'agent négociateur et de l'employeur (ou administrateur général) dans certaines circonstances. Les griefs portant sur des questions de discrimination en milieu de travail ou les griefs présentés par un fonctionnaire ne faisant pas partie d'une unité de négociation auraient constitué des exceptions dans le cadre desquelles les frais d'arbitrage auraient été à la charge de la CRTESPF. Cependant, selon les dispositions en vigueur, si un fonctionnaire qui a présenté un grief est représenté par un agent négociateur, les frais d'arbitrage sont à la charge de ce dernier. Lorsque le fonctionnaire n'est pas représenté par un agent négociateur, les frais d'arbitrage sont à la charge de la CRTESPF.
L'article 33 du projet de loi abroge les dispositions de la LEFP et de la LCDP concernant le mécanisme de recours de la fonction publique. Ces dispositions avaient été introduites par le projet de loi C-4, mais ne sont pas encore entrées en vigueur.
Plus précisément, l'article 33 abroge diverses dispositions de la LEFP concernant les processus de plainte pour les mises en disponibilité et les nominations internes. Entre autres choses, ces dispositions auraient modifié les critères concernant les fonctionnaires autorisés à présenter une plainte à la CRTESPF à propos d'un processus de nomination interne. En effet, alors qu'à l'heure actuelle tout candidat non retenu dans le cadre d'un processus de nomination interne annoncé peut déposer une plainte, les modifications auraient permis aux candidats éliminés parce qu'ils ne possèdent pas les qualités essentielles pour le travail à accomplir de contester uniquement leur propre évaluation et non celle du candidat retenu.
De plus, dans les cas de mise en disponibilité, les fonctionnaires n'auraient pu se prévaloir du droit de se plaindre que dans les situations où plusieurs fonctionnaires « occupant un poste du même groupe et du même niveau et exerçant des tâches similaires 38 » participent à un processus de sélection fondé sur le mérite pour choisir les fonctionnaires qui seront mis en disponibilité. Cette exigence d'être « du même groupe et du même niveau » n'existe pas actuellement dans la LEFP.
L'article 33 du projet de loi abroge également les dispositions de la LCDP qui auraient eu pour effet d'éliminer la compétence de la Commission canadienne des droits de la personne d'entendre les plaintes de fonctionnaires pour discrimination. De plus, il convient de noter que sont également abrogées les dispositions qui auraient eu pour effet d'éliminer l'obligation prévue en vertu de la LRTSPF et de la LEFP d'aviser la Commission canadienne des droits de la personne des griefs ou des plaintes portant sur des questions pour lesquelles un recours est prévu sous le régime de la LCDP et de lui permettre de présenter des observations à cet égard 39.
L'article 36 du projet de loi C-62 abroge la section 20 de la partie 3 du projet de loi C‑59 qui, entre autres choses, permettait au Conseil du Trésor d'établir et de modifier, malgré la LRTSPF, les conditions d'emploi liées aux congés de maladie des employés de l'administration publique fédérale centrale. Ces conditions d'emploi visaient notamment ce qui suit :
La section 20 permettait également au Conseil du Trésor d'établir et de modifier, malgré la LRTSPF, un programme d'invalidité de courte durée précisant :
En ce qui concerne le programme d'invalidité de courte durée, le texte législatif obligeait le Conseil du Trésor à constituer un comité formé de représentants de l'employeur et des employés pour formuler des recommandations conjointes concernant la modification du programme. Le Conseil du Trésor pouvait également fixer la date de mise en œuvre du régime d'invalidité de courte durée.
Enfin, en ce qui concerne le programme existant d'invalidité de longue durée, la section 20 permettait au Conseil du Trésor de modifier, malgré la LRTSPF, la période de carence, pendant laquelle le fonctionnaire ne reçoit pas de prestations du programme.
* Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur. Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur. [ Retour au texte ]
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