Résumé législatif du projet de loi C-77

Résumé Législatif
Résumé législatif du projet de loi C-77 : Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois
Lyne Casavant, Division des affaires juridiques et sociales
Julia Nicol, Division des affaires juridiques et sociales
Stephanie Le Saux-Farmer, Division de l'économie, des ressources et des affaires internationales
Publication no 42-1-C77-F
PDF 2197, (42 Pages) PDF
2018-10-12
Révisée le : 2020-04-15

Table des matières

Dans ce résumé législatif, tout changement d’importance depuis la dernière publication est indiqué en caractères gras.


1  Contexte

Le 10 mai 2018, l’honorable Harjit Sajjan, ministre de la Défense nationale, a présenté à la Chambre des communes le projet de loi C-77, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois 1. Après la deuxième lecture le 15 octobre 2018, le projet de loi a été renvoyé au Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes, qui l’a renvoyé le 3 décembre 2018 à la Chambre des communes accompagné de plusieurs amendements concernant principalement des corrections ou des clarifications au libellé qui ne modifiaient pas le contenu du projet de loi 2. Le projet de loi a franchi l’étape de la troisième lecture à la Chambre des communes le 28 février 2019. Il a été adopté par le Sénat sans amendement et a obtenu la sanction royale le 21 juin 2019. La plupart des dispositions de ce projet de loi entrent en vigueur à la date ou aux dates fixées par décret 3.

L’un des objectifs importants du projet de loi est de conférer aux victimes d’infractions d’ordre militaire les droits qui ont été enchâssés dans le système de justice pénale civile par la Charte canadienne des droits des victimes en 2015 4. Le projet de loi C-77 reprend bon nombre des modifications proposées dans le projet de loi C-71, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et le Code criminel (titre abrégé : Loi sur les droits des victimes au sein du système de justice militaire), qui est mort au Feuilleton lorsque le Parlement a été dissous en août 2015 en vue des 42e élections générales 5.

Le projet de loi C-77 ajoute à la Loi sur la défense nationale (LDN) une nouvelle section intitulée « Déclaration des droits des victimes » (DDV), qui prévoit que les victimes des infractions d’ordre militaire ont un droit à l’information, un droit à la protection, un droit de participation et un droit au dédommagement qui sont essentiellement identiques à ceux accordés aux victimes par la Charte canadienne des droits des victimes. L’infraction d’ordre militaire est définie comme étant une infraction à la LDN (autre qu’un manquement d’ordre militaire), au Code criminel 6 ou à une autre loi fédérale qui est commise par un justiciable du Code de discipline militaire (CDM) 7.

Le projet de loi C-77 apporte également une série de changements procéduraux au CDM qui ont trait, pour la plupart, à la mise en œuvre de la DDV. Il remplace l’expression « procès sommaire » dans la LDN par l’expression « audience sommaire » et circonscrit l’application du nouveau processus d’audience sommaire à une nouvelle catégorie de « manquements d’ordre militaire », qui consisteront en des infractions mineures prévues par règlement. La distinction entre les expressions « infraction d’ordre militaire » et « manquement d’ordre militaire » est importante, car les droits énoncés dans la DDV ne s’appliquent qu’aux victimes des infractions d’ordre militaire. Enfin, le projet de loi C-77 prévoit que l’un des objectifs de la détermination de la peine doit être la reconnaissance du tort causé aux victimes et à la collectivité, et ajoute un nouveau principe de détermination de la peine pour le système de justice militaire exigeant qu’une attention particulière soit accordée à la situation des contrevenants autochtones.

Il convient de noter que plusieurs articles d’un projet de loi antérieur, à savoir le projet de loi C-15, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et d’autres lois en conséquence (titre abrégé : Loi visant à renforcer la justice militaire pour la défense du Canada) n’étaient pas en vigueur lorsque le projet de loi C-77 a été rédigé; ces articles n’ont force de loi que depuis le 1er septembre 2018 8. C’est pourquoi le libellé de ces articles, qui étaient censés devenir loi avec l’entrée en vigueur du projet de loi C-77, se trouve parmi les amendements connexes à la fin du projet de loi plutôt que dans le dispositif du projet de loi.

1.1  Lien entre le projet de loi C‑77 et la Charte canadienne des droits des victimes

Conformément au paragraphe 18(3) de la Loi édictant la Charte canadienne des droits des victimes et modifiant certaines lois (titre abrégé : Loi sur la Charte des droits des victimes 9), la Charte canadienne des droits des victimes ne s’applique pas aux infractions d’ordre militaire qui font l’objet d’une enquête ou auxquelles il est donné suite sous le régime de la LDN. Dans son discours prononcé à la Chambre des communes en avril 2014, le ministre de la Justice d’alors, l’honorable Peter MacKay, a justifié cette exclusion en raison du caractère distinct du système de justice militaire du Canada :

[L]’application de la Charte des droits des victimes dans le contexte de la culture et du système de justice militaire, surtout dans le cas des procès sommaires, présente des difficultés particulières. Je pense notamment aux tribunaux disciplinaires qui sont administrés par la chaîne de commandement et qui se chargent de la très grande majorité des procédures du système de justice militaire canadien. La Charte des droits des victimes ne pourrait pas s’appliquer dans ce contexte immédiatement après avoir été adoptée par la Chambre 10.

À la même occasion, M. MacKay a déclaré que son gouvernement entendait présenter un autre projet de loi pour intégrer les droits prévus par la Charte canadienne des droits des victimes au système de justice militaire, et a salué le travail effectué en ce sens par le Cabinet du juge-avocat général (JAG) 11. Le projet de loi C-71, déposé lors de la 41e législature, était le fruit de ce travail, qui est également reflété dans le projet de loi C-77. Comme nous le verrons dans les sections suivantes, le projet de loi C-77 établit une nouvelle catégorie d’infractions prévues par règlement, soit les « manquements d’ordre militaire », et prévoit que la tenue d’audiences sommaires sera réservée aux affaires où seuls sont visés de tels manquements. Il s’ensuit que les victimes d’un manquement d’ordre militaire ne peuvent se prévaloir des mêmes droits que les victimes des infractions d’ordre militaire.

1.2  Le système de justice militaire : un système de justice parallèle, distinct du système de justice pénale civile

Le système de justice militaire est assujetti au même cadre constitutionnel que le système de justice pénale civile, avec lequel il partage de nombreux principes de justice sous-jacents 12. Il s’en distingue toutefois en ce qui a trait aux procédures, aux garanties procédurales, aux infractions et à la détermination de la peine. Selon Gilles Létourneau, ancien juge de la Cour d’appel de la cour martiale (CACM) du Canada, l’accusé qui fait face à la justice militaire est privé de certains droits accordés à celui qui fait face au système de justice pénale civile 13.

Le CDM, énoncé à la partie III de la LDN, est le fondement législatif du système de justice militaire. Il définit les personnes qui y sont assujetties, tant au Canada qu’à l’étranger 14; établit les infractions qui sont uniques au contexte militaire (manquement au devoir face à l’ennemi, absence sans permission, etc. 15), dont il précise la nature et les sanctions prévues pour celles-ci, ainsi qu’il incorpore au droit militaire toutes les infractions punissables en vertu du Code criminel ou d’une autre loi fédérale 16. Le CDM établit également l’autorité compétente en matière d’arrestation et de détention des personnes qui y sont assujetties, les tribunaux militaires, de même que les processus de révision et d’appel des verdicts et des sentences prononcés par ces tribunaux 17. Les tribunaux militaires ont compétence pour juger toutes les infractions d’ordre militaire, sauf certaines infractions commises au Canada, à savoir le meurtre, l’homicide involontaire et l’enlèvement d’enfants 18.

À l’heure actuelle, le système de justice militaire repose sur une structure de tribunaux à deux paliers : les cours martiales et les procès sommaires (que le projet de loi C-77 propose de changer pour un processus d’audiences sommaires) 19. La cour martiale et les procès sommaires diffèrent à plusieurs égards 20. Essentiellement, les procès sommaires servent à régler les infractions d’ordre militaire relativement mineures. Ce type de procès, qui est le plus courant, permet aux commandants militaires d’intervenir rapidement en cas de manquement en appliquant des mesures disciplinaires qui visent à maintenir l’efficacité et la discipline au niveau de l’unité. En revanche, la cour martiale sert à régler des infractions d’ordre militaire de nature plus grave. Il s’agit de cours formelles présidées par des juges militaires. Comparativement au procès sommaire, la cour martiale offre à l’accusé de plus amples garanties procédurales, comme le droit à un avocat. Les procédures relatives aux décisions rendues concernant les accusations devant les deux types de tribunaux militaires sont énoncées dans les Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC), qui est un texte réglementaire pris en vertu de la LDN.

La Cour suprême du Canada a statué sur le bien-fondé du système de justice militaire à deux reprises, en 1980 21 et en 1992 22. Dans l’affaire R. c. Généreux, elle a écrit :

Le but d’un système de tribunaux militaires distinct est de permettre aux Forces armées de s’occuper des questions qui touchent directement à la discipline, à l’efficacité et au moral des troupes. La sécurité et le bien-être des Canadiens dépendent dans une large mesure de la volonté d’une armée, composée de femmes et d’hommes, de défendre le pays contre toute attaque et de leur empressement à le faire. Pour que les Forces armées soient prêtes à intervenir, les autorités militaires doivent être en mesure de faire respecter la discipline interne de manière efficace. Les manquements à la discipline militaire doivent être réprimés promptement et, dans bien des cas, punis plus durement que si les mêmes actes avaient été accomplis par un civil. Il s’ensuit que les Forces armées ont leur propre [C]ode de discipline militaire qui leur permet de répondre à leurs besoins particuliers en matière disciplinaire. En outre, des tribunaux militaires spéciaux, plutôt que les tribunaux ordinaires, se sont vu conférer le pouvoir de sanctionner les manquements au Code de discipline militaire. Le recours aux tribunaux criminels ordinaires, en règle générale, serait insuffisant pour satisfaire aux besoins particuliers des Forces armées sur le plan de la discipline. Il est donc nécessaire d’établir des tribunaux distincts chargés de faire respecter les normes spéciales de la discipline militaire 23.

Ce point de vue est partagé par le JAG qui souligne ce qui suit dans son rapport annuel de 2014-2015 :

La capacité des FAC (Forces armées canadiennes) de mener efficacement des opérations est directement liée à la capacité de sa chaîne de commandement d’inculquer et de maintenir la discipline. La nécessité particulière de la discipline dans les FAC est la raison d’être du système de justice militaire. Bien que l’entraînement et l’art du commandement soient essentiels au maintien de la discipline, la chaîne de commandement doit également disposer d’un mécanisme juridique lui permettant d’enquêter et de sanctionner les manquements disciplinaires nécessitant une réponse officielle, juste et rapide 24.

2  Description et analyse

2.1  Objet du Code de discipline militaire (art. 4 et 63 du projet de loi)

Le projet de loi C-77 énonce l’objet du CDM dans la LDN. Selon le nouveau paragraphe 55(1) de la LDN, le CDM a pour objet « de maintenir la discipline, l’efficacité et le moral des Forces canadiennes ».

2.2  Objectifs et principes de la détermination de la peine par les cours martiales (par. 63(21) et 63(23))

À l’heure actuelle, les articles 203.1 à 203.4 de la LDN énoncent les objectifs essentiels de la détermination de la peine applicables aux tribunaux militaires et les divers principes de détermination de la peine à respecter par l’infliction de peines. Les paragraphes 63(21) et 63(23) du projet de loi C-77 modifient ces objectifs essentiels ainsi que certains de ces principes pour y incorporer la nouvelle terminologie, surtout, mais aussi pour reconnaître les torts causés à la victime et à la collectivité, pour favoriser le sens des responsabilités chez les contrevenants et pour accorder une attention particulière à la situation des contrevenants autochtones. Les objectifs essentiels de la détermination de la peine reprennent en termes identiques l’objet du CDM.

2.3  Définition du terme « victime » (par. 2(3) du projet de loi)

Le paragraphe 2(3) du projet de loi ajoute la définition du terme « victime » au paragraphe 2(1) de la LDN.

Selon cette nouvelle définition, une « victime » s’entend, pour l’application de la LDN, de tout particulier contre qui une infraction d’ordre militaire a ou aurait été perpétrée et qui a ou aurait subi des dommages – matériels, corporels ou moraux – ou des pertes économiques par suite de la perpétration ou prétendue perpétration de l’infraction. La définition vise également, outre la victime immédiate, les particuliers qui ont subi des dommages – matériels, corporels ou moraux – ou des pertes économiques par suite de la perpétration ou prétendue perpétration de l’infraction pour l’application des droits prévus par la nouvelle DDV, ainsi que des articles 202.201 (déclaration de la victime aux audiences, dans les cas d’inaptitude à subir le procès ou de non-responsabilité pour cause de troubles mentaux), 203.6 (déclaration de la victime aux audiences de détermination de la peine) et 203.7 (obligation de la cour martiale de s’enquérir auprès du procureur de la poursuite si la victime a été informée de la possibilité de rédiger une déclaration) de la LDN.

La définition proposée du terme « victime » est conforme aux définitions énoncées dans la Charte canadienne des droits des victimes et à l’article 2 du Code criminel, dans sa forme modifiée par suite de l’entrée en vigueur, en juillet 2015, de la Loi sur la Charte des droits des victimes. Dans toutes ces définitions, il n’est pas nécessaire qu’il y ait eu condamnation pour qu’une personne soit considérée comme étant une victime.

2.4  Particuliers pouvant agir pour le compte d’une victime (par. 2(4) du projet de loi)

Aux termes du nouveau paragraphe 2(1.1) de la LDN (tel qu’il est modifié par le par. 2(4) et les dispositions de coordination énoncées aux par. 65(10) et 65(11) du projet de loi), les particuliers ci-après peuvent exercer, pour le compte de la victime, les droits que garantit la DDV si celle-ci est décédée ou incapable d’agir pour son propre compte pour des raisons autres qu’opérationnelles :

  • son époux ou son conjoint de fait;
  • un parent ou une personne à sa charge;
  • un particulier chargé des soins ou de l’entretien de la victime ou qui en a la garde;
  • un particulier chargé des soins ou de l’entretien d’une personne à la charge de la victime ou qui en a la garde.

Cette nouvelle disposition s’applique aux droits garantis par la DDV de même qu’à ceux prévus à certains articles de la LDN qui visent l’obligation d’informer la victime de l’acceptation d’un plaidoyer (art. 189.1), la déclaration de la victime (art. 202.201, 203.6 et 203.7) et l’obligation d’envisager la possibilité de rendre une ordonnance de dédommagement à l’endroit du contrevenant (nouvel art. 203.81 prévu à l’al. 63(21)l) du projet de loi).

En vertu de cette nouvelle disposition, la victime qui est empêchée d’agir pour son propre compte pour des raisons opérationnelles peut demander qu’un membre des FAC, nommé par le chef d’état-major de la défense ou par tout officier autorisé par lui, agisse pour son compte.

Selon le projet de loi C-77, les mêmes personnes peuvent agir pour le compte d’une victime autant dans le contexte de la justice militaire que dans le système de justice pénale civile, hormis le membre des FAC nommé dans les cas où la victime est incapable d’agir en son propre nom pour des raisons opérationnelles.

Le nouveau paragraphe 2(1.2) de la LDN prévoit qu’un particulier ne peut exercer les droits conférés aux victimes s’il est inculpé ou déclaré coupable d’une infraction d’ordre militaire ou déclaré inapte à subir son procès ou non responsable pour cause de troubles mentaux à l’égard de l’infraction.

2.5  Déclaration des droits des victimes (art. 7 du projet de loi)

L’article 7 du projet de loi ajoute au CDM une nouvelle section intitulée « Déclaration des droits des victimes », qui confère aux victimes d’infractions d’ordre militaire certains droits accordés en 2015 par la Charte canadienne des droits des victimes à d’autres victimes d’actes criminels, à savoir le droit à l’information, le droit à la protection, le droit de participation et le droit au dédommagement.

Conformément au nouvel article 71.01 de la LDN, qui définit le terme « système de justice militaire » pour l’application de la DDV, les droits énoncés dans cette dernière ne s’appliquent qu’aux victimes d’infractions d’ordre militaire. Les victimes de manquements d’ordre militaire ne peuvent s’en prévaloir.

2.5.1  Application et exercice des droits conférés aux victimes (nouveaux art. 71.14 à 71.15 de la LDN)

La DDV s’applique à l’égard de la victime dans ses rapports avec le système de justice militaire à partir du moment où une infraction d’ordre militaire est signalée jusqu’à la fin de la peine du contrevenant 25. Elle s’applique aussi dans les cas où un accusé qui est déclaré inapte à subir son procès ou non responsable pour cause de troubles mentaux relève, à l’égard de l’infraction, de la compétence d’une cour martiale ou d’une commission d’examen (lorsqu’il y a eu verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux ou d’inaptitude à subir un procès) (nouvel art. 71.14 de la LDN).

Pour exercer les droits prévus par la DDV, la victime doit être présente au Canada ou être un citoyen canadien ou un résident permanent du Canada au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés26 (nouveau par. 71.15(2) de la LDN). La victime d’une infraction d’ordre militaire commise à l’étranger qui ne répond pas à l’une de ces exigences ne peut donc se prévaloir des droits prévus par la DDV, peu importe si le procès se déroule au Canada ou dans le pays où l’infraction a été commise.

Enfin, tout comme dans la Charte canadienne des droits des victimes, les droits énoncés dans la DDV sont principalement de nature procédurale (droit de la victime de faire connaître son point de vue pendant les procédures et droit d’obtenir de l’information). Ces dispositions législatives ne confèrent pas aux victimes la qualité de partie à une procédure. De plus, les droits conférés doivent être exercés par les moyens prévus par la loi (nouveau par. 71.15(1) de la LDN). Autrement dit, ni la DDV ni la Charte canadienne des droits des victimes ne semble créer de droits autonomes exécutoires. Comme nous le verrons plus loin, la DDV prévoit un mécanisme d’examen des plaintes pour les victimes qui estiment que leurs droits n’ont pas été respectés, mais elle ne prévoit aucun mécanisme exécutoire de résolution des différends.

2.5.2  Nomination d’un agent de liaison (nouvel art. 71.16 de la LDN)

Le projet de loi C-77 prévoit la nomination d’un agent de liaison auprès de la victime qui en fait la demande. À moins que des raisons opérationnelles ne l’en empêchent, le commandant est responsable de nommer un agent de liaison chargé d’aider la victime à comprendre les procédures relatives aux enquêtes, aux accusations et aux condamnations et à obtenir les renseignements qu’elle a demandés et auxquels elle a droit (nouveau par. 71.16(3) de la LDN).

Dans la mesure du possible, le commandant nomme, à titre d’agent de liaison, l’officier ou le militaire du rang demandé par la victime. En cas d’absence ou d’empêchement de l’agent désigné, le commandant doit nommer un autre agent de liaison, à moins que des raisons opérationnelles ne l’en empêchent (nouveau par. 71.16(1) de la LDN).

Cette possibilité de nommer un agent de liaison, qui ne fait pas partie de la Charte canadienne des droits des victimes, s’explique par la nature particulière du système de justice militaire. Le document d’information du gouvernement pour le projet de loi indique ce qui suit :

Les infractions d’ordre militaire peuvent faire diverses victimes, y compris les militaires et leurs familles et les membres de la communauté civile en général. Pour bon nombre de ces personnes, le système de justice militaire peut être peu familier et possiblement intimidant. Par conséquent, pour faire en sorte que les victimes soient bien informées et en mesure d’exercer leurs droits, la loi proposée prévoit la nomination d’un agent de liaison avec les victimes lorsqu’une victime en fait la demande 27.

2.5.3  Règles d’interprétation (nouveaux art. 71.17 à 71.19, 71.2, 71.21 et 71.23 de la LDN)

En vertu du nouvel article 71.17 de la LDN, les droits et procédures énoncés dans la DDV doivent être interprétés et appliqués de manière raisonnable dans les circonstances et d’une manière qui n’est pas susceptible de nuire à la bonne administration de la justice militaire ou de porter atteinte au pouvoir discrétionnaire ministériel ou exercé par toute personne ou tout organisme autorisé à libérer le contrevenant dans la collectivité. La DDV ne doit pas non plus être interprétée d’une manière qui pourrait mettre en danger la vie ou la sécurité d’une personne ou porter atteinte aux relations internationales, à la défense nationale ou à la sécurité nationale.

Le projet de loi exige que, dans la mesure du possible, les lois fédérales et les ordonnances, règles ou règlements qui en découlent soient interprétés et appliqués de manière compatible avec les droits énoncés dans la DDV (nouvel art. 71.18 de la LDN). Cela signifie que ces droits influeront sur l’interprétation et l’application d’autres lois. En cas d’incompatibilité avec une autre loi, les droits et processus prévus dans la DDV primeront, sauf si l’autre loi l’emporte du fait de son statut quasi constitutionnel. C’est le cas de la Déclaration canadienne des droits 28, de la Loi canadienne sur les droits de la personne 29, de la Loi sur les langues officielles 30, de la Loi sur l’accès à l’information 31, de la Loi sur la protection des renseignements personnels 32, de la Charte canadienne des droits des victimes 33 et des ordonnances, règles ou règlements qui en découlent (nouvel art. 71.19 de la LDN).

En outre, le fait qu’un particulier soit désigné en tant que victime à l’égard d’une infraction d’ordre militaire ne peut donner lieu à des conclusions défavorables à l’encontre de l’accusé (nouvel art. 71.2 de la LDN). Comme il a été précisé à la section 2.2, la définition du terme « victime » n’exige pas qu’un accusé soit déclaré coupable de l’infraction, puisque cela priverait la victime de ses droits aux étapes de l’enquête et de la poursuite. C’est pourquoi l’article 71.2 précise que la désignation d’un particulier en tant que victime (avant une déclaration de culpabilité) pour l’application de la DDV ne peut jouer à l’encontre de l’accusé dans le cadre d’une procédure. La DDV ne confère pas non plus à la victime, aux personnes agissant pour son compte ou encore à son agent de liaison la qualité de partie, d’intervenant ou d’observateur dans une procédure ni ne leur retire toute qualité autrement conférée (nouvel art. 71.23 de la LDN).

Enfin, la DDV ne peut pas être interprétée de manière à permettre à une personne d’entrer au Canada ou d’y séjourner au-delà de la période de séjour autorisée ou d’empêcher ou de retarder l’exécution d’une mesure de renvoi ou d’extradition (nouvel art. 71.21 de la LDN).

2.5.4  Droits reconnus dans la Déclaration des droits des victimes

2.5.4.1  Droit à l’information (nouveaux art. 71.01 à 71.04 de la LDN)

Les nouveaux articles 71.02 à 71.04 de la LDN disposent que la victime d’une infraction d’ordre militaire a le droit d’obtenir, sur demande, des renseignements sur les sujets suivants :

  • le système de justice militaire et le rôle que les victimes sont appelées à y jouer;
  • les services et les programmes auxquels les victimes ont droit;
  • le droit de déposer une plainte;
  • l’état d’avancement et l’issue de l’enquête relative à l’infraction;
  • les date, heure et lieu où se déroulent les procédures relatives à l’infraction, leur état d’avancement et leur issue;
  • le contrevenant incarcéré dans une prison militaire ou une caserne disciplinaire;
  • la mise en liberté du contrevenant incarcéré dans une prison militaire ou une caserne disciplinaire;
  • toute audience tenue par la cour martiale pour déterminer la décision à rendre à l’égard d’un accusé déclaré inapte à subir son procès ou non responsable pour cause de troubles mentaux et la décision qui a été rendue (p. ex. pour décider si le contrevenant doit être absous et à quelles conditions);
  • toute audience tenue par une commission d’examen en vertu de l’article 202.25 de la LDN à l’égard d’une personne déclarée inapte à subir son procès ou non responsable pour cause de troubles mentaux et la décision qui a été rendue.

Les modifications proposées sont quasi identiques à celles prévues dans la Charte canadienne des droits des victimes, sauf pour ce qui est du droit d’obtenir des renseignements concernant tout examen prévu par la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC) en vue de la mise en liberté sous condition des délinquants fédéraux et, le cas échéant, le moment et les conditions de leur libération 34. Le nouvel alinéa 71.01b) de la LDN ne reconnaît pas aux victimes des infractions d’ordre militaire le droit d’obtenir des renseignements concernant l’exécution des peines (p. ex. les dates de libération sous condition) dans un pénitencier fédéral ou une prison provinciale. Toutefois, conformément à l’article 61 du projet de loi, certaines victimes pourront faire valoir leurs droits d’obtenir de tels renseignements en vertu des droits que leur garantit la LSCMLC.

2.5.4.2  Droit à la protection (nouveaux art. 71.05 à 71.09 de la LDN)

Le nouvel article 71.05 de la LDN reconnaît que la victime a le droit à ce que sa sécurité soit prise en considération par les « autorités compétentes » du système de justice militaire. Le terme « autorités compétentes » n’est pas défini, mais on peut supposer qu’il vise la police militaire, les procureurs de la poursuite, les juges militaires, les commandants des prisons militaires et des casernes disciplinaires, et toute personne agissant sous la direction d’un tel commandement. La victime a aussi le droit à ce que des mesures raisonnables et nécessaires soient prises par les autorités compétentes afin de la protéger contre l’intimidation et les représailles (art. 71.06 de la LDN). Le projet de loi ne précise ni le type ni la portée de l’aide qui pourrait être accordée, pas plus que la Charte canadienne des droits des victimes.

La victime a aussi le droit à ce que sa vie privée soit prise en considération par les autorités compétentes du système de justice militaire (nouvel art. 71.07 de la LDN). De plus, elle a le droit de demander que son identité soit protégée si elle est plaignante à l’égard d’une infraction d’ordre militaire ou témoin dans des procédures relatives à une telle infraction (nouvel art. 71.08 de la LDN). Une telle demande peut être faite avant que l’affaire soit entendue par une cour martiale ou un juge pendant la procédure. Le projet de loi ne précise pas les mesures de confidentialité devant être prises pour protéger l’identité de la personne.

La victime a aussi le droit de demander des mesures visant à faciliter son témoignage (nouvel art. 71.09 de la LDN). Le projet de loi ne précise pas les mesures d’aide qui pourraient être autorisées, mais l’article 112.65 des ORFC prévoit que le juge peut ordonner qu’un témoignage soit recueilli par tout moyen de télécommunication permettant au témoin de rendre son témoignage hors de la salle d’audience ainsi qu’au témoin, à la cour, au procureur de la poursuite et à l’accusé de se voir et de communiquer simultanément 35. De plus, le juge peut autoriser l’accusé à comparaître par télévision en circuit fermé ou par tout autre moyen dans le cadre des procédures entourant les audiences relatives à un accusé déclaré inapte à subir son procès ou non responsable pour cause de troubles mentaux (voir le par. 202.201(13) de la LDN).

2.5.4.3  Droit de participation (nouveaux art. 71.1 et 71.11 et 203.6 à 203.72 de la LDN)

Le nouvel article 71.1 de la LDN donne à la victime le droit d’exprimer et de faire prendre en compte son point de vue dans le contexte des décisions des autorités compétentes qui touchent ses droits au titre de la DDV. La victime a aussi le droit de présenter une déclaration aux autorités compétentes du système de justice militaire et à ce que celle-ci soit prise en considération (nouvel art. 71.11 de la LDN). Ultimement, ces garanties n’offrent pas l’assurance de tel ou tel résultat, pas plus que dans le système de justice pénale civile.

Le paragraphe 203.6(1) de la LDN prévoit que, pour déterminer la peine à infliger au contrevenant ou pour décider si celui-ci doit être absous inconditionnellement, la cour martiale doit prendre en considération la déclaration de toute victime sur les préjudices physiques ou émotionnels qui lui ont été causés par la perpétration de l’infraction et les effets que l’infraction a exercés sur elle (al. 63(21)h) du projet de loi).

À l’instar des modifications apportées au Code criminel par suite de l’entrée en vigueur de la Loi sur la Charte canadienne des droits des victimes, le nouveau paragraphe 203.7(3) de la LDN autorise la victime, lorsqu’elle présente sa déclaration, à avoir avec elle une photographie d’elle-même prise avant la perpétration de l’infraction. Il autorise aussi la victime à présenter sa déclaration à l’extérieur de la salle d’audience pourvu que cela ne perturbe pas l’instance (al. 63(21)h) du projet de loi).

La victime peut également présenter sa déclaration par télévision en circuit fermé si les dispositions nécessaires sont prises pour que le contrevenant et la cour martiale puissent la regarder et si le contrevenant peut communiquer avec son avocat durant le visionnement (nouveau par. 203.7(4) à l’al. 63(21)h) du projet de loi).

Le nouveau paragraphe 203.7(5) précise que la cour martiale doit tenir compte des parties de la déclaration qui décrivent le préjudice physique ou émotionnel causé à la victime ou les dommages matériels ou pertes économiques subis par celle-ci à la suite de la perpétration de l’infraction reprochée, ainsi que de tout autre renseignement qu’elle juge pertinent pour la détermination de la peine (al. 63(21)h) du projet de loi).

On retrouve dans la LDN deux autres articles qui obligent la cour martiale à prendre en considération toute déclaration faite au nom d’une collectivité au sujet des répercussions que l’infraction a eues sur elle (nouvel art. 203.72 de la LDN) et toute déclaration faite au nom des FAC sur les répercussions militaires de l’infraction (nouvel art. 203.71 de la LDN, à l’al. 63(21)h) du projet de loi).

2.5.4.4  Droit au dédommagement (nouveaux art. 71.12, 71.13, 203.81, 203.901, 203.902, 203.91 et 203.92 de la LDN)

Le nouvel article 71.12 de la LDN donne à la victime le droit à ce que la prise d’une ordonnance de dédommagement contre le contrevenant soit envisagée par la cour martiale. Celle-ci n’est toutefois pas tenue de rendre une telle ordonnance, mais elle doit en envisager la possibilité.

Une disposition connexe à l’alinéa 63(21)l) du projet de loi ajoute l’article 203.81 à la LDN. Cette nouvelle disposition oblige la cour martiale à envisager la possibilité de rendre une ordonnance de dédommagement, que le contrevenant soit condamné ou absous inconditionnellement, pour faire pendant aux modifications apportées au Code criminel par la Loi sur la Charte canadienne des droits des victimes. La cour martiale doit demander au procureur de la poursuite, dès que possible après un verdict de culpabilité, mais avant d’imposer une peine ou de libérer le contrevenant, si la victime a eu l’occasion d’indiquer si elle demande un dédommagement (nouveau par. 203.81(2) de la LDN).

Si elle est convaincue que cela ne nuira pas à la bonne administration de la justice, la cour martiale peut ajourner la procédure pour permettre à la victime d’indiquer si elle réclame un dédommagement ou pour lui permettre d’établir ses pertes. Si la cour décide de ne pas rendre l’ordonnance demandée par la victime, elle doit motiver sa décision et faire inscrire les motifs au dossier de l’instance (nouveaux par. 203.81(3) et 203.81(5) de la LDN).

Conformément au nouvel article 203.901 de la LDN, les moyens financiers ou la capacité de payer du contrevenant n’empêchent pas le tribunal de rendre une ordonnance de dédommagement. Selon la jurisprudence en matière de dédommagement, bien que la capacité présente et future du contrevenant à payer ne soit pas déterminante, le tribunal doit néanmoins en tenir compte dans sa décision de rendre ou non une ordonnance de dédommagement. Le tribunal doit aussi tenir compte des répercussions du dédommagement sur la réinsertion sociale du contrevenant 36.

Lorsqu’il rend une ordonnance, le tribunal doit enjoindre au contrevenant de payer la totalité de la somme indiquée dans l’ordonnance au plus tard à la date qu’il précise ou, s’il l’estime indiqué, de la payer en versements échelonnés, selon le calendrier qui doit être joint à l’ordonnance (nouvel art. 203.902 de la LDN). Le dédommagement peut viser plusieurs personnes; dans ce cas, l’ordonnance doit préciser la somme qui sera versée à chacune et l’ordre de priorité des paiements (nouvel art. 203.91 de la LDN).

Si le contrevenant est en défaut de paiement, la victime peut faire enregistrer l’ordonnance de dédommagement au tribunal civil à titre de jugement exécutoire contre le contrevenant, ce qui permet à la victime de demander d’être dédommagée au moyen de mesures, comme la saisie ou la saisie-arrêt des fonds du contrevenant (nouveaux art. 71.13 et 203.92 de la LDN).

2.5.5  Recours (plaintes et appels) (nouveaux art. 71.22, 71.24 et 71.25 de la LDN)

Le nouvel article 71.22 de la LDN énonce les recours qui sont à la disposition de la victime, qui peut déposer une plainte si elle s’estime lésée dans son droit par une autorité au sein du système de justice militaire. Des règles seront fixées par règlement pour encadrer l’examen des plaintes, le pouvoir de recommander la prise de mesures correctives et l’obligation d’informer les victimes des conclusions de l’organisme chargé de revoir les plaintes en question.

Les nouveaux articles 71.24 et 71.25 de la LDN précisent que la violation ou le déni d’un droit énoncé dans la DDV ne donne pas lieu, à son seul titre, au droit d’interjeter appel d’une décision ou d’une ordonnance prise dans le cadre d’une procédure en vertu de la DDV ou d’une cause d’action. Par ailleurs, il ne faut pas l’interpréter comme touchant toute autre cause d’action ou droit à des dommages-intérêts.

2.5.6  Droit de la victime de déposer une dénonciation en vue de limiter les communications et les mouvements de l’accusé (art. 16 du projet de loi)

En vertu du nouvel article 147.6 de la LDN, si la victime craint qu’une personne assujettie au CDM cause des dommages à ses biens ou cause des dommages corporels ou moraux à elle-même, à son époux, à son conjoint de fait ou à ses enfants, elle peut déposer une dénonciation devant un juge militaire pour restreindre les mouvements ou les communications de la personne visée par l’ordonnance avec elle et ses proches.

La dénonciation peut aussi être déposée au nom de la victime par une autre personne. Le juge militaire peut alors, s’il est convaincu par la preuve que les craintes de la victime sont fondées sur des motifs raisonnables, ordonner à la personne assujettie au CDM et visée par la dénonciation de s’abstenir de communiquer, directement ou indirectement, avec la victime, l’époux de la victime, son enfant ou la personne qui vit avec la victime dans une relation conjugale depuis au moins un an.

Étant donné l’importance de protéger la victime de l’agresseur pendant les procédures judiciaires, un commandant sera autorisé à rendre une telle ordonnance lorsqu’aucun juge militaire ne sera disponible pour des raisons opérationnelles. Les décisions rendues par les commandants devront toutefois faire l’objet d’une révision par un juge militaire dans les meilleurs délais. La procédure relative au dépôt d’une telle dénonciation est prévue par règlement 37.

2.5.7  Sécurité de la victime (art. 18 du projet de loi)

Les articles 158 à 159.9 de la LDN dictent les règles applicables suivant l’arrestation d’une personne sous le régime de la LDN 38. Aux termes du paragraphe 158(1), le prévenu doit être remis en liberté dès que possible à moins qu’il y ait des motifs raisonnables de croire que la détention avant procès est nécessaire compte tenu de la gravité de l’acte reproché ou de la nécessité d’établir l’identité du prévenu, de recueillir ou conserver des éléments de preuve, d’assurer sa comparution, de prévenir la perpétration ou la continuation d’une infraction ou, encore, d’assurer la sécurité du prévenu ou de toute autre personne. Le libellé actuel de l’alinéa 158(1)f) semble déjà permettre la prise en compte de la sécurité de la victime de l’infraction, étant donné qu’il précise « ou de toute autre personne ». Cependant, l’article 18 du projet de loi énonce cette idée explicitement en ajoutant les mots « de toute victime de l’infraction » devant « ou de toute autre personne ».

2.5.8  Prise en compte de la sécurité de la victime dans la prise de décision visant la liberté provisoire et le droit d’obtenir une copie de l’ordonnance de libération (art. 19 et 23 du projet de loi)

Lorsque le prévenu est détenu en attente d’un procès, l’officier chargé de réviser le bien-fondé de sa détention, l’officier réviseur 39, peut assortir la libération provisoire de conditions (p. ex. demeurer sous autorité militaire ou rester à l’intérieur d’une région précise) en conformité avec l’article 158.6 de la LDN. L’article 19 du projet de loi précise que l’officier réviseur qui ordonne la libération inconditionnelle ou sous condition du prévenu doit indiquer qu’il a pris en considération la sécurité de la victime dans son examen visant la mise en liberté provisoire et l’imposition de conditions (nouveau par. 158.6(1.1) de la LDN). La modification proposée à l’article 19 permet par ailleurs à la victime qui en fait la demande d’obtenir une copie de l’ordonnance de libération provisoire (nouveau par. 158.6(1.2) de la LDN).

Des modifications similaires sont aussi apportées à l’article 159.7 de la LDN (art. 23 du projet de loi). Par conséquent, pour décider s’il faut maintenir un prévenu en détention ou ordonner sa libération provisoire, le juge militaire doit tenir compte de la sécurité de la victime (nouveau par. 159.7(2)). Tout comme les modifications apportées au paragraphe 158.6(3) de la LDN, le nouveau paragraphe 159.7(3) exige du juge militaire qu’il remette une copie de l’ordonnance à la victime qui en fait la demande.

2.5.9  Restreindre les communications du prévenu pendant sa détention préventive (art. 20 et 22 du projet de loi)

Lorsque la personne qui effectue une arrestation décide de maintenir le prévenu en détention, un officier réviseur est chargé d’évaluer le bien-fondé de la détention conformément à l’article 158.2 de la LDN. S’il détermine que le maintien en détention du prévenu n’est pas ou n’est plus justifié, il doit ordonner sa mise en liberté avec ou sans condition. L’officier réviseur peut imposer plusieurs conditions à la libération de la personne, dont celle de s’abstenir de communiquer avec tout témoin ou toute autre personne expressément nommée dans l’ordonnance (par. 158.6(1) de la LDN). Le projet de loi C-77 ajoute l’article 158.61 à la LDN. Celui-ci prévoit que l’officier réviseur peut imposer une condition similaire lorsqu’il décide d’ordonner le maintien en détention du prévenu. Comme c’est le cas lorsque la libération est subordonnée à une telle condition, l’interdiction s’applique à toute communication, qu’elle soit directe ou indirecte.

Aux termes de l’article 159 de la LDN, l’officier réviseur doit, dans les meilleurs délais, faire comparaître le prévenu devant un juge militaire pour une audition visant à déterminer s’il doit être maintenu en détention ou libéré. Selon l’article 159.1 de la LDN, le juge doit ordonner la mise en liberté du prévenu, sauf si l’avocat des FAC ou la personne désignée par l’officier réviseur lui fait valoir des motifs justifiant son maintien en détention. À l’instar de l’officier réviseur, le juge militaire qui ordonne la libération du prévenu peut imposer diverses conditions à sa libération (énoncées à l’art. 158.6 de la LDN), dont l’interdiction de communiquer avec toute personne précisée dans l’ordonnance. Le projet de loi C-77 ajoute l’article 159.31 à la LDN afin que le juge militaire puisse également ordonner au prévenu de s’abstenir de communiquer pendant son incarcération avec toute personne précisée dans l’ordonnance 40.

2.6  Mesures visant à faciliter les témoignages devant les juges militaires (art. 7 et 28 et par. 63(21) du projet de loi)

Selon le nouvel article 71.09 de la LDN, toute victime a le droit de demander des mesures visant à faciliter les témoignages lorsqu’elle comparaît comme témoin.

De plus, comme nous l’avons vu plus haut, la victime peut présenter sa déclaration par télévision en circuit fermé, pourvu que des dispositions soient prises pour que le contrevenant et la cour martiale puissent la visionner et que le contrevenant puisse communiquer avec son avocat pendant qu’il la visionne (nouveaux art. 183.2 et par. 203.7(4) de la LDN).

2.6.1  Audience tenue à huis clos devant un juge militaire (par. 63(24) du projet de loi)

Le projet de loi C-77 modifie l’article 180 de la LDN, qui prévoit que les délibérations de la cour martiale se déroulent en principe en public et précise les circonstances dans lesquelles le juge militaire peut ordonner le huis clos. L’article modifié dispose que, comme les délibérations de la cour martiale, certaines autres procédures devant un juge militaire (p. ex. les demandes d’ordonnance de s’abstenir de communiquer) se déroulent en principe en public (nouveau par. 180(1) de la LDN41.

Le paragraphe 180(2) est modifié pour prévoir que le juge militaire peut ordonner le huis clos total ou partiel ou ordonner que le témoin témoigne derrière un écran ou tout autre dispositif, sur demande du procureur de la poursuite, d’un témoin ou de sa propre initiative (pas sur demande de l’accusé). La disposition en vigueur ne précise pas qui peut présenter la demande 42.

À l’heure actuelle, l’article 180 de la LDN n’énonce pas les facteurs devant être pris en compte pour déterminer s’il convient d’ordonner le huis clos. Le nouveau paragraphe 180(3) énumère les facteurs dont le juge militaire doit tenir compte pour décider si le huis clos est dans l’intérêt de la bonne administration de la justice militaire (incitation à dénoncer des infractions d’ordre militaire, sauvegarde des intérêts des témoins âgés de moins de 18 ans, etc.). La disposition confère aussi au juge militaire le pouvoir discrétionnaire de prendre en considération tout autre facteur non énuméré qu’il estime pertinent (par. 63(24) du projet de loi).

Cette disposition diffère à certains égards de la disposition correspondante du Code criminel, soit l’article 486, lequel permet non seulement le huis clos complet, mais aussi l’exclusion de certains membres du public de l’ensemble ou d’une partie de la procédure.

Comme à l’article 486 du Code criminel, la décision d’accorder ou non une ordonnance de huis clos ne peut donner lieu à des conclusions défavorables. Le juge militaire doit exposer les motifs de sa décision s’il rejette la demande de huis clos, et si l’accusation vise certaines infractions du Code criminel dont la plupart concernent des crimes de nature sexuelle ou la traite des personnes (nouveau par. 180(5) de la LDN43.

2.6.2  Communication à l’accusé de dossiers de tiers dans les cas d’infraction d’ordre sexuel (art. 27 du projet de loi)

L’article 27 ajoute des dispositions à la LDN concernant la communication de dossiers de tiers dans les procédures devant un juge militaire. À l’heure actuelle, la LDN ne prévoit rien à cet égard. Les nouvelles dispositions sont presque identiques à celles du Code criminel édictées par la Loi sur la Charte des droits des victimes.

Les « dossiers de tiers » sont des dossiers contenant des renseignements personnels sur la victime ou d’autres témoins, au sujet desquels il existe une attente raisonnable en matière de protection de la vie privée, détenus par une personne autre que le procureur de la poursuite ou la défense 44. En font partie le dossier médical, psychiatrique ou thérapeutique, le dossier tenu par les services d’aide à l’enfance, les services sociaux ou les services de consultation, le dossier relatif aux antécédents professionnels, à l’adoption et aux études, ainsi que les journaux intimes. Le document contenant des renseignements personnels dont la communication est protégée par une loi fédérale ou une loi provinciale est aussi visé par la définition, alors que les dossiers produits par le responsable de l’enquête ou de la poursuite relativement à l’infraction d’ordre militaire ne le sont pas (nouvel art. 180.01 de la LDN).

Dans les poursuites pénales, le procureur de la poursuite est tenu de communiquer les dossiers d’enquête à l’accusé, mais les tiers en possession de dossiers n’ont pas cette obligation. Le Code criminel prévoit une procédure en deux étapes pour la communication de dossiers contenant des renseignements personnels : la première consiste à déterminer si les dossiers doivent être remis à la cour, et la seconde, à déterminer si le juge doit ordonner que les dossiers soient communiqués à l’accusé 45.

Bien que le droit à une défense pleine et entière soit, conformément à l’article 7 et à l’alinéa 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés, un principe de base de justice fondamentale, dans le contexte de la communication de dossiers dans une cause concernant des infractions d’ordre sexuel, ce droit n’autorise pas automatiquement l’accusé à accéder aux renseignements contenus dans les dossiers privés des plaignants et des témoins. Les tribunaux évaluent la portée du droit à une défense pleine et entière en fonction des circonstances particulières de chaque cas et en cherchant à atteindre un équilibre entre ce droit et les droits à la vie privée et à l’égalité des plaignants et des témoins 46.

Le projet de loi C-77 instaure dans la LDN un régime similaire pour les cours martiales. Les principales différences entre les dispositions du Code criminel et celles du projet de loi C-77 concernant les dossiers des victimes sont exposées aux sections 2.6.2.1 à 2.6.2.4.

2.6.2.1  Infractions pour lesquelles les dossiers d’un plaignant ou d’un témoin ne peuvent pas être communiqués

Le nouveau paragraphe 180.02(1) de la LDN énumère la liste des infractions (les infractions admissibles) pour lesquelles les dossiers se rapportant à un plaignant détenus par un tiers ne peuvent être communiqués à un accusé comparaissant devant la cour martiale que conformément à la procédure prévue aux nouveaux articles 180.03 à 180.08 de la LDN. Les infractions admissibles comprennent les infractions d’ordre sexuel à l’égard d’enfants, l’inceste, la prostitution, les actions indécentes, les agressions sexuelles et d’autres infractions d’ordre sexuel. Le projet de loi inclut également toutes les infractions historiques d’ordre sexuel énumérées dans le Code criminel qui auraient constitué des infractions admissibles si elles avaient été perpétrées à la date d’entrée en vigueur de la nouvelle définition ou après celle-ci. Le nouvel article 180.02 de la LDN est très semblable, sans pour autant être identique, à la disposition équivalente du Code criminel.

Les nouveaux paragraphes 180.02(2) et 180.02(3) de la LDN apportent les précisions suivantes :

  • Si le dossier est en la possession ou sous le contrôle du procureur de la poursuite, celui-ci doit en informer l’accusé, mais il ne peut communiquer le contenu du dossier.
  • Le plaignant ou le témoin peut renoncer à l’application des dispositions visant les dossiers de tiers (il permet ainsi au procureur de la poursuite de fournir le dossier à l’accusé).
2.6.2.2  La demande de communication de dossiers

La demande de communication de dossiers est formulée par écrit; elle permet de reconnaître le dossier et la personne qui l’a en sa possession ou sous son contrôle et elle donne les motifs étayant la demande de communication. L’accusé doit démontrer que le dossier est « vraisemblablement pertinent » quant à un point en litige ou à l’habileté d’un témoin à témoigner (nouveau par. 180.03(2) de la LDN). Le nouveau paragraphe 180.03(3) de la LDN énumère une série d’affirmations qui ne suffisent pas en soi à démontrer que le dossier est vraisemblablement pertinent, par exemple le fait que le dossier se rapporte à un traitement médical ou à une thérapie, à l’objet du litige ou à la crédibilité du témoin.

Le nouveau paragraphe 180.03(4) de la LDN exige que la demande de communication de dossiers de tiers soit signifiée au procureur de la poursuite, à la personne qui a le dossier en sa possession ou sous son contrôle, au plaignant, au témoin et à toute autre personne à laquelle, à la connaissance de l’accusé, le dossier se rapporte. La signification doit être faite au moins 14 jours avant l’audience de la demande. Le juge militaire conserve le pouvoir discrétionnaire d’autoriser que la demande soit faite dans un délai inférieur si cela sert l’intérêt de la justice militaire et il peut ordonner à tout moment que la demande soit signifiée à toute personne à laquelle, à son avis, le dossier se rapporte (nouveau par. 180.03(5) de la LDN).

2.6.2.3  Le processus

L’audience visant à décider si le dossier devrait être communiqué au juge militaire se tient à huis clos (nouvel par. 180.04(1) de la LDN). Par audience « à huis clos », on entend une audience à laquelle toutes les parties sont présentes, mais dont le public est exclu 47.

La personne qui a le dossier en sa possession ou sous son contrôle, le plaignant ou le témoin et toute autre personne à laquelle le dossier se rapporte peuvent comparaître et présenter leurs arguments, sans toutefois être obligés de témoigner (nouveau par. 180.04(2) de la LDN). Le juge militaire est tenu d’aviser, dans les meilleurs délais, les personnes admises à comparaître de leur droit d’être représentées par un avocat (nouveau par. 180.04(3) de la LDN).

Le nouvel article 180.05 de la LDN précise les conditions et les facteurs que le juge militaire prend en ligne de compte pour décider si le dossier doit lui être communiqué pour qu’il l’examine. Le juge militaire peut ordonner la communication du dossier dans les circonstances suivantes :

  • la demande répond aux exigences formulées aux paragraphes 180.03(2) à 180.03(5), qui portent notamment sur la forme, le contenu et la signification;
  • l’accusé a démontré que le dossier est vraisemblablement pertinent quant à un point en litige ou à l’habileté d’un témoin à témoigner;
  • la communication du dossier sert les intérêts de la justice militaire.

Pour décider si le document doit être communiqué, le juge militaire est tenu, au titre du nouveau paragraphe 180.05(2), de prendre en considération les effets bénéfiques et préjudiciables qu’entraînera sa décision, d’une part, sur le droit de l’accusé à une défense pleine et entière et, d’autre part, sur le droit à la vie privée, à l’égalité et à la sécurité de toute autre personne à laquelle le dossier se rapporte. Le nouveau paragraphe énonce huit facteurs que le juge militaire doit prendre en ligne de compte, notamment la mesure dans laquelle le dossier est nécessaire pour permettre à l’accusé de présenter une défense et la question de savoir si sa communication reposerait sur une croyance ou un préjugé discriminatoire.

Si le juge militaire conclut que le dossier doit être communiqué pour qu’il l’examine lui-même, l’examen a lieu en l’absence des parties. Une audience à huis clos peut être tenue si le juge militaire l’estime utile pour décider si le dossier doit être communiqué à l’accusé (nouvel art. 180.06 de la LDN).

Le nouvel article 180.07 énonce les facteurs que le juge militaire prend en considération pour décider si le dossier, en tout ou en partie, doit être communiqué à l’accusé et dresse la liste des conditions dont l’ordonnance peut être assortie. Si le juge militaire est convaincu que le dossier est vraisemblablement pertinent quant à un point en litige ou à l’habileté d’un témoin à témoigner et que sa communication sert les intérêts de la justice militaire, il peut ordonner que le dossier soit communiqué à l’accusé (nouveau par. 180.07(1) de la LDN). Les facteurs à prendre en considération sont les mêmes que ceux énoncés au nouveau paragraphe 180.05(2) de la LDN, qui porte sur la communication ou non d’un dossier aux fins d’examen par le juge. Si le juge militaire ordonne que le dossier soit communiqué, il peut assortir l’ordonnance de communication de conditions visant à protéger l’intérêt de la justice militaire ainsi que les intérêts en matière de droit à la vie privée, d’égalité et de sécurité de la personne à laquelle le dossier se rapporte. La liste de conditions établie au paragraphe 180.07(3) de la LDN n’est pas exhaustive.

Si un dossier est communiqué à l’accusé, le juge militaire doit ordonner qu’une copie soit aussi remise au procureur de la poursuite, sauf si cette mesure est contraire aux intérêts de la justice militaire (nouveau par. 180.07(4) de la LDN). Pareils dossiers ne peuvent pas être utilisés devant une juridiction disciplinaire, criminelle, administrative ou civile (nouveau par. 180.07(5) de la LDN).

Selon le nouvel article 180.08 de la LDN, le juge militaire est tenu de motiver par écrit sa décision d’ordonner ou non la communication du rapport.

2.6.2.4  Infractions visant la communication de dossiers de tiers

Le projet de loi C-77 ajoute à la LDN l’article 303, qui érige en infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire le fait de publier, de diffuser ou de transmettre, de quelque façon que ce soit :

  • le contenu de la demande de communication d’un dossier de tiers;
  • tout ce qui a été dit ou présenté en preuve à l’occasion de l’audience sur une telle demande;
  • la décision visant une telle demande rendue par le juge militaire et les motifs de la décision, sauf si le juge militaire l’autorise.

2.6.3  Personnes de confiance pour les témoins (art. 28 du projet de loi)

L’article 28 du projet de loi ajoute des dispositions à la LDN afin d’autoriser certains témoins à recevoir l’appui d’une personne de confiance les accompagnant pendant qu’ils témoignent dans une procédure devant un juge militaire. Ces dispositions sont presque identiques aux dispositions correspondantes du Code criminel.

Aux termes de l’article 183.1 de la LDN, dans certains cas, une personne de confiance peut être présente aux côtés du témoin lorsqu’il témoigne. Si le témoin a moins de 18 ans ou est atteint d’une déficience physique ou mentale, le juge militaire doit rendre l’ordonnance prévue à cet article à la demande du procureur de la poursuite ou du témoin, sauf s’il est d’avis que cela nuirait à la bonne administration de la justice (nouveau par. 183.1(1) de la LDN).

Pour tous les autres témoins, le juge militaire peut autoriser la présence d’une personne de confiance à leurs côtés lors de leur témoignage s’il est d’avis que cela faciliterait l’obtention d’un récit complet et franc et serait par ailleurs dans l’intérêt de la bonne administration de la justice (nouveau par. 183.1(2) de la LDN). La demande visant à ce qu’une personne de confiance soit présente peut être formulée par le procureur de la poursuite ou le témoin. Le nouveau paragraphe 183.1(3) de la LDN précise les facteurs à considérer, notamment l’âge du témoin et la nécessité de l’ordonnance pour assurer la sécurité ou la protection du témoin.

Un témoin ne peut pas agir comme personne de confiance, sauf si le juge est d’avis que la bonne administration de la justice l’exige (nouveau par. 183.1(4) de la LDN). Le juge peut interdire toute communication entre la personne de confiance et le témoin pendant que celui-ci témoigne. La décision d’autoriser ou non la présence d’une personne de confiance ne peut donner lieu à des conclusions défavorables (nouveaux par. 183.1(5) et 183.1(6) de la LDN).

2.6.4  Témoignage à l’extérieur de la salle d’audience ou derrière un écran ou un autre dispositif (art. 28 du projet de loi)

L’article 112.33 des ORFC prévoit qu’un témoin peut témoigner à l’extérieur de la salle d’audience ou derrière un écran à certaines conditions. Cet article l’autorise seulement pour certaines infractions, la plupart d’ordre sexuel, et si le plaignant ou le témoin est soit âgé de moins de 18 ans au moment du procès, soit atteint d’une déficience mentale ou physique. Dans pareils cas, si le juge estime qu’une telle ordonnance est nécessaire pour obtenir un récit complet et franc, il peut ordonner que le plaignant ou le témoin témoigne soit à l’extérieur de la salle d’audience en présence du procureur de la poursuite et de l’avocat de l’accusé, soit derrière un écran ou un dispositif qui permet au plaignant de ne pas voir l’accusé. L’ordonnance est accordée seulement si l’accusé et la cour peuvent voir et entendre le témoignage et si le procureur de la poursuite et l’avocat de l’accusé peuvent simultanément voir la cour et communiquer avec elle. L’accusé doit aussi être en mesure de communiquer avec son avocat pendant le témoignage.

Le nouvel article 183.2 de la LDN comprend des dispositions essentiellement équivalentes à celles de l’article 486.2 du Code criminel, qui porte sur les témoignages rendus à l’extérieur des salles d’audience ou derrière un écran ou un autre dispositif (art. 28 du projet de loi). Ces nouvelles dispositions remplacent celles de l’article 112.33 des ORFC.

Le nouvel article 183.2 de la LDN étend à d’autres personnes la possibilité de témoigner à l’extérieur de la salle d’audience ou derrière un écran ou un autre dispositif. Une telle ordonnance doit être rendue si elle est demandée par le procureur de la poursuite ou le témoin, à la condition que ce dernier soit âgé de moins de 18 ans ou qu’il ait de la difficulté à témoigner en raison d’une déficience mentale ou physique, sauf si le juge militaire est d’avis que cela nuirait à la bonne administration de la justice militaire (nouveau par. 183.2(1) de la LDN). À l’heure actuelle, le juge militaire peut rendre une telle ordonnance, mais il n’est pas tenu de le faire.

Le nouvel article permet au juge militaire de rendre une telle ordonnance à l’égard d’un témoin pour faciliter l’obtention d’un récit complet et franc des faits ou si, par ailleurs, l’ordonnance est dans l’intérêt de la bonne administration de la justice militaire (nouveau par. 183.2(2) de la LDN). Le nouveau paragraphe 183.2(3) précise les facteurs que le juge militaire prend en considération pour décider s’il doit rendre l’ordonnance. Il s’agit des mêmes facteurs que ceux prévus au nouvel article 183.1 à l’égard des personnes de confiance, mais deux facteurs y sont ajoutés : la nécessité de l’ordonnance pour protéger l’identité : 1) d’un agent d’infiltration ou d’une personne qui a agi, agit ou agira secrètement sous la direction d’un agent de la paix; 2) d’un témoin qui a des responsabilités liées à la sécurité nationale ou au renseignement. Le juge militaire peut ordonner l’audition d’un témoin de la manière établie au paragraphe 183.2(2) – à l’extérieur de la salle d’audience ou dernière un écran – pour déterminer s’il devrait accorder l’ordonnance prévue au nouveau paragraphe 183.2(2) (nouveau par. 183.2(4) de la LDN).

Le témoignage ne peut être donné à l’extérieur de la salle d’audience que si la possibilité est donnée à l’accusé, au juge militaire et au comité de la cour martiale générale, si une telle cour est convoquée, de visionner le témoignage et que si l’accusé peut communiquer avec son avocat pendant qu’il le visionne (nouveau paragraphe 183.2(5) de la LDN). La décision d’accorder ou non pareille ordonnance ne peut donner lieu à des conclusions défavorables (nouveau par. 183.2(6) de la LDN).

2.6.5  Contre‑interrogatoire des témoins par l’accusé (art. 28 du projet de loi)

L’article 28 du projet de loi ajoute en outre des dispositions à la LDN afin d’interdire à l’accusé non représenté de procéder lui même au contre interrogatoire de certains témoins. Dans de tels cas, le juge militaire ordonne au directeur du service d’avocats de la défense de fournir les services d’un avocat pour qu’il procède au contre interrogatoire. Les dispositions sont pour l’essentiel les mêmes que celles prévues à l’article 486.3 du Code criminel. Les témoins sont classés en trois catégories :

  • Les témoins de moins de 18 ans : sur demande du procureur de la poursuite, le juge militaire doit rendre l’ordonnance, sauf s’il est d’avis que la bonne administration de la justice exige que l’accusé procède lui même au contre interrogatoire du témoin (nouveau par. 183.3(1) de la LDN).
  • Les victimes de certaines infractions : sur demande du procureur de la poursuite dans les procédures relatives à une infraction de harcèlement criminel ou d’agression sexuelle (art. 264 ou 271 à 273 du Code criminel), le juge militaire doit rendre l’ordonnance, sauf s’il est d’avis que la bonne administration de la justice exige que l’accusé procède lui même au contre interrogatoire du témoin (nouveau par. 183.3(2) de la LDN).
  • Les autres témoins : sur demande du procureur de la poursuite, la cour peut rendre l’ordonnance si cette dernière permet d’obtenir du témoin un récit complet et franc des faits sur lesquels est fondée l’accusation ou si elle est, par ailleurs, dans l’intérêt de la bonne administration de la justice (nouveau par. 183.3(3) de la LDN). Les facteurs à considérer sont alors les mêmes que ceux prévus à la disposition correspondante du Code criminel et que ceux à prendre en considération pour décider s’il faut autoriser la présence d’une personne de confiance au titre du paragraphe 183.1(3) (nouveau par. 183.3(4) de la LDN).

Soulignons que les services d’un avocat de la défense sont d’ordinaire fournis gratuitement aux membres des FAC lorsqu’une accusation est déférée à l’autorité de renvoi. Cette façon de faire diffère du régime civil, où les services d’un avocat sont fournis seulement si l’accusé remplit certaines conditions, s’il a, par exemple, un faible revenu 48.

2.6.6  Protection de l’identité des témoins (art. 28 du projet de loi)

L’article 28 du projet de loi crée un nouveau type d’ordonnance judiciaire à laquelle le juge militaire peut avoir recours afin d’interdire la divulgation, dans le cadre d’une instance relative à une infraction d’ordre militaire, de tout renseignement qui permettrait d’établir l’identité d’un témoin si cela est dans l’intérêt de la bonne administration de la justice (nouvel art. 183.4 de la LDN). Les dispositions sont sensiblement les mêmes que celles de l’article 486.1 du Code criminel, édicté par la Loi sur la Charte canadienne des droits des victimes. Selon cette nouvelle mesure, l’identité d’un témoin ne serait pas divulguée à l’accusé, ni à son avocat ni au grand public.

Pour décider s’il doit rendre une ordonnance protégeant l’identité d’un témoin, le juge militaire prend en considération différents facteurs, notamment le droit de l’accusé à un procès public et équitable, la sécurité du témoin et l’intérêt de la société à encourager la dénonciation des infractions d’ordre militaire et la participation des victimes et des témoins au processus. Le juge militaire peut également prendre en considération tout autre facteur qu’il estime pertinent (nouveau par. 183.4(3) de la LDN).

Le juge militaire peut tenir une audience pour décider si l’ordonnance demandée doit être rendue, et cette audience peut être tenue à huis clos (nouveau par. 183.4(2) de la LDN). Le fait qu’une telle ordonnance soit ou non rendue ne peut donner lieu à des conclusions défavorables (nouveau par. 183.4(4) de la LDN).

2.6.7  Ordonnances de non‑publication (art. 23 et 28 du projet de loi)

Les nouveaux articles 183.5 et 183.6 de la LDN prévoient que des ordonnances de non-publication peuvent être rendues (voir le tableau 1 ci-dessous 49). Ce type d’ordonnance interdit la publication, la diffusion ou la communication par quelque moyen que ce soit de l’identité d’un plaignant ou d’un témoin (ou de renseignements pouvant mener à son identification). Les dispositions sont presque identiques à celles du Code criminel.

Tableau 1 – Explication des différents types d’ordonnance de non-publication
Infraction Personnes visées par les renseignements Nature obligatoire ou discrétionnaire de l’ordonnance Disposition pertinente de la Loi sur la Défense nationale Autres observations
Infractions précisées (principalement d’ordre sexuel) a Témoins âgés d’au moins 18 ans Discrétionnaire Par. 183.5(1) -
Infractions précisées (principalement d’ordre sexuel) a Témoins âgés de moins de 18 ans et victimes Obligatoire si la demande est présentée par la victime, le procureur de la poursuite ou un témoin âgé de moins de 18 ans; discrétionnaire dans les autres cas Par. 183.5(1) et 183.5(2) Le juge militaire est tenu d’aviser les témoins de moins de 18 ans et les victimes de leur droit de demander l’ordonnance
Infractions d’ordre militaire autres que les infractions précisées Victimes âgées de moins de 18 ans Obligatoire si la demande est présentée par la victime ou le procureur de la poursuite; discrétionnaire dans les autres cas Par. 183.5(3) et 183.5(4) Le juge militaire est tenu d’aviser les victimes âgées de moins de 18 ans de leur droit de demander l’ordonnance
Pornographie juvénile (art. 163.1 du Code criminel) Témoin âgé de moins de 18 ans ou personne faisant l’objet de la pornographie juvénile Obligatoire Par. 183.5(5) -
Toute infraction (dans les cas autres que ceux visés à l’art. 183.5) Victime ou témoin de tout âge Discrétionnaire Par. 183.6(1) Le juge militaire doit être d’avis que l’ordonnance est dans l’intérêt de la bonne administration de la justice militaire
Infractions précisées liées au crime organisé, au terrorisme et à des entités étrangères Personne associée au système de justice militaire b Discrétionnaire Par. 183.6(2) Le juge militaire doit être d’avis que l’ordonnance est dans l’intérêt de la bonne administration de la justice militaire

Notes :

  1. Bien que le libellé de la note marginale de l’article 183.5 soit « Ordonnance limitant la publication – infractions d’ordre sexuel », certaines des infractions précisées – l’enlèvement de mineurs, l’extorsion et la perception à un taux criminel – ne sont pas d’ordre sexuel (art. 280, 281, 346 et 347 du Code criminel). [ Return to text ]
  2. Le projet de loi C-77 ajoute la définition de « personne associée au système de justice militaire » à l’article 2 de la LDN. Le terme vise toute personne jouant un rôle dans l’administration de la justice militaire, notamment le ministre de la Défense nationale, le juge avocat général, divers militaires responsables de certains aspects de la justice militaire et les témoins. [ Return to text ]

Source : Tableau préparé par les auteures à partir des articles 183.5 et 183.6 du projet de loi C-77, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois, 1re session, 42e législature (L.C. 2019, ch.15).

Le nouvel article 183.6 de la LDN régit les ordonnances de non publication dans les cas où le nouvel article 183.5 ne s’applique pas. La demande doit énoncer les motifs invoqués pour montrer que l’ordonnance servirait la bonne administration de la justice militaire (nouveau par. 183.6(6)). Le juge militaire peut tenir une audience pour décider s’il doit rendre l’ordonnance de non-publication en vertu du nouvel article 183.6; cette audience peut être tenue à huis clos (nouveau par. 183.6(7) de la LDN). Le nouveau paragraphe 183.6(8) énonce un certain nombre de facteurs que le juge militaire prend en considération pour décider s’il doit rendre l’ordonnance de non publication, comme le droit à un procès équitable et le risque de préjudice à une personne si son identité était révélée. Le juge peut assortir l’ordonnance de conditions (nouveau par. 183.6(9) de la LDN).

Contrairement à la disposition équivalente du Code criminel (art. 486.5), qui fixe les exigences procédurales (par écrit, notification, etc.), le nouveau paragraphe 183.6(5) de la LDN dispose que la procédure à suivre dans le système de justice militaire doit être établie par règlement.

2.6.8  Ordonnance générale pour la sécurité d’un témoin (art. 28 du projet de loi)

Le nouvel article 183.7 de la LDN confère au juge militaire le pouvoir de rendre, sur demande du procureur de la poursuite ou d’un témoin ou de sa propre initiative, une ordonnance pour la sécurité d’un témoin, autre que celle visée à l’article 180 de la LDN (huis clos). Pour rendre une telle ordonnance, le juge doit être d’avis qu’elle est nécessaire pour assurer la sécurité du témoin et qu’elle est par ailleurs dans l’intérêt de la bonne administration de la justice militaire. Le juge militaire doit prendre en considération un certain nombre de facteurs, notamment l’âge du témoin et le droit à un procès public et équitable, de même que tout autre facteur qu’il estime pertinent.

2.7  Plaidoyers (art. 29 et 30 du projet de loi)

À l’heure actuelle, l’article 191.1 de la LDN et diverses dispositions des ORFC prévoient la procédure afférente aux plaidoyers. L’article 191.1 est abrogé par l’article 30 du projet de loi. Le nouvel article 189.1 le remplace, et il traite de certaines questions qui sont actuellement régies par les ORFC. Le projet de loi C-77 rend la disposition sur les plaidoyers de culpabilité semblable à la disposition équivalente du Code criminel (art. 606); il existe quelques différences entre les deux dispositions, mais elles n’ont pour la plupart pas trait au fond.

Le nouveau paragraphe 189.1(1) de la LDN dispose que l’accusé peut, lorsqu’il est appelé à présenter un plaidoyer, s’avouer coupable, nier sa culpabilité ou inscrire tout autre plaidoyer prévu par règlement (par exemple non criminellement responsable) 50. Ce nouveau paragraphe permet l’acceptation du plaidoyer de culpabilité après le début du procès 51. Le nouveau paragraphe 189.1(2) de la LDN permet au juge militaire assigné à présider la cour martiale de recevoir le plaidoyer de culpabilité de l’accusé à l’égard de toute accusation et – s’il n’y a pas d’autres accusations devant la cour martiale où les plaidoyers de non-culpabilité ont été enregistrés – de déterminer la peine une fois la cour martiale convoquée, mais avant le début du procès. Contrairement au paragraphe 606(5) du Code criminel, qui autorise l’utilisation de la télévision en circuit fermé et la comparution de l’avocat au nom de l’accusé pour l’inscription du plaidoyer, le nouvel article 189.1 de la LDN interdit le recours à la télécomparution pour l’inscription d’un plaidoyer dans le système de justice militaire.

Le juge militaire ne peut accepter un plaidoyer de culpabilité que s’il est convaincu que les conditions ci-après sont remplies :

  • Le prévenu fait volontairement le plaidoyer.
  • Il comprend qu’il admet ainsi les éléments essentiels de l’infraction d’ordre militaire en cause.
  • Il comprend la nature et les conséquences de sa décision.
  • Il comprend que le juge militaire n’est lié par aucun accord qu’il aurait conclu avec le procureur de la poursuite (nouveau par. 189.1(3) de la LDN52.

Cependant, l’omission du juge militaire de procéder à un examen approfondi pour vérifier que les conditions exposées ci-dessus sont remplies ne porte pas atteinte à la validité du plaidoyer (nouveau par. 189.1(4) de la LDN).

En cas de refus de plaider ou de non réponse de l’accusé, le plaidoyer inscrit est réputé être un plaidoyer de non culpabilité (nouveau par. 189.1(5) de la LDN53. Le juge militaire a le pouvoir discrétionnaire d’accorder à l’accusé un délai plus long pour plaider, pour préparer sa défense ou pour d’autres motifs (nouveau par. 189.1(6) de la LDN). Le juge militaire peut, avec le consentement du procureur de la poursuite, accepter le plaidoyer de culpabilité de l’accusé qui, tout en niant sa culpabilité à l’égard de l’infraction d’ordre militaire dont il est inculpé, s’avoue coupable d’une autre infraction d’ordre militaire se rapportant à la même affaire, et le juge doit alors déclarer l’accusé non coupable de l’autre infraction dont il est inculpé (nouveau par. 189.1(7) de la LDN) 54.

Si le juge militaire accepte un plaidoyer de culpabilité à l’égard d’une « infraction grave contre la personne », il est tenu de s’enquérir auprès du procureur de la poursuite si des mesures raisonnables ont été prises pour informer la victime de tout accord conclu entre le procureur et l’accusé (nouveau par. 189.1(8) de la LDN). Le nouveau paragraphe 189.1(12) de la LDN définit la notion d’« infraction grave contre la personne ». Cette définition vise un certain nombre d’infractions d’ordre sexuel prévues au Code criminel. Y sont incluses les infractions graves (soit celles punissables d’un emprisonnement maximal de cinq ans) ainsi qu’un certain nombre d’infractions visées par la LDN, si l’une ou l’autre des conditions suivantes sont remplies :

  • Il y a eu utilisation de violence ou tentative d’utiliser la violence contre une autre personne.
  • Il y a eu un comportement qui met ou risque de mettre en danger la vie ou la sécurité d’une autre personne ou qui inflige ou risque d’infliger des dommages psychologiques graves à une autre personne 55.

S’il s’agit d’une infraction grave autre qu’une infraction grave contre la personne, le juge est tenu, après avoir accepté le plaidoyer de culpabilité, de s’enquérir auprès du procureur de la poursuite si une victime a avisé ce dernier de son désir d’être informée de la conclusion de tout accord entre le procureur de la poursuite et l’accusé. Si un accord a été conclu, le juge est tenu de s’enquérir si des mesures raisonnables ont été prises pour informer la victime de l’accord (nouveau par. 189.1(9) de la LDN).

Si les nouveaux paragraphes 189.1(8) ou 189.1(9) de la LDN s’appliquent et que la victime n’a pas été informée de la conclusion de l’accord avant l’acceptation du plaidoyer de culpabilité, le procureur de la poursuite a l’obligation, dans les meilleurs délais, de prendre les mesures raisonnables pour ce faire et pour aviser la victime de l’acceptation du plaidoyer (nouveau par. 189.1(10) de la LDN). Toutefois, ni l’omission par le juge militaire de s’enquérir auprès du procureur de la poursuite ni l’omission par ce dernier de prendre des mesures raisonnables pour informer la victime de l’accord ne porte atteinte à la validité du plaidoyer (nouveau par. 189.9(11) de la LDN).

2.8  Prise en considération de la sécurité de la victime lors de la suspension de l’exécution de la peine (par. 63(25) du projet de loi)

Le paragraphe 63(25) du projet de loi C-77 modifie l’article 215 de la LDN, disposition qui permet la suspension d’une peine d’emprisonnement ou de détention par la cour martiale ou la Cour d’appel de la cour martiale 56. Le projet de loi C-77 dispose qu’en cas de suspension de l’exécution de la peine, il doit être indiqué dans la décision que la cour martiale ou la Cour d’appel de la cour martiale, selon le cas, a pris en considération la sécurité de la victime de l’infraction (nouveau par. 215(1.1) de la LDN). En outre, une copie de la décision doit être remise à la victime qui en fait la demande (nouveau par. 215(1.2) de la LDN).

2.9  Droit d’appel de la décision d’une cour martiale (art. 37 et 38 du projet de loi)

L’article 230 de la LDN énumère les motifs que les personnes assujetties au CDM peuvent invoquer pour interjeter appel, auprès de la Cour d’appel de la cour martiale, d’un verdict de culpabilité prononcé par une cour martiale. L’article 37 du projet de loi ajoute un motif d’appel permettant de contester la légalité de la décision de ne pas rendre l’ordonnance en vertu du paragraphe 180.05(1) de la LDN ou de rendre ou non l’ordonnance visée au nouveau paragraphe 180.07(1), qui ont toutes deux trait à la communication de dossiers de tiers. De façon similaire, l’article 38 du projet de loi modifie l’article 230.1 de la LDN pour donner à la poursuite le pouvoir d’interjeter appel de la décision du juge militaire de rendre les ordonnances visées à l’un ou l’autre de ces deux paragraphes.

2.10  Nouveau système d’audiences sommaires (art. 24 et 25 du projet de loi)

À l’heure actuelle, comme nous l’avons déjà vu, les accusations portées dans le cadre du système de justice militaire sont traitées soit par procès sommaire, soit par procès devant une cour martiale. Les procès sommaires sont présidés par un commandant, son officier délégué ou un commandant supérieur. Ils portent d’ordinaire sur des infractions mineures et ils offrent moins de protections procédurales. Les cours martiales sont présidées par un juge militaire. Dans le cas des cours martiales générales, le juge militaire est adjoint de cinq membres des Forces armées canadiennes; ce comité joue un rôle semblable à celui du jury dans le système de justice pénale civile 57. L’article 25 du projet de loi modifie la section 5 du CDM pour y introduire une nouvelle catégorie de manquements d’ordre militaire, qui sont des contraventions de moindre gravité prévues par règlement. Il énonce aussi les règles relatives aux audiences sommaires sur les manquements d’ordre militaire.

Le projet de loi C-77 abroge les articles 162.1 et 162.2 de la LDN pour permettre à un accusé qui pourrait être jugé sommairement de choisir d’être jugé devant une cour martiale. Comme nous le verrons plus loin, puisque le projet de loi C-77 élimine la possibilité que les infractions d’ordre militaire fassent l’objet d’une audience sommaire, ces dispositions ne sont plus nécessaires.

L’article 24 du projet de loi remplace les articles 160 à 161.1 de la LDN. Il traite du dépôt et du renvoi d’accusations à l’égard d’infractions d’ordre militaire et de manquements d’ordre militaire. Nous y reviendrons plus loin.

2.10.1  Manquements d’ordre militaire (art. 25 du projet de loi)

Le projet de loi C-77 circonscrit l’application du système d’audiences sommaires aux cas de manquements d’ordre militaire et prévoit que toutes les infractions d’ordre militaire doivent être jugées par une cour martiale. Un manquement d’ordre militaire ne constitue pas une infraction à la LDN et n’entraîne pas l’ouverture d’un casier judiciaire (nouveaux art. 162.4 et 162.5 de la LDN). De plus, les droits des victimes dont il a été question précédemment ne trouvent pas application dans le système d’audiences sommaires.

Le nouvel article 162.6 de la LDN prévoit que quiconque ayant été jugé pour une infraction ne peut être jugé de nouveau pour un manquement d’ordre militaire découlant des mêmes faits, qu’il ait été déclaré coupable ou non de l’infraction, et ce, par une cour martiale, un tribunal civil ou un tribunal étranger. Cependant, si une audience sommaire a été tenue pour un manquement d’ordre militaire, la personne en cause peut quand même être jugée pour une infraction. Le nouveau paragraphe 162.6(3) de la LDN prévoit que les réponses ou les déclarations faites lors d’une audience sommaire ne peuvent pas être utilisées devant une juridiction disciplinaire, criminelle ou civile, sauf si l’audience ou la poursuite est fondée sur l’allégation selon laquelle la personne a fait des déclarations ou donné des réponses qu’elle savait être fausses.

2.10.1.1  Qui préside une audience sommaire et quand avoir recours à l’audience sommaire (nouveaux art. 162.93 à 162.95 et 163.2 à 163.4 de la LDN)

Selon le nouvel article 162.95 de la LDN, si une accusation de manquement d’ordre militaire est déférée à un commandant, ce dernier doit, en tenant compte des conditions exposées à l’article 163 modifié (dont il sera question plus loin) :

  • soit tenir une audience sommaire;
  • soit décider de ne pas donner suite à l’accusation;
  • soit déférer l’accusation, conformément aux règlements, à un autre commandant ou à un commandant supérieur ou à un officier délégué.

S’il choisit de déférer l’accusation à un officier délégué, le commandant peut déléguer, dans la mesure où il le juge à propos, le pouvoir de tenir une audience sommaire à tout officier sous son commandement, sous réserve des règlements (nouvel art. 162.94 de la LDN). Le nouvel article 163.2 prévoit que le commandant supérieur, le commandant ou l’officier délégué à qui une accusation est déférée au titre du nouvel alinéa 162.95c) ou du nouvel article 163.2 de la LDN ont les trois mêmes options énumérées ci-dessus.

Le paragraphe 163(1) modifié énonce les quatre conditions qui doivent être remplies pour que le commandant supérieur, le commandant ou l’officier délégué puisse tenir une audience sommaire. Elles s’énoncent ainsi :

  • L’accusé est d’au moins un grade inférieur au commandant supérieur, au commandant ou à l’officier délégué, ou est un militaire du rang 58.
  • Les pouvoirs du commandant supérieur, du commandant ou de l’officier délégué d’imposer une sanction sont suffisants, eu égard à la gravité des faits qui ont donné lieu à l’accusation (il en sera question plus en détail dans la prochaine section).
  • Il n’y a aucun motif raisonnable de croire que la personne est inapte à subir son procès ou que, au moment de la commission du manquement reproché, elle était atteinte de troubles mentaux la rendant incapable de juger de la nature et de la qualité de l’acte ou de l’omission ou de savoir que l’acte ou l’omission était mauvais.
  • Il conviendrait, dans l’intérêt de la discipline, de l’efficacité et du moral des FAC, de tenir l’audience.

Cela étant dit, aux termes du nouveau paragraphe 163(2) de la LDN, un commandant supérieur, un commandant ou un officier délégué ne peut pas présider une audience sommaire si cette personne :

  • a mené ou supervisé directement l’enquête;
  • a délivré un mandat en application de l’article 273.3 de la LDN (perquisition);
  • a porté – directement ou indirectement – les accusations.

Le commandant supérieur, le commandant ou l’officier délégué peut toutefois tenir une telle audience si, compte tenu de toutes les circonstances, il n’est pas possible pour un autre commandant supérieur, commandant ou officier délégué de le faire.

S’il est décidé de ne pas donner suite à l’accusation par audience sommaire, l’exercice ultérieur d’une telle poursuite demeure possible (nouvel art. 163.3 de la LDN), pourvu qu’elle commence dans les six mois qui suivent la commission du manquement reproché (nouvel art. 163.4 de la LDN).

2.10.1.2  Sanctions pour manquements d’ordre militaire (nouveaux art. 162.7 à 162.93 et 163.1 de la LDN)

Le nouvel article 162.9 de la LDN énonce les objectifs de l’imposition de sanctions pour manquements d’ordre militaire, à savoir :

  • le renforcement du devoir d’obéissance habituelle aux commandements et ordres légitimes;
  • le maintien de la confiance du public dans les FAC en tant que force armée disciplinée;
  • la dénonciation des comportements qui constituent de l’indiscipline;
  • la dissuasion;
  • la réadaptation;
  • la promotion du sens des responsabilités.

Les nouveaux articles 162.91 et 162.92 de la LDN établissent les principes à suivre pour décider de la sanction qu’il convient d’infliger pour un manquement d’ordre militaire :

  • Le principe fondamental veut que les sanctions soient proportionnelles à la gravité du manquement et au degré de responsabilité de la personne.
  • Il faut tenir compte des circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la commission du manquement ou à la situation de la personne qui le commet, notamment l’utilisation abusive de son grade ou un abus de confiance ou d’autorité, le fait d’être motivé par des préjugés ou de la haine fondés sur divers facteurs, tels que l’identité ou l’expression de genre, et l’effet nuisible sur la conduite d’une opération militaire ou d’un entraînement militaire.
  • Les sanctions infligées doivent être semblables à celles infligées pour des manquements semblables commis dans des circonstances semblables.
  • La sanction infligée doit être la moins sévère possible qui permet de maintenir la discipline, l’efficacité et le moral.

Le nouvel article 162.93 précise qu’il peut également être tenu compte, dans la détermination de la sanction, des conséquences indirectes d’une décision portant que la personne a commis un manquement d’ordre militaire ou de la sanction qui en découle.

Le nouvel article 162.7 énonce les sanctions pouvant être infligées pour les manquements d’ordre militaire. Ils sont, en ordre décroissant de gravité :

  • la rétrogradation;
  • le blâme;
  • la réprimande;
  • la privation des soldes et indemnités pendant au plus 18 jours;
  • les sanctions mineures prévues par règlement.

À titre comparatif, à l’heure actuelle, les infractions d’ordre militaire faisant l’objet de procès sommaire peuvent être passibles d’une détention pouvant durer jusqu’à 30 jours si le procès est présidé par un commandant (nouveau par. 163(3) de la LDN).

La rétrogradation peut être infligée au personnel d’un grade supérieur à celui de sous-lieutenant, pour les officiers, et de soldat, pour les militaires du rang (nouveau par. 162.8(1) de la LDN59. Les règlements précisent à quel rang une personne peut être rétrogradée, bien qu’un officier commissionné ne puisse être rétrogradé que jusqu’au grade le plus bas qu’un tel officier peut détenir (nouveau par. 162.8(2) de la LDN).

Enfin, le type de sanction possible dépend du rang du décideur présidant l’audience sommaire (c.-à-d. commandant supérieur, commandant ou officier délégué) (nouvel art. 163.1).

2.11  Renvoi des accusations pour infraction d’ordre militaire ou manquement d’ordre militaire déférés (art. 24 à 26 du projet de loi)

Le projet de loi C-77 empêchant la tenue d’audiences sommaires pour des infractions d’ordre militaire, il s’ensuit une modification des règles applicables au renvoi des accusations pour des infractions d’ordre militaire et des manquements d’ordre militaire. Le nouvel article 161.1 de la LDN prévoit des processus de renvoi distincts (dont les modalités seront établies par règlement) pour les infractions d’ordre militaire et les manquements d’ordre militaire. Lorsqu’une personne est accusée d’une infraction d’ordre militaire, l’accusation doit être renvoyée au directeur des poursuites militaires (DPM) conformément au règlement, tandis que les accusations ayant trait aux manquements d’ordre militaire doivent être renvoyées à un commandant 60. Un commandant peut décider de ne pas donner suite à l’accusation ou de la renvoyer à un autre commandant, à un commandant supérieur ou à un officier délégué (nouvel art. 162.95 de la LDN).

L’article 26 du projet de loi remplace l’article 165.13 de la LDN, qui permettait au DPM de déférer une accusation pour qu’elle fasse l’objet d’un procès sommaire s’il était convaincu que la cour martiale ne devrait pas être saisie de l’accusation. Ce processus n’est plus nécessaire, puisque les infractions d’ordre militaire ne peuvent pas faire l’objet d’une audience sommaire. Le nouvel article 165.13 de la LDN prévoit plutôt que s’il décide que la cour martiale ne devrait pas être saisie de l’accusation, le DPM doit communiquer sa décision motivée par écrit à l’officier qui lui a déféré l’accusation ainsi qu’au commandant de l’accusé.

2.12  Autorités compétentes – manquement d’ordre militaire (art. 25 du projet de loi)

Le nouvel article 163.6 de la LDN établit le processus de révision de toute décision portant qu’une personne a commis un manquement d’ordre militaire rendue par un officier ayant tenu une audience sommaire et toute sanction infligée par lui. Le chef d’état-major de la défense ainsi que toute autre autorité militaire désignée par règlement (nouveau par. 163.6(1)) sont les autorités compétentes. L’autorité compétente peut procéder à cette révision d’office ou sur demande de la personne déclarée coupable du manquement d’ordre militaire (nouveau par. 163.6(2) de la LDN).

L’autorité compétente peut annuler intégralement ou partiellement toute décision rendue par l’officier qui a tenu l’audience sommaire (nouveau par. 163.7(1) de la LDN). Si la décision est annulée intégralement et qu’aucune autre décision n’a été rendue au cours de l’audience sommaire, toute sanction infligée est alors annulée et une nouvelle audience sommaire peut être tenue comme s’il n’y avait pas eu d’audience antérieure (nouveau par. 163.7(2) de la LDN). Dans le cas où l’annulation de la décision laisse subsister une ou plusieurs autres décisions portant que la personne a commis un manquement d’ordre militaire et où des sanctions infligées excèdent celles qui sont permises à l’égard de ces décisions ou sont, à son avis, indûment sévères, l’autorité ayant procédé à l’annulation peut y substituer la ou les nouvelles sanctions qu’elle juge indiquées (nouveau par. 163.7(3) de la LDN).

En outre, l’autorité compétente peut substituer une nouvelle décision à une décision portant qu’une personne a commis un manquement d’ordre militaire (nouveau par. 163.8(1) de la LDN). Si une décision annulée comportait une sanction excédant celle qui est permise à l’égard de la nouvelle décision ou est jugée indûment sévère par l’autorité compétente, celle-ci peut y substituer la sanction qu’elle juge indiquée (nouveau par. 163.8(2) de la LDN). La nouvelle sanction ne peut être supérieure, dans l’échelle des sanctions, à celle infligée en premier lieu (nouveau par. 163.9(2) de la LDN). L’autorité compétente peut commuer, mitiger ou remettre tout ou partie des sanctions infligées par l’officier ayant tenu une audience sommaire.

2.13  Nouveau procès (art. 41 du projet de loi)

Aux termes de l’article 41 du projet de loi C-77, il n’est plus possible pour le gouverneur en conseil (dans le cas d’une déclaration de culpabilité par une cour martiale) ni pour le chef d’état-major de la Défense (dans le cas d’une déclaration de culpabilité à l’issue d’un procès sommaire) de réviser les verdicts de culpabilité et les peines prononcés par une cour martiale ou par une personne présidant un procès sommaire (art. 249 de la LDN). Toutefois, pour les affaires instruites par une cour martiale, la tenue d’un nouveau procès demeure possible, à condition que de nouveaux éléments de preuve aient été découverts.

2.14  Modifications connexes au Code criminel (art. 47 du projet de loi)

L’article 47 du projet de loi modifie l’alinéa 423.1(1)b) du Code criminel aux fins d’étendre aux personnes associées au système de justice militaire l’application de l’infraction relative à l’intimidation d’une personne associée au système judiciaire.

2.15  Dispositions transitoires (art. 66 et 67 du projet de loi)

L’article 66 du projet de loi C-77 prévoit que la LDN, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’article 25 de ce projet de loi, s’applique aux poursuites contre une personne à qui il est reproché d’avoir commis une infraction d’ordre militaire entamées par une accusation portée avant l’entrée en vigueur des dispositions régissant les audiences sommaires dans la nouvelle section 5 de la LDN (art. 25 du projet de loi). L’article 67 du projet de loi empêche l’application rétroactive des nouveaux principes de détermination de la peine se rapportant à la reconnaissance des dommages causés à la victime ou à la collectivité.


Notes

*  Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur. Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur.Retour au texte ]

  1. Projet de loi C-77, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois, 1re session, 42e législature (L.C. 2019, ch. 15). [ Retour au texte ]
  2. Chambre des communes, Comité permanent de la défense nationale, Treizième rapport, 1re session, 42e législature. [ Retour au texte ]
  3. Au moment de la rédaction de la présente publication, la plupart des dispositions du projet de loi n’étaient pas encore entrées en vigueur. [ Retour au texte ]
  4. Charte canadienne des droits des victimes, L.C. 2015, ch. 13, art. 2. [ Retour au texte ]
  5. Projet de loi C-71, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et le Code criminel, 2e session, 41e législature. [ Retour au texte ]
  6. Code criminel (Code), L.R.C. 1985, ch. C-46. [ Retour au texte ]
  7. Loi sur la défense nationale (LDN), L.R.C. 1985, ch. N-5, art. 2. La liste des personnes assujetties au Code de discipline militaire (CDM) se trouve à l’art. 60 de la LDN. [ Retour au texte ]
  8. Projet de loi C-15, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et d’autres lois en conséquence, 1re session, 41e législature (L.C. 2013, ch. 24). Voir, plus précisément, les art. 14, 24, 27, 35, 36, 50, 62 à 65, 69, 74 et 75. Pour plus d’information sur la Loi, consulter Erin Shaw et Dominique Valiquet, Résumé législatif du projet de loi C-15: Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et d’autres lois en conséquence, publication no 41 1-C15-F, Ottawa, Service d’information et de recherche parlementaires, Bibliothèque du Parlement, 2 mai 2013. Les modifications en matière de détermination de la peine répondent aux recommandations formulées par le très honorable Antonio Lamer à l’issue de son examen indépendant du projet de loi C-25. Voir Antonio Lamer, Le premier examen indépendant par le très honorable Antonio Lamer C.P., C.C., C.D., des dispositions et de l’application du projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et d’autres lois en conséquence, conformément à l’article 96 des Lois du Canada (1998), ch. 35 pdf (1.13 Mo, 137 pages), 3 septembre 2003. [ Retour au texte ]
  9. Loi sur la Charte des droits des victimes, L.C. 2015, ch. 13. Pour plus d’information sur cette loi, consulter Lyne Casavant, Christine Morris et Julia Nicol, Résumé législatif du projet de loi C 32: Loi édictant la Charte canadienne des droits des victimes et modifiant certaines lois, publication no 41-2-C32-F, Ottawa, Service d’information et de recherche parlementaires, Bibliothèque du Parlement, 18 décembre 2014. [ Retour au texte ]
  10. Chambre des communes, Débats, 2e session, 41e législature, 9 avril 2014, 1635. [ Retour au texte ]
  11. Le juge avocat général (JAG) est l’avocat militaire principal des Forces armées canadiennes (FAC). Conformément au mandat que lui confère la LDN, il agit comme conseiller juridique auprès du gouverneur général, du ministre, du ministère de la Défense nationale et des FAC pour tout ce qui touche le droit militaire. Le JAG est aussi responsable de superviser l’administration de la justice militaire au sein des FAC. Le JAG répond à la chaîne de commandement pour ce qui est de la prestation de services juridiques dans les FAC. Il est toutefois responsable au ministre de la Défense nationale pour ce qui est de l’exécution de ses fonctions. Le JAG rend compte au Parlement par l’entremise du ministre de la Défense nationale. Les pouvoirs et les fonctions du JAG sont énoncés aux art. 9 à 10.1 de la LDN. Pour plus d’information, consulter Gouvernement du Canada, Juge-avocat général. [ Retour au texte ]
  12. Défense nationale, Rapport annuel du juge-avocat général 2014-2015 pdf (8.84 Mo, 57 pages), p. 11. [ Retour au texte ]
  13. Gilles Létourneau, Initiation à la justice militaire: un tour d’horizon du système de justice pénale militaire et de son évolution au Canada, Montréal, Wilson & Lafleur, 2012. [ Retour au texte ]
  14. Les tribunaux militaires ont compétence non seulement à l’égard des membres des FAC, mais aussi à l’égard de civils dans certaines circonstances, notamment lorsqu’ils accompagnent une unité des Forces armées canadiennes en service. L’art. 60 de la LDN précise qui est assujetti au CDM et dans quelles circonstances. [ Retour au texte ]
  15. Il existe une panoplie d’infractions d’ordre militaire comme la mutinerie, la désobéissance à un ordre légitime, la négligence dans l’exécution des tâches militaires et la conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline. Ces infractions sont prévues aux art. 72 à 133 de la LDN. Toutefois, la conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline (art. 129 de la LDN) est l’infraction la plus fréquente. C’est elle qui est invoquée pour punir bon nombre de comportements, comme le fait d’avoir les cheveux trop longs, de contrevenir aux règles de consommation d’alcool, d’omettre de manipuler un fusil de façon sécuritaire et certaines infractions d’ordre sexuel. Voir Défense nationale, Rapport annuel du juge-avocat général 2014 2015, p. 30. [ Retour au texte ]
  16. Au sens de l’art. 2 de la LDN, l’expression « infraction d’ordre militaire » s’entend « [d’une] infraction – à la [Loi sur la défense nationale], au Code criminel ou à une autre loi fédérale – passible de la discipline militaire ». L’incorporation des infractions à toute loi fédérale est prévue à l’art. 130 de la LDN. Le 19 septembre 2018, dans l’affaire Beaudry c. R, la Cour d’appel de la Cour martiale du Canada a déclaré inopérant l’al. 130(1)a) de la LDN dans son application à toute infraction civile dont la peine d’emprisonnement maximale est de cinq ans ou plus, conformément au par. 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, au motif que la disposition – qui considère toute infraction au Code criminel commise au Canada par un militaire comme étant une « infraction d’ordre militaire » – prive le militaire accusé de son droit à un procès devant jury que lui garantit la Charte canadienne des droits et libertés (al. 11f)). Voir Beaudry c. R., 2018 CACM 4; et Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R. U.), 1982, ch. 11, par. 52(1). La Cour suprême du Canada a infirmé cette décision rendue dans l’affaire R. c. Stillman, 2019 CSC 40. [ Retour au texte ]
  17. Pour plus d’information sur le CDM, consulter Gouvernement du Canada, Le code de discipline militaire et moi. [ Retour au texte ]
  18. LDN, art. 70. [ Retour au texte ]
  19. Le système de justice militaire est régi par le CDM, par des règlements connexes et par les instructions permanentes d’opérations (IPO). Voir les Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC), les Ordonnances administratives des forces canadiennes (OAFC) et les Directives et ordonnances administratives de la Défense. [ Retour au texte ]
  20. Pour plus d’information concernant les différences entre les deux types de tribunaux militaires, voir Létourneau (2012). [ Retour au texte ]
  21. MacKay c. La Reine, [1980] 2 R.C.S. 370. [ Retour au texte ]
  22. R. c. Généreux, [1992] 1 R.C.S. 259. [ Retour au texte ]
  23. Ibid. [ Retour au texte ]
  24. Défense nationale, Rapport annuel du juge-avocat général 2014-2015, p. 11 et 12. [ Retour au texte ]
  25. Exception faite des condamnés militaires qui purgent leur peine dans un établissement correctionnel civil. Le nouvel art. 71.01 de la LDN définit le système de justice militaire pour l’application des droits garantis par la Déclaration des droits des victimes (DDV). D’après cette définition, le système de justice militaire exclut les condamnés militaires envoyés dans un pénitencier ou incarcérés dans une prison civile. Comme nous l’expliquons dans la section 2.5.4.1 du présent résumé législatif, dans certains cas, les victimes d’infraction militaire auront quand même droit d’obtenir des renseignements, puisque c’est l’un des droits que leur garantit la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC). Voir la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20. Pour plus d’information sur les modifications apportées à la LSCMLC, voir la section 2.4 de Casavant, Morris et Nicol (2014). [ Retour au texte ]
  26. Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27. [ Retour au texte ]
  27. Gouvernement du Canada, Renforcer les droits des victimes dans le système de justice militaire: Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois, document d’information, 10 juillet 2019. [ Retour au texte ]
  28. Déclaration canadienne des droits, S.C. 1960, ch. 44. [ Retour au texte ]
  29. Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6. [ Retour au texte ]
  30. Loi sur les langues officielles, L.R.C. 1985, ch. 31 (4e suppl.). [ Retour au texte ]
  31. Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. 1985, ch. A-1. [ Retour au texte ]
  32. Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. 1985, ch. P-21. [ Retour au texte ]
  33. La disposition de coordination à l’art. 28 du projet de loi C-71 modifie également le par. 22(2) de la Charte canadienne des droits des victimes afin de reconnaître la Déclaration des droits des victimes de la LDN. [ Retour au texte ]
  34. L’art. 8 de la Charte canadienne des droits des victimes prévoit que la victime qui en fait la demande a le droit d’obtenir « des renseignements en ce qui concerne tout examen prévu par la [LSCMLC] concernant la mise en liberté sous condition du délinquant et concernant le moment et les conditions de celle-ci .” [ Retour au texte ]
  35. Voir ORFC, « Article 112.65 – Citation des témoins – présence à distance », vol. II, ch. 112. [ Retour au texte ]
  36. R. c. Fitzgibbon, [1990] 1 R.C.S. 1005; R. v. Biegus, 1999 CanLII 3815 (ON CA), par. 15 et 21 [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT]; R. v. Yates, 2002 BCCA 583 (CanLII), par. 12, 15 et 17 [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT]; et R. v. Siemens, 1999 CanLII 18651 (MB CA), par. 8 [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT]. [ Retour au texte ]
  37. Toute personne, y compris une victime, peut invoquer l’art. 810 du Code si elle craint, pour des motifs raisonnables, qu’une autre personne:
    • a) soit ne lui cause ou cause à son époux ou conjoint de fait ou à son enfant des lésions personnelles ou n’endommage sa propriété;
    • b) soit ne commette l’infraction visée à l’article 162.1 (publication non consensuelle d’une image intime).
    La personne peut déposer à cette fin une dénonciation devant un juge de paix, ou la faire déposer par une autre personne, afin de restreindre les communications de son agresseur avec elle, son époux ou conjoint de fait ou son enfant. S’il est convaincu par la preuve apportée que les craintes de la personne pour qui la dénonciation est déposée sont fondées sur des motifs raisonnables, le juge peut ordonner que le défendeur contracte l’engagement, avec ou sans caution, de ne pas troubler l’ordre public et d’avoir une bonne conduite pour une période maximale de 12 mois.[ Retour au texte ]
  38. Bien que plusieurs des éléments prévus aux art. 497 à 515 du Code concernant l’arrestation et la détention avant procès se trouvent également dans la LDN, il existe néanmoins d’importantes différences en ce qui a trait aux procédures applicables dans le système de justice pénale civile et le système de justice militaire. Pour plus d’information sur les différences entre les deux systèmes, consulter Gilles Létourneau et Michel Drapeau, Military Justice in Action: Annotated National Defence Legislation, 2e éd., Toronto, Carswell, 2015. [ Retour au texte ]
  39. L’officier réviseur est le commandant du prévenu ou l’officier qu’il désigne ou, dans certains cas, le commandant de l’unité ou de l’élément où la personne est détenue (art. 153 de la LDN). [ Retour au texte ]
  40. Cette nouvelle disposition est semblable au par. 515(12) du Code qui permet au juge de paix qui ordonne la détention du prévenu sous garde d’exiger que celui-ci s’abstienne de communiquer, directement ou indirectement, avec toute personne – victime, témoin ou autre – identifiée dans l’ordonnance si ce n’est en conformité avec les conditions qui y sont prévues et qu’il estime nécessaires. Notons que l’équivalent de l’officier réviseur dans le système de justice pénale civile, à savoir le fonctionnaire responsable, n’a pas le pouvoir de restreindre les communications de la personne qu’il décide de maintenir sous garde en vertu des art. 498 et 499 du Code, comme c’est le cas de l’officier réviseur dans la modification proposée par le projet de loi à l’étude (nouvel art. 158.61 de la LDN). Le fonctionnaire responsable ne peut ordonner à la personne maintenue sous garde de s’abstenir de communiquer avec une victime, un témoin ou autre pendant sa détention. Seul le juge de paix peut imposer de telles conditions lorsqu’il ordonne la détention du prévenu sous garde en vertu de l’art. 515 du Code. Les dispositions du Code visant la mise en liberté provisoire et l’imposition des conditions dont est assortie une promesse faite par un accusé en vue de sa mise en liberté provisoire, à savoir les art. 499 et 512, ont été modifiées en 1999 par suite de l’adoption du projet de loi C-79, Loi modifiant le Code criminel (victimes d’actes criminels) et une autre loi en conséquence (sanctionnée le 17 juin 1999). Voir Projet de loi C-79, Loi modifiant le Code criminel (victimes d’actes criminels) et une autre loi en conséquence, 1re session, 36e législature (L.C. 1999, ch. 25). [ Retour au texte ]
  41. Cette règle s’applique aux procédures prévues aux art. 147.6 (ordonnances de s’abstenir de communiquer), 148, 158.7 (révision des ordonnances), 159 (contrôle de la garde avant le procès), 187 (enquêtes préliminaires), 215.2 (audiences en cas de manquement) et 248.81 (violation de l’engagement). [ Retour au texte ]
  42. Un juge militaire peut ordonner l’exclusion du public si cela est soit dans l’intérêt de la sécurité publique ou de la moralité du public, soit dans l’intérêt du maintien de l’ordre ou de la bonne administration de la justice militaire, soit pour éviter de nuire aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales. [ Retour au texte ]
  43. Il s’agit des art. 151, 152, 153, 153.1, 155 ou 159, du par. 160(2) ou 160(3) et des art. 163.1, 170, 171, 171.1, 172, 172.1, 172.2, 173, 271, 272, 273, 279.01, 279.011, 279.02, 279.03, 286.1, 286.2 et 286.3 du Code. Ces articles et paragraphes visent des crimes de nature sexuelle ou la traite de personnes. [ Retour au texte ]
  44. À l’heure actuelle, des garanties procédurales pour les victimes d’agression sexuelle sont proposées dans le projet de loi C-51, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur le ministère de la Justice et apportant des modifications corrélatives à une autre loi, lequel a reçu la sanction royale le 13 décembre 2018. Le projet de loi C-77 incorpore en grande partie le régime actuel du Code criminel pour la communication de dossiers de tiers dans les affaires d’infractions d’ordre sexuel. Toutefois, il ne comprend aucun amendement figurant dans le projet de loi C-51 concernant la protection des victimes de viol, le régime proposé pour l’admissibilité des dossiers du plaignant entre les mains de l’accusé, ou aux modifications du délai de préavis dans le régime de communication de dossiers de tiers. Pour obtenir de plus amples renseignements, voir Projet de loi C-51, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur le ministère de la Justice et apportant des modifications corrélatives à une autre loi, 1re session, 42e législature (L.C. 2018, ch. 29); et Lyne Casavant, Maxime Charron-Tousignant, Robin MacKay, Julia Nicol et Erin Shaw, Résumé législatif du projet de loi C-51: Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur le ministère de la Justice et apportant des modifications corrélatives à une autre loi, publication no 42-1-C51-F, Ottawa, Service d’information et de recherche parlementaires, Bibliothèque du Parlement, 18 décembre 2018. [ Retour au texte ]
  45. En 2012, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles (le Comité) a effectué un examen législatif des dispositions du Code criminel concernant la communication de dossiers dans les cas d’infraction d’ordre sexuel. Bien que le Comité ait conclu que le régime de communication de dossiers prévu par le Code est globalement équilibré et pertinent et qu’il fonctionne généralement bien, il a ciblé plusieurs aspects à améliorer dans le but d’apporter un peu plus de précision et de rendre cette loi plus claire et efficace. Voir Examen législatif des dispositions et de l’application de la Loi modifiant le Code criminel (communication de dossiers dans les cas d’infraction d’ordre sexuel) pdf (1.44 Mo, 63 pages), rapport final, décembre 2012. Le projet de loi C-32 donnait suite à certaines recommandations formulées par le Comité concernant les dispositions du Code sur la communication de dossiers dans les cas d’infraction d’ordre sexuel; la plupart de ces améliorations se retrouvent dans les nouvelles dispositions sur les dossiers de tiers introduites dans la LDN par le projet de loi C-71. [ Retour au texte ]
  46. R. c. Mills, [1999] 3 R.C.S. 668, par. 91 et 94. [ Retour au texte ]
  47. Toronto Star Newspapers Limited c. Canada, 2007 CF 128, par. 32 et 33. [ Retour au texte ]
  48. Défense nationale, Services d’avocats de la défense. [ Retour au texte ]
  49. À l’heure actuelle, les juges militaires se fondent sur la common law pour rendre les ordonnances de non publication. [ Retour au texte ]
  50. Actuellement, l’art. 112.24 des ORFC prévoit divers plaidoyers, notamment le fait que la cause n’est pas de compétence de la cour ou le fait que l’accusation a fait l’objet d’une ordonnance de non lieu, que l’affaire a déjà été entendue, que l’accusé est inapte à subir son procès ou que l’accusation ne révèle pas une infraction d’ordre militaire. [ Retour au texte ]
  51. L’art. 112.26 des ORFC prévoit déjà pareille mesure. [ Retour au texte ]
  52. Ces conditions semblent plus restrictives que celles prévues au par. 112.25(5) des ORFC, lequel interdit à la cour d’accepter un plaidoyer de culpabilité si l’accusé n’a pas compris la nature ou la gravité de l’accusation, s’il conteste l’exposé des détails dans l’acte d’accusation ou pour tout autre motif dans l’intérêt de la justice. [ Retour au texte ]
  53. Le par. 112.05(6) des ORFC traite actuellement de cette question. [ Retour au texte ]
  54. Le par. 112.05(8) des ORFC traite actuellement de cette question. [ Retour au texte ]
  55. L’art. 25 de la Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la défense nationale (troubles mentaux) donne la même définition d’« infraction grave contre la personne » qu’au par. 64(3) du projet de loi C-77, qui prévoit que, dès le premier jour où ces deux dispositions sont en vigueur, la définition d’« infraction grave contre la personne » sera ajoutée à la section Définitions de la LDN, au par. 2(1). Voir Projet de loi C-14, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la défense nationale (troubles mentaux), 2e session, 41e législature (L.C. 2014, ch. 6). [ Retour au texte ]
  56. Soulignons que cette mesure se distingue du sursis au prononcé de la peine prévu au Code. [ Retour au texte ]
  57. Pour en savoir plus sur la différence entre les procès en cour martiale et les procès civils et entre les procès en cour martiale et les procès sommaires, voir Létourneau et Drapeau (2015), p. 17 à 20. [ Retour au texte ]
  58. Comme l’a expliqué l’auteur de l’amendement en comité, l’al. 163(1)a) proposé a été modifié en comité pour clarifier ce qui se produit lorsqu’il n’y a pas d’officier responsable et qu’un militaire du rang doit agir en l’absence d’un officier. Chambre des communes, Comité permanent de la défense nationale, Témoignages, 1re session, 42e législature, 27 novembre 2018. [ Retour au texte ]
  59. Gouvernement du Canada, Grades et nomination. [ Retour au texte ]
  60. Sous réserve des règlements, un commandant peut déléguer son pouvoir de tenir une audience sommaire à tout officier sous son commandement (nouvel art. 162.94 de la LDN). [ Retour au texte ]

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