Résumé législatif du Projet de loi C-8

Résumé Législatif
PROJET DE LOI C-8 : LOI SUR LA BIBLIOTHÈQUE ET LES ARCHIVES DU CANADA
Sam Banks, Division du droit et du gouvernement
Monique Hébert, Division du droit et du gouvernement
Publication no 37-3-LS-471-F
PDF 329, (22 Pages) PDF
2004-02-18

TABLE DES MATIÈRES

CONTEXTE

DESCRIPTION ET ANALYSE

A. Définitions
B. Constitution et organisation de Bibliothèque et Archives du Canada
C. Mission et attributions du nouvel organisme et du nouvel administrateur général
D. Dépôt légal à Bibliothèque et Archives du Canada
E. Gestion des documents fédéraux et ministériels
F. Infractions et peines
G. Modifications de la Loi sur le droit d’auteur
H. Modifications corrélatives à d’autres lois fédérales
I. Dispositions transitoires
J. Dispositions de coordination
K. Abrogations de lois existantes
L. Entrée en vigueur

COMMENTAIRE

A. Objectifs de l’institution et du projet de loi
B. Questions concernant l’organisation et l’infrastructure
C. Création du nouveau poste d’administrateur général
D. Composition du comité consultatif créé en vertu du projet de loi
E. Questions relatives aux documents et à la gestion de l’information
F. Modifications à la Loi sur le droit d’auteur
1. Échantillons à partir de l’Internet (par. 8(2) et art. 26)
2. Durée de protection du droit d’auteur (art. 21 et 22)
G. Couverture médiatique du projet de loi


PROJET DE LOI C-8 :
LOI SUR LA BIBLIOTHÈQUE ET LES ARCHIVES DU CANADA*

CONTEXTE

Le projet de loi C-8 : Loi constituant Bibliothèque et Archives du Canada, modifiant la Loi sur le droit d’auteur et modifiant certaines lois en conséquence, a été déposé et réputé avoir franchi toutes les étapes du processus législatif à la Chambre des communes le 11 février 2004(1).

Le projet de loi crée une nouvelle institution, Bibliothèque et Archives du Canada, par la fusion de la Bibliothèque nationale et des Archives nationales du Canada. Cette institution aura un mandat plus large que celui des deux institutions existantes et remplira l’objectif de fournir aux Canadiens un accès facile et intégré au savoir et à l’information sur le Canada ainsi qu’à leur patrimoine documentaire.

De plus, le projet de loi actualise le libellé et les notions juridiques utilisés auparavant en recourant à des termes neutres et moins restrictifs sur le plan technologique. Par exemple, le terme « document », utilisé dans la Loi sur la Bibliothèque nationale, est remplacé dans le projet de loi par « publication », qui inclut aussi bien les livres et les revues électroniques que les documents imprimés et reliés traditionnels.

Cependant, puisque le projet de loi propose la fusion et la modernisation de deux institutions existantes, il reproduit la majeure partie du libellé des lois régissant ces institutions, en le modifiant légèrement. Par exemple, l’interdiction actuelle d’éliminer ou d’aliéner des documents fédéraux ou ministériels sans l’autorisation de l’archiviste, conformément au paragraphe 5(1) de la Loi sur les Archives nationales du Canada, est reprise et actualisée au paragraphe 12(1) du projet de loi. En vertu du projet de loi, l’administrateur général a le pouvoir additionnel d’exiger le transfert de tout document fédéral ou ministériel qu’il estime menacé d’être détruit ou endommagé (p. ex. à cause d’un entreposage inapproprié), afin de protéger le patrimoine documentaire canadien.

Le projet de loi propose également des modifications à la Loi sur le droit d’auteur, notamment la proposition touchant aux œuvres inédites d’auteurs décédés. Avant les dernières modifications complètes à la Loi sur le droit d’auteur apportées en 1997, ces œuvres jouissaient de la protection du droit d’auteur à perpétuité. Le modifications de 1997 ont mis fin à cette situation et prévu une période de transition de cinq ans pour les œuvres non publiées dont l’auteur est mort depuis plus de 50 ans. Ces œuvres seront protégées jusqu’à la fin de décembre 2003, après quoi elles tomberont dans le domaine public.

Dans sa forme initiale, la version antérieure du projet de loi C-8 (le projet de loi C-36) proposait de prolonger jusqu’en 2017 la protection des œuvres inédites dont l’auteur est décédé entre 1929 et 1949, pour que les héritiers aient le temps et l’occasion de les publier. Les œuvres non publiées après cette période seraient tombées dans le domaine public, alors que les œuvres publiées auraient été protégées par le droit d’auteur pour une période additionnelle de 20 années suivant la fin de l’année civile au cours de laquelle elles auraient été publiées.

Cet aspect du projet de loi, toutefois, a fait l’objet d’un long débat et était suffisamment controversé pour compromettre ce que bon nombre de personnes estimaient être un projet de loi louable. Grâce à un compromis, le projet de loi a pu être amendé juste avant la troisième en lecture à la Chambre des communes pendant la 2e session de la 37e législature.

L’amendement apporté le 28 octobre 2003 prévoit une seule protection – jusqu’à la fin de 2006 – pour toutes les œuvres non publiées au 31 décembre 1998 et dont les auteurs étaient alors décédés depuis au moins 50 ans, c’est-à-dire avant le 31 décembre 1948. Par conséquent, aucune œuvre inédite ne tombera dans le domaine public à la fin de 2003. Les droits d’auteur sur ces œuvres seront valides jusqu’à la fin de 2006, que l’auteur soit décédé avant le 31 décembre 1929 ou entre le 31 décembre 1929 et le 1er janvier 1949, et que l’œuvre ait été publiée ou non depuis. Les œuvres tomberont dans le domaine public à l’échéance de la nouvelle période protection.

Cette modification constitue un compromis de principe qui vise à trouver le juste milieu entre les intérêts des utilisateurs et ceux des créateurs. D’un côté, des groupes comme les archivistes, les historiens et les généalogistes souhaitaient que les documents d’archives, y compris d’éventuelles œuvres inédites, tombent plus tôt dans le domaine public. De l’autre, les héritiers des auteurs décédés dont les œuvres inédites seraient tombées dans le domaine public (conformément aux modifications de 1997) à la fin de 2003 désiraient obtenir une période additionnelle qui leur permettrait de découvrir et de publier des œuvres inédites. Cette modification à l’article 7 de la Loi sur le droit d’auteur tente de concilier ces intérêts divergents.

DESCRIPTION ET ANALYSE

Le préambule souligne les objectifs généraux du projet de loi. Il mentionne qu’il est nécessaire que le patrimoine documentaire du Canada soit préservé pour les générations présentes et futures. De plus, il affirme le besoin de mettre sur pied une institution qui facilite la concertation des divers milieux canadiens intéressés à l’acquisition, à la préservation et à la diffusion du savoir,qui soit une source de savoir permanent accessible à tous, qui contribue à l’épanouissement culturel, social et économique du Canada et qui constitue la mémoire permanente de l’administration fédérale et de ses institutions.

L’article 1 donne le titre abrégé du projet de loi : Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada.

A. Définitions

L’article 2 énonce plusieurs définitions d’expressions utilisées dans le projet de loi. Trois nouveaux termes sont ajoutés et d’autres sont actualisés, afin de mieux refléter la technologie et les pratiques modernes.

Ces nouveaux termes sont :

  • « Patrimoine documentaire » : les publications et les documents qui présentent un intérêt pour le Canada.
  • « Document fédéral » : document qui relève d’une institution fédérale.
  • « Administrateur général » : nouveau poste que le projet de loi propose de créer.
Les expressions mises à jour sont :
  • « Publication » : La définition de ce terme est large et neutre sur le plan de la technologie. Elle comprend tout article de bibliothèque mis à la disposition du public, peu importe le support utilisé (imprimé, enregistré, électronique ou en ligne). Ce terme remplace « document », qui était utilisé dans la Loi sur la Bibliothèque nationale.
  • « Document » : La définition de cette expression est également large et neutre. Elle vise tout élément d’information, quel qu’en soit le support, mais non les publications. Elle actualise le terme utilisé dans la Loi sur les Archives nationales du Canada.

Enfin, « ministre » s’entend du membre du Conseil privé de la Reine pour le Canada chargé par le gouvernement en conseil de l’application de la Loi.

Le Comité a amendé la version française du projet de loi pour y inclure la définition d’« administrateur général ».

B. Constitution et organisation de Bibliothèque et Archives du Canada

La constitution et l’organisation de la nouvelle institution appelée Bibliothèque et Archives du Canada sont proposées aux articles 4 à 6. En vertu de l’article 4, cet organisme est placé sous l’autorité du Ministre et dirigé par son administrateur général (dont le titre est « bibliothécaire et archiviste du Canada »), un nouveau poste créé par l’article 5. La constitution d’un comité consultatif chargé de conseiller l’administrateur général sur la façon de faire connaître le patrimoine documentaire aux Canadiens et à quiconque s’intéresse au Canada, et de le rendre accessible, est prévue à l’article 6.

C. Mission et attributions du nouvel organisme et du nouvel administrateur général

Les articles 7 à 10 énoncent la mission et les attributions de Bibliothèque et Archives du Canada ainsi que de son administrateur général. Le projet de loi met l’accent sur la collection, la préservation et la diffusion du patrimoine documentaire canadien, y compris les publications et documents du gouvernement et du secteur privé, quel qu’en soit le support. Il vise particulièrement à faire connaître aux Canadiens ce patrimoine et à le leur rendre accessible (al. 7b)). Cette idée est reprise à l’alinéa 8(1)e), qui précise de façon explicite les attributions de l’administrateur général concernant les programmes publics visant à faire connaître et comprendre le patrimoine documentaire canadien, afin de le rendre plus accessible aux Canadiens.

De plus, en vertu de ces articles, Bibliothèque et Archives du Canada devient le dépositaire permanent des publications des institutions fédérales, ainsi que des documents fédéraux et ministériels qui présentent un intérêt historique ou archivistique. De plus, l’un des objectifs fondamentaux de cette institution est d’appuyer les milieux des archives et des bibliothèques, ainsi que le prévoit l’alinéa 7f).

Fait nouveau et important, l’administrateur général pourra, en vertu du paragraphe 8(2), constituer périodiquement des échantillons d’éléments d’information accessibles au public sans restriction sur l’Internet. Ces échantillons, recueillis à des fins de préservation, permettront de jeter un regard rétrospectif sur une journée dans la vie du Canada à un moment donné. Une modification correspondante à la Loi sur le droit d’auteur fait en sorte que cette pratique n’enfreint pas cette loi.

L’administrateur général peut également aliéner ou éliminer les publications ou documents dont il a la responsabilité, s’il estime que leur conservation n’est plus nécessaire (art. 9).

D. Dépôt légal à Bibliothèque et Archives du Canada

Le projet de loi actualise la définition des publications sujettes au dépôt légal à Bibliothèque et Archives conformément à l’article 10, afin qu’elle comprenne les publications électroniques. De plus, une disposition envisage la prise, par règlement, de mesures d’application prévoyant, entre autres, les catégories de publications pour lesquelles la remise d’un seul exemplaire suffit. Par exemple, l’obligation générale de fournir deux exemplaires d’une publication pourrait ne pas être appliquée dans le cas des documents électroniques, à cause de leur support particulier. Le Comité a légèrement modifié cet article afin de clarifier les exigences de dépôt des publications utilisant un support autre que le papier.

En vertu de l’article 11, l’administrateur général peut exiger que lui soit remis un enregistrement mis à la disposition du public, s’il estime qu’il présente un intérêt historique ou archivistique. La définition d’enregistrement est actualisée, rendue plus large et neutre sur le plan technologique pour comprendre tout support d’information dont le contenu n’est utilisable qu’au moyen d’une machine.

Les articles 12 et 13 portent spécifiquement sur les documents fédéraux et ministériels. Il faut, avant d’éliminer ou d’aliéner des documents fédéraux et ministériels, obtenir le consentement de l’administrateur général, et celui-ci a accès aux documents avant de consentir à leur élimination ou aliénation. Cet accès est toutefois subordonné à l’autorisation du greffier du Conseil privé ou à celle du responsable de l’institution en cause dans le cas de documents contenant des renseignements dont la communication est restreinte. De plus, l’administrateur général et les personnes agissant en son nom ou sur son ordre sont tenus de satisfaire aux normes de sécurité applicables aux usagers habituels.

Le paragraphe 13(3) du projet de loi donne à l’administrateur général le pouvoir nouveau d’exiger le transfert de tout document fédéral, s’il estime qu’il risque d’être détruit ou gravement endommagé, soit, par exemple, à cause d’un entreposage inapproprié ou d’un risque de destruction volontaire.

Les publications en surnombre dont une institution fédérale n’a plus besoin seront placées sous la garde ou la responsabilité de l’administrateur général (art. 16).

L’article 18 prévoit l’ouverture d’un compte de Bibliothèque et Archives du Canada et le prélèvement sur ce compte des sommes nécessaires à l’application de la Loi.

L’article 19 permet à l’administrateur général de produire une copie certifiée conforme d’un document ou d’une publication demandé, qui sera admissible en preuve au même titre que l’original. Si elle le juge nécessaire, une juridiction ou une autorité en cause peut exiger de l’administrateur général la production de l’orignal d’un document ou d’une publication et doit alors veiller à ce que toutes les mesures voulues soient prises pour en garantir la sécurité et la préservation et à ce que l’original soit restitué à l’administrateur général dès qu’il n’est plus nécessaire pour les besoins de l’affaire.

F. Infractions et peines

L’article 20 dispose que quiconque contrevient au paragraphe 10(1) – qui exige de fournir un exemplaire d’une publication – ou au paragraphe 11(1) – selon lequel on est tenu de remettre un exemplaire d’un enregistrement mis à la disposition du public – commet une infraction, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Les personnes physiques ne sont pas passibles de la même peine que les personnes morales. Les premières sont passibles de l’amende prévue au paragraphe 787(1) du Code criminel, et les secondes, de l’amende prévue à l’alinéa 735(1)b) du Code. Une peine d’emprisonnement ne peut toutefois pas être infligée, en cas de non-paiement d’amende, aux récalcitrants qui ne remettent ou ne fournissent pas l’exemplaire exigé.

G. Modifications de la Loi sur le droit d’auteur

Les articles 21, 22 et 26 apportent certaines modifications à la Loi sur le droit d’auteur. L’article 21 modifie la durée de la protection pour des œuvres posthumes qui n’ont pas été publiée avant le 31 décembre 1998(2) et dont l’auteur est mort à une date mentionnée. Dans ce contexte, « publication » signifie une œuvre publiée, exécutée ou représentée en public, ou communiquée au public par télécommunication.

L’article 21 prévoit une protection unique pour toutes les œuvres non publiées au 31 décembre 1998 dont les auteurs étaient alors décédés depuis au moins 50 ans, c’est-à-dire avant le 31 décembre 1948. Les droits d’auteur sur ces œuvres sont valides jusqu’à la fin de2006, pourvu que l’auteur soit décédé avant le 31 décembre 1948, que l’œuvre ait été publiée ou non.

L’article 22 du projet de loi modifie une autre disposition de la Loi sur le droit d’auteur, concernant les œuvres inédites déposées dans un service d’archives. Actuellement, en vertu de l’article 30.21 de la Loi, un service d’archives est autorisé à reproduire une œuvre inédite déposée auprès de lui le ou après le 31 décembre 1998, à condition que la reproduction ne serve qu’à des fins d’étude privée ou de recherches et que le titulaire du droit d’auteur ne l’ait pas interdite. Si une œuvre inédite a été déposée dans un service d’archives avant le 31 décembre 1998, le service d’archives est tenu d’obtenir l’autorisation du titulaire du droit d’auteur avant de reproduire l’œuvre. Cependant, si le titulaire du droit d’auteur est introuvable, le service d’archives est autorisé à reproduire l’œuvre sous certaines conditions. Notamment, il doit tenir un registre des reproductions visées et le mettre à la disposition du public. L’article 22 du projet de loi élimine les dispositions particulières qui s’appliquent aux œuvres inédites déposées avant le 31 décembre 1998, ce qui assujettit la reproduction de documents d’archives non publiés à un seul ensemble de règles, sans égard à la date du dépôt. Concrètement, ce changement signifie qu’un service d’archives n’aura plus à assumer le fardeau administratif et financier relié aux exigences de retrouver le titulaire du droit d’auteur d’une œuvre déposée avant 1999 pour obtenir son autorisation et conserver un registre des reproductions dans le cas où le titulaire du droit d’auteur ne serait pas retrouvé.

Enfin, l’article 26 du projet de loi propose une modification corrélative à l’article 30.5 de la Loi sur le droit d’auteur, afin que les échantillons d’éléments d’information recueillis sur l’Internet à des fins de préservation au titre du paragraphe 8(2) ne constituent pas une infraction à cette loi. Le Comité a amendé cet article afin de faire en sorte que l’administrateur général ne constitue ces échantillons qu’à des fins de préservation. Cette clarification fera en sorte que ces échantillons ne seront pas distribués.

H. Modifications corrélatives à d’autres lois fédérales

Les articles 23 à 51 apportent des modifications corrélatives à d’autres lois fédérales. Elles touchent 18 lois, afin qu’elles reflètent les noms de la nouvelle institution Bibliothèque et Archives du Canada et du nouveau poste de bibliothécaire et archiviste (l’administrateur général). Par exemple :

  • À l’alinéa 8(2)i) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, « communication aux Archives nationales du Canada pour dépôt » est remplacé par « communication à Bibliothèque et Archives du Canada pour dépôt ».
  • De même, à l’annexe 1.1 de la Loi sur la gestion des finances publiques, « Archives nationales du Canada » et « Bibliothèque nationale » deviennent « Bibliothèque et Archives du Canada ».
  • La Loi sur le Parlement du Canada est modifiée de façon analogue. Le paragraphe 75.1(2), remplace « administrateur général de la Bibliothèque nationale » et « archiviste national du Canada » par « bibliothécaire et archiviste du Canada ».

I. Dispositions transitoires

Des dispositions visant à faciliter le passage des deux institutions à une seule sont prévues à l’article 52 :

  • À l’abrogation de la Loi sur les Archives nationales du Canada, l’archiviste national et l’administrateur général de la Bibliothèque du Canada en fonction cesseront de l’être.
  • Les collections existantes des Archives nationales du Canada et de la Bibliothèque nationale seront transférées à l’administrateur général de Bibliothèque et Archives du Canada immédiatement avant l’abrogation de la Loi sur les Archives nationales du Canada.
  • Les employés des Archives nationales du Canada et de la Bibliothèque nationale deviendront des employés de Bibliothèque et Archives du Canada.
  • Les sommes qui seront au crédit du compte des Archives nationales du Canada et du compte spécial d’exploitation de la Bibliothèque nationale seront portées au crédit du compte de Bibliothèque et Archives du Canada.
  • Sauf indication contraire du contexte, « Bibliothèque nationale » et « Archives nationales du Canada » seront remplacés par « Bibliothèque et Archives du Canada », avec les adaptations grammaticales nécessaires, et « administrateur général de la Bibliothèque nationale du Canada » ou « archiviste national du Canada », par « bibliothécaire et archiviste du Canada ».

J. Dispositions de coordination

Les articles 53 et 54 contiennent des dispositions de coordination, selon lesquelles en cas de sanction de certains projets de lois examinés par le Parlement, la formulation de ces projets de loi sera modifiée afin qu’ils mentionnent Bibliothèque et Archives du Canada.

K. Abrogations de lois existantes

Les articles 55 et 56 abrogent respectivement la Loi sur les Archives nationales du Canada et la Loi sur la Bibliothèque nationale.

L. Entrée en vigueur

L’article 57 prévoit que le projet de loi, exception faite des articles 21, 22, 53 et 54, entrera en vigueur à la date ou aux dates fixées par décret.

COMMENTAIRE

Le gouvernement affirme que d’autres administrations ont adopté des lois similaires, ou sont en voie d’en adopter, fusionnant leur bibliothèque nationale et leurs archives nationales. Le projet de loi est donc conforme aux pratiques modernes internationales.

Cependant, tous ne voient pas d’un bon œil la fusion de la Bibliothèque nationale et des Archives nationales du Canada, les objectifs de la Loi ou l’organisation et l’infrastructure de la nouvelle institution proposée. En effet, plusieurs aspects de ce projet de loi se sont avérés étonnamment litigieux.

A. Objectifs de l’institution et du projet de loi

Dans leurs observations formulées au sujet de la version antérieure (C-36) du projet de loi C-8, l’Association pour l’avancement des sciences et des techniques de la documentation (ASTED), l’Association des bibliothèques de recherche du Canada (ABRC) et la Canadian Library Association (CLA), qui représentent les intérêts des bibliothécaires, étaient d’avis que le libellé du projet de loi détaillant les objectifs de la nouvelle institution n’était pas à la hauteur des promesses du préambule. Les représentants de ces organismes estimaient en particulier que l’on mettait trop l’accent sur la préservation du passé et trop peu sur la portée de l’utilisation actuelle des documents de bibliothèque et d’archives. Ces associations ont insisté sur l’importance de reconnaître le rôle de Bibliothèque et Archives concernant autant l’information, l’innovation et l’apprentissage à l’heure actuelle et à l’avenir que les renseignements rétrospectifs.

On a également soulevé la question de la mission énoncée dans le projet de loi. L’ASTED, la CLA et l’ABRC souhaitent l’élargissement de la mission énoncée à l’alinéa 7c), qui traite des documents fédéraux, afin d’ajouter « que Bibliothèque et Archives du Canada s’assure que tous les Canadiens aient un accès gratuit et équitable à l’information fédérale publiée ».

Un troisième enjeux concernait le Programme des services de dépôts (PSD). Une représentante de l’Association des bibliothèques de recherche du Canada a affirmé que ce programme était plutôt « orphelin », car il était passé de ministère en ministère, sans domicile fixe. Elle a exprimé le désir de voir s’établir le PSD au sein de Bibliothèque et Archives du Canada, et que les services que le PSD offre soient inclus aux alinéas 8(1)g) à 8(1)i).

Enfin, la CLA, l’ASTED et l’ABRC ont dit souhaiter que la disposition portant sur la mission insiste davantage sur le rôle de leader que joue l’administrateur général de Bibliothèque et Archives du Canada sur la scène nationale et sur la scène internationale pour ce qui est d’imprimer une orientation à l’établissement de normes et de protocoles et à l’amélioration de l’accès aux documents.

Aucun de ces points n’a fait l’objet d’un amendement proposé au projet de loi au cours de l’étude article par article du Comité.

B. Questions concernant l’organisation et l’infrastructure

On a exprimé des inquiétudes relativement à l’absence de plan détaillé global de fusion des deux institutions en une seule.

En réponse à ces préoccupations, la sous-ministre adjointe, Transformation, Bibliothèque nationale du Canada, Archives nationales du Canada, a affirmé que, malgré l’absence de cadre organisationnel d’ensemble détaillé, la planification de la fusion était en cours depuis plus d’une année et qu’un plan clair serait en place avant la fin de juin 2003. Selon elle, il était d’abord nécessaire de définir les étapes à franchir – ce que ferait le projet de loi – avant d’établir la structure organisationnelle.

Un autre témoin, représentant l’organisme Public History Inc., a formulé des réserves relativement à la période de transition. À son avis, si cette étape n’était pas franchie avec prévoyance et beaucoup d’encadrement, il en résulterait de la pagaille pour les utilisateurs finaux, c’est-à-dire les chercheurs qui recourent aux services de l’institution. Il a fait remarquer que la correction des erreurs qui pourraient se produire aux cours des prochaines années risque d’être très coûteuse en temps et en argent.

Le même témoin a aussi soulevé l’enjeu du financement, en soulignant l’importante augmentation de l’utilisation des Archives nationales, à un point tel que la demande de services est maintenant supérieure à la capacité des Archives d’y répondre. Il a déclaré que Public History Inc. se préoccupait énormément de l’absence de financement présent et futur pour garantir la prestation de services adéquats, non seulement pour préserver les documents, mais également pour les rendre accessibles à tous les Canadiens.

Un porte-parole de la Société historique du Canada et de l’Association of Canadian Archivists a soulevé les grandes questions d’accessibilité et d’espace. Selon ce témoin, Bibliothèque et Archives du Canada devra obtenir une augmentation importante de son budget de fonctionnement afin de préserver et de rendre accessibles des médias tels que les nouveaux documents audiovisuels lisibles par machine (films, radio, télévision, enregistrements sonores, documents produits par ordinateur à partir de bases de données, systèmes de bureautique et sites Web).

Il a également noté les lacunes des installations actuelles et suggéré la construction d’un grand immeuble de Bibliothèque et Archives relié au Centre de préservation de Gatineau.

Aucun de ces points n’a fait l’objet d’un amendement proposé au projet de loi au cours de l’étude article par article du Comité.

C. Création du nouveau poste d’administrateur général

Le Commissaire à l’information du Canada a comparu devant le Comité. Il a affirmé que le processus de nomination ainsi que le mandat du nouvel administrateur général de Bibliothèque et Archives du Canada étaient imparfaits tels qu’ils sont actuellement prévus par le projet de loi. Selon lui, le projet de loi, dans sa forme présente, ne donne pas à l’administrateur général le degré d’indépendance du gouvernement qui mettra cette institution impartiale à l’abri de l’ingérence politique.

Pour résoudre ce problème, il a suggéré que les articles 4 et 5 du projet de loi soient amendés de façon à donner au Parlement le rôle d’approuver la nomination au poste d’administrateur général à titre inamovible pour une durée fixe, sous réserve de révocation avec approbation du Parlement.

De plus, il a affirmé que Bibliothèque et Archives du Canada ne devrait être sous l’autorité d’aucun ministre; le projet de loi devrait plutôt disposer que l’administrateur général de Bibliothèque et Archives du Canada dépend directement du Parlement et qu’il doit rendre des comptes annuellement sur la façon dont l’institution atteint les buts et les objectifs de la Loi.

Les amendements proposés concernant ces points ont été rejetés à la majorité au cours des audiences du Comité.

D. Composition du comité consultatif créé en vertu du projet de loi

On a exprimé des inquiétudes relativement au fait que le Ministre nommera les membres du comité consultatif chargé de conseiller l’administrateur général, ce qui n’en ferait pas un comité indépendant et transparent.

L’administrateur général de la Bibliothèque nationale a répondu en mentionnant que lui-même avait été nommé par le Ministre et que son unique mandat était d’accroître la visibilité de la Bibliothèque nationale pour tous les Canadiens. L’archiviste national a ajouté qu’il s’attendait à ce que le comité consultatif soit composé de professionnels ou de gens possédant l’expertise voulue pour présenter une vision complète du Canada ainsi que les différentes perspectives de la vie canadienne et refléter la richesse ainsi que la diversité des moyens d’expression canadiens dans toute la programmation publique de l’organisme.

D’autres témoins ayant des recommandations précises concernant le rôle et la composition de ce conseil ont comparu devant le Comité. Un porte-parole de l’Association of Canadian Archivists et de la Société historique du Canada a suggéré que le conseil traite non seulement des questions d’accessibilité et de programmation publique, mais aussi de tous les aspects du mandat et des programmes de Bibliothèque et Archives du Canada. De plus, on a insisté vivement sur la nécessité que siègent à ce conseil des représentants des associations de bibliothécaires, d’archivistes, d’historiens et de généalogistes. On a également suggéré que le conseil comprenne des représentants régionaux.

Les amendements proposés concernant ces préoccupations ont été rejetés à la majorité au cours des audiences du Comité.

E. Questions relatives aux documents et à la gestion de l’information

Au cours des audiences du Comité, le Commissaire à l’information du Canada a soulevé la question des définitions de « document fédéral » et de « document ministériel », telles qu’elles sont utilisés dans le projet de loi. Il a noté que l’expression « document ministériel » au sens du projet de loi autorise un exercice trop grand du pouvoir discrétionnaire des ministres pour ce qui est des documents qui appartiennent à leur portefeuille et doivent donc être traités comme propriété du Canada plutôt que comme propriété privée du ministre. Il a conseillé vivement que l’on retire cette expression du projet de loi, pour la remplacer par une définition de « documents personnels ou politiques », dans le but de préciser exactement quels documents les ministres peuvent traiter comme étant leurs biens propres. Les documents relatifs au parti, à la circonscription, à l’élection, au caucus et à d’autres questions non liées au portefeuille, aux responsabilités ou aux fonctions de ministre appartiendraient à cette catégorie.

Le Commissaire à l’information s’est de plus interrogé sur le terme « document fédéral ». Selon lui, dans ce cas-ci également, la définition actuelle permet à trop d’information d’échapper au ressort de l’administrateur général. Il a suggéré de remplacer la définition existante par « un document qui relève d’une institution fédérale, y compris un document afférent à sa qualité de ministre d’un membre du Conseil privé de la Reine pour le Canada ».

Le Commissaire à l’information s’est aussi dit préoccupé par la définition d’« institution fédérale ». Il était d’avis que l’expression, au sens du projet de loi, était trop restrictive et qu’elle excluait ainsi de nombreux organismes dont les documents devraient être soumis aux exigences du projet de loi en matière d’archivage. Il a donc suggéré d’élargir cette définition. Un autre témoin a fait écho à cette opinion.

Les amendements proposés concernant les définitions de « document fédéral » et d’« institution fédérale » ont été rejetés à la majorité au cours des audiences du Comité.

On a fait remarquer que l’administrateur général de Bibliothèque et Archives du Canada est habilité à exiger le transfert de documents fédéraux menacés dans le but d’améliorer leur conservation. Ce pouvoir a soulevé la question de la conservation des documents en général, et on s’est arrêté à la possibilité que des documents convenables ne soient pas conservés afin d’éviter des exigences d’archivage.

L’archiviste national a répondu que le processus visant à aider les ministères à préserver de façon appropriée les éléments d’information d’archives existait déjà et qu’il bénéficiait d’un appui fort des hauts responsables de la fonction publique. Selon lui, cette tâche est d’une très haute importance dans toute la fonction publique. Il s’agit d’un enjeu de culture et de compréhension et les Archives nationales établissent très clairement leurs exigences et leurs attentes concernant les documents d’archives dans tout le système.

D’autres témoins ont fait écho au besoin de renforcer la culture de bonne gestion de l’information et des documents et d’accroître son uniformité. Ils ont insisté sur la nécessité d’assujettir les fonctionnaires à une obligation légale de créer des dossiers.

Le Commissaire à l’information et un autre témoin ont soulevé la question de la protection des documents fédéraux. Ils ont exprimé des réserves relativement au fait que le transfert de documents fédéraux présentant un intérêt historique et archivistique sous la garde de l’administrateur général soit sujet à des accords négociés, conformément à l’article 13. Les deux intervenants ont noté qu’il n’y avait aucune contrainte imposée aux institutions fédérales récalcitrantes pour qu’elles négocient de tels accords; ils ont vivement conseillé de rendre cette négociation obligatoire. Selon ces témoins, le retard dans le transfert de documents menacés risque de signifier leur destruction.

De plus, même si le projet de loi prévoit des peines pour les éditeurs et d’autres personnes qui omettent de déposer leurs documents ou leurs enregistrements conformément aux articles 10 et 11 du projet de loi, aucune peine complémentaire ne vise ceux qui contreviennent à l’exigence de transfert ou qui se défont illégalement de documents. On a suggéré que cette omission soit corrigée.

Un amendement proposé concernant le transfert des documents sur demande de l’administrateur général a été rejeté à la majorité au cours des audiences du Comité.

Un porte-parole de l’Association of Canadian Archivists et de la Société historique du Canada a aussi abordé l’évaluation des documents et de l’absence de toute mention de cette activité dans le projet de loi. Il a recommandé l’ajout de cette fonction essentielle aux articles 7 (Mission), 8 (Attributions de l’administrateur général) et 12 (Élimination et aliénation).

La question des documents archivistiques du secteur privé a aussi été abordée. Le représentant de l’Association of Canadian Archivists et de la Société historique du Canada a fait remarquer que seuls les documents fédéraux et ministériels étaient clairement mentionnés dans le projet de loi. Il a préconisé l’inclusion de la précision « documents du secteur privé ayant une importance ou une portée nationale » dans les articles du projet de loi énonçant les définitions, la mission et les attributions, ainsi que dans les exigences concernant le dépôt.

F. Modifications à la Loi sur le droit d’auteur

Deux grands types d’objections ont été soulevés relativement aux modifications à la Loi sur le droit d’auteur que le projet de loi propose.

Le premier type portait sur l’à-propos de ces modifications, puisque le Comité permanent du patrimoine canadien doit entreprendre un examen complet de la Loi sur le droit d’auteur à l’automne 2003. Certains témoins, mentionnant l’imminence de cet examen prévu à l’article 92 de la Loi et soulignant la complexité du sujet, estimaient qu’il serait non seulement peu efficace mais encore peu approprié de modifier la Loi de façon fragmentaire au moyen de la mesure législative.

Le deuxième type touchait aux dispositions de fond des modifications. Dans ce groupe, on a soulevé deux inquiétudes différentes : l’une concernant les dispositions sur les échantillons recueillis sur l’Internet, conformément au paragraphe 8(2) et à l’article 26 du projet de loi; l’autre concernant l’élargissement de la protection par le droit d’auteur de certaines œuvres posthumes, en vertu de l’article 21 du projet de loi. Alors que les commentaires sur les dispositions relatives aux échantillons recueillis sur l’Internet ont été plutôt discrets, le Comité a entendu plusieurs témoins qui appuyaient les modifications concernant les œuvres posthumes ou qui s’y opposaient.

1. Échantillons à partir de l’Internet (par. 8(2) et art. 26)

Relativement à l’attribution de l’administrateur général lui permettant de constituer des échantillons à partir de l’Internet à des fins de préservation, on s’est dit inquiet de la possibilité que ces échantillons soient ensuite distribués et rendus accessibles, ce qui contreviendrait aux dispositions de la Loi sur le droit d’auteur. Les créateurs, en particulier, redoutaient la perte de leur capacité à contrôler ou à diffuser leurs œuvres comme ils l’entendent à cause des dangers découlant de la facilité de la transmission numérique. Un expert des lois sur le droit d’auteur a comparu devant le Comité afin d’expliquer que la disposition relative aux échantillons à partir de l’Internet constituait une mesure conforme aux pratiques internationales. Selon lui, il ne s’agit pas d’une disposition qui rompt avec le passé, mais plutôt d’une continuation et d’une modernisation des moyens que les archivistes utilisent actuellement pour la préservation de documents.

Un porte-parole de la Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec a exprimé son doute concernant l’expression « sans restriction » utilisée au paragraphe 8(2). Il a dit craindre que ce terme permette le téléchargement libre d’œuvres protégées par le droit d’auteur et a insisté pour qu’il soit fortement restreint.

Un amendement au projet de loi qui clarifie que l’administrateur général est autorisé à constituer périodiquement des échantillons à partir de l’Internet à de strictes fins de préservation vise à résoudre cette difficulté.

2. Durée de protection du droit d’auteur (art. 21 et 22)

Des témoins appuyant les créateurs et d’autres témoins, favorables aux communautés d’utilisateurs, ont comparu devant le Comité afin d’exprimer leurs inquiétudes à ce sujet. Les créateurs approuvaient la modification à la Loi sur le droit d’auteur prévue dans le projet de loi, alors que les communautés d’utilisateurs s’y opposaient, entre autres les bibliothécaires, les archivistes, les historiens et les chercheurs.

Les partisans du projet de loi, par exemple la Creators Copyright Coalition, la Writers’ Union of Canada, Droit d’auteur/Multimédia-Internet/Copyright (DAMIC) et la Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec, estimaient qu’il s’agissait d’un compromis équitable entre l’ancienne protection perpétuelle dont bénéficiaient les œuvres inédites à la mort de l’auteur avant les modifications apportées à la Loi sur le droit d’auteur en 1997 et l’échéance du 31 décembre 2003 que ces mêmes modifications ont établie. Ils étaient d’avis que la prolongation prévue par le projet de loi était justifiée, du fait que la période de cinq ans mise en place par les modifications de 1997 constituait une période trop courte pour que les héritiers d’un auteur trouvent un éditeur et exploitent leurs œuvres. Ils se sont de plus dits inquiets au sujet des contenus de nature potentiellement délicate, comme ceux des journaux intimes ou des lettres, qui risquent de nuire à des personnes vivantes, et ont donné cette raison pour que ces documents ne tombent pas dans le domaine public avant une période plus longue(3).

Les groupes favorables au projet de loi ont également insisté sur le fait que, au cours de cette période de protection, il était tout de même possible d’avoir accès aux documents et de les consulter, et qu’il était seulement interdit de les publier, ce qui ne faisait pas vraiment obstacle aux recherches universitaires ou autres. Enfin, ils ont affirmé que, avec l’imminence de l’échéance du 31 décembre 2003, il fallait trancher et qu’une fois le droit d’auteur perdu, il serait impossible de le recouvrer.

De leur côté, les opposants ont suggéré que l’intérêt du public relativement à l’accès à de tels documents l’emportait sur l’intérêt privé des quelques personnes qui bénéficieraient de l’exploitation financière de ces œuvres. Ils ont déclaré que, si les articles prévoyant la modification de la Loi sur le droit d’auteur étaient conservés, de nombreuses œuvres inédites ayant une importance historique demeureraient hors de la portée des bibliothécaires, des archivistes, des historiens et des autres chercheurs, ce qui entraverait et retarderait indûment une compréhension complète des personnes concernées et de leur époque.

Les détracteurs de ces modifications ont également affirmé que les héritiers des auteurs décédés dont les œuvres sont touchées par ces changements savaient depuis 1997 que leur protection allait expirer à la fin de 2003, ce qui leur donnait amplement le temps d’exploiter financièrement ces œuvres. Un témoin a déclaré que la prolongation de cette période ne favoriserait que les profits financiers personnels, au détriment du savoir public. Selon un autre témoin, le fait d’empêcher et de retarder l’accès du public aux œuvres pour des motifs de droits d’auteur pouvait même être considéré comme une forme de censure.

Dans une version antérieure, l’article 21 aurait protégé jusqu’en 2017 le droit d’auteur des œuvres inédites d’auteurs décédés après 1929, mais avant 1949. Cette proposition, toutefois, était suffisamment controversée pour justifier un amendement. Cet amendement prolonge un peu la protection, mais celle-ci est moins longue que celle qui était prévue au départ.

Il faut toutefois souligner que, même si la durée de la protection a été écourtée (fin de 2006 au lieu de 2017) par l’amendement, elle s’applique à un plus grand nombre d’auteurs décédés dont les œuvres n’étaient pas publiées à la fin de 1998. Dans sa version actuelle, le projet de loi prévoit une protection unique pour toutes les œuvres non publiées au 31 décembre 1998 dont les auteurs sont décédés avant le 31 décembre 1948, peu importe le nombre d’années avant la fin de 1948. Par exemple, une œuvre inédite de Sir John A. MacDonald ou de Sir Wilfrid Laurier, décédés respectivement en 1891 et 1919, serait protégée par le droit d’auteur jusqu’à la fin de 2006.

G. Couverture médiatique du projet de loi

La réaction médiatique au projet de loi proposé a été généralement modeste. Le seul enjeu qui semble avoir attiré l’attention de la presse est la proposition de prolonger la protection du droit d’auteur consenti aux œuvres inédites de certains auteurs décédés. En effet, un expert des lois sur le droit d’auteur a qualifié cet aspect du projet de loi de « Loi modifiant le droit d’auteur de Lucy Maud Montgomery »(4), une allusion à l’auteure de Anne... la maison aux pignons verts, morte en 1942. En vertu de l’actuelle Loi sur le droit d’auteur, les lettres et journaux inédits de Mme Montgomery tomberont dans le domaine public à la fin de décembre 2003. Ses héritiers risquent de perdre leurs droits sur ces documents potentiellement lucratifs si les modifications proposées n’entrent pas en vigueur d’ici là. Mme Montgomery n’est toutefois pas le seul auteur canadien d’importance dont les œuvres inédites seraient touchées par cette modification. Stephen Leacock, Emily Carr, Archibald Stansfeld Belaney (Grey Owl) et Sir Charles G.D. Roberts sont aussi décédés entre 1930 et 1949, la période visée, et il est possible qu’ils aient laissé des œuvres inédites et exploitables.

Néanmoins, un autre spécialiste des droits d’auteur a affirmé que cet aspect de la mesure législative « semblait placer les droits de quelques personnes devant ceux du grand public »(5). Des observateurs solidaires de la communauté des utilisateurs ont fait écho à cette opinion et déclaré qu’une telle prolongation serait contraire à la politique gouvernementale et retarderait de plusieurs années la publication de documents historiques, ce qui empêcherait des « voix canadiennes de se faire entendre »(6). S’il est possible que ces dispositions ne gênent pas l’accès aux documents, ce ne serait pas le cas de leur publication : s’ils étaient accessibles, les historiens et d’autres chercheurs pourraient les consulter et y faire allusion, mais il serait impossible de les publier intégralement. Et, selon un intervenant, la lecture de documents d’archives est tout à fait inutile si elle ne peut être partagée(7).

De plus, on dit, pour défendre les modifications, qu’elles sont des mesures correctives visant à corriger une injustice qui résulte des modifications apportées à la Loi sur le droit d’auteur en 1997. Avant cette date, les œuvres inédites d’auteurs décédés étaient protégées par le droit d’auteur à perpétuité. Les modifications de 1997 ont mis fin à la protection perpétuelle, et ont instauré une période transitoire de cinq ans pour les œuvres inédites dont les auteurs étaient décédés depuis plus de 50 ans. Ces œuvres seraient donc protégées jusqu’à la fin de décembre 2003, pour tomber ensuite dans le domaine public. Cette période transitoire a été critiquée, car elle ne donnait ni un avis raisonnable ni une protection adéquate aux auteurs, à leurs héritiers ou à leurs éditeurs éventuels(8); les dispositions du projet de loi C-8 corrigeraient la situation.

La façon dont le Comité a adopté le projet de loi a également attiré l’attention des médias(9). Au fur et à mesure que le projet de loi progressait à l’étape du comité, il est devenu de plus en plus évident que les modifications controversées à la Loi sur le droit d’auteur risquaient de faire échouer une mesure législative autrement digne de mérite. Toutefois, après un débat considérable, le Comité a adopté le projet de loi sans modifier la prolongation de la protection du droit d’auteur pour les œuvres posthumes, qui était initialement plus longue, quoique en adoptant un léger amendement technique qui n’en touchait pas la substance. Cependant, un dernier amendement visant à réduire la durée de la protection pour les œuvres posthumes inédites a été adopté à l’unanimité à la troisième lecture, juste avant l’adoption du projet de loi par la Chambre des communes au cours de la 2e session de la 37e législature.



* Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur. Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur.

(1) Par une motion adoptée le 10 février 2004, la Chambre des communes prévoit le rétablissement à la
3e session de projets de loi qui n’avaient pas reçu la sanction royale au cours de la 2e session de la
37e législature et qui sont morts au Feuilleton à la prorogation du Parlement, le 12 novembre 2003. Ces projets de loi pourront être rétablis à l’étape du processus législatif à laquelle ils étaient rendus au moment de la prorogation. Le projet de loi C-8 est la version rétablie du projet de loi C-36, mort au Feuilleton à la fin de la 2e session.

(2) Le 31 décembre 1998 est la date à laquelle les premières modifications relativement à la durée de la protection des œuvres posthumes ont été proclamées en vigueur. Auparavant, les œuvres inédites à la mort de leur auteur étaient protégées à perpétuité.

(3) La Writers Guild of Canada a aussi soulevé ce point.

(4) Ian Jack, « Ottawa champions copyright – or some of it: Amendment to benefit small band of authors with unpublished works », National Post, 12 mai 2003, FP 1.

(5) Michael Geist, cité par Ian Jack, ibid. [traduction].

(6) Howard Knopf, « Mouse in the House: A new bill in Ottawa appears to adopt U.S.-style copyright term extension », National Post, 7 juin 2003, FP 11 [traduction].

(7) Laura Murray, « Stop the Mickey Mouse », National Post, 16 juin 2003, FP 23.

(8) Marian Hebb, « Modest changes to copyright debated », National Post, 17 juin 2003, FP 11.

(9) Voir Kady O’Malley, « Political Nightmare’ awaits Libs on National Archives Bill », The Hill Times, 23 juin 2003; et Ian Jack, « MPs battle over Lucy’s copyright: “Stacked” committee extends Montgomery heirs’ claim to works », National Post, 24 juin 2003, A 12.


© Bibliothèque du Parlement