Dans ce résumé législatif, tout changement d’importance depuis la dernière publication est indiqué en caractères gras.
Le projet de loi S-10 : Loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes à sous-munitions (titre abrégé : « Loi interdisant les armes à sous-munitions ») a été présenté par l’honorable Marjory LeBreton, leader du gouvernement au Sénat, le 25 avril 2012, au cours de la 1re session de la 41e législature.
Le projet de loi vise à mettre en œuvre les engagements du Canada pris aux termes de la Convention sur les armes à sous-munitions (la CASM ou la Convention) pour que le Canada puisse ratifier le traité 1. En vertu du système constitutionnel canadien, les obligations prises aux termes de traités internationaux doivent être mises en œuvre dans des mesures législatives adoptées par le Parlement pour pouvoir être appliquées directement en vertu du droit national.
Bien qu’il n’ait pas encore ratifié la Convention, le Canada l’a signée en décembre 2008, après avoir participé aux négociations menant à sa conclusion 2. Le Canada est également le premier État à avoir présenté des rapports volontaires à l’Organisation des Nations Unies (ONU) au titre de la Convention 3.
Les armes à sous-munitions sont des armes conçues pour libérer des sous-munitions explosives (ou petites bombes explosives) qui causent des pertes en vies humaines et des dommages au moyen d’explosions, d’effets incendiaires et de fragmentation. Larguées des airs ou lancées à partir du sol, les armes à sous-munitions peuvent libérer des dizaines, voire des milliers de sous-munitions; celles-ci se répandent normalement sur une grande surface et sont utilisées contre des blindés, d’autres équipements, de même que le personnel militaire 4. Les armes à sous-munitions sont équipées de détonateurs mécaniques simples qui arment les sous-munitions en fonction de leur vitesse de chute; celles-ci explosent au moment de l’impact ou quelque temps après 5.
Dans son rapport volontaire de 2012, le Canada indique qu’il possède des stocks d’environ 12 600 armes à sous-munitions, mais que ces armes ont été retirées du service actif en 2007. Le processus de destruction de celles-ci serait engagé et devrait se terminer en 2014. Une fois le processus terminé, le Canada ne conservera pas d’armes à sous-munitions 6. Par l’entremise de l’Agence canadienne de développement international, le Canada a financé, et finance toujours, diverses initiatives pour aider d’autres pays à éliminer de leur territoire les restes explosifs de guerre comme les armes à sous-munitions. Les fonds octroyés servent également à aider les victimes et à appuyer les efforts visant à interdire les armes à sous-munitions 7.
Le présent résumé législatif traite des préoccupations d’ordre humanitaire soulevées par l’utilisation des armes à sous-munitions au cours de conflits armés et établit la relation entre la Convention et certains traités connexes se rapportant aux armes prohibées. Il présente ensuite un sommaire des dispositions du projet de loi, suivi d’un examen des commentaires portant sur cette mesure législative.
À l’échelle internationale, la signification de la CASM et sa mise en œuvre font l’objet d’un débat de taille. Les contestations concernent entre autres la nature et la portée de l’interdiction relative aux armes à sous-munitions en ce qui a trait aux activités menées par les forces militaires d’États qui ont ratifié la CASM (« États parties ») lorsqu’elles mènent des opérations conjointes avec des États qui n’ont pas ratifié la CASM, interdiction appelée également « exception relative à l’interopérabilité ».
Le droit international est le produit d’accords conclus entre des États souverains. Le droit international humanitaire est la branche du droit international régissant les conflits armés 8. Bien que la guerre ne soit pas interdite en vertu du droit international, les moyens et les méthodes que les parties à un conflit armé peuvent choisir pour s’affronter doivent respecter certaines limites. En effet, des restrictions d’ordre juridique s’appliquent sans égard au « bien-fondé » de la cause que défend l’un ou l’autre camp.
Dans le contexte plus particulier de la CASM, il existe une règle de droit international humanitaire qui interdit aux parties à un conflit d’infliger des blessures superflues ou des souffrances inutiles relativement à l’avantage militaire direct et concret attendu de l’attaque. Ces parties sont en outre tenues de faire une distinction entre les objectifs militaires et les biens de caractère civil. Les attaques militaires doivent être planifiées de façon à épargner les civils et les biens de caractère civil autant que possible. Il est interdit de prendre délibérément comme cibles les civils et les biens de caractère civil. Enfin, selon l’un des principes fondamentaux du droit international humanitaire, même les actes qui ne sont pas expressément interdits ne sont pas nécessairement permis 9. Ces règles juridiques internationales s’appliquent aux opérations militaires canadiennes 10.
Dans la terminologie du droit international humanitaire, les armes qui ne font pas de distinction entre les cibles civiles et les cibles militaires sont appelées « armes qui frappent sans discrimination ». Les armes causant des blessures superflues ou des souffrances inutiles relativement à l’avantage militaire concret et direct attendu qu’elles apportent sont qualifiées d’armes produisant « des effets disproportionnés ». L’utilisation d’armes qui frappent sans discrimination ou d’armes produisant des effets disproportionnés constitue une violation du droit international 11.
Les armes à sous-munitions ont des conséquences néfastes considérables pour les populations civiles pendant les conflits armés ainsi qu’après la fin des hostilités. Elles libèrent normalement une énorme quantité de sous-munitions sur de vastes étendues, menaçant ainsi de causer de façon non délibérée des blessures à des civils pendant une attaque militaire ou immédiatement après celle-ci, en particulier lorsque les civils sont situés à proximité des cibles militaires. En outre, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) indique que « [c]omme ces sous-munitions sont généralement à chute libre, elles peuvent frapper largement en dehors du périmètre cible si les armes ne sont pas correctement utilisées, s’il y a du vent ou en raison d’autres facteurs 12 ».
Le CICR insiste sur le fait que les armes à sous-munitions sont des armes particulièrement problématiques parce qu’« un grand nombre de sous-munitions n’éclatent pas comme prévu, si bien que de vastes zones sont contaminées par des engins explosifs meurtriers 13 ».
Les États qui continuent d’utiliser des armes à sous-munitions soutiennent que ce sont des armes légitimes ayant une utilité militaire évidente. Les nouvelles armes à sous-munitions peuvent avoir un taux d’échec de moins de 1 % et peuvent être utilisées de façon à causer, dans les mêmes circonstances, moins de dommages civils non intentionnels qu’une seule grosse arme 14. Les détracteurs des armes à sous-munitions font néanmoins valoir que même si certaines nouvelles armes à sous-munitions ont des taux d’échec moins élevés que les armes qui les ont précédées et qu’elles sont plus exactes, elles sont « par leur conception même, des armes qui frappent sans discrimination sur de vastes étendues, ce qui fait qu’il est difficile de viser avec exactitude une cible 15 ». Étant donné que des milliers, voire des millions de sous-munitions peuvent être libérées au moment d’une attaque, même les dispositifs ayant un faible taux d’échec créent des débris explosifs sur de vastes étendues.
En raison de leurs caractéristiques uniques, les armes à sous-munitions continuent de tuer et de blesser des milliers de civils des années après la cessation des hostilités actives 16.
L’Institut des Nations Unies pour la recherche sur le désarmement a constaté que le taux d’échec élevé des armes à sous-munitions peut « empêcher ou entraver le retour sans danger des réfugiés et des personnes déplacées et nuire aux efforts d’aide humanitaire, d’édification de la paix et de développement 17 ». Les armes à sous-munitions non explosées posent également des risques pour le personnel de déminage et les organismes d’aide; il est en outre coûteux de les enlever de façon sécuritaire. Il a été démontré que les pertes de vie civiles et les mutilations infligées aux civils entraînent des répercussions socio-économiques et psychologiques à long terme pour les personnes visées, leur famille et leur collectivité 18.
Seulement quelques pays seulement utilisent des armes à sous-munitions 19, mais de nombreux autres possèdent des stocks de ces armes. Pour certains pays, il peut s’agir de stocks d’armes qu’ils ont acquis dans le passé, avant qu’un consensus ne se soit dégagé dans la communauté internationale selon lequel de telles armes ont des effets disproportionnés et frappent sans discrimination. D’autres pays rejettent la thèse selon laquelle les armes à sous-munitions ont des effets disproportionnés et frappent sans discrimination et croient qu’ils ont le droit d’utiliser ces armes s’ils le souhaitent. Selon le CICR :
[m]ême si une fraction seulement des armes à sous-munitions existant aujourd’hui dans les stocks devait être employée ou transférée vers d’autres pays ou vers des groupes armés non étatiques, les conséquences risqueraient d’être bien plus lourdes que dans le cas des mines antipersonnel 20.
La CASM a été adoptée lors d’une conférence diplomatique tenue à Dublin, en Irlande, en 2008. Entrée en vigueur le 1er août 2010, elle est le fruit de deux années de négociations internationales. Soixante-quinze États sont parties à la CASM 21. Trente-trois autres États, dont le Canada, ont signé la Convention mais n’ont pas encore consenti officiellement à y adhérer. Ces États n’ont pas l’obligation juridique d’agir conformément au traité, bien qu’ils ne puissent pas agir d’une façon qui le prive de son objet et de son but 22.
La Russie, la Chine et les États-Unis, entre autres pays, ne sont pas parties à la CASM. Les États-Unis ont estimé que « leurs intérêts en matière de sécurité nationale ne peuvent pas être complètement protégés aux termes de la CASM 23 ». Les États-Unis appuient, par conséquent, un cadre moins restrictif pour la réglementation des armes à sous-munitions en vertu de la Convention sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination, telle qu’elle a été modifiée le 21 décembre 2001, également appelée Convention sur certaines armes classiques (pour plus de détails sur ce traité, voir la section 1.5.1) 24. Les États-Unis auraient également exprimé des craintes au sujet des répercussions négatives que pourraient avoir certaines interdictions prévues par la CASM sur les opérations militaires conjointes avec leurs alliés 25.
Le préambule de la CASM expose les préoccupations qui sont à l’origine de la négociation et de la signature du traité, telles que les dommages inacceptables causés aux civils par les armes à sous-munitions, les dangers posés par les stocks nationaux de telles armes et l’obligation de venir en aide aux victimes. Le préambule insiste aussi sur la nécessité générale de renforcer la protection des civils lors d’un conflit armé et de faciliter la reconstruction à l’issue de celui-ci. Il rappelle que la CASM se fonde sur le droit international humanitaire, dont les règles fondamentales s’appliquent à toutes les parties lors d’un conflit armé, y compris les acteurs non étatiques tels que les groupes rebelles armés, les entreprises et les individus. Bien que le préambule n’ait pas force exécutoire, il fait partie intégrante du traité et peut être utilisé aux fins d’interprétation de la terminologie utilisée dans le projet de loi 26.
« [E]n aucune circonstance » les États parties ne peuvent, directement ou indirectement, employer, mettre au point, produire, acquérir, stocker, conserver ou transférer à quiconque des armes à sous-munitions 27. L’interdiction d’actions directes et indirectes reflète l’intention d’étendre les interdictions prévues dans la Convention sur une vaste gamme d’activités, ainsi que la tentative d’empêcher les États d’interpréter le traité d’une manière qui leur permette de se dérober à leurs obligations 28. En outre, il est interdit aux États parties d’encourager, d’inciter ou d’aider quiconque à s’engager dans de telles activités 29. Dans leurs rapports avec les autres États, les États parties doivent encourager les États non parties à accepter la Convention, mentionner aux États non parties leurs obligations, promouvoir les normes de la Convention et mettre tout en œuvre pour décourager les autres États d’utiliser des armes à sous-munitions 30.
Le paragraphe 21(3) de la CASM comporte ce que l’on nomme l’exception d’interopérabilité, soit l’exception à l’interdiction d’utiliser des armes à sous-munitions et d’exercer certaines autres activités interdites. Les exceptions précises en vertu de cette disposition ont pour but de permettre la coopération militaire pouvant comprendre des activités interdites entre les États parties et les États non parties, sous réserve de certaines autres obligations positives 31. L’exception relative à l’interopérabilité ne permet pas aux États parties de concevoir, de produire ou d’acquérir de quelque autre manière des armes à sous-munitions, de stocker ou de transférer eux-mêmes des armes à sous-munitions, d’utiliser eux-mêmes des armes à sous-munitions ou de demander expressément l’emploi d’armes à sous-munitions dans le cas où le choix des munitions employées est sous leur contrôle exclusif.
La CASM exige que les États qui possèdent des armes à sous-munitions séparent ces armes des munitions conservées en vue d’un emploi opérationnel et détruisent leurs stocks dans un délai de huit ans 32. Les États qui disposent de restes d’armes à sous-munitions n’ayant pas explosé qui sont soit sur leur territoire, soit sous leur contrôle doivent délimiter les zones où se trouvent ces restes et enlever et détruire tout reste d’armes à sous-munitions qui s’y trouvent dans les 10 ans suivant l’entrée en vigueur de la Convention pour cet État, ou, si la contamination par les armes à sous-munitions s’est produite après l’entrée en vigueur de la Convention pour un État, dans les 10 ans suivant la fin des hostilités au cours desquelles ces armes ont été utilisées 33. Des dispositions détaillées de la CASM obligent les États à offrir de l’aide aux victimes d‘armes à sous-munitions en prenant en considération l’âge et les sexospécificités, que ce soit par des soins médicaux, une réadaptation et un soutien psychologique, conformément au droit international en matière de droits de la personne et au droit international humanitaire applicables 34. Les États en mesure de remplir leurs obligations doivent aider les autres pays à faire de même 35.
La Convention comporte également des mesures en vue de favoriser la transparence et exige que les États soumettent des rapports indiquant les mesures qu’ils ont prises pour se conformer à leurs obligations en vertu de la Convention ainsi que le type et le nombre d’armes à sous-munitions qu’ils ont en leur possession et les progrès réalisés dans la destruction des stocks de telles armes 36. Les articles de la Convention ne peuvent faire l’objet de réserves. (Une réserve ajoutée à un traité est une déclaration unilatérale faite par un État quand il signe ou ratifie un traité, par laquelle il vise à exclure ou à modifier l’effet juridique de certaines dispositions du traité dans leur application à cet État 37.)
La Convention sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination, telle qu’elle a été modifiée le 21 décembre 2001 (Convention sur certaines armes classiques) a été négociée en 1980 dans le but de protéger les troupes militaires et les non-combattants contre les blessures inhumaines. Les protocoles de la Convention sur certaines armes classiques ont imposé des restrictions à l’utilisation des fragments non détectables, des mines, des pièges et des armes incendiaires. Depuis la négociation de cette convention et de ses trois premiers protocoles en 1980, d’autres dispositions interdisant l’utilisation des armes à laser et les restes explosifs de guerre ont été établies. L’ajout d’un protocole nécessite le consentement de tous les États parties 38. À l’heure actuelle, 114 États sont parties à la Convention sur certaines armes classiques, dont le Canada, les États-Unis, la Chine et la Russie 39.
Lors de la troisième Conférence d’examen des hautes parties contractantes à la Convention tenue en 2006 dans le but d’examiner l’état et le fonctionnement de la Convention sur certaines armes classiques et de ses protocoles 40, le secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, a lancé un appel à la destruction des armes à sous-munitions, « des armes inexactes et non fiables », et à l’imposition d’un « gel » quant à leur utilisation dans des régions peuplées 41. Les États parties ont cependant été incapables de parvenir à un consensus sur la réglementation des armes à sous-munitions en vertu d’un nouveau protocole à la Convention sur certaines armes classiques 42.
En vertu de la Convention sur certaines armes classiques, le Protocole sur les mines terrestres, pièges et autres dispositifs modifié(Protocole II), réglemente le type, la détection et le lancement des mines terrestres antipersonnel, mais n’interdit pas leur emploi. Préoccupé par les blessures excessives causées aux civils par les mines terrestres antipersonnel et par le fait que la Convention sur certaines armes classiques ait échoué à leur interdire complètement, le Canada a annoncé, en janvier 1996, un moratoire sur l’emploi, la production, le commerce ou l’exportation des mines antipersonnel 43. En octobre 1996, à l’issue d’une réunion de gouvernements d’États et de groupes de la société civile partageant des vues semblables sur le sujet, le Canada a mis au défi les États de conclure dans un délai d’un an un traité international interdisant les mines antipersonnel 44. Désignées sous le nom de Processus d’Ottawa, les négociations ont abouti à l’adoption de la Convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction (la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel) à Oslo, en septembre 1997. Signé par 122 États à Ottawa le 3 décembre 1997, ce traité est aussi connu sous le nom de Convention d’Ottawa ou Traité d’Ottawa. En vertu de ce traité, les 159 États parties s’engagent à ne jamais utiliser, mettre au point, produire, acquérir, stocker, conserver ou transférer des mines antipersonnel, à détruire les stocks de telles armes, à déminer les régions minées sur leur territoire dans un délai de 10 ans, à fournir de l’aide aux victimes de ces mines et à adopter des mesures nationales de mise en œuvre 45. Comme c’est le cas pour la CASM, la Chine, la Russie et les États-Unis ne sont pas parties au Traité d’interdiction des mines antipersonnel.
Des négociations internationales sont actuellement en cours en vue de la conclusion d’un traité soumettant à des restrictions le commerce international des armes classiques. Ce traité pourrait s’appliquer à une vaste gamme de produits, y compris les petites armes et les armes légères ainsi que les chars d’assaut, les véhicules blindés, l’artillerie, les avions de combat, les navires de guerre et les systèmes de missile. Les types précis d’armes auxquels ce traité s’appliquerait et l’étendue exacte des interdictions qui en découleraient n’ont pas encore été établis 46.
Le projet de loi S-10 précise qu’il a pour objet la mise en œuvre des engagements du Canada pris aux termes de la CASM de 2008. La Convention figure à l’annexe du projet de loi.
L’article 9 de la CASM exige des États parties qu’ils prennent les mesures législatives et réglementaires appropriées à la mise en œuvre de la Convention, y compris l’imposition de sanctions pénales relativement à « toute activité » interdite en vertu de la CASM qui « serait menée par des personnes, ou sur un territoire, sous sa juridiction ou son contrôle », y compris, par exemple, toute activité menée par des groupes armés non étatiques. Les mesures réglementaires peuvent comprendre les changements à apporter à des règlements, politiques ou procédures, et notamment les changements à apporter aux manuels de doctrine militaire 47. L’article 9 exige également des États qu’ils prennent les mesures législatives, réglementaires ou autres, qui sont appropriées à la mise en œuvre des obligations positives prévues dans la Convention, comme celles concernant l’entreposage et la constitution de stocks d’armes à sous-munitions ainsi que la coopération et l’aide internationales 48.
L’obligation faite aux États parties de prendre, au titre de l’article 9 de la CASM, des mesures législatives ou réglementaires pour la mise en œuvre des obligations positives et des interdictions prévues dans la Convention est plutôt inhabituelle dans les traités portant sur les armes. À titre d’exemple, une disposition semblable de la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel ne fait qu’obliger les États parties à imposer des sanctions pour prévenir et réprimer les activités qui contreviendraient à ce traité 49.
L’article 2 définit un certain nombre de termes figurant dans le projet de loi. Il incorpore notamment dans le droit canadien la définition d’« arme à sous-munitions » se trouvant dans la Convention. Une arme à sous-munitions s’entend d’une munition classique conçue pour libérer des sous-munitions explosives. Une « sous-munition explosive » désigne toute munition classique pesant moins de 20 kilogrammes qui est dispersée à partir d’une autre munition classique 50. Une « petite bombe explosive » s’entend d’une munition classique pesant moins de 20 kilogrammes qui n’est pas auto-propulsée et qui est libérée à partir d’un conteneur fixé à un aéronef 51. Les sous-munitions explosives et les petites bombes explosives doivent être conçues pour fonctionner en faisant détoner une charge explosive avant l’impact, au moment de l’impact, ou après celui-ci.
Chacune de ces définitions s’accompagne d’exceptions applicables à certains types de dispositifs. Les définitions d’arme à sous-munitions, de petite bombe explosive ou de sous-munition explosive en vertu du projet de loi sont assorties des mêmes exceptions. Premièrement, les munitions directement lancées ne sont pas visées. Deuxièmement, le poids maximal fixé pour les sous-munitions ou les petites bombes explosives soustrait à l’application du projet de loi les bombes multiples lancées àpartir d’un râtelier à bombes installé sur un aéronef 52. Troisièmement, les définitions excluent les armes biologiques, radiologiques, chimiques ou nucléaires ainsi que les armes à toxines. Ces types d’armes sont sujets à des restrictions ou des interdictions en vertu de traités internationaux distincts 53. Quatrièmement, les mines antipersonnel interdites en vertu de la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel sont également exclues. Cinquièmement, aux fins de ce projet de loi, certaines munitions ne sont pas considérées comme étant des armes à sous-munitions, des sous-munitions explosives ou des petites bombes explosives, notamment les munitions conçues pour disperser des fusées éclairantes, de la fumée, des pièces pyrotechniques ou des leurres; les munitions conçues seulement pour la défense aérienne; ou les sous-munitions sans charge explosive 54. Ces types de dispositif ne sont pas conçus pour causer des blessures ou pour détruire des biens; par conséquent, ils ne soulèvent pas les mêmes préoccupations d’ordre humanitaire que celles qui sont à l’origine de l’interdiction frappant les armes à sous-munitions 55.
Enfin, parce que l’interdiction visant les armes à sous-munitions, les sous-munitions explosives et les petites bombes explosives se fonde sur les blessures inutiles, les souffrances superflues et les dommages indiscriminés causés par ces dispositifs, la définition d’armes à sous-munitions figurant dans le projet de loi exclut les dispositifs conçus pour libérer des sous-munitions à partir d’un conteneur d’une façon qui réduit au minimum les dommages causés aux personnes civiles et aux biens civils 56. Par conséquent, la définition ne s’applique pas aux munitions qui libèrent moins de 10 sous-munitions explosives pesant moins de quatre kilogrammes, conçues pour détecter et attaquer une cible constituée d’un objet unique et équipées d’un mécanisme électronique d’autodestruction et d’un dispositif électronique d’autodésactivation. De même, les sous-munitions et les petites bombes auxquelles ces caractéristiques s’appliquent ne satisfont pas à la définition de sous-munition explosive ou de petite bombe explosive aux termes du projet de loi.
La limite relative au nombre de sous-munitions pouvant être dispersées vise à restreindre la zone dans laquelle tombent les sous-munitions (zone de saturation). L’exigence voulant que les sous-munitions soient guidées fait en sorte qu’il est plus probable qu’elles atteignent la cible (qui devrait être militaire) au lieu de causer des dommages par erreur à une cible non militaire. Les capacités de désactivation et d’autodestruction réduisent les risques que les sous-munitions qui ne détonent pas comme elles sont conçues pour le faire demeurent dans le sol où elles constituent une menace pour la population civile.
Les dispositions de la CASM et du projet de loi s’appliquent de façon égale aux armes à sous-munitions, aux sous-munitions explosives et aux petites bombes explosives (ci-après « armes à sous-munitions »).
Selon le CICR, ces définitions, qui reprennent la définition des armes à sous-munitions de la CASM, « interdi[sen]t réellement toutes les armes à sous-munitions qui ont été utilisées dans des conflits depuis 60 ans » et qui causent des problèmes humanitaires qui dépassent clairement l’utilité militaire de ces armes 57. L’organisation internationale de défense des droits de la personne, Human Rights Watch, indique qu’au mois de novembre 2010, seulement trois armes comportant des sous-munitions explosives ayant été produites auraient été permises en vertu de la CASM 58.
Aux termes de la définition de « personne » à l’article 2, les restrictions et les sanctions prévues par le projet de loi s’appliquent aux particuliers, aux sociétés et aux autres types d’organisations commerciales, aux organismes publics, aux municipalités, aux syndicats et à toute autre association organisée de personnes qui a été formée en vue d’atteindre un but commun et qui se présente au public comme une association de personnes 59.
Le terme « utilisation » est défini dans le projet de loi, mais pas dans la CASM. Au sens du projet de loi, « utilisation » désigne :
[l]e fait de faire exploser une arme à sous-munitions, une sous-munition explosive ou une petite bombe explosive, de la laisser tomber, de la lancer, de la projeter, de la disperser, de la libérer ou de la déclencher de toute autre façon à des fins de détonation » (art. 2).
Cette définition est inspirée du libellé utilisé pour décrire le fonctionnement des armes à sous-munitions à l’article 2 de la Convention.
L’article 6 interdit l’utilisation, la mise au point, la fabrication, l’acquisition, la possession, le déplacement, l’importation ou l’exportation d’armes à sous-munitions. Conformément aux obligations du Canada en vertu de la CASM, les interdictions s’appliquent à toutes les situations et ne se limitent pas aux situations de conflit armé 60.
Les termes « mettre au point », « fabriquer », « acquérir » et « posséder » utilisés à l’alinéa 6b) du projet de loi ne sont pas définis. Pour interpréter ces termes, un tribunal tiendrait probablement compte de l’objet du projet de loi, qui consiste à mettre en œuvre les engagements du Canada pris aux termes de la CASM (art. 4), ainsi que du sens que d’autres lois donnent aux termes susmentionnés. La présente section explore le sens de ces termes dans d’autres lois canadiennes, le cas échéant, de même que l’interprétation que font les experts des interdictions prévues par la Convention, afin de donner une certaine orientation relativement à l’interprétation de ces interdictions dans le droit canadien.
Il est interdit, aux termes de l’alinéa 6b), de mettre au point, de fabriquer, d’acquérir ou de posséder des armes à sous-munitions.
L’interdiction de fabriquer ou de mettre au point des armes à sous-munitions empêcherait probablement la production de pièces d’armes à sous-munitions au Canada. Des observateurs ont également déclaré que l’octroi de licences aux sociétés étrangères visant la mise au point ou la fabrication d’armes à sous-munitions pour les vendre à une armée nationale semblait interdit en vertu de la CASM 61. Dans le même ordre d’idées, on a fait valoir que les États parties ne pouvaient pas mettre au point ni produire des pièces constitutives à utilisations multiples (c.-à-d. des pièces qui pourraient être utilisées dans des armes à sous-munitions ou dans d’autres armes) pour que ces pièces soient utilisées pour fabriquer des armes à sous-munitions. Toutefois, la mise au point et la production de pièces à utilisations multiples qui ne sont pas conçues pour être utilisées dans la fabrication d’armes à sous-munitions ne seraient pas interdites par la Convention. Des observateurs ont fait valoir que l’imposition de mesures de contrôle de l’exportation pourrait être une façon efficace pour les États de respecter leurs obligations relativement aux pièces à utilisations multiples produites sur leur territoire 62.
L’interdiction que prévoit la Convention relativement à l’acquisition d’armes à sous-munitions vise, du point de vue de quelques observateurs, à englober « toutes formes » d’acquisition, notamment l’emprunt, l’achat et le vol 63. Les tribunaux canadiens interpréteraient le terme « acquérir » en tenant probablement compte du libellé de l’article, y compris les termes utilisés pour définir les autres actions interdites, de la signification courante de ce terme de même que la signification intentionnelle que lui donne le droit international 64.
L’alinéa 6b) du projet de loi interdit la « possession » d’armes à sous-munitions, tandis que l’alinéa 1b) de la CASM interdit de « stocker » et de « conserver » directement ou indirectement des armes à sous-munitions 65. Dans le droit pénal du Canada, les infractions de « possession » exigent habituellement des éléments de connaissance et de contrôle. Ainsi, pour posséder un objet interdit, une personne doit être au courant de la nature de l’objet en question et exercer un certain contrôle sur cet objet. La possession inclut en général la possession réelle et personnelle d’un objet, ainsi que le fait d’avoir cet objet en la possession d’une autre personne tout en conservant un certain élément de contrôle sur l’objet 66.
Le paragraphe 6c) interdit de déplacer une arme à sous-munitions d’un État ou d’un territoire étranger à un autre avec l’intention d’en transférer le droit de propriété et le contrôle. L’élément physique qui constitue l’infraction consiste à déplacer une arme à sous-munitions d’un territoire étranger à un autre. En outre, l’accusé doit avoir l’intention de transférer le droit de propriété et le contrôle de cette arme. Par conséquent, l’interdiction visant le déplacement des armes à sous-munitions ne s’applique pas à leur déplacement concret à l’intérieur du Canada ou à l’intérieur d’un État étranger, ni ne comprend le transfert de leur propriété ou de leur contrôle à l’intérieur du Canada ou à l’intérieur d’un État étranger.
L’interdiction prévue par le projet de loi de déplacer des armes à sous-munitions d’un État ou d’un territoire étranger à un autre État ou territoire étranger avec l’intention d’en transférer la propriété et le contrôle diffère de l’interdiction de transfert direct ou indirect prévue par la CASM 67. Au sens de la Convention, « transfert » désigne :
outre le retrait matériel d’armes à sous-munitions du territoire d’un État ou leur introduction matérielle dans celui d’un autre État, le transfert du droit de propriété et du contrôle sur ces armes à sous-munitions, mais pas le transfert à partir d’un territoire contenant des restes d’armes à sous-munitions 68.
Des observateurs ont indiqué que le libellé de la définition de « transfert » de la CASM n’était pas tout à fait clair 69. L’interdiction peut être lue de deux façons. Selon la première interprétation, la CASM interdit l’une ou l’autre des actions suivantes : le déplacement transfrontalier d’armes à sous-munitions et le transfert du titre et du contrôle des armes à sous-munitions. Cette interprétation interdirait, par exemple, la livraison d’armes à sous-munitions à une base militaire située sur le territoire d’un État partie, ainsi que le transit d’armes à sous-munitions à travers son territoire, ses eaux territoriales ou son espace aérien (il est permis de croire que ce serait sous réserve de l’exception relative à l’interopérabilité au titre du par. 21(3)). D’après l’autre interprétation, la définition de « transfert » requerrait un déplacement transfrontalier matériel conjugué à un transfert du titre et du contrôle. Selon cette interprétation plus restrictive, l’interdiction du transfert prévue par la Convention s’appliquerait principalement aux ventes d’armes et à l’aide étrangère 70.
Le projet de loi adopte la deuxième interprétation, plus restrictive, de l’interdiction de transfert en vertu de la CASM. L’infraction relative au déplacement prévue à l’alinéa 6c) ne criminalise pas le transit d’armes à sous-munitions à travers le territoire canadien. Un tel transit est expressément autorisé dans le cadre d’une coopération militaire ou d’opérations militaires combinées en vertu du paragraphe 11(2) 71.
Selon la documentation préparatoire de la CASM, la définition de transfert prévue dans la Convention a été établie de façon à reprendre la définition du Traité d’interdiction des mines antipersonnel et le Protocole II modifié à la Convention sur certaines armes classiques 72. Le projet de loi met en œuvre cette interdiction dans le droit canadien en utilisant une approche différente de celle qui a été adoptée dans la Loi de mise en œuvre de la Convention sur les mines antipersonnel du Canada, qui interdit le transfert direct ou indirect de mines antipersonnel et qui reproduit intégralement la définition de transfert au sens de la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel 73. L’interdiction relative au déplacement d’armes à sous-munitions du projet de loi diffère elle aussi de la définition de « cession » aux termes du Code criminel, où « cession » désigne, dans le contexte des interdictions sur la cession d’armes interdites ou à autorisation restreinte, « la vente, la fourniture, l’échange, le don, le prêt, l’envoi, la location, le transport, l’expédition, la distribution ou la livraison 74 ».
Le projet de loi ne définit pas « importation » et « exportation », des actions qui, en vertu de l’alinéa 6d), sont interdites relativement aux armes à sous-munitions. Pour interpréter ces termes, il est probable que le tribunal examine leur sens courant, ainsi que la jurisprudence et d’autres lois. Par exemple, la Loi sur les douanes définit l’importation et l’exportation comme l’importation au Canada et l’exportation du Canada 75. Dans le contexte des limites imposées aux importations et aux exportations d’armes prohibées ou à autorisation restreinte, le Code criminel précise qu’exporter comprend : « Exporter hors du Canada, notamment exporter des marchandises importées au Canada et expédiées en transit à travers celui-ci 76 ». Dans le même ordre d’idée, la définition d’importer en vertu du Code criminel comprend ce qui suit : « Importer au Canada, notamment importer des marchandises expédiées en transit à travers le Canada et exportées hors de celui-ci 77 ».
Les interdictions figurant à l’article 6 ne s’appliquent pas aux armes à sous-munitions qui ont été désactivées en application de l’article 10.
Au lieu de s’en remettre au Code criminel en ce qui concerne les diverses façons dont une infraction criminelle peut être commise, le projet de loi interdit expressément de tenter de commettre toute infraction visée à l’article 6 (al. 6e) à g)) et au paragraphe 17(3) ou d’aider ou d’encourager une personne à commettre une telle infraction ou de lui conseiller de le faire ainsi que de comploter avec une autre personne pour qu’elle commette une telle infraction.
Il s’agit là de concepts distincts dans le droit criminel canadien.
De plus, recevoir, aider ou assister une personne qui a commis un acte interdit dans le but de l’aider à s’échapper (al. 6h) et par. 17(3)) constitue également une infraction en vertu de l’article 6 du projet de loi. Ce langage correspond à la définition de complice après le fait au sens du Code criminel 81.
Le droit canadien ne sanctionne habituellement le fait de comploter avec une autre personne, d’aider, d’encourager ou de tenter de commettre une infraction à l’extérieur du Canada que si l’acte principal commis est aussi une infraction criminelle en vertu des lois du pays étranger où elle a été commise. L’incorporation dans le projet de loi de ces modes de perpétration d’actes criminels commis au Canada vise à faire en sorte que ces actes constituent des infractions criminelles même si l’acte principal sanctionné n’est pas une infraction criminelle en vertu des lois du pays où il a été commis 82.
Puisqu’il est interdit d’aider, d’encourager à élaborer ou à fabriquer des armes à sous-munitions et de conseiller de le faire, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI) a déclaré que l’investissement direct dans la fabrication d’armes à sous-munitions constituera un acte criminel en vertu du projet de loi. Toutefois, du point de vue du MAECI, l’investissement dans des sociétés qui produisent des armes à sous-munitions parmi divers autres produits (investissement indirect) ne sera pas interdit 83.
Les infractions commises n’importe où dans le monde par des membres des Forces canadiennes et d’autres personnes assujetties au code de discipline militaire sous le régime de la Loi sur la défense nationalesont punissables en vertu du projet de loi 84. Le projet de loi ne prévoit cependant pas d’application extraterritoriale de ses dispositions pour les actes commis à l’étranger par des ressortissants canadiens oudes résidents permanents du Canada 85. Toute infraction commise aux termes du projet de loi pourra continuer de relever de la compétence des tribunaux canadiens si, pour citer la Cour suprême du Canada, il existe « un lien réel et important entre l’infraction et notre pays 86 ».
Les infractions prévues à l’article 6 du projet de loi font l’objet d’un ensemble d’exceptions en vertu des articles 7 à 11.
Le projet de loi prévoit des exemptions à l’égard des infractions visées à l’article 6 pour ce qui est de la mise au point de contre-mesures et de techniques en vue de détecter, enlever et détruire les armes à sous-munitions et de la formation visant l’acquisition de ces techniques (art. 7) 87. Ces exemptions peuvent être accordées par le ministre fédéral désigné par décret (art. 5).
Aux fins de la destruction d’une arme à sous-munitions, le projet de loi permet au ministre de la Défense nationale ou au ministre des Affaires étrangères d’accorder une exemption permettant l’acquisition, la possession, l’importation, l’exportation ou le déplacement de cette arme d’un territoire étranger à un autre, avec l’intention de transférer le droit de propriété et le contrôle sur celle-ci (art. 8). Ces exemptions peuvent être accordées à des personnes physiques ou morales ou à d’autres organisations. Dans tous les cas, le ministre compétent peut imposer des conditions à l’égard de l’exemption et peut révoquer celle-ci pourvu qu’un avis suffisant soit donné aux personnes visées (art. 7, 8 et 9).
Le projet de loi crée une exception permettant aux personnes qui, dans le cadre de leurs fonctions ou de leur emploi, sont appelées à déplacer une arme à sous-munitions d’un territoire étranger à un autre avec l’intention d’en transférer le titre de propriété ou le contrôle, dans le but de la détruire ou de la désactiver. L’exception s’applique également à la plupart des membres des Forces canadiennes, des agents de la paix, des employés des gouvernements provinciaux ou fédéral ou des personnes qui, agissant au nom d’un État étranger avec la permission du gouvernement fédéral, participent à une enquête ou à des procédures au titre d’une loi fédérale (art. 12).
Ces exemptions et exceptions correspondent à l’exception figurant au paragraphe 3(6) de la Convention, lequel permet la conservation et l’acquisition d’un nombre limité d’armes à sous-munitions aux fins de formation, de destruction et de mise au point de contre-mesures.
L’article 11 du projet de loi prévoit des exceptions aux infractions figurant à l’article 6 qui ne s’appliquent que dans le cadre de la coopération militaire ou d’opérations militaires conjointes mettant en cause le Canada et un État non partie à la Convention comme les États-Unis (interopérabilité).
La coopération militaire en vertu de l’article 11 peut être formelle ou informelle et, bien qu’elle fasse normalement intervenir des membres des Forces canadiennes, elle pourrait également faire intervenir des civils. À titre d’exemple, la coopération peut comporter des visites par des navires ou des aéronefs militaires étrangers 88.
L’article 11 du projet de loi s’appuie sur les paragraphes 21(3) et (4) de la Convention, qui permettent des exceptions relativement à la coopération et aux opérations militaires des États non parties qui pourraient être engagés dans des activités interdites.
Le paragraphe 11(1) prévoit des exceptions à l’égard des infractions prévues à l’article 6 qui ne s’appliquent qu’à certaines personnes, notamment :
Les exceptions s’appliquent également à la majorité des fonctionnaires fédéraux, y compris la plupart des employés civils du ministère de la Défense nationale et le personnel civil de la Gendarmerie royale du Canada, de même que la plupart des employés du ministère de la Sécurité publique Canada, du MAECI, de l’Agence des services frontaliers du Canada et de l’Agence canadienne de développement international 91.
Dans le contexte des opérations militaires conjointes ou de la coopération militaire, l’exception relative à l’interopérabilité prévue au paragraphe 11(1) permet à ces personnes, selon le cas :
À titre d’exemple, le paragraphe 11(1) dégage de toute responsabilité criminelle les Canadiens occupant un poste de commandement au sein d’une force multinationale ou de forces armées d’un autre État qui autoriseraient une attaque militaire par les forces armées d’un État non partie susceptibles d’utiliser une arme à sous-munitions. Cette même disposition permet également aux membres des Forces canadiennes de demander de l’aide auprès des forces armées d’un autre État dans le cadre d’une opération militaire dans le cas où les Canadiens savent que l’autre État pourrait, pour fournir cette aide, utiliser des armes à sous-munitions ou qu’il est susceptible de le faire 92. En outre, le paragraphe 11(1) autorise les membres des Forces canadiennes à ordonner ou à demander explicitement l’utilisation d’armes à sous-munitions sous le contrôle d’un État non partie. La CASM n’interdit pas clairement de telles demandes, mais leur compatibilité avec l’objet de la Convention ou avec l’obligation de décourager l’utilisation d’armes à sous-munitions lors d’opérations conjointes a été remise en question par quelques observateurs 93.
Les paragraphes 11(2) et (3) du projet de loi créent une série d’exceptions à l’égard des interdictions prévues à l’article 6. Ces exceptions s’appliquent à toute personne ou organisation 94. Par conséquent, ces paragraphes étendent les exceptions relatives à l’interopérabilité aux fonctionnaires et aux officiers militaires des États étrangers, y compris les États non parties à la Convention, ainsi qu’aux particuliers 95.
Le paragraphe 11(2) prévoit une exception précise permettant à toute personne ou organisation de transporter une arme à sous-munitions, ou d’entreprendre des activités liées au transport d’une telle arme, qui appartient ou est sous le contrôle d’un État non partie à la Convention, dans le cadre de la coopération militaire ou d’opérations militaires conjointes 96.
Le MAECI a indiqué que dans le contexte d’opérations conjointes ou de coopération militaire, cette exception permet le déplacement par des États non parties d’armes à sous-munitions sur le territoire canadien. Elle permet également à un aéronef étranger transportant des armes à sous-munitions de survoler le Canada et d’y atterrir, et aux navires transportant des armes à sous-munitions de traverser les eaux canadiennes et de mouiller dans des ports canadiens. Étant donné que le Canada contrôle les activités menées par des États étrangers sur son territoire, et en direction de son territoire, ce transit ne peut s’effectuer légalement qu’avec le consentement du Canada. En outre, le paragraphe 11(2) autorise, par exemple, les véhicules, les aéronefs et les navires des Forces canadiennes à transporter des armes à sous-munitions appartenant à un État non partie à la Convention, ousous son contrôle, sous réserve de restrictions en matière de politiques internes 97.
Le transport d’armes à sous-munitions est aussi permis à bord de véhicules, d’aéronefs et de navires canadiens privés dans le contexte de la coopération militaire ou d’opérations militaires conjointes en vertu de ce paragraphe.
Toujours dans le contexte de l’interopérabilité, le paragraphe 11(3) crée une exception que peut invoquer toute personne ou organisation et qui n’interdit pas à cette personne ou organisation d’aider ou d’encourager une personne à utiliser, à mettre au point, à fabriquer, à acquérir, à posséder, à importer, à exporter ou à déplacer une arme à sous-munitions d’un État étranger à un autre, avec l’intention de transférer la propriété et le contrôle de cette arme. Le MAECI a donné des exemples d’activités qui pourraient être permises en vertu du paragraphe 11(3), notamment la communication de renseignements portant sur les cibles militaires, le soutien logistique (p. ex. l’avitaillement en carburant) ainsi que les activités conjointes de planification d’une mission et d’exercices militaires avec des États non parties qui utilisent ou déplacent des armes à sous-munitions 98.
Le paragraphe 11(3) autorise également des personnes qui ne sont ni des agents ni des employés d’États étrangers à participer à de telles activités.
Les exceptions au titre de l’article 11 ne s’appliquent qu’aux infractions figurant à l’article 6. Certaines infractions prévues par le Code criminel 99 continuent de s’appliquer, y comprisles infractions liées au terrorisme, les crimes internationaux en vertu de la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, les infractions prévues par la Loi sur la défense nationale et les infractions constituant des violations graves des Conventions de Genève de 1949, punissables en vertu de la Loi sur les conventions de Genève 100.
Le projet de loi comporte une exception permettant aux policiers militaires et aux policiers civils, aux spécialistes juridico-légaux et à certains employés gouvernementaux de mener des activités liées aux armes à sous-munitions dans le cadre d’enquêtes ou de procédures juridiques, ou dans le but de détruire ou de désactiver ces dispositifs.
Les violations des interdictions prévues à l’article 6 du projet de loi sont des infractions hybrides. Cela signifie qu’elles peuvent être jugées par mise en accusation ou par procédure sommaire. La sanction maximale pour une condamnation par mise en accusation est une peine d’emprisonnement de cinq ans et une amende de 500 000 $. Par voie de procédure sommaire, le contrevenant est passible d’une peine maximale de 18 mois d’emprisonnement et d’une amende maximale de 5 000 $ (par. 17(1)) 101. Le projet de loi porte à deux ans le délai de prescription habituel de six mois pour les infractions punissables par voie sommaire (art. 19) 102.
Le projet de loi permet également au gouverneur en conseil de prendre des règlements, et notamment de créer des infractions réglementaires punissables par procédure sommaire (par. 17(2) et art. 23).
Le projet de loi ne comporte pas de disposition relative à une infraction continue, qui rendrait une personne condamnée pour une infraction en vertu du projet de loi passible d’une infraction distincte pour chaque jour où l’infraction est commise ou continue d’être commise 103.
Les poursuites intentées en vertu du projet de loi devant des tribunaux civils doivent être autorisées personnellement et par écrit par le procureur général du Canada 104. Le consentement du procureur général n’est pas exigé pour les poursuites militaires intentées en vertu du code de discipline militaire sous le régime de la Loi sur la défense nationale.
Le projet de loi permet aux juges militaires et civils d’ordonner la confiscation d’armes à sous-munitions (art. 20). Si un accusé est reconnu coupable d’une infraction punissable par voie de procédure sommaire ou par mise en accusation en vertu du projet de loi, ou d’une infraction en vertu d’un règlement pris en vertu du projet de loi, un juge militaire ou un juge civil peut aussi ordonner la confiscation de tout bien meuble au moyen duquel ou à l’égard duquel l’infraction a été commise (art. 21) 105.
Les membres des Forces canadiennes et les agents de la paix (p. ex. les policiers) qui ont en leur possession des armes à sous-munitions doivent garder ces armes en lieu sûr (art. 13). D’autres dispositions du projet de loi autorisent la délégation d’attributions du ministre (art. 15) et exigent que toute modification à la CASM soit intégrée dans le projet de loi (art. 16). Le projet de loi ne contient pas de dispositions de coordination ni de modifications corrélatives.
Les dispositions du projet de loi entrent en vigueur à la date ou aux dates fixées par décret (art. 24).
À ce jour, les commentaires nationaux et internationaux sur le projet de loi S-10 proviennent en grande partie d’organismes de pression non gouvernementaux et de quelques personnes ayant soulevé des préoccupations. Les critiques du projet de loi portent principalement sur la vaste portée des exemptions relatives à l’interopérabilité prévues à l’article 11 106. L’ancien négociateur en chef du Canada pour la CASM, Earl Turcotte, a affirmé que même si la capacité des Forces canadiennes de coopérer lors d’opérations internationales est « absolument essentielle », les exceptions « générales » prévues à l’article 11 sont beaucoup trop vastes 107. D’autres observateurs ont indiqué que le projet de loi devrait interdire de façon explicite aux pays étrangers d’effectuer le transport ou de constituer des stocks d‘armes à sous-munitions sur le territoire canadien, et imposer des restrictions explicites sur l’investissement dans la production de ces armes. Les observateurs ont également affirmé que le projet de loi devrait contenir des dispositions en vertu desquelles le Canada serait tenu de faire la promotion de la CASM dans le cadre de ses relations internationales et d’indiquer à ses alliés militaires quelles sont les obligations du Canada lors d’opérations conjointes en vertu de la CASM. Selon les mêmes observateurs, le projet de loi devrait également inclure des dispositions exigeant de façon évidente que le Canada détruise tous les stocks d’armes à sous-munitions 108.
En réaction à ces critiques, le gouvernement du Canada a réitéré sa position selon laquelle :
le projet de loi répond pleinement aux obligations humanitaires du Canada en vertu de la Convention et veille à ce que rien n’empêche les Forces canadiennes de travailler avec nos alliés et de faire ce qu’on leur demande 109.
Lorsqu’elle s’est adressée au Sénat au moment du dépôt du projet de loi, la sénatrice Suzanne Fortin-Duplessis a souligné que l’article 21 de la CASM autorisait le Canada :
de continuer de participer efficacement à des opérations militaires conjointes avec des pays alliés non parties – opérations considérées comme essentielles à la sécurité internationale 110.
Selon elle, le projet de loi permet au Canada :
de concrétiser [son] objectif, à savoir débarrasser le monde des armes à sous-munitions, tout en veillant à ce que les Forces canadiennes puissent continuer de participer à des opérations multinationales avec des alliés importants du Canada qui ne sont pas parties à la Convention, comme les États-Unis 111.
Dans son allocution, la sénatrice a souligné que le Canada s’était engagé à promouvoir la ratification universelle de la Convention et a fait remarquer que le Canada était le « cinquième donateur international » dans le cadre des efforts de financement visant à éliminer les restes explosifs de guerre.
* Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur. Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur. [ Retour au texte ]
Le terme « munition classique », tel qu’il est défini à l’art. 2 du projet de loi, exclut ces types d’armes. Les armes chimiques et biologiques sont interdites en vertu des textes suivants :
La prolifération, le placement et la mise à l’essai des armes nucléaires font l’objet de restrictions principalement en vertu des textes suivants :
Le compte rendu analytique de la neuvième séance de la Commission plénière, Dublin, 23 mai 2008, séance de l’après-midi, UN Doc. CCM/CW/SR/9, p. 3, art. 32 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, porte que le travail préparatoire au traité peut servir d’outil supplémentaire pour interpréter les termes qui y figurent. L’article 2(15) du Protocole sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi des mines, pièges et autres dispositifs, tel qu’il a été modifié le 3 mai 1996 (Protocole II) de la CASM énonce ce qui suit :
Aux fins du présent protocole, on entend par « transfert », outre le retrait matériel des mines du territoire d’un État ou leur introduction matérielle dans celui d’un autre État, le transfert du droit de propriété et du contrôle sur ces mines, mais non la cession d’un territoire sur lequel des mines ont été mises en place. [ Retour au texte ]L’art. 2 du Code criminel donne la définition suivante :
« organisation » Selon le cas :
a) corps constitué, personne morale, société, compagnie, société de personnes, entreprise, syndicat professionnel ou municipalité;
(b) association de personnes qui, à la fois :
(i) est formée en vue d’atteindre un but commun,
(ii) est dotée d’une structure organisationnelle,
(iii) se présente au public comme une association de personnes. [ Retour au texte ]© Bibliothèque du Parlement